La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2018 | FRANCE | N°16/14009

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 21 novembre 2018, 16/14009


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 21 Novembre 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14009 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ6JL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F14/00007





APPELANT

Monsieur [H] [E]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Gaël

TYNEVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E157





INTIMEE

SAS HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 21 Novembre 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14009 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ6JL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F14/00007

APPELANT

Monsieur [H] [E]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Gaël TYNEVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E157

INTIMEE

SAS HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020, substituée par Me Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON, toque : 741

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sandra ORUS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sandra ORUS, président

Madame Carole CHEGARAY, conseiller

Madame Séverine TECHER, vice-président placé

Greffier : Mme Fanny MARTIN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Sandra ORUS, Président et par Madame Fanny MARTIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

La société BACOU-DALLOZ INTERNATIONAL SERVICES a employé Monsieur [H] [E], né en [Date naissance 1], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 09 janvier 2006, en qualité de directeur des ressources humaines, niveau IX, échelon 1.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de gros.

La société BACOU-DALLOZ est par la suite devenue la société SPERIAN, l'employeur de Monsieur [E] étant plus précisément la société SPERIAN PROTECTION EUROPE.

En 2010, le Groupe SPERIAN a été racheté par HONEYWELL,La société SAS HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE vient aujourd'hui aux droits de la société SPERIAN PROTECTION EUROPE.

La société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le temps de travail de Monsieur [E] était fixé à 215 jours par an (forfait annuel).

Le 16 novembre 2006, Monsieur [E] a signé un avenant à son contrat de travail au terme duquel, si ses fonctions et l'intitulé de son emploi restaient inchangés, sa classification se situait au niveau IX échelon 2 de la Convention Cadres de la Convention collective des Commerces de Gros et il se voyait reconnaître le statut de cadre dirigeant au sens de l'article L 212-15-1 du code du travail.

Par lettre du 29 décembre 2011, Monsieur [E] a démissionné de ses fonctions. Le dernier jour travaillé était le 24 février 2012.

En dernier lieu, sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 11 103,47 euros ;

Contestant le statut de cadre dirigeant et demandant des rappels de salaires, Monsieur [E] a saisi le 03 janvier 2014 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 05 octobre 2016, a :

- reconnu le statut de cadre dirigeant à Monsieur [E],

- débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE de sa demande reconventionnelle,

- condamné Monsieur [E] aux dépens.

Par déclaration du 07 novembre 2016, Monsieur [E] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2018 auxquelles il convient de se reporter expressément, la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE (ci-après « société HONEYWELL ») demande à la cour de :

- Déclarer Monsieur [E] mal fondé en son appel et l'en débouter.

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE au titre des heures supplémentaires :

- Retenir comme base de calcul le salaire conventionnel, soit un taux horaire brut de 22.09 euros.

- Exclure de la base de calcul les temps de déplacement de Monsieur [E].

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur [E] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 25 juin 2018, auxquelles il convient de se référer expressément, Monsieur [E] demande à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 5 octobre 2016 ;

Et, statuant à nouveau,

- Condamner la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE à verser à

M. [H] [E] les sommes suivantes :

o 194 414,20 euros brut à titre d'heures supplémentaires, en ce compris les congés payés afférents ;

o 91 325,85 euros à titre d'indemnité pour non-respect des dispositions sur le repos compensateur, en ce compris les congés payés afférents ;

o 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions de l'accord RTT BACOU ;

o 5 863 euros brut à titre de rappel de rémunération variable (MIP), en ce compris les congés payés afférents ;

- Condamner la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE à verser à M. [H] [E] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 juin 2018;

Monsieur [E] soutient essentiellement que la qualité de cadre dirigeant lui a été conférée à tort; qu'il est passé à ce statut sans un changement dans ses fonctions initiales, que la convention collective applicable réserve au niveau X et non au niveau IX le fait de diriger par délégation ou participer à la direction de l'entreprise, que l'Accord Relatif à la Réduction et à l'Aménagement du Temps de Travail "BACOU" a défini en son article 7 les Cadres dirigeants comme les membres du Comité de Direction : les directeurs de division; les directeurs de site, que le Plan d'intéressement HONEYWELL 2011 définit les cadres dirigeants comme le PDG, le Directeur Financier et le SVPHR de la Société, qu'il n'a jamais dirigé l'entreprise, ni même participé à la Direction de celle-ci, les décisions étant arrêtées dans le cadre de Comités de Direction auxquels il n'a jamais participé, que le fait de signer des contrats de travail ou divers documents de rupture de contrats (lettres de licenciement, transactions') ne suffisait pas à lui voir reconnaître ce statut, qu'il avait un pouvoir limité en matière de transaction, qu'il n'était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, qu'il n'a jamais eu aucun rôle en terme de définition des politiques des ressources humaines ( RH) de l'entreprise, que ce soit en terme de rémunération ou de relations sociales, son rôle étant une fonction support des équipes RH en place, qu'il ne disposait d'aucune autorité hiérarchique directe, et que la rémunération versée est insuffisante à caractériser la réalité du statut;

La société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE soutient au contraire que Monsieur [E] remplissait les conditions de cadre dirigeant, qu'il n'a jamais contesté la qualité de cadre dirigeant et a expressément accepté d'y être soumis en signant son contrat de travail, qu'il avait 340 salariés sous sa subordination et était membre du Comité de direction de la division MBU européenne, qu'il représentait l'entreprise vis-à-vis des tiers et du personnel, notamment pour la signature de contrats de travail, de transactions, de lettres de licenciement, qu'il avait un pouvoir décisionnaire dans la fixation des augmentations de salaires et des bonus des nombreux salariés placés sous sa subordination, qu'iI bénéficiait d'un des degrés de classification les plus élevés de l'échelle ainsi que d'une rémunération substantielle (11 103.47 euros en moyenne) situées parmi les plus importantes de la société et bénéficier d'avantages réservés aux membres du Comité de Direction et aux cadres dirigeants.

MOTIFS:

Sur la qualification de cadre dirigeant:

L'article L 3111-2 du code du travail dispose que "Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. ";

Sur le fondement de ces dispositions qui dégagent des critères légaux cumulatifs, il appartient au juge d'examiner les fonctions réellement occupées par le salarié dans l'entreprise et les conditions dans lesquelles il était réellement habilité à les remplir;

La cour relève d'emblée , au regard du texte précité, que ni la signature par le salarié de l'avenant du 16 novembre 2006, ni l'absence de réclamation de M. [E] sur les heures supplémentaires pendant l'exécution du contrat de travail ne suffisent à le confirmer dans son statut de cadre dirigeant;

De même, la référence à la classification établie par la convention collective ( définitions des niveaux IX et X rappelés par M. [E]), ou à l'Accord Relatif à la Réduction et à l'Aménagement du Temps de Travail signé au mois de janvier 2001 au sein de la société BACOU qui définit en son article 7 les Cadres dirigeants, ou encore la référence à la définition inscrite au Plan d'intéressement sont inopérants pour déterminer les fonctions réellement exercées par le salarié et sa participation effective à la direction de l'entreprise;

Il est acquis aux débats que M.[E] était directeur des ressources humaines d'une MBU ( entité chargée de commercialiser les produits) de 340 salariés ; qu'il était amené à signer des contrats de travail ou divers documents de rupture de contrat ( transactions, lettres de licenciement) et avait toute habilitation pour rencontrer directement les avocats de l'entreprise; qu'il participait au processus de la fixation des augmentations de salaires et décidait des primes exceptionnelles des salariés qui relevait de son périmètre de fonction; qu'il représentait l'entreprise à l'égard des tiers dans son champ de compétence et effectuait à ce titre de nombreux déplacements à l'étranger;

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le niveau des responsabilités de M.[E]

allait bien au-delà de la gestion d'une fonction support et impliquait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, rappelée dans le contrat d'embauche initial du 30 avril 2008 et nullement remise en cause par le tableau d'amplitude horaire produit par le salarié;

Les messages électroniques versés de part et d'autre montrent par ailleurs que, dans le cadre des missions qui relevaient de son champ d'intervention ( préparation et signature des transactions, préparation des dossiers de licenciement, validation des formations, diffusion des actions à mener, coordination des demandes d'augmentation), M. [E] disposait d'une large autonomie dans la gestion du service et dans la mise en oeuvre de la politique salariale;

Qu'il avait ainsi un pouvoir décisionnaire dans la fixation des augmentations de salaires et des bonus des salariés travaillant dans son périmètre d'intervention: ( pièces 24, 25 et 29: « vous trouverez ci-joint les informations concernant les augmentations validées »; « je ne peux pas valider la demande d'ajustement marché de 1% pour [S] et [Z].. Les deux ont un salaire correct par rapport au marché... tu ne proposes pas d'augmentation au mérite pour [K]. Comme elle est éligible à cette augmentation, je lui ai mis 2,5% qui seront proratisées 5/12 »);

Que cette large autonomie impliquait toutefois, comme tout salarié soumis à ce titre à un lien de subordination, la validation de sa hiérarchie pour les décisions qui engageaient l'entreprise, dans les limites de la délégation de pouvoirs qui lui était accordée ( pièce 25), l'existence de ces validations et les limites aux délégations de pouvoir ne pouvant suffire à écarter la qualité de cadre dirigeant;

Il est enfin démontré et non sérieusement contesté, au regard des bulletins de paye et du tableau produit par l'employeur des salariés bénéficiant des plus hauts salaires de la société au 31 décembre 2011 (pièce 23) que M. [E] bénéficiait d'une rémunération parmi les plus élevées de la société SPERIAN PROTECTION EUROPE (12ème sur environ 300 salariés);

Mais s'il résulte de tout ce qui précède que M. [E] relevait par ses fonctions des critères énoncés par l'article L 3111-2 du code du travail, la cour relève que la société intimée, contrairement à ce qu'elle affirme, n'établit par aucune pièce la participation de ce salarié au comité de direction de la division MBU européenne; qu'elle ne verse en effet au débat aucun élément précis qui démontre que M. [E] participait régulièrement aux instances de gouvernance de la société qui définissaient les orientations stratégiques; qu'en conséquence, il est constaté que M. [E] ne participait pas à la direction de l'entreprise et qu'à ce titre, il ne pouvait être considéré comme un cadre dirigeant;

La décision des premiers juges sera par suite infirmée sur ce point ;

Sur la demande d'heures supplémentaires

Sur le forfait de salaire

De ce qui précède, M. [E] ne peut se voir opposer les stipulations de l'avenant de son contrat de travail mentionnant qu'il n'était pas soumis à la réglementation de la durée du travail;

La société intimée fait valoir, à titre subsidiaire , que la rémunération perçue par M. [E] était la contrepartie d'une prestation de travail forfaitaire susceptible d'inclure des dépassements de la durée de travail et non pas celle d'un travail de 35 heures hebdomadaire;

Le contrat d'embauche initial énonce en effet que « compte tenu de vos fonctions et des responsabilités qui sont les vôtres, et de l'autonomie dont vous disposez dans l'organisation de votre emploi du temps, la rémunération fixée par le présent contrat constitue un montant forfaitaire, indépendant du temps de travail que vous consacrerez effectivement à l'exercice de vos fonctions » ;

Le cour relève toutefois que les parties n'ont pas conclu une convention particulière de forfait prévoyant l'inclusion dans la rémunération d'un nombre déterminé d'heures supplémentaires hebdomadaires; que le forfait ne se présumant pas, la société HONEYWELL ne peut s'en prévaloir pour voir écarter la demande de paiement d'heures supplémentaires présentée par le salarié;

Le forfait de salaire conventionnel étant écarté, il sera fait application des dispositions légales sur la durée du travail, M. [E] pouvant prétendre au paiement d'heures supplémentaires réalisées et non rémunérées sur une base légale de travail hebdomadaire de 35 heures;

Sur le bien-fondé de la demande

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;

En application de ces dispositions, le salarié doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments;

M. [E] produit , sous la forme d'un tableau, un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires alléguées de janvier 2009 à février 2012, précisant pour chaque semaine une amplitude horaire de 9h à 20H, moins une heure de pause, soit 10 heures quotidiennes et par suite 50h travaillées par semaine, soit un total hebdomadaire de 15 heures supplémentaires dont 8 h majorées à 25% et 7 heures majorées à 50%; il prétend sur cette base réclamer, en ce compris les congés payés afférents, un montant d'heures supplémentaires total de 194 414,20 euros; il appuie en outre sa demande en produisant une vingtaine de courriels et des cartes d'embarquement mettant en évidence des horaires tardifs ( après 20h);

Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande;

La société HONEYWELL qui conteste le bien fondé de la demande en paiement d'heures supplémentaires, en faisant valoir que Monsieur [E] n'a jamais réclamé des heures supplémentaires ou les repos compensateurs pendant l'exécution de son contrat de travail, qu'il s'est appuyé sur un décompte établi par ses soins qui est imprécis et mensonger, qu'il contient de toute évidence des temps de déplacement professionnel qui n'entrent pas dans le décompte de la durée du travail, s'abstient de communiquer le moindre élément de nature à remettre en cause la durée de présence de son salarié sur son lieu de travail;

Il y a lieu en conséquence de considérer que la réalité de l'accomplissement d'heures supplémentaires est établie ;

Sur le nombre d'heures supplémentaires et le montant des rappels de salaires correspondants, la société conteste le caractère exorbitant des demandes de M. [E] et pointe l'incompatiblité entre les fonctions exercées par le salarié et le caractère invariable des horaires dont il se prévaut; elle soutient en tout état de cause que les temps de déplacement professionnel, à propos desquels elle produit un tableau récapitulatif des notes de frais remboursées au salarié pour les nombreux déplacements du salarié, doivent être écartés du décompte des heures supplémentaires;

La cour observe toutefois que les éléments produits par les parties ne sont pas de nature à connaître les temps de déplacement réellement effectués par le salarié dans le cadre de sa journée de travail, notamment par les seules notes de frais versées qui ne font état ni de la durée ni de la distance des déplacements effectués, les trois cartes d'embarquement produites par le salarié ne justifiant pas pour leur part du caractère professionnel du déplacement;

La cour retient en définitive que l'existence d'heures supplémentaires imposées par la nature des fonctions de M. [E] est établie; qu'il convient cependant de considérer, au regard des éléments produits par les parties, que l'importance et la constance du temps de travail effectif n'est pas rapportée dans les proportions sollicitées; qu'au vu des pièces produites de part et d'autre, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, il convient de fixer les rappels de salaires dus à ce titre, sur la période de janvier 2009 à février 2012, majoration des heures comprises, à une somme de 88 986,39 euros à titre d'heures supplémentaires et 8898, 63 euros pour les congés payés afférents;

La société HONEYWELL sera en conséquence condamnée à verser ces sommes à M. [E] ;

Sur la demande au titre du repos compensateur

L'article D 3121-24 du code du travail dispose que : « A défaut d'accord prévu au I de l'article L. 3121-33, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié » .

M. [E] est fondé, dans sa demande au titre du repos compensateur, que la cour analyse, au vu des demandes chiffrées du salarié, comme une demande d'indemnité pour perte du droit à repos compensateur, qui comprend l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents, soit au vu du nombre d'heures supplémentaires retenu par la cour, tenant compte d'un contingent annuel de 220 heures supplémentaires, à la somme de 27 087,48 euros outre la somme de 2 708,74 euros au titre des congés payés afférents, au paiement de laquelle la société HONEYWELL sera condamnée;

Sur les dispositions de l'accord RTT BACOU:

Le salarié affirme que, au regard de l'accord applicable au sein de la société BACOU, du 2 janvier 2001, les cadres administratifs devaient bénéficier des dispositions de l'accord dans les mêmes conditions que les autres catégories de personnel, devant notamment disposer d'un vendredi sur deux par roulement et que sur l'ensemble de la période travaillée, M. [E] soutient qu'il n'a jamais bénéficié d'un vendredi sur deux;

L'accord RTT prévoit en son article 3 que «Jusqu'au 31 décembre 2000, la durée du travail était de 39 heures par semaine et le nombre de jours travaillés dans l'année de 227 jours »et que : « à compter du 1er janvier 2001 la durée du travail sera en moyenne de 35 heures par semaine,soit 22 jours supplémentaires au titre de la RTT. En tout état de cause la réduction de la durée de travail sous forme de jours de repos dans le cadre de l'année, conduira à ce que la durée du travail sur l'année n'excède pas 35 heures en moyenne sur l'année. »;

Or, en vertu de ces dispositions, le bénéfice des jours de RTT est exclusif du paiement des heures supplémentaires effectuées entre 35 heures et 39 heures;

Monsieur [E] ne peut demander à bénéficier de manière cumulative du paiement des heures effectuées au delà de 35 heures et d'une indemnité liée au préjudice du non-respect de l'accord RTT;

Il sera débouté de toute demande à ce titre;

Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable

M. [E] soutient qu'au titre de l'année 2011, il avait vocation à percevoir une rémunération variable, en application d'un  plan d'intéressement  en vigueur dans l'entreprise (dit MIP) versé régulièrement aux débats; qu'il a perçu au mois de mars 2012 une somme brute de 17 765 euros, représentant 15 % de sa rémunération fixe brute annuelle alors qu'il aurait dû percevoir une somme de 23 095 euros, car il avait atteint un niveau de performance de 2 sur une échelle de 1 à 9, au titre de l'année 2011, et que le taux de majoration, compte tenu des résultats enregistrés par sa division d'affectation, était de 30 %;

Or la cour relève que la société HONEYWELL conteste à bon droit cette demande au motif que l'octroi de ce bonus, dans le cadre du plan d'intéressement dont se prévaut expressément l'appelant, relève notamment du niveau de sa performance personnelle laquelle dépend de l'appréciation discrétionnaire de l'employeur;

La société HONEYWELL estime en conséquence qu'en lui octroyant un bonus de 17 765 euros en mars 2012 , sur la base d'une évaluation discrétionnaire de sa performance personnelle, elle a rempli son salarié de ses droits;

Dans ces conditions, par substitution de motifs, la cour confirmera les dispositions du jugement déféré qui a rejeté la demande de M. [E];

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

La société intimée supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à M. [E] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la rémunération variable;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE, pour la période du de janvier 2009 à février 2012, à verser à M. [H] [E] les sommes suivantes:

- 88 986,39 euros à titre d'heures supplémentaires

- 8 898, 63 euros pour les congés payés afférents;

- 27 087,48 euros à titre d'indemnité pour perte du droit à repos compensateur.

- 2 708,74 euros pour les congés payés afférents;

REJETTE la demande au titre des dommages-intérêts pour le non respect des dispositions de l'accord RTT BACOU;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes;

CONDAMNE la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE aux dépens;

CONDAMNE la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS EUROPE à verser à M. [H] [E] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/14009
Date de la décision : 21/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/14009 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-21;16.14009 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award