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21/11/2018 | FRANCE | N°16/08878

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 21 novembre 2018, 16/08878


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 21 Novembre 2019



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08878 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZD6P



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° F 15/00950





APPELANTE

Madame [P] [O] épouse [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissanc

e 1] 1970 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105





INTIMEE

SCA FRUITS LEGUMES FLEURS

[Adresse 2]

[A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 Novembre 2019

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08878 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZD6P

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° F 15/00950

APPELANTE

Madame [P] [O] épouse [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105

INTIMEE

SCA FRUITS LEGUMES FLEURS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 353 402 779

représentée par Me Valérie GUICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097 substitué par Me Mélanie PELLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 5 juillet 2018

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE'

Madame [N] a été engagée par la société FLF( l'une des structures de la centrale d'achat des Mousquetaires du groupement Intermarché) en qualité d'acheteur approvisionneur, avec reprise de l'ancienneté acquise auprès d'autres sociétés du groupement depuis le 6 septembre 1999.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire.

La SAS SCA Fruits Légumes Fleurs a mis en place une procédure de licenciement collectif pour motif économique validé par la Dirrecte de l'Essonne.

Madame [N] a été licenciée pour motif économique par lettre datée du 5 juin 2015. Elle a adhéré au contrat de sécurisation personnelle.

Le 6 août 2015, Madame [N] a saisi le conseil de prud'hommes d'Évry afin d'obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 24 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Évry a débouté Madame [N] de l'intégralité de ses réclamations et n'a pas fait droit à la demande d'indemnité formulée par la société sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [N] a relevé appel du jugement, par une déclaration d'appel du 24 juin 2016 et dans le dernier état de ses prétentions, demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser la somme de 62'000 € à titre de dommages et intérêts outre 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS SCA Fruits Légumes Fleurs conclut à la confirmation du jugement déféré, s'oppose aux prétentions formulées par la salariée et en tout état de cause, réclame 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, elle considère que les dommages-intérêts susceptibles d'être alloués à la salariée ne peuvent pas dépasser l'équivalent de 6 mois de salaire.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur le licenciement'

La lettre de licenciement du 5 juin 2015 est rédigée dans les termes suivants :

«' Dans le cadre des projets de réorganisation de la société SCA fruits légumes fleurs, et suite à plusieurs réunions avec le CHSCT et la Délégation Unique du personnel, un accord relatif au plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu en date du 17 juillet dernier, dont un exemplaire a été transmis par voie postale.

Un des volets du projet concernait le regroupement des bureaux d'achats. Les motivations de ces repositionnements vous ont été exposées lors de différents échanges.

À date, il est difficile d'avoir une vision stratégique des achats et de mener un projet national à travers plusieurs acheteurs d'un même produit qui ont des intérêts et des avis différents.

Enfin, la multiplication des sites d'achat ne permet pas une communication optimale entre les acheteurs ce qui diminue les synergies possibles.

Le regroupement des 6 bureaux d'achats a pour objectif de centraliser les achats sur 3 sites.

La nouvelle organisation permettra d'identifier les acheteurs référents par produit, experts des filières, capables de s'engager au nom de la SCA fruits et légumes fleurs aux côtés de la production et des interprofessions.

Ainsi, la professionnalisation de nos acheteurs doit nous permettre de monter en expertise produits pour être reconnu de la filière.

Par ailleurs, les achats se font actuellement de gré à gré au quotidien. À date, la dimension de contractualisation et d'engagement en production est quasi inexistante ou non formalisée ce qui présente un risque dans un univers à tendance de pénurie qui se légifère.

Le positionnement des 3 nouveaux bureaux d'achat est quant à lui motivé par le fait que les acheteurs doivent être au contact physique du produit au quotidien.

L'acheteur acquerra ainsi la reconnaissance de la filière et sera plus à même de capter les innovations ou les opportunités de marché.

Pour cela, l'acheteur doit toucher, goûter un maximum la marchandise pour pouvoir échanger sur celle-ci avec ses fournisseurs en meilleure connaissance de cause. Le positionnement des acheteurs dans des bureaux administratifs sans un minimum de contact avec le produit est un vrai frein au développement du professionnalisme. L'échantillonnage d'un colis, choisi, trié, sélectionné par le fournisseur ne remplacera jamais l'expertise de l'acheteur qui se fera sa propre opinion.

Les équipes des bureaux d'achat fruits et légumes doivent donc être transférées sur les bases qui serviront également de plates-formes de dégroupage elles mêmes positionnées sur les n'uds logistiques stratégiques.

Dans un souci de compétitivité et d'approche logistique économique, positionner des plates-formes de dégroupage aux entrées de marchandises sur le marché français stratégique.

Lors de nos différents échanges, afin de maintenir notre compétitivité, nous vous avons annoncé la plate-forme de dégroupage Provence située à [Localité 2]. Ce nouveau bureau d'achats accueille depuis le 1er mars 2015, l'activité de la SCA fruits légumes fleurs du site de [Localité 3].

Ainsi, du fait de ce qui précède, en date du 23 septembre 2014, nous avons été amenés à vous proposer d'être transférée au sein de l'établissement de [Localité 2]. Par courriel, reçu le 7 octobre 2014, vous avez alors répondu que vous refusiez la mobilité de votre poste de travail sur le nouvel établissement.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 1233'4 du code du travail et conformément à nos engagements pris dans l'accord relatif au plan de sauvegarde de l'emploi, nous vous avons également interrogé le 17 octobre 2014, le 30 janvier 2015, le 9 mars 2015 et le 14 avril 2015 par courrier recommandé, sur vos souhaits de reclassement à l'étranger et sur les propositions de reclassement interne au sein du périmètre amont du groupe correspondant à votre qualification.

Le 31 mars 2015, vous acceptez le poste d'assistante de département, soumis à une période probatoire du 1er avril 2015 au 31 mai 2015, prolongé au 5 juin 2015, suite à vos congés payés pendant la période initiale.

Suite aux différents échanges avec votre responsable hiérarchique sur ce nouveau poste, nous vous avons alertée quant à vos manquements constatés, en particulier sur votre manque de rigueur sur les suivis de reportings( suivi des congés, rapprochement de factures de frais généraux, suivis intérim';.). En effet, l'absence de gestion des priorités et le fait d'avoir sous estimé l'ampleur des responsabilités et des missions confiées ont été abordés lors de votre point avec votre responsable.

Aussi, nous vous avons reçu le 12 mai 2015 afin de vous annoncer que nous ne souhaitions pas donner une suite favorable, la période d'adaptation ne nous ayant pas donné satisfaction malgré nos alertes.

Nous vous avons proposé de vous dispenser d'activité rémunérée à l'issue de la semaine 20 et ce jusqu'au 5 mai 2015, date de la fin de la période probatoire prévue.

Vous nous avez indiqué que vous préfériez partir dès le 12 mai au soir ce que nous avons accepté.

Par ailleurs, nous vous avons adressé de nouvelles propositions de reclassement interne en date du 18 mai 2015 au sein du périmètre amont du groupe correspondant à votre qualification.

Le 2 juin 2015, vous nous avez adressé votre refus sur ces propositions.

Compte tenu de votre refus de transfert au sein de l'établissement de [Localité 2] et de l'impossibilité de vous reclasser tant à l'étranger qu'en France au sein du périmètre amont du groupe, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique.[..]'»

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d'activité de l'entreprise.

Selon l'article L. 1233'4 du code du travail, le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Madame [N] «'conteste le caractère économique du licenciement, et les modalités de mise en 'uvre de reclassement, puis dans le cadre de la reprise de la procédure de licenciement, la recherche de reclassement'». (Cf conclusions page 4)

Il s'en déduit donc que Madame [N] conteste tout à la fois le motif économique invoqué, soit la sauvegarde de la compétitivité et les modalités de reclassement.

S'agissant du motif de licenciement, la société expose avoir opéré le regroupement sur 3 sites de 6 centrales d'achat existantes dans le but de sauvegarder la compétitivité, ce motif économique ayant été validé par la Dirrecte de l'Essonne, à laquelle a été soumis l'accord conclu avec les organisations syndicales sur les mesures d'accompagnement des salariés concernés.

Toutefois, pour justifier un licenciement en invoquant la nécessaire sauvegarde de la compétitivité, encore faut-il que l'entreprise justifie être confrontée à un risque ou à une menace économique l'obligeant à prendre des mesures tendant à les anticiper afin de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi

Or, dans le cas présent, si l'employeur explique la nécessité d'accroître le professionnalisme des acheteurs pour maintenir sa compétitivité, il n'apporte pas la démonstration à l'aide d'éléments objectifs, tels qu'une étude ou une expertise, des éléments comptables, un événement comme une perte de marché, un article de presse sur l'environnement concurrentiel difficile, de l'existence d'une menace sur sa compétitivité, ni la preuve, qu'en l'absence d'une restructuration, la situation économique de ce secteur d'activité du groupe pourrait se dégrader avec des conséquences plus graves sur l'emploi.

Dans ces conditions, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse'

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée ( 2511 euros), de son âge ( 45 ans), de son ancienneté remontant au 6 septembre 1999, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Madame [N], une somme de' 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail

Dans les cas prévus aux articles L. 1235 - 3 et L. 1235-11 du code du travail, l'article L. 1235- 4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Dans le cas d'espèce, une telle condamnation sera prononcée à l'encontre de l'employeur, pour les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois.

Sur les dépens et les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La SAS SCA Fruits Légumes Fleurs qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande d'indemnité et condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande d'allouer à Madame [N] une indemnité de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS SCA Fruits Légumes Fleurs à verser à Madame [N] les sommes suivantes :

- 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS SCA Fruits Légumes Fleurs aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/08878
Date de la décision : 21/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/08878 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-21;16.08878 ?
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