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26/11/2018 | FRANCE | N°17/07475

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 26 novembre 2018, 17/07475


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2018



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07475 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3CQD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/16611





APPELANT-ES



Monsieur [H] [D] [S] [P]

Dem

eurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



Madame [O] [Y] [Z] [P]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté-es par Me Claire-sophie TOUATI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1086





INTIMEE...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07475 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3CQD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/16611

APPELANT-ES

Monsieur [H] [D] [S] [P]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [O] [Y] [Z] [P]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté-es par Me Claire-sophie TOUATI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1086

INTIMEES

SA BANQUE PRIVEE EUROPEENNE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 384 282 968

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Katia SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0296

SAS OPTIMEA CREDIT venant aux droits de la SAS VALORITY CREDIT

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 483 471 157

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Représentée par Me Bertrand BALAS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [H] [P] et Mme [O] [L] épouse [P], étaient associés et gérants d'une societé PCB Finance ayant pour objet l'intermédiation financière et la renégociation de crédit.

M. et Mme [P] ont signé le 28 mai 2007, dans le cadre d'une opération de défiscalisation relevant du dispositif dit 'Loi Malraux', un compromis de vente portant sur deux lots de coproprieté constitués d'un appartement dupleix et d'un garage dépendant d'un immeuble, situé [Adresse 4], au prix de 72 745 euros avec la société d'économie mixte d'aménagement du Bas Limousin.

Ils ont adhéré, par acte du même jour, à l'association foncière urbaine libre (AFUL) Rues Barriere et Sainte Claireet on confié un mandat de gestion du bien à la société Optimea.

Le 15 juin 2007, ils ont donné mandat à la société Valority Crédit de rechercher un crédit immobilier, d'un montant de 466 705 euros, compte tenu du coût des travaux à réaliser.

Selon offres du 20 juillet 2007, portant pour date d'acceptation le 10 septembre 2007, la société Banque privée européenne (BPE) a consenti à M.et Mme [P] deux prêts immobiliers :

- un prêt immobilier d'un montant de 78 891 euros, d'une durée de 20 ans et remboursable à un taux révisable initialement fixé à 4,55 % par an, destine à financer l'acquisition du bien,

- un prêt immobilier d'un montant de 410 960 euros, d'une durée de 20 ans et remboursable, à l'issue d'une période de franchise de 18 mois, au même taux, destiné à financer des travaux et garanti par une promesse d'affectation hypothécaire sur les lots de copropriétés en cause.

Le 3 octobre 2007, un compromis de vente de droits sociaux a été régularisé. A la suite de l'acquisition de l'immeuble par la société civile d'attribution 'Tulle Barrière Sainte Claire', M. et Mme [P] ont acquis des parts de cette société, donnant droit à la jouissance actuelle et vocation ultérieure en toute propriété des mêmes lots, le prix de vente étant par ailleurs inchangé.

Selon offre acceptée le 5 novembre 2007, la société Banque Privée Européenne a consenti à M. et Mme [P] un nouveau prêt immobilier d'un montant de 78 891 euros, d'une durée de 20 ans et remboursable à un taux révisable initialement fixé à 5,54 % par an, destiné au financement de cette acquisition de parts sociales, ce prêt se substituant au prêt initialement conclu. Ce prêt était garanti par un nantissement des parts sociales acquises se substituant au privilège de prêteur de deniers prévu par le premier contrat de prêt.

La cession de parts a été régularisée selon acte authentique du 28 décembre 2007 et les deux contrats de prêt ont été réitérés aux termes de cet acte authentique, le prêt 'travaux' étant garanti par une promesse d'affectation hypothécaire sur le bien financé 'lors de l'annulation des parts sociales [...] et attribution de lots de copropriété correspondant'.

En 2009, M. et Mme [P] découvrant que le chantier avait pris un retard considérable, saisissaient, le l2 novembre 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris d'une demande de report des échéances du prêt dues à compter du ler juillet 2009.

Ils faisaient valoir, d'une part, qu'ils avaient appris que le chantier, prévu pour durer 18 mois, avait commencé avec plus d'un an de retard et que s'ajoutait un retard de deux ans, empêchant toute location, que la banque avait dans un premier temps accepté une prorogation d'une année de la franchise du prêt 'travaux', avant de revenir sur son engagement et d'exiger le paiement des mensualités de ce prêt, et d'autre part, que la société PCB Finances avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 24 mars 2009, de sorte que leur situation financière était devenue difficile.

Par ordonnance du 15 février 2010, le juge des référés a dit n'y avoir lieu a référé.

La banque, se prévalant de mensualités demeurées impayées, a prononcé la déchéance du 'prêt travaux' le 24 novembre 2009. Le 22 novembre 2010, elle a prononcé la déchéance du terme du prêt 'acquisition'.

Elle a fait inscrire le 26 août 2010, une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens immobiliers situés à [Adresse 1] appartenant à M et Mme [P], en garantie du paiement de la somme de 442 512,50 euros.

Par acte d'huissier du 23 novembre 2012, M et Mme [P] ont fait assigner les sociétés BPE et Valority en indemnisation de leur préjudice, en résolution des deux contrats de prêt des 20 juillet et 15 octobre 2007 et en mainlevée du nantissement des parts de la société Tulle Barrière Sainte Claire et de l'hypothéque inscrite sur le bien situé à [Adresse 1].

Par un jugement du 20 janvier 2007, le tribunal de grande instance de Paris a :

- Rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la société Banque privée européenne

- Débouté M. [H] [P] et Mme [O] [L] épouse [P] de l'ensemble de leurs demandes ;

- Condamné M. [H] [P] et Mme [O] [L] épouse [P] solidairement à payer à la société BPE les sommes de :

- 432 067,79 euros avec intérêt, sur la somme de 403 546,35 euros et à compter du 24 novembre 2009, au taux contractuel, révisable tous les trois mois, égal a l'addition de la moyenne mensuelle de l'indice Euribor à 3 mois et d'une composante fixe de 0,80 % par an, dans la limite du taux de 1,66 % par an correspondent à la demande de la banque,

- 75 514,76 euros avec intérêts, sur la somme de 70 027,18 euros et a compter du 22 novembre 2010, au taux contractuel, révisable tous les trois mois, égal a l'addition de la moyenne mensuelle de l'indice Euribor à 3 rnois et d'une composante fixe de 0,80 % par an, dans la limite du taux de 1,70 % par an correspondent a la demande de la banque ;

- Débouté la société BPE du surplus de ses demandes ;

- Débouté la société Valority Credit de sa demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive ;

- Condamne M. [H] [P] et Mme [O] [L] épouse [P] in solidum aux dépens.

M et Mme [P] ont interjeté appel du jugement le 6 avril 2017.

Par conclusions signifiées le 16 janvier 2018, M et Mme [P] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [P] de leur demande de dommages et intérêts,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux [P] à payer à la BPE les sommes de :

- 432 067,79 euros avec intérêts sur la somme de 403 546,35 euros et à compter du 24 novembre 2009 au taux contractuel, révisable tous les trois mois, égal à l'addition de la

moyenne mensuelle de l'indice Euribor à 3 mois et d'une composante fixe à 0,80 % par an dans la limite du taux de 1,66 % par an correspondant à la demande de la banque,

- 75 514,76 euros avec intérêts sur la somme de 70 027,18 euros et à compter du 22 novembre 2010 au taux contractuel, révisable tous les trois mois, égal à l'addition de la moyenne mensuelle de l'indice Euribor à 3 mois et d'une composante fixe à 0,70 % par an dans la limite du taux de 1,66 % par an correspondant à la demande de la banque,

En conséquence, statuant à nouveau :

In limine litis :

- Dire et juger irrecevable la demande reconventionnelle, formée par la BPE en première instance et accueillie par le tribunal, comme étant prescrite,

En conséquence :

- Dire et juger que la BPE devra rapporter, à ses frais, les inscriptions des incidents auprès du Fichier Central des Incidents de la Banque de France qu'elle a inscrits dans le cours de la présente affaire,

- Ordonner la mainlevée des nantissements de parts sociales au profit de la BPE prise au

greffe du tribunal de commerce de Bordeaux enregistré le 08 février 2008 aux numéros 22 et 23,

- Dire et juger que la BPE devra remettre aux époux [P] les originaux des bordereaux de nantissement,

- Ordonner à ses frais la mainlevée pure et simple de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, inscrite par la BPE le 26 août 2010, publiée au 2ème bureau de la Conservation des Hypothèques d'[Localité 1] (84) sur un immeuble de la commune de [Localité 2] (84220) cadastrée section D [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4],

- Dire et juger que la BPE devra remettre les originaux de bordereaux d'inscription d'hypothèque provisoire aux époux [P],

- Dire et juger que :

- Valority Credit a démarché et conseillé les époux [P] dans le cadre d'un investissement immobilier et financier défiscalisé, loi Malraux, assorti de deux emprunts bancaires,

- la BPE a consenti deux crédits respectivement de 410 960 euros (travaux) le 20 juillet 2007 et 78 891 euros (foncier) du 15 octobre 2007, adossée à l'opération de Valority Credit, avec le concours de celle-ci.

La BPE et Valority Credit ont mis en 'uvre un crédit dans le cadre « d'un système global, concerté, destiné à maintenir les clients dans l'ignorance du processus, pour l'amener directement à la conclusion d'un investissement défiscalisé, en l'espèce l'achat d'un appartement avec le crédit correspondant, sans tenir compte des risques encourus, de la situation des bénéficiaires ou même de la valeur du bien ».

L'ensemble des fautes invoquées par les époux [P] est constitutif de fautes lourdes, correspondent à des atteintes graves à la législation du code monétaire et financier ainsi que du code de la consommation et sont imputables concurremment à Valority Credit et la BPE.

En conséquence :

- Condamner solidairement Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit et la BPE, au paiement de la somme principale de 221 240,01 euros sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et financier qu'ils ont causé aux époux [P] à l'occasion de l'opération d'investissement défiscalisé, initiée par Valority Credit à l'aide des crédits de la BPE, tenant compte de la valeur estimée de l'appartement de [Localité 3],

- Condamner solidairement Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit et la BPE au paiement de la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice moral des époux [P],

- Dire et juger que le dispositif du présent jugement à intervenir sera publié auprès d'un Institut de la Consommation aux frais solidaires Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit et de la BPE et les Condamner sous la même solidarité, au versement de la somme provisionnelle de 5 000 euros pour les frais de publication.

Subsidiairement, si par extraordinaire considérait comme étant recevable et accueillait la demande reconventionnelle formulée par la BPE en première instance,

- Condamner solidairement la BPE et Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit au paiement de la somme de 600 000 euros à titre de dommages et intérêts principaux, avec compensation sur la créance de la BPE, la somme de 600 000 euros pouvant être réajustée en plus ou en moins, en fonction de l'arrêté des créances de la BPE, le principe étant que les époux [P] ne sollicitent pas une somme supérieure au montant des encours de crédit pour cette partie de leur préjudice et sans préjudice de la somme de 200 000 euros réclamée à titre principal en réparation de leur préjudice moral,

- Dire et juger que les offres de prêts des 20 juillet et 15 octobre 2007 sont entachées d'irrégularités affectant leur validité,

En conséquence :

- Dire et juger la BPE déchue de son droit aux intérêts,

Et y ajoutant en cause d'appel,

- Condamner solidairement Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit et la BPE au paiement de la somme de 20 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit et la BPE en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Claire-Sophie Touati, avocat aux offres de droit.

Par conclusions signifiées le 16 septembre 2018, la société BPE demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté Monsieur [H] [P] et Madame [O] [L] épouse [P] de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamné Monsieur [H] [P] et Madame [O] [L] épouse [P] solidairement à payer à BPE les sommes de :

- 432 067,79 euros avec intérêts sur la somme de 403 546,35 euros et à compter du 24 novembre 2009 au taux contractuel, révisable dans les trois mois, égale à l'addition de la moyenne mensuelle de l'indice EURIBOR à trois mois et d'une composante fixe à 0,80 % par an dans la limite du taux de 1,66 % par an correspondant à la demande de la banque,

- 75 514,76 euros avec intérêts sur la somme de 70 027,18 euros et à compter du 22 novembre 2010 au taux contractuel, révisable tous les trois mois, égale à la l'addition de la moyenne mensuelle de l'indice EURIBOR à trois mois et d'une composante fixe à 0,70 % par an dans la limite du taux de 1,66 % par an correspondant à la demande de la banque,

- Condamner in solidum Monsieur [H] [P] et Madame [O] [L] épouse [P] à payer, à BPE, la somme de 10 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

- Admettre Maître Katia Sitbon, avocat, au bénéfice de dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 10 septembre 2018, la société Optimea Credit (venant aux droits de Valority Credit) demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

- Débouter M. et Mme [P] de toutes demandes dirigées à l'encontre de la société Optimea Credit

- A titre subsidiaire, dire et juger que :

- aucune faute n'est prouvée qui soit imputable à Optimea Credit et dans un lien de causalité direct et certain avec le préjudice allégué

- les demandes indemnitaires formulées par les époux [P] ne sont ni fondées ni justifiées ;

- A titre infiniment subsidiaire, si une indemnité était mise à la charge de la concluante, Condamner la BPE à relever et garantir la concluante de toute condamnation ;

Y ajoutant,

- Condamner M. et Mme [P] ou qui mieux le devra à verser à la société Optimea Credit la somme de 10 000 euros en remboursement de ses frais de défense en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. et Mme [P] aux dépens de l'instance

SUR CE,

Sur l'irrecevabilité de la demande de paiement formulée par BPE comme étant prescrite

M.et Mme [P] prétendent en cause d'appel que la demande de recouvrement des sommes empruntées est irrecevable car l'action serait prescrite sur le fondement de l'article 137-2 du code de la consommation devenu l'article 218 -2 du même code. Ils font valoir que la déchéance du prêt « travaux » a été prononcée le 24 novembre 2009 et celle du prêt « acquisition » le 22 novembre 2010 ; que la société BPE n'a formulé cette demande que le 24 mai 2013 par conclusions reconventionnelle, en réponse à l'assignation de M. et Mme [P] signifiée le 23 novembre 2012.

La BPE ne répond pas précisément sur ce moyen. Elle fait valoir qu'en 2007, les époux [P] étaient des professionnels avertis, que les acquisitions de biens s'inscrivaient dans le cadre de dispositifs fiscaux spécifiques.

Ceci exposé,

L'article L.137-2 du code de la consommation issu de la loi du 17 juin 2008 repris à l'article L.218-2 du code de la consommation dispose que :

« L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

En l'espèce, M et Mme [P], co gérants d'une société de courtage de prêts, ont soucrit deux prêts immobiliers, respectivement de 410 960 euros pour les travaux le 20 juillet 2007 et de 78 891 euros pour le foncier le 15 octobre 2007, aux fins d'acquérir des lots de copropriété destinés à la location, via une société civile immobilière, dans le cadre d'une opération de défiscalisation.

Les deux contrats de prêt immobiliers, régis par le droit de la consommation, ont été réitérés aux termes d'un acte authentique, le 28 décembre 2007 pour l'acquisition de parts de la SCA Tulles Barrière. Le prêt 'travaux' étant garanti par une promesse d'affectation hypothécaire sur le bien financé lors de l'annulation des parts sociales et attribution des lots de copropriété correspondants.

Fin 2009, la banque, se prévalant des mensualités demeurées impayées, a prononcé la déchéance du 'prêt travaux' et la déchéance du terme du prêt 'acquisition'en date du 22 novembre 2010. La première mise en demeure de 2009 ayant été remplacée par celle du 22 novembre 2010.

La banque, ayant fait inscrire le 26 août 2010 une hypothèque judiciaire sur les biens appartenant aux emprunteurs, a interrompu le délai de prescription par l'engagement des mesures conservatoires.

La saisine du juge de l'exécution, par les emprunteurs, a interrompu le cours de la prescription. Leur demande de mainlevée d'inscription d'hypothèque a été rejetée par jugement du 8 avril 2011.

Devant le tribunal de grande instance, l'assignation par les époux [P] le 23 novembre 2011, a de nouveau interrompu la prescription. La BPE ayant présenté, par conclusions du 24 mai 2013, une demande reconventionnelle en paiement, il s'ensuit que la fin de non recevoir tirée de la prescription biennale n'est pas recevable.

En conséquence, les demandes de mainlevée des inscriptions d'hypothèque et de nantissement seront rejetées.

Sur les fautes de la société Valority Credit

M. et Mme [P] recherchent la responsabilité de la société Optimea credit venant aux droits de la société Valority Credit en qualité de conseil en investissement financier. Ils prétendent que Valority Credit les a démarchés et conseillés dans le cadre d'un investissement immobilier et financier défiscalisé, loi Malraux, assorti de deux emprunts bancaires. Ils font valoir que cette qualité entrait dans son objet social qui était le « Conseil en Financement et Gestion de Patrimoine toutes opérations de courtage de crédit immobilier et d'assurances ». Elle serait intervenue à tous les stades de l'opération projetée. Son rôle ne se serait pas limité à la recherche d'un crédit.

La société Optimea Credit réplique que l'activité de Valority Credit ne relève pas des dispositions des articles L 541-1 et suivants du code monétaire et financier qui définissent les opérations soumises à ces obligations ; qu' en ce qui concerne l'article L. 550-1 visé à l'article L541 du code monétaire et financier , à la date des faits les opérations portant sur les ventes d'immeubles en étaient exclues.

En outre, l'opération à laquelle les époux [P] ont participé, portait sur l'acquisition de parts sociales d'une SCI. Ces parts ne constituent pas des titres émis par une société par actions ; elle n'a ni réceptionné, ni transmis ni exécuté d'ordres au sens des articles L 321-1 et L 211-1 du code monétaire et financier.

Ceci exposé

Les époux [P] reprennent leurs allégations relatives à une absence de respect du formalisme requis en matière de crédit immobilier, qui serait caractérisée par la signature de documents en blanc, par des documents antidatés, mais comme l'a souligné le tribunal, ils n'établissent pas la réalité de ces défaillances et n'expliquent pas les raisons pour lesquelles ils auraient concouru aux prétendues irrégularités.

Il ressort des éléments du dossier qu'en octobre 2007, M et Mme [P] ont souscrit à une opération donnant droit à l'attribution en propriété ou en jouissance des parties déterminées d'un immeuble bâti.

Ils ont donné un mandat de recherche de crédit immobiler à la société Valority Crédit. Ce mandat, produit aux débats, a été signé le 15 juin 2007 par les époux [P] et son objet est précis.

S'agissant de la question de savoir si l'activité de Valority Credit relevait des dispositions des articles L 541-1 et suivants du code monétaire et financier. En 2007, ces dispositions prévoyaient que les conseillers en investissements financiers exerçaient une activité de conseil portant notamment sur la réalisation de biens divers définis à l'article L550 -1. Or à la date des faits, les opérations portant sur les ventes d'immeubles en étaient exclues.

L'objet social visé par l'extrait Kbis versé aux débats ne peut valoir preuve de la mission de conseil en investissement financier. Les extraits de site internet, les statuts de la SCI Tulle Barrière Ste Claire, qui sont également accessibles sur le site internet, ne démontrent pas davantage que la mission confiée à la société Valorty crédit en l'espèce relevait du statut du conseil en investissement financier.

Aucun document contractuel ne vient démontrer que Valority Credit soit intervenue en amont du processus de recherche de crédit. Le démarchage allégué n'est pas démontré.

Il ressort des éléments du dossier que la société Valority Credit est intervenue en qualité d'intermédiaire en opération de banque en se voyant confier par les époux [P] une mission de recherche de crédit immobilier, selon mandat daté du 15 juin 2007.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

Il résulte des développements qui précèdent que les époux [P] ayant échoué à démontrer l'existence d'un mandat confié à la société Valority Credit en qualité de conseil en investissement financier, leur demandes au titre des fautes lourdes commises dans ce cadre, sont sans objet.

Sur les fautes en tant qu'intermédiaire en opération de banque (IOB)

M. et Mme [P] prétendent que Valority Credit aurait manqué à son devoir de conseil. Les époux n'auraient pas été avertis sur le fait que la seconde offre de crédit datée du 15 octobre 2007 était moins avantageuse que celle émise le 20 juillet 2007. Elle n'aurait rendu aucun compte de ses opérations notamment après l'obtention des offres datées du 20 juillet 2007.

La société Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit réplique que l'article R 519-28 du code monétaire et financier n'était pas en vigueur au moment des faits, que le devoir de conseil doit être apprécié à la date du mandat en 2007 . En tout état de cause, les époux [P] n'exposent pas en quoi ce fait serait à l'origine d'un préjudice qu'ils chiffrent à 421 000 euros, d'autant plus qu'ils ont accepté cette offre de prêt qui leur convenait nécessairement.

Ceci exposé,

Le mandat confié à la société Valority Credit était de rechercher un crédit immobilier afin de financer les biens dont les époux [P] projetaient l'acquisition.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, il n'est pas allégué que les deux prêts souscrits aient été inadaptés aux objectifs poursuivis.

Dans sa version en vigueur du 1er janvier 2001 au 1er novembre 2009, l'article L 519-1 du code monétaire et financier, ne prévoyait pas l'obligation de présenter plusieurs offres de crédit. La société Valority n'était donc pas tenue de proposer une autre offre que celle de la BPE.

Le fait que la société Valority Credit ait obtenu dès le 22 mai 2017 un accord de principe de la BPE avant la signature des actes n'est pas davantage fautif dès lors que l'article L519-2 dans sa version en vigueur au moment des faits disposait que :

« L'activité d'intermédiaire en opérations de banque ne peut s'exercer qu'entre deux personnes dont l'une au moins est un établissement de crédit. L'intermédiaire en opérations de banque agit en vertu d'un mandat délivré par cet établissement. Ce mandat mentionne la nature et les conditions des opérations que l'intermédiaire est habilité à accomplir » , ce qui a été appliqué en l'espèce.

Enfin, le montant des emprunts correspondait au montant que les emprunteurs avaient fixé.

Sur les manquements au devoir d'information et de mise en garde

M. et Mme [P] prétendent que la société Valority Credit a violé son devoir de mise en garde en ne les avertissant pas sur les risques d'endettement de l'opération en revendiquant la qualité d'emprunteurs profanes. Ils soutiennent que les compétences acquises dans le cadre d'une activité de réaménagement de crédits à la consommation ne sont pas celles requises en matière d'investissement immobilier ou encore en matière d'opération financière défiscalisée.

La société Optimea Credit réplique que M. et Mme [P], gérants d'une société spécialisée dans le crédit et plus précisément dans le courtage de crédits et le refinancement, étaient des emprunteurs avertis ; que leurs griefs ne portent pas sur le crédit obtenu, mais sur l'opération immobilière qui s'avère moins rentable que prévue.

Ceci exposé,

La cour adopte les motifs du tribunal en ce qu'il a rappelé que l'intervention de la société Valority Credit se limitant à l'octroi du financement du bien immobiler, n'était pas tenue de s'assurer de la rentabilité du projet ; puis, après avoir examiné les compétences des emprunteurs en leur qualité de gérants d'une société spécialisée dans le crédit et plus précisément dans le courtage de crédits, a retenu leur qualité d'emprunteurs avertis et en a déduit que la société Valority Credit n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde.

Sur les fautes de la banque BPE

M. et Mme [P] reprochent la violation du devoir de mise en garde préalable à l'émission de prêt.

Ils prétendent que la banque BPE ne les a pas avertis sur les risques d'endettement et l'aléa économique de l'opération alors qu'ils étaient des emprunteur profanes ; que le fait que les mensualités du prêt soient remboursées par des loyers, aurait dû conduire la banque à les mettre en garde quant au risque extrêmement élevé de l'opération.

Ceci exposé,

Il est de règle que face à des emprunteurs avertis, la banque n'est pas tenue au devoir de mise en garde.

En l'espèce, les époux [P] en leur qualité de gérants d'une société spécialisée dans le courtage de crédits et le refinancement, régulièrement en relation avec des établissements de crédit, afin de monter des dossiers de financement pour leurs clients, n'étaient pas des emprunteurs profanes.

Au surplus, il résulte des documents transmis par les époux [P] que la banque a pu vérifier la solvabilité des emprunteurs, leur reste à vivre mensuel étant de 22 923 euros. Ils déclaraient posséder une résidence principale évaluée à 600 000 euros, ainsi qu'une résidence secondaire évaluée à 800 000 euros. Ainsi, à supposer qu'ils aient été des emprunteurs profanes, ils avaient la capacité financière de rembourser les prêts souscrits et dans ce contexte, la banque était dispensée de son devoir de mise en garde.

S'agissant des manquements aux dispositions encadrant les offres de crédit, M. et Mme [P] font valoir que les offres de crédit sont entachées d'irrégularités affectant leur validité. Ils prétendent que la BPE a consenti deux crédits sans justificatif, ni vérification, hormis le mandat d'intermédiaire en opération de banque. Ils critiquent le compromis de vente du 28 mai 2007 conclu entre les époux [P] et la Sema Bas Limousin qui n'était pas signé, et qui ne pouvait servir de justificatif à l'octroi d'un crédit ; ils soutiennent qu' aucun délai de rétractation n'était prévu.

Ainsi que l'a retenu le tribunal dont la cour adopte les motifs, il résulte des mentions de l'acte authentique du 28 décembre 2007 que les offres de crédit ont été reçues par les emprunteurs et retournées par ces derniers par voie postale conformément aux dispositions du code de la consommation. Les époux [P] sont dès lors mal fondés à dénier toute force probante à ces mentions.

En conséquence, la cour confirme la décision du tribunal en toutes ses dipositions.

Sur les autres demandes

M. et Mme [P], partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenus de supporter la charge des dépens d'appel.

Il paraît équitable d'allouer à la BPE et à Optimea Credit venant aux droits de Valority Credit la somme de 5 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Monsieur [H] [P] et Madame [O] [L] épouse [P] de de leurs demandes,

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [P] et Madame [O] [L] épouse [P] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Katia Sitbon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [P] et Madame [O] [L] épouse [P] à payer à la société BPE et à la société Optimea Credit, la somme de 5 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/07475
Date de la décision : 26/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°17/07475 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-26;17.07475 ?
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