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21/11/2018 | FRANCE | N°16/14423

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 21 novembre 2018, 16/14423


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 21 Novembre 2018

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14423 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2APX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/04682





APPELANT

Monsieur Mohamed X...

[...]

né le [...] à Alger

représenté par Me

Olivier Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0136





INTIMEES

SAS ENTREPRISE TRAVAUX ELECTRIQUES MECANIS (ETEM)

[...]

représentée par Me Anne-françoise Z... de la SELARL ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 21 Novembre 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14423 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2APX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/04682

APPELANT

Monsieur Mohamed X...

[...]

né le [...] à Alger

représenté par Me Olivier Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMEES

SAS ENTREPRISE TRAVAUX ELECTRIQUES MECANIS (ETEM)

[...]

représentée par Me Anne-françoise Z... de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

SAS A...

[...] sous bois

représentée par Me Jérôme B..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1169 substitué par Me Laetitia C..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sandra ORUS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sandra ORUS, président

Madame Carole CHEGARAY, conseiller

Madame Séverine TECHER, vice-président placé

Greffier : Mme Fanny MARTIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Sandra ORUS, Président et par Madame Fanny MARTIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Mohamed X... a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée le 12 décembre 1997, au sein de la société ENTREPRISE TRAVAUX ELECTRIQUES MECANISES (ETEM), en qualité de responsable de bureau d'étude, dessinateur projeteur, moyennant un salaire brut mensuel de

3 754 euros.

La relation de travail était régie par la convention collective des Employés, Techniciens et Agents de maîtrise (ETAM) ' du bâtiment de la région parisienne;

Le contrat de travail a été rompu le 31 octobre 2013 par la signature d'une rupture conventionnelle qui a reçu l'agrément de l'inspection du travail le 16 septembre 2013. Le dernier jour effectif de travail de M. X... était le 30 août 2013.

Au moment de la rupture du contrat, la société ENTREPRISE TRAVAUX ELECTRIQUES MECANISES (ETEM) employait plus de dix salariés.

Invoquant une situation de co-emploi entre les sociétés société F..., la société ENTREPRISE TRAVAUX ELECTRIQUES MECANISES (ETEM) et M. X..., ce dernier a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 3 novembre 2014 de plusieurs demandes aux fins de se voir reconnaître le statut de cadre, de bénéficier du versement de la prime de participation et d'obtenir des dommages et intérêts réparant divers préjudices par lui subis (défaut de formation, défaut de versement de la prime de participation, défaut d'attribution du statut de cadre, diminution unilatérale des notes de frais).

Par jugement rendu le 3 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

-mis hors de cause la société F...;

-débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes;

-débouté les sociétés ETEM et société F... de leur demande respective au titre de l'article 700 du CPC;

-condamné M. X... aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 14 novembre 2016 , M. X... a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique ( RPVA) le 26 juillet 2017 , il demande à la cour de :

-constater le co-emploi de M. X... par les sociétés ETEM et F...; en conséquence de condamner solidairement les sociétés ETEM et F... à lui verser les sommes suivantes :

10 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'attribution du statut de cadre;

5 040 € à titre de rappel de prime annuelle pour 2012 et 2013;

504 € au titre des congés payés afférents;

27 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de la prime de participation;

10 000 à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation;

2 300 € à titre de dommages et intérêts pour diminution unilatérale des notes de frais;

3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-ordonner la rectification des bulletins de paie pour la période allant du mois de janvier 2005 au mois d'octobre 2013 sous une astreinte de 100 € par jour de retard; en conséquence le paiement des cotisations à la caisse des cadres du bâtiment;

-débouter la société ETEM de sa demande d'amende civile pour recours abusif.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2017, la société ETEM demande à la cour de :

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en toutes ses dispositions;

-condamner M. X... au paiement d'une amende civile pour recours abusif;

-condamner M. X... à verser à la société ETEM la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique ( RPVA) le 29 juin 2017 , la société F... demande à la cour de :

-constater l'absence de co-emploi de la société F... à l'égard de M. X...; en conséquence confirmer le jugement du CPH de Bobigny en ce qu'il met hors de cause la société F...;

-condamner M. X... à verser à la société F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2018.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les effets de la rupture conventionnelle homologuée

Aux termes des dispositions de l'article L 1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie;

En application de ces dispositions, la rupture d'un commun accord du contrat de travail à durée indéterminée a pour seul objet de mettre fin aux relations des parties, de sorte que même homologuée, elle peut être contestée en justice et n'a donc pas le pouvoir d'éteindre le contentieux de l'exécution du contrat de M. X..., qui a effectivement bénéficié d'une indemnisation dans le cadre d'une rupture conventionnelle homologuée mais estime qu'il n'a pas été désintéressé de tous ses droits;

C'est donc à tort que la société ETEM soutient que les parties ont déjà «soldé» l'ensemble des prétentions de M. X..., à l'occasion de la rupture conventionnelle, et demande la confirmation du jugement déféré sur ce point;

La cour constate que les demandes de M. X... portent sur un litige lié à l'exécution du contrat de travail (situation de co-emploi, reconnaissance du statut de cadre, primes afférentes) auquel la convention homologuée n'a pas mis fin;

Dès lors, il n'y a pas lieu de considérer que les demandes de M. X... témoignent d'une déloyauté manifeste; la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a considéré que la rupture conventionnelle homologuée mettait fin aux différentes demandes et que l'indemnité versée soldait les comptes entre les parties;

Sur le co- emploi:

M. X... soutient que les sociétés ETEM et A... sont toutes deux dirigées dans les faits par une même personne, M. Gilles A...; que les organigrammes produits démontrent une confusion et un fonctionnement commun de ces deux sociétés dont les locaux sont mitoyens, une direction et une gestion des salariés communes; qu'elles interviennent dans le même domaine d'activité à savoir les travaux d'installation électriques; il affirme en outre qu'il travaillait à la fois pour ETEM et A... laquelle lui donnait des ordres, le plaçant ainsi sous la subordination juridique de cette dernière, laquelle procédait à ses évaluations annuelles;

La société A... conteste le statut de co-employeur de M. X..., en rappelant les conditions très restrictives de la notion de co-emploi, lesquelles ne peuvent s'appliquer à deux sociétés en situation de simple relation de sous-traitance; qu'elle est ainsi en mesure de justifier de la facturation à la société ETEM de prestations régulières; que leur partenariat étroit ne peut être de nature à remettre en question l'appartenance salariale à l'entité respectivement employeur de chacun, qui porte le poids de la rémunération, de l'évolution de carrière et la responsabilité de la qualité du travail fourni par ses salariés; que les échanges commerciaux, même au long cours, entre les deux sociétés qui ont leur propre organisation, mode de fonctionnement, moyens humains et financiers, n'ont pu avoir pour effet juridique de transférer le contrat de travail de M. X... dans les effectifs de l'une vers l'autre, et moins encore de le faire appartenir à deux entités distinctes en même temps;

Celui qui invoque une situation de co-emploi doit en apporter la preuve;

Il est constant que l'existence d'un co-emploi peut résulter, hors l'existence d'un lien de subordination, d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre plusieurs entités se manifestant par l'immixtion de l'une dans la gestion économique, financière et sociale de l'autre;

La cour relève en premier lieu que si les présidents respectifs des deux sociétés étaient professionnellement liés, la société ETEM et la société A... étaient deux sociétés distinctes dont la complémentarité d'activité n'allait pas au-delà de la simple activité d'implantations électriques, la société A... sous traitant l'activité du bureau d'étude d'exécution à la première, avec une facturation des prestations dûment réalisées ( exemple de quinze factures versées au débat en pièce 1 A...);

Il est outre constaté que M .X..., qui verse aux débats les évaluations annuelles établies sur les formulaires de la société A..., avec l'indication de M. D... en qualité de supérieur hiérarchique, ne démontre pas que M. D... avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives en continu , de contrôler en continu l'exécution de son travail et d'en sanctionner les manquements, les évaluations ayant en réalité été menées par la dirigeante de la société ETEM, Mme E..., et sur lesquelles la société A... n'a donné qu'une simple validation par l'apposition d'un paraphe ( pièce 18);

Il ressort par ailleurs des pièces produites que le nombre d'études exécutées par an par M. X... ne représentait que 30% des études d'exécution de la direction technique de la société A..., au sein de laquelle il avait été mis à disposition ( pièce 5 X...), impliquant de fait la réalisation d'un certain nombre d'études par divers autres sous-traitants;

Si M. X... verse aux débats des courriels dans lesquels la société A... lui donnait des directives pour l'accomplissement des études commandées, s'agissant de ses clients, cette circonstance ne caractérise pas une immixtion dans la gestion économique de la société ETEM; que ni ces courriels, ni le pouvoir exceptionnel donné par la société A... à M. X... pour la réception d'un chantier ne suffisent à établir un quelconque lien de subordination entre M. D... et M. X..., lequel ne conteste pas qu'il était payé par la société ETEM, que celle-ci gérait son temps de travail et validait ses absences ou congés payés, qu'elle avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives;

S'il prétend enfin que les rendez-vous auprès de la médecine du travail étaient fixés dans les locaux de la société A... et que l'information sur la portabilité de la mutuelle était envoyée sur papier à entête de la société A..., la cour relève que la convocation à la médecine du travail était émise par la société ETEM ( pièce 24) et que les démarches effectuées pour la portabilité des droits en santé étaient bien effectuées au nom de cette dernière ( pièce 9 bis société ETEM);

Vainement enfin, M. X... allègue qu'en figurant sur l'organigramme ou dans une note d'information de la société A..., cela suffit à justifier une unité de direction et une confusion des activités, alors que, durant toute la relation de travail, l'ensemble des courriers adressés au titre de l'exécution du contrat de travail et en vue de la rupture de celui-ci, ont été échangés entre ce dernier et la seule société ETEM;

De tout ce qui précède, la cour relève que M. X... ne démontre pas la qualité de co-employeur de la société A... et confirme, par substitution de motifs, les premiers juges en ce qu'ils l'ont débouté de sa demande en dommages-intérêts pour défaut de versement de la prime de participation aux salariés de la société A...;

Sur la reconnaissance du statut de cadre:

En l'espèce, selon les dispositions de son contrat de travail, Monsieur X... était classé en position VI coefficient 845 et ses derniers bulletins de salaires mentionnaient la classification au niveau F, telle que prévue par la convention collective des Employés, Techniciens et Agents de maîtrise (ETAM) ' du bâtiment de la région parisienne ;

Monsieur X... revendique la qualification de ''responsable bureau d'études d'exécution'' avec le statut de cadre;

Le statut d'ETAM, niveau F, est ainsi défini par la convention collective des ETAM du bâtiment, sur la base de 4 critères d'égale importance :

- le contenu de l'activité et la responsabilité dans l'organisation du travail : il réalise des travaux d'exécution, de contrôle, d'organisation, d'études, de gestion, d'action commerciale portant sur des projets plus techniques ou exerce un commandement sur un ensemble de salariés affectés à un projet ; il résout des problèmes avec choix de la solution la plus adaptée par référence à des méthodes, procédés ou moyens habituellement mis en 'uvre dans l'entreprise et transmet ses connaissances.

- l'autonomie, l'initiative, l'adaptation et la capacité à recevoir délégation : il agit dans le cadre d'instructions permanentes et/ou de délégations, est amené à prendre des initiatives et des responsabilités, a un rôle d'animation, sait faire passer l'information, conduit des relations ponctuelles avec des interlocuteurs externes, peut représenter l'entreprise dans le cadre de ces instructions et délégations, veille à faire respecter l'application des règles de sécurité et participe à leur adaptation.

- la technicité et l'expertise : il a une connaissance structurée des diverses techniques et savoir-faire de sa spécialité professionnelle et de leurs applications, une haute technicité dans sa spécialité et il se tient à jour dans sa spécialité.

- l'expérience et la formation : il a une expérience acquise en niveau E ou une formation générale, technologique ou professionnelle (BTS-DUT-DEUG).

Or, le statut de cadre, revendiqué par Monsieur X..., est ainsi explicité par la convention collective des cadres du bâtiment : 1° Comme ingénieurs et assimilés (positions A et B), les collaborateurs qui ont une formation technique constatée généralement par l'un des diplômes d'ingénieurs reconnus par la loi (1) ou une formation reconnue équivalente et qui, dans l'un ou l'autre cas, occupent dans l'entreprise un poste où ils mettent en 'uvre les connaissances qu'ils ont acquises ;

2° Comme cadres (positions C et supérieures), les ingénieurs ou assimilés possédant une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière, et qui (à l'exception des cas visés plus loin, à l'article 7, position C, 1er et 2e échelon (2) exercent, par délégation de l'employeur, un commandement sur des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs ou assimilés administratifs ou commerciaux.» ;

«Les ingénieurs, assimilés et cadres, définis ci-dessus, sont classés dans chaque établissement dans les diverses positions types énumérées ci-dessous en fonction de l'importance réelle du poste tenu par eux et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du fait qu'ils sont ou non titulaires d'un diplôme (exception faite des ingénieurs et assimilés énumérés à la position A), toute autre considération étant exclue»;

Monsieur X... fait valoir que sa fiche de poste indique qu'il était ''responsable du bureau d'études d'exécution : relevés, exécution des plans pour l'ensemble des chantiers, digitalisation des plans'' et qu'il ''encadre et anime le personnel devant assurer les études'', que, pour ces fonctions, il disposait d'une ''large autonomie dans le cadre de la responsabilité du bureau d'études d'exécution en organisant son service et son travail: planning, proposition de solutions techniques, d'investissement, etc.'' ; il prétend en outre que, à la suite à la suppression du poste de responsable de bureau d'études d'exécution pour motif économique et à la réorganisation du service, les fonctions afférentes à ce poste lui ont été dévolues;

La cour constate qu'au regard de ce document, aucune des fonctions effectives de M. X... ne correspondait au statut de cadre qu'il revendique et ce, nonobstant la réalité de son ancienneté de 18 ans au sein de l'entreprise et la fiche de poste de ''responsable bureau d'études d'exécution'';

Il est constant en effet que Monsieur X... a attesté, en 2005, être le seul salarié du bureau d'études (pièce 8 ETEM); que, durant les 18 années de la relation de travail, il n'a jamais contesté le statut d'ETAM auquel il était affilié, qu'il ne conteste pas que ses missions étaient subordonnées à la validation du client et des partenaires extérieurs (directeur technique, chargés d'affaires, acheteurs, etc.) limitant son pouvoir décisionnel, que la société ETEM veillait à l'application stricte de ses horaires et de ses méthodes de travail, n'hésitant pas à exercer son pouvoir disciplinaire en cas d'écart ( pièce 5 ETEM), lui laissant ainsi une marge de man'uvre restreinte et que, lors des audits qualité, il a été relevé, notamment dans le compte rendu du 4 décembre 2012 ( pièce 17 X...), une défaillance tant au niveau du service (rangement, archivage, organisation des tâches) que du planning prévisionnel établi, démontrant une intervention nécessaire de l'employeur dans l'organisation de son travail et par suite une autonomie limitée;

Il résulte de l'ensemble de ces éléments d'appréciation que M. X... ne peut revendiquer le statut de cadre et qu'en conséquence, la cour, par substitution de motifs, confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en dommages-intérêts pour défaut d'attribution du statut de cadre et des demandes afférentes ( rectification des bulletins de paie et autres documents, paiement des cotisations à la Caisse des cadres du bâtiment);

Sur la prime annuelle

Sur le fondement des dispositions de l'article L 3211-1 du code du travail, la rémunération, contrepartie du travail du salarié, résulte en principe du contrat de travail sous réserve, d'une part, du salaire de base et, d'autre part, des avantages résultant d'accords collectifs, des usages de l'entreprise ou des engagements unilatéraux. Il appartient au salarié réclamant le paiement d'un salaire ne correspondant à aucune contrepartie de travail d'apporter la preuve de l'existence de l'usage sur lequel il fonde sa prétention;

Lorsque le caractère bénévole d'une prime liée aux résultats de l'entreprise a été indiqué au personnel, elle ne peut constituer une obligation pour l'employeur dès lors que son montant est pour partie fonction d'éléments subjectifs et discrétionnaires non déterminés par avance avec certitude et ne présentant pas un caractère de fixité;

En l'espèce, pour infirmation du jugement entrepris, Monsieur X... fait valoir que, depuis 1995, la prime annuelle lui a été versée, malgré un travail dans les mêmes conditions et sans aucun reproche, les primes annuelles 2012 et 2013 ne lui ont pas été versées et que in fine, constituant un engagement unilatéral de son employeur, il ne pouvait le remettre en cause sans respecter le formalisme relatif à la dénonciation des engagements unilatéraux;

La société ETEM objecte que la prime annuelle n'est ni contractuelle, ni légale et constitue une libéralité de l'employeur revêtant un caractère discrétionnaire, que sa distribution est assise sur plusieurs critères subjectifs et aléatoires (bilan de l'entreprise, évolution de l'activité, missions confiées et travail fourni aux salariés) et que la constance du versement ne justifie pas, à elle seule, le caractère obligatoire de celle-ci puisque le versement d'une prime par usage nécessite la réunion de trois conditions cumulatives : généralité, constance et fixité;

La cour relève de tout ce qui précède que le fait pour l'employeur d'avoir versé une prime annuelle à Monsieur X..., dont il n'est contesté ni le montant variable, ni l'assise sur les missions confiées et le travail fourni, ne constitue pas un engagement unilatéral à son égard, de sorte que le retrait de cette attribution, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, n'avait pas à être précédé de la procédure de dénonciation invoquée par le salarié qui doit être débouté des demandes formulées à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il débouté M. X... de sa demande à ce titre;

Sur l'obligation d'adaptation du poste

L'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois;

L'article L.6321-1 du code du travail énonce que «l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L.6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.»;

L'adaptation au poste repose sur l'initiative de l'employeur auquel il incombe la preuve qu'il a satisfait à cette obligation. La formation demandée par l'employeur doit être nécessaire et suffisante pour permettre l'adaptation du salarié;

Le juge doit dès lors apprécier si la formation a pour effet de changer, non la qualification personnelle du salarié, mais sa qualification contractuelle au-delà de ce qui a été initialement convenu par les parties, lors de la conclusion du contrat de travail;

En l'espèce, Monsieur X... fait valoir que, depuis son élection en qualité de délégué du personnel suppléant, il n'a plus bénéficié de la moindre formation professionnelle, d'où il résulte une absence d'acquisition de nouveaux savoirs-faire et de compétences;

La société ETEM fait valoir qu'un certain nombre de formations relatives à l'adaptation du poste de Monsieur X... lui ont été suggérées, mais la cour relève qu'elle n'apporte pas la preuve d'avoir décidé et organisé une action de formation au bénéfice de celui-ci;

Il est constant que l'obligation d'adaptation au poste incombant à la société ETEM n'imposait pas d'assurer la délivrance d'une formation qualifiante, mais imposait certainement la délivrance d'une formation complémentaire et d'une mise à niveau des savoirs-faire et compétences de Monsieur X....;

A la lumière des fiches d'entretiens individuels produites aux débats, la cour constate encore que l'inscription de formations en gestion du temps, portant sur la norme NFC 15000 et la remise à jour sur le logiciel AutoCAD en objectifs annuels pour les années 2009 à 2011, n'était pas suffisante pour remplir l'obligation d'adaptation au poste et qu'en s'abstenant d'aller au-delà, la société ETEM a manqué à son obligation de formation.

Il en résulte un préjudice pour le salarié qu'il convient d'indemniser, en le limitant néanmoins à la somme de 1500 euros;

Sur les notes de frais

Monsieur X... fait valoir que l'allocation forfaitaire pour le remboursement des frais professionnels engagés a toujours été portée à la somme de 1.650 euros et que la société ETEM en a décidé unilatéralement la diminution à la somme de 500 euros;

Il est constant que, dans la mesure où les frais professionnels engagés par Monsieur X... n'ont pas la nature juridique de salaire, leur variation, tantôt à la hausse ou tantôt à la baisse, voire leur suppression, ne constitue pas une modification du contrat de travail;

Au vu de la fiche de poste et des bulletins de salaire produits, la cour constate que les fonctions de Monsieur X... revêtaient un caractère plus technique que commercial ne nécessitant pas des frais de représentation importants;

Par ailleurs, au regard des récapitulatifs de notes de frais produits, il est constaté que Monsieur X... n'a jamais dépassé les plafonds imposés; dès lors il en résulte que le plafonnement décidé par la société ETEM correspondait donc à ses conditions de travail;

Par substitution de motifs, la cour confirme le rejet de la demande par la conseil des prud'hommes;

Sur la procédure abusive et l'amende civile:

Monsieur X... fait valoir à juste titre que la conclusion de la rupture conventionnelle avec la société ETEM ne l'a pas privé de la possibilité de saisir le conseil de prud'hommes de demandes sans rapport avec la rupture du contrat de travail;

La cour rappelle que l'absence de protocole transactionnel conclu postérieurement à la régularisation de la rupture conventionnelle entre les parties ne prive pas Monsieur X... d'une saisine de la justice pour un litige portant non pas sur la rupture elle-même mais sur des éléments non compris dans la convention de rupture;

C'est donc à tort que la société ETEM soulève le caractère abusif des demandes de Monsieur X... justifiant selon elle le prononcé d'une amende civile sur le fondement de l'article L 32-1 du code de procédure civile;

Elle sera déboutée de sa demande;

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

M. X... succombant au principal supportera les dépens de l'appel;

En équité, chacune des parties conservera la charge de ses dépens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. Mohamed X... de sa demande d'indemnisation pour défaut de formation;

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la SAS ETEM à verser à Monsieur Mohamed X... la somme de 1500 euros au titre de son préjudice pour défaut de formation;

Y AJOUTANT,

DEBOUTE la SAS ETEM de sa demande de prononcé d'amende civile.

CONDAMNE Monsieur Mohamed X... aux dépens.

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/14423
Date de la décision : 21/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/14423 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-21;16.14423 ?
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