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22/11/2018 | FRANCE | N°17/21780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 22 novembre 2018, 17/21780


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2018



(N° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21780 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RB6



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2017 du Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/58967







APPELANTE



SA LA POSTE

[Adresse 1]
>[Adresse 1]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075, avocat postulant, et Me Marc BELLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014, ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2018

(N° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21780 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RB6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2017 du Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/58967

APPELANTE

SA LA POSTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075, avocat postulant, et Me Marc BELLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014, avocat plaidant

INTIMÉE

SYNDICAT POUR LA DÉFENSE DES POSTIERS (SDP)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sébastien FLEURY, avocat au barreau de PARIS, toque : R207

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique CHAULET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Mariella LUXARDO, Présidente de chambre

Mme Monique CHAULET, Conseillère

M. Christophe ESTÈVE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mariella LUXARDO, Présidente de chambre et par Martine JOANTAUZY, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

********

Vu l'ordonnance rendue le 3 novembre 2017 par le juge des référés de Paris qui a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société La Poste au profit des juridictions de l'ordre administratif,

- dit que l'accord collectif du 4 décembre 1998 relatif à l'organisation de la vie syndicale au sein de la SA La Poste doit être maintenu jusqu'à son abrogation éventuelle par dénonciation conventionnelle en bonne et due forme ou à l'issue la cas échéant d'une procédure contentieuse au fond,

- fait interdiction à la société La Poste de faire application de l'accord-cadre du 27 janvier 2006 annulé dans sa totalité par arrêt n°299205 du 15 mai 2009 du Conseil d'Etat,

- rejeté le surplus des demandes des parties,

- dit que chacune des parties conservera à sa charge ses frais et dépens ;

Vu l'appel interjeté contre cette décision par la société La Poste le 11 novembre 2017 et le 27 novembre 2017 par le Syndicat pour la Défense des Postiers ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 septembre 2018 par lesquelles la société La Poste demande à la cour de :

Infirmer l'ordonnance du 3 novembre 2017 en ce qu'elle a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par La Poste au profit des juridictions de l'ordre administratif,

- dit que l'accord collectif du 4 décembre 1998 relatif à l'exercice du droit syndical au sein de la SA La Poste doit être maintenu jusqu'à son abrogation éventuelle par dénonciation conventionnelle en bonne et due forme ou à l'issue la cas échéant d'une procédure contentieuse au fond,

Confirmer l'ordonnance du 3 novembre 2017 en ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes du SDP,

En conséquence,

A titre principal,

Déclarer incompétente la juridiction judiciaire pour connaître du présent litige,

A titre subsidiaire,

Renvoyer au tribunal des conflits le soin de se prononcer sur la compétence à connaître du présent litige,

A titre subsidiaire,

Débouter le SDP de l'ensemble de ses demandes,

Le condamner à verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 septembre 2018 par lesquelles le Syndicat pour la Défense des Postiers demande à la cour de :

Rejeter l'exception d'incompétence soulevée par La Poste,

Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a conclu à la compétence du juge judiciaire,

Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté que l'abrogation immédiate par La Poste le 5 avril 2017 de l'accord collectif du 4 décembre 1998 constitue un trouble manifestement illicite,

Confirmer l'interdiction faite à La Poste de se prévaloir et d'appliquer l'accord du 27 janvier 2006 annulé par le Conseil d'Etat,

Réformer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté le Syndicat pour la Défense des Postiers de sa demande d'aide à l'acheminement, à une provision pour dommages-intérêts et sur ses frais de justice,

Statuant à nouveau,

Constater que la méthode de calcul de l'aide à l'acheminement des correspondances constitue un trouble manifestement illicite au regard de l'accord du 4 décembre 1998,

Condamner La Poste à remettre à titre de provision 253.219 enveloppes pour l'année 2018 sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passés 8 jours après la signification de l'arrêt à intervenir et pour une durée de 6 mois,

Subsidiairement,

Condamner La Poste à justifier des quantités d'enveloppes allouées sur les cinq dernières années aux syndicats sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passés 8 jours après la signification de l'arrêt à intervenir et pour une durée de 6 mois,

En tous cas,

Condamner La Poste à payer au syndicat SDP les sommes de :

- 15.000 euros au titre de son préjudice moral

- 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance

- 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel et aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 septembre 2018 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la compétence du juge judiciaire

La société La Poste soutient que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative au motif que les textes qui régissent l'exercice du droit syndical, à savoir la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et l'accord-cadre du 4 décembre 1998 dont le syndicat demande l'application, sont antérieurs à la loi de privatisation de la société de 2010.

Le Syndicat pour la Défense des Postiers s'oppose au moyen en faisant valoir que la juridiction administrative reste compétente uniquement pour les questions relatives aux droits et obligations des fonctionnaires et aux litiges relevant de l'organisation du service public, alors que ses demandes sont étrangères à ces questions.

Il ressort en effet des éléments du litige que les parties sont en désaccord sur l'application de l'accord-cadre du 4 décembre 1998 portant Instruction du 26 janvier 1999 relative à l'exercice du droit syndical au sein de La Poste, au titre duquel le Syndicat pour la Défense réclame le bénéfice d'une aide à l'acheminement de ses correspondances, en application de l'annexe A qui définit les droits reconnus aux organisations syndicales.

Afin de mettre un terme au litige qui avait donné lieu à une précédente ordonnance du 27 février 2017 du juge des référés de Paris, La Poste a diffusé le 5 avril 2017 une note de service valant décision unilatérale pour abroger l'accord du 4 décembre 1998 et l'Instruction du 26 janvier 1999 relatifs à l'exercice du droit syndical au sein de l'entreprise, avec effet immédiat.

Cette décision a motivé de la part du SDP une nouvelle saisine de la juridiction de référé du tribunal de grande instance de Paris, dont la compétence est déniée par la société La Poste.

Il sera rappelé que depuis le 1er mars 2010, l'entreprise a changé de statut et est devenue une société anonyme, ce qui signifie qu'elle est désormais soumise à l'application des règles de droit privé sauf en ce qui concerne les questions relatives aux droits et obligations des fonctionnaires et celles relatives à l'organisation du service public, questions qui relèvent seules de la compétence de la juridiction administrative.

La demande du SDP porte d'une part sur les conditions d'application de l'accord du 4 décembre 1998 définissant les droits des organisations syndicales et d'autre part sur la décision unilatérale du 5 avril 2017 de la société d'abroger l'accord du 4 décembre 1998 avec effet immédiat.

Dès lors que La Poste dispose de la forme juridique de la société anonyme, les litiges portant sur les conditions d'exercice du droit collectif relèvent des dispositions du code du travail sauf à appliquer les règles propres à l'entreprise issues de la période précédant son changement de statut.

Par suite, l'accord du 4 décembre 1998 reste applicable depuis le 1er mars 2010 pour définir les règles spécifiques plus favorables que celles organisées par le code du travail.

Les dispositions du code du travail sont devenues applicables pour régler les questions non fixées par cet accord d'entreprise, et en particulier pour organiser les conditions de la dénonciation de l'accord, les litiges susceptibles de s'élever à cette occasion relevant par suite des juridictions de l'ordre judiciaire.

La Poste ne précise pas en quoi le litige qui porte sur les droits réclamés par le SDP serait relatif aux droits et obligations des fonctionnaires ou à l'organisation du service public, alors au contraire que l'exercice des droits collectifs des salariés est défini par l'accord du 4 décembre 1998, complété depuis le 1er mars 2010 par les dispositions du code du travail.

Le premier juge a par suite exactement considéré qu'il était compétent pour examiner les demandes du syndicat.

L'ordonnance du 3 novembre 2017 sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Poste.

En l'absence d'une difficulté sérieuse, il convient de rejeter la demande de transmission de la question au Tribunal des Conflits.

Sur le bien-fondé des demandes présentées par le Syndicat pour la Défense des Postiers

A l'appui de son appel, la société La Poste fait valoir en premier lieu que le SDP a modifié ses demandes qui visaient uniquement l'accord du 4 décembre 1998 alors que dans ses dernières écritures, le syndicat conteste l'application de l'accord du 27 janvier 2006 ; que l'accord du 4 décembre 1998 étant un acte administratif, le juge des référés ne peut pas se prononcer sur les conditions d'application de cet acte dont l'abrogation relève de la compétence discrétionnaire de son auteur ; que le juge des référés n'est pas compétent en l'absence de trouble manifestement illicite, le litige devant être soumis à la juridiction de fond. S'agissant subsidiairement de la méthode de calcul retenue par La Poste pour définir les droits du SDP, La Poste demande la confirmation de l'ordonnance au motif que les droits des organisations syndicales doivent être définis selon leurs résultats électoraux et leur représentativité.

Le Syndicat pour la Défense des Postiers expose en réplique que le trouble manifestement illicite résulte de l'abrogation brutale et illégale de l'accord du 4 décembre 1998 ; que La Poste devait respecter les règles fixées pour la déonociaton d'un accord collectif ; que la méthode de calcul de La Poste pour définir ses droits d'acheminement repose sur des critères discriminatoires, fondés sur la représentativité qui n'est pas visée par l'accord ; que le syndicat doit recevoir le même nombre d'enveloppes que les autres syndicats de l'entreprise.

En droit, il sera rappelé qu'en application de l'article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de l'article 809, alinéa 1er, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, l'atteinte aux droits syndicaux qui résulte du refus de l'employeur de mettre en oeuvre les textes régissant le droit collectif de l'entreprise, constitue un trouble manifestement illicite qui justifie la compétence du juge des référés.

A titre liminaire, il sera constaté que les demandes du SDP, présentées devant la cour, ne portent pas sur l'application de l'accord du 27 janvier 2006 mais sur la dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998, de sorte que ces demandes n'ont pas été modifiées et sont recevables.

Les explications développées par La Poste pour justifier l'abrogation immédiate de l'accord du 4 décembre 1998, sont identiques à celles développées pour justifier la compétence de la juridiction administrative, invoquant l'exsitence d'un acte administratif.

La dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998 est soumise aux dispositions du code du travail des articles L.2261-9 et suivants qui organisent une procédure spécifique, et notamment la mise en oeuvre d'une nouvelle négociation pour remplacer l'accord dénoncé.

Le non-respect de cette procédure étant reconnu par La Poste, le trouble manifestement illicite résultant de la dénonciation irrégulière est établi et l'ordonnance du premier juge doit être confirmée en ce qu'il a considéré que l'accord du 4 décembre 1998 restait applicable.

S'agissant de la demande du SDP visant à obtenir les mêmes droits d'acheminement que les autres organisations syndicales, le premier juge a exactement relevé que le syndicat réclamait l'attribution de 260.000 enveloppes sur le fondement de l'accord-cadre alors que ce texte était imprécis pour déterminer les conditions d'attribution de ce droit, l'article A.4 de l'annexe A énonçant suelement que "cette aide est allouée sous forme d'un droit de tirage dans le cadre du dispositif actuel relatif aux enveloppes spécifiques. Ultérieuement une autre dispositif pourra être négocié avec les organisations syndicales pour être généralisé à l'issue d'une période provbtoire."

Ces dispositions, qui méritent une intérprétation grâce à des documents d'information complémentaires, ne permettent pas de définir en référé le nombre d'enveloppes devant être attribué au SDP qui est un syndicat non représentatif, de création récente, alors que ce syndicat produit uniquement une lettre du 1er décembre 20008 de La Poste adressée à la Fédération Cftc des postes et télécommunications, qui fait état d'un droit de tirage de 780.000 enveloppes de correspondance, pièce insuffisamment détaillée qui ne permet pas de comprendre l'étendue de ce droit quant aux années et aux secteurs d'activité et/ou géographique concernés.

Par suite le premier juge a justement décidé que la demande du syndicat concernant l'attribution de 260.000 enveloppes, comme les demandes accessoires de dommages-intérêts, devaient être rejetées.

Au vu de ces éléments, l'ordonnance du 3 novembre 2017 sera confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au vu de la solution du litige, chacune des parties ayant relevé appel de la décision, les demandes respectives présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées, chacune devant supporter la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette la demande de transmission de la question de la compétence de la juridiction au Tribunal des Conflits,

Confirme l'ordonnance du 3 novembre 2017,

Y ajoutant,

Rejette l'ensemble des demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

Laisse à la charge de chacune des parties ses propres dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/21780
Date de la décision : 22/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°17/21780 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-22;17.21780 ?
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