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22/11/2018 | FRANCE | N°17/14718

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 22 novembre 2018, 17/14718


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2018



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° 495 , 6 pages)



Numéros d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14718 et 17/21321 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B32CB



Décision déférée à la Cour : Décisions des 02 Mai et 03 Octobre 2017 -Conseil de discipline des avocats de PARIS



DEMANDERESSE AU RECOURS

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Madame [B] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Comparante



Assistée de Me Mathilde JOUANNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0954





DÉFENDEUR AU RECOURS



LE BATONNIER DE L'ORD...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2018

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° 495 , 6 pages)

Numéros d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14718 et 17/21321 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B32CB

Décision déférée à la Cour : Décisions des 02 Mai et 03 Octobre 2017 -Conseil de discipline des avocats de PARIS

DEMANDERESSE AU RECOURS

Madame [B] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparante

Assistée de Me Mathilde JOUANNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0954

DÉFENDEUR AU RECOURS

LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté et plaidant par Me Jean-François PERICAUD de la SCP PERICAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0219

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

- M. Christian HOURS, Président de chambre

- Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

- M. Anne DE LACAUSSADE, Conseillère

- Mme Agnès LALARDRIE, Conseillère

- Monsieur Gilles GUIGUESSON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Michel SAVINAS, Substitut Général, qui a fait connaître son avis et qui n'a pas déposé de conclusions antérieurement à l'audience.

Par ordonnance en date du 09 Mai 2018, le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a été invité à présenter ses observations.

DÉBATS : à l'audience tenue le 27 Septembre 2018, on été entendus :

- Monsieur HOURS, en son rapport

- Madame [Q]

- Maître JOUANNEAU

- Maître PERICAUD

- Monsieur SAVINAS,

en leurs observations

Madame [Q] a eu la parole en dernier.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

* * *

Mme [B] [Q], née le [Date naissance 1] 1969, a prêté serment le 23 février 1994 et été admise au tableau de l'ordre des avocats de Paris, le 2 avril 1996.

Elle a été collaboratrice au cabinet du bâtonnier [Q] [X] du 11 décembre 2000 jusqu'au 30 mai 2010.

Elle a exercé ensuite à titre individuel et sous-loué un bureau à [Adresse 1], après avoir exercé successivement, pendant un an et demi, à chacune des adresses suivantes : [Adresse 3].

Par arrêté du 31 décembre 2012, le conseil de discipline du barreau de Paris, dans sa formation de jugement n°3, a prononcé à son encontre la sanction d'interdiction temporaire d'exercice de deux mois assortie du sursis pour des manquements à l'honneur et à la prudence. Aux termes de cette décision, elle avait annoncé à son client, victime d'un accident de circulation, une provision de 10 000 euros que la compagnie d'assurance du responsable n'avait en réalité pas eu l'intention de verser, puis avait établi un faux bordereau d'instruction Carpa de 11 000 euros, qu'elle avait remis à ce client. Elle avait déclaré avoir agi ainsi par gentillesse, ne voulant pas décevoir le client qui était dans une situation financière inconfortable.

Par jugement du 17 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a ouvert à l'égard de Mme [Q] une procédure de redressement judiciaire, laquelle a par jugement du 9 mars 2017, été convertie en liquidation judiciaire sous le régime simplifié, cette dernière décision mentionnant l'existence d'un passif de 575 000 euros.

Par acte de saisine et d'ouverture de l'instance disciplinaire du 12 septembre 2016, le bâtonnier de Paris, autorité de poursuite, a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire (regroupant six dossiers) à l'encontre de Mme [Q], pour avoir :

- méconnu les règles de sa profession et notamment celles édictées à l'article 1.3 du règlement intérieur national, notamment de loyauté, diligence, compétence, confraternité;

- méconnu les règles de sa profession et notamment celles édictées à l'article 9-2 du règlement intérieur national (défaut de transmission des dossiers au successeur).

Les faits reprochés concernaient les dossiers suivants :

- 1) dossier SCP Papillon et Lesueur : absence de paiement par Me [Q] des actes d'huissier qu'elle avait demandé à cette étude d'huissiers de délivrer dans deux dossiers [T] vs Dr [L] et [K] vs Cpam ;

- 2) dossier [S] [G] (soins dentaires à l'hôpital américain) : absence de réponse à la cliente, défauts de diligences, fausses informations à la cliente sur l'état de la procédure et les sommes allouées ; absence de réponse à l'avocat qui lui a succédé, absence de transmission du dossier ;

- 3) dossier [V] [I] (responsabilité médicale contre le docteur [Y] à la suite de séances de radiothérapie considérées par le client comme inappropriées) : absence de diligence, fausses informations à la cliente ; absence de restitution du dossier à celle-ci ;

- 4) dossier [Z] : absence de procédure diligentée à l'encontre de l'hôpital de [Localité 1] suite au décès d'un enfant à naître ; absence de diligences ; fausses informations aux clients sur les démarches effectuées (négociation avec le parquet, plainte avec constitution de partie civile, audience de consignation) ;

- 5) dossier [I] [B] : diminution du montant de l'indemnisation sollicitée sans avoir obtenu l'accord préalable du client ; absence d'information du client sur l'évolution de la procédure ; absence de confraternité vis à vis du confrère lui ayant succédé ;

- 6) dossier du Dr [V] confié par Me [W] [O] : défaut de diligence dans cette affaire de changement de secteur de tarification pour un praticien ; réponse tardive à un confrère lui ayant confié le dossier.

Par arrêté du 2 mai 2017, le conseil de discipline des avocats de Paris, formation de jugement n°1, a notamment :

- dit que Mme [B] [Q] s'est rendue coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment aux principes de prudence, de probité, de loyauté, de diligence, de compétence et de confraternité et a, en conséquence, violé les dispositions des articles 1.3 et 9.2 du règlement intérieur national ;

- prononcé à l'encontre de Mme [Q] la sanction de la radiation ;

- condamné Mme [Q] aux dépens.

Par lettre recommandée du 1er juin 2017 avec demande d'accusé de réception reçue le 6 juin au greffe de la cour d'appel, Mme [B] [Q] a interjeté appel de cette décision (RG 17-14718).

Par acte de saisine et d'ouverture de l'instance disciplinaire du 24 octobre 2016, le bâtonnier de Paris, autorité de poursuite, a décidé d'ouvrir une nouvelle procédure disciplinaire à l'encontre de Mme [Q] pour :

- n'avoir pas mis en oeuvre les diligences requises dans l'intérêt de la défense de ses clientes, Mme [Y] [D] et Mme [R] [R], ne pas les avoir informées de ses changements d'adresse et ne pas avoir pas exécuté les mandats à elle donnés par ses clientes (il s'agissait de dossiers transmis par la compagnie l'Equité : le dossier [R] était relatif à un accident survenu dans la cave d'une copropriété ; le dossier [D] n'a pas été traité et n'a pas été transmis au nouvel avocat lui ayant succédé) ;

- ne pas s'être présentée devant la commission de déontologie de l'ordre ;

- s'être abstenue de faire une déclaration de sinistre au bureau des assurances alors que sa responsabilité civile professionnelle était recherchée ;

- ne pas avoir transmis le dossier d'un de ses clients à son successeur (article 9.2 du RIN);

- ne pas avoir répondu aux sollicitations de l'ordre,

ce en violation des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971, de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 et de l'article 1.3 du règlement intérieur national concernant les principes essentiels d'honneur, probité, délicatesse, dignité, conscience, humanité et confraternité.

Par arrêté du 3 octobre 2017, le conseil de discipline des avocats de Paris, formation de jugement n°1, a notamment :

- dit que Mme [B] [Q] s'est rendue coupable de manquements aux principes essentiels de la profession et en particulier l'honneur, la probité, la conscience et la confraternité et a, en conséquence, violé les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971, de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 et de l'article 1.3 du règlement intérieur national ;

- prononcé à l'encontre de Mme [Q] la sanction de la radiation ;

- ordonné la publicité de la décision et sa publication dans le bulletin du barreau.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2017, Mme [Q] a interjeté appel de cette décision (RG 17-21321).

Par acte de saisine et d'ouverture de l'instance disciplinaire en date du 15 mars 2017, le bâtonnier de Paris, autorité de poursuite, a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme [Q] pour manquement aux dispositions des articles 1-3 et 9-2 du Règlement intérieur national pour ne pas avoir transmis le dossier d'une société M'Fruit à Me [S], son successeur, en dépit de la demande qui lui en avait été faite et ne pas s'être présentée devant la commission de déontologie de l'ordre le 27 février 2017.

Par arrêté du 12 décembre 2017, le conseil de discipline du barreau de Paris dans sa formation de jugement n°2 a considéré que Mme [Q] s'était rendue coupable des faits reprochés et a prononcé à son encontre la sanction d'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de deux mois et à titre de sanction accessoire la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre et du Conseil national des barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou vice-bâtonnier pendant une durée de six ans.

Le 17 janvier 2018, Mme [Q] a interjeté appel de l'arrêté du 12 décembre 2017 (RG 18-02685).

Les dossiers 17-14718 et 17-21321 ont été appelés à l'audience du 24 mai 2018 et, à la demande de Mme [Q], qui indiquait n'avoir pas encore de conseil, ont été renvoyés à l'audience du 27 septembre 2018, à laquelle a été appelé en outre le dossier 18-02685.

Le conseil de Mme [Q] a mis en avant les problèmes personnels rencontrés par sa cliente pour solliciter la réformation de la sanction prononcée et une sanction plus modérée lui permettant de continuer à exercer sa profession.

Le bâtonnier de l'ordre des avocats, autorité de poursuite, a sollicité la confirmation de la sanction de radiation.

Le ministère public, qui n'a pas pris d'écritures avant l'audience, a demandé oralement la confirmation de la sanction de la radiation.

Le conseil de Mme [Q] et Mme [Q] ont eu la parole en dernier.

SUR CE,

Considérant qu'il convient d'ordonner la jonction des deux dossiers 17-14718 et 17-21321 ayant abouti à la sanction de la radiation ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin de rentrer dans le détail des griefs faits à Mme [Q], que celle-ci ne conteste pas vraiment à l'audience, même si elle souligne le caractère difficile du contentieux de la réparation du préjudice corporel dans lequel elle intervient, il convient d'observer avec elle qu'ils mettent tous en cause l'inertie dont elle a fait preuve, la mauvaise qualité, voire l'inexactitude, des informations qu'elle a prodiguées à ses clients, l'absence de transmission de leurs dossiers aux successeurs que les clients avaient choisis ;

Considérant qu'elle affirme toutefois avoir toujours rédigé les assignations requises, mais reconnaît avoir parfois fait preuve d'un optimisme excessif dans ses prévisions d'indemnisation et avoir souvent manqué de diligence, rédigeant tardivement certains documents, tout en affirmant qu'il n'en est pas résulté de difficultés essentielles pour ses clients ;

Considérant que sans minorer la gravité des manquements commis par Mme [Q], il doit être pris en considération le choc traumatique que le décès, le 21 août 2004, de son compagnon et fiancé a provoqué chez elle, alors que collaboratrice depuis 10 ans du bâtonnier [X], cabinet réputé, elle était enceinte de sept mois, ce drame ayant provoqué chez elle une dépression puis une addiction à l'alcool ;

Considérant que les attestations médicales produites au dossier certifient le syndrome anxio-dépressif grave dont elle a souffert, entraînant un manque de confiance en soi et une perte de discernement justifiant un traitement anxio-dépressif ; que cette situation a perduré pendant des années jusqu'à ce que Mme [Q] fasse l'objet d'une procédure collective, qui a débouché sur une liquidation de ses biens, laquelle a été clôturée à la fin de l'année 2017 pour insuffisance d'actif ;

Considérant que le docteur [M] [Q] atteste, le 12 juillet 2018, héberger sa fille [B] et sa petite fille, [Z], née le [Date naissance 2] 2004, à son domicile, [Adresse 4], ce depuis 2004 ;

Considérant que Mme [Q], qui affirme aller désormais bien et qui verse aux débats plusieurs attestations récentes d'avocats affirmant que, depuis début 2018, ils collaborent avec elle sur différents dossiers et qu'ils ont pu, à cette occasion, constater sa compétence, son sérieux et son implication dans leur traitement, soulignant qu'elle a su faire preuve d'une très grande réactivité et d'une diligence remarquable en particulier dans un dossier présentant une urgence signalée ; que Me [A] note la plus-value qu'elle apporte aux dossiers confiés par sa connaissance de la matière de la responsabilité médicale et sa maîtrise des procédures, notamment expertales ; que Me [P] insiste sur le fait que Mme [Q] est très assidue et attachée à son travail d'avocat, toujours présente au cabinet dès 8 heures du matin jusqu'à tard le soir, presque chaque jour de la semaine, exerçant ses fonctions dans le respect des valeurs morales énoncées dans le serment d'avocat ;

Considérant que Mme [Q] n'a jamais commis de malhonnêteté ni d'actes positifs répréhensibles ;

Considérant que si le terrible accident de la vie dont elle a été victime apparaît l'avoir pendant des années privée des qualités qui la caractérisaient, il ressort des éléments produits portant sur la période récente que cet épisode est désormais dépassé et que Mme [Q] s'est reconstruite et est à même de recommencer à exercer son métier d'avocat ;

Considérant dans ces conditions que la sanction de la radiation qui aurait pour effet de la priver définitivement de la qualité d'avocat apparaît à la cour disproportionnée, compte tenu de l'évolution de la situation de Mme [Q] ;

Considérant qu'il convient dans ces conditions de prononcer à son encontre la plus forte sanction avant la radiation, à savoir l'interdiction pour une durée de trois ans tout en l'assortissant pour la plus grande partie du sursis, 33 mois, afin de ne pas obérer son avenir professionnel, tout faux pas futur l'exposant à une révocation de ce sursis ;

Considérant dès lors que les décisions entreprises doivent être confirmées, sauf sur la sanction qui doit être remplacée par celle qui vient d'être énoncée ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Ordonne la jonction de ces affaires suivies sous les numéros 17-14718 et 17-21321, l'affaire étant suivie sous le seul premier numéro ;

Confirme les arrêtés des 2 mai et 3 octobre 2017 du conseil de discipline de l'ordre des avocats de Paris, sauf sur la sanction ;

Statuant à nouveau, prononce à l'encontre de Mme [B] [Q] la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de trois ans, qui sera assortie du sursis à hauteur de 33 mois et dit n'y avoir lieu à publicité de cette sanction ;

Condamne Mme [Q] aux dépens de cette instance.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/14718
Date de la décision : 22/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/14718 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-22;17.14718 ?
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