RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 20 Novembre 2018
(n° , 06 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14456 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2A4O
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juillet 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/00957
APPELANTE
Madame [E] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196 substitué par Me Katia BENSEVA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196
INTIMEE
SAS LUXURY CLEANING SERVICES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 520 563 149
représentée par Me Catherine DUPLESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B889
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [E] [R], engagée par la société LUXURY CLEANING SERVICE, à compter du 1er janvier 2011 avec reprise d'ancienneté au 14 mai 2001, en qualité d'agent de service, au salaire mensuel brut de 1019,39 euros, a été licenciée pour faute grave par un courrier du 19 octobre 2012.
La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :
'Nous vous avons convoquée à un entretien préalable, le 8 octobre 2012 à 15h30, dans nos bureaux situés [Adresse 2] en vue d'un éventuel licenciement, avec Monsieur [U] [E] , Directeur du Département Hôtellerie, compte tenu de votre absence injustifiée depuis le 21 juin 2012 sur votre lieu de travail [Établissement 1].
Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien et n'avez fourni aucune pièce nous permettant de comprendre votre abandon de poste malgré notre lettre RAR et simple de mise en demeure en date du 12 septembre 2012.
Votre absence entraîne une désorganisation considérable de nos services et constitue une faute grave justifiant la rupture de votre contrat de travail.
En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour abandon de votre poste depuis le 21 juin 2012 fait constitutif dune faute grave.
Votre licenciement prendra effet à la date de première présentation de ce courrier, sans indemnités de préavis, ni de licenciement et vous recevrez prochainement l'ensemble des éléments afférents à votre solde de tout compte.'
Madame [R] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes.
Par jugement du 20 juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [R] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Madame [R] a relevé appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Madame [R] demande à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler le licenciement en raison d'une situation de harcèlement moral et sexuel, subsidiairement demande que la rupture soit déclaré cause réelle et sérieuse. Elle réclame l'annulation des sanctions du 18 janvier 2012 et 8 juin 2012 et la condamnation de la société au paiement de :
' 4584,66 euros de rappel de salaire pour la période du 21 juin à octobre 2012 et les congés payés afférents,
' 229,24 euros de rappel de prime d'expérience ouvriers du 21 juin 2012 à octobre 2012,
' 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive du 12 janvier 2012,
' 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive du 8 juin 2012,
' 24'465,36 euros d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
' 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
' 2325,06 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,
' 2638,63 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
' 184,30 euros à titre de rappel de salaire pour 2011 et les congés payés afférents,
' 549 euros à de dommages-intérêts pour absence de mention du DIF,
' 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
' 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par ses dernières conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société LUXURY CLEANING SERVICE sollicite la confirmation du jugement, à titre principal le rejet des demandes de Madame [R], à titre subsidiaire la limitation des dommages-intérêts à six mois de salaire et la condamnation de la salariée à 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur les sanctions disciplinaires
Madame [R] a fait l'objet de deux avertissements des 18 janvier et 20 avril 2012. L'employeur pour justifier de la réalité des manquements au protocole de nettoyage qui sont reprochés à la salariée transmet pour la première sanction, trois rapport de constat des négligences du travail effectué par Madame [R] les 18, 19 octobre,1er novembre 2011 et 6 décembre 2011. Elle communique en outre l'attestation de Monsieur [J] qui confirme les négligences de la salariée. Aucune contestation de la part de Madame [R] n'a été transmise.
S'agissant du deuxième avertissement, l'employeur pour établir la réalité de sa sanction produit le tableau de Contrôle Qualité du 11 avril 2012, ce contrôle ayant été effectué en présence de la salariée et le rapport cosigné par elle. La salariée ne justifie pas avoir contesté cette sanction.
Madame [R] a fait l'objet également d'une mutation disciplinaire du 4 juin 2012 pour des faits identiques. L'employeur produit pour en justifier un contrôle du 15 mai 2012 effectué en présence de la salariée et cosignée par elle. Ce Contrôle Qualité est accompagné d'un rapport précis sur les constatations opérées dans chacune des chambres. Seule cette sanction a été contestée puisque Madame [R] allègue avoir été victime de la part de la gouvernante d'un harcèlement sexuel et moral.
Au soutien de ses allégations, elle produit un document du syndicat CFDT francilien propreté en date du 14 juin 2012.
Ce courrier prétend que les démarches disciplinaires de la gouvernante « cache un problème plus grave d'un harcèlement sexuel de la gouvernante ». Il ajoute qu'en ce qui concerne ce harcèlement sexuel et moral il dispose « des témoignages des autres salariés sur le comportement équivoque de la gouvernante à l'égard de Madame [R] ».
Il y a lieu de rappeler qu'en matière de harcèlement, il appartient au salarié qui se prétend victime d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, le syndicat intervenu à l'appui de sa salariée n'a pas communiqué les témoignages prétendus et Madame [R] n'a transmis aucun élément susceptible de corroborer ce courrier. Le témoignage de Monsieur [J] prouve que la salariée ne s'est amais plainte auprès de sa hiérarchie des comportements de sa gouvernante.
La cour considère en conséquence que cette seule pièce émanant du syndicat ne permet pas d'établir la matérialité de faits précis et concordants.
Par ailleurs, au vu des éléments exposés ci-dessus, les faits retenus à l'appui des sanctions mêmes prononcées sur la base des constatations faites par la gouvernante sont suffisamment justifiées pour les considérer bien fondées. Elles ne sont pas révélatrices d'un exercice anormal et abusif par l'employeur de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
Enfin, la salariée ne justifie pas que la présence de Madame [B] comme gouvernante a généré un accroissement de sa charge de travail et ne s'en est jamais plainte.
En conséquence, la Cour rejette les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires et de dommages-intérêts consécutifs et considère que l'existence d'une situation de harcèlement sexuel et moral n'est pas établie.
En conséquence, la demande de nullité du licenciement sera également rejetée.
Sur la rupture du contrat de travail
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.
Dans le cadre de la lettre de licenciement l'employeur fait grief à sa salariée un abandon de poste à compter du 21 juin 2012.
Affectée sur un nouveau site à la suite de sa mutation disciplinaire, Madame [R] devait se présenter à l'hôtel [Établissement 2] le 21 juin 2012. Elle ne peut également prétendre que son changement de site constituait une modification de son contrat de travail dès lors qu'y figure une clause de mobilité à tout chantier situé dans le même département. En outre, elle ne justifie pas de son refus de la sanction mais au contraire prétend s'être rendue sur le site et en être repartie à la demande d'un responsable. Elle n'en justifie pas et l'employeur relève à juste titre que cette hypothèse est alléguée pour la première fois par la salariée dans ses conclusions plus de six ans après les faits.
En tout état de cause il est constant que la salariée n'a pas donné suite à l'injonction de reprise de son poste de travail qui lui a été faite par une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure des 25 juin et 12 septembre 2012. Elle ne s'est pas présentée non plus à son entretien préalable.
Madame [R] ne peut valablement soutenir que le délai qui lui a été octroyé jusqu'à son licenciement le 19 octobre 2012 était trop long, l'employeur ayant pris soin de lui transmettre deux mises en demeure les 25 juin et 12 septembre 2012 et une convocation à entretien le 27 septembre 2012 avant de la sanctionner.
Sans avoir à établir l'existence d'une désorganisation du service, le fait pour un salarié de se soustraire à son obligation, de décider unilatéralement de ne pas de fournir une prestation de travail, de ne pas se présenter à son poste et de ne pas respecter l'ordre d'affectation qui lui est faite constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat.C'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes a considéré que le licenciement pour faute grave était justifié.
Les demandes de Madame [R] au titre de la rupture seront rejetées ainsi que celle relative aux dommages-intérêts.
Sur l'obligation de sécurité
Il est constant qu'à la suite du courrier du syndicat faisant état d'une situation de harcèlement à l'encontre de Madame [R] l'employeur ne justifie pas avoir mené d'enquête, ni avoir sollicité les organes représentatifs du personnel.
Toutefois, même s'il n'a pas respecté son obligation de sécurité, les motifs ci-dessus qui permettent de conclure à l'absence d'une situation de harcèlement moral ou sexuel et conduisent la Cour à considérer que la salariée n'établit pas l'existence d'un préjudice occasionné par ce manquement de l'employeur. Sa demande de dommages-intérêts devra être en conséquence rejetée.
Sur la demande de rappel de salaire sur la période du 21 juin au 19 octobre 2012
C'est par des motifs pertinents, adoptés par la Cour, que les premiers juges, après examen de l'ensemble des pièces produites par les parties, ont considéré que qu'en l'absence de tout travail effectué par la salariée la demande de salaire devrait être rejetée en ce compris la prime d'expérience sollicitée pour la même période.
Sur le rappel de salaire sur le fondement de l'article L123-18 du code du travail applicable en 2011
Cette demande de la salariée est justifiée et n'est pas contestée par l'employeur et il sera fait droit en intégralité des soit la sommes de 184,30 euros et les congés payés afférents
Sur le non-respect de la procédure de licenciement
Madame [R] prétend ne jamais avoir reçu la lettre de convocation à entretien préalable du 27 septembre 2012. La société justifie par l'historique de transmission de la lettre recommandée de ce que le courrier n'a pas été retiré au guichet de la poste.
Dès lors aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur qui justifie de sa transmission et la demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
Sur la demande relatif au DIF et à la remise des documents de fin de contrat.
Il est constant que les documents de fin de contrat ont été transmis le 15 novembre 2012, soit un mois après le licenciement. Toutefois, la salariée ne démontre aucun préjudice financier notamment dans sa prise en charge au titre du Pôle Emploi et ne justified'aucune réclamation avant le mois de mai 2015.
S'agissant de la réclamation formée par la salariée au titre du DIF, Madame [R] le justifient pas du préjudice résultant du manquement de l'employeur dans la notification des droits au titre du DIF dans la lettre du licenciement des lors que ces droits figurent dans le certificat de travail, que la salariée ne justifie qu'aucune réclamation à ce titre et qu'elle ne prouve l'existence d'aucun préjudice particulier du à sa formation.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris ;
DIT que le licenciement de Madame [R] est régulier et bien fondé ;
DIT que la situation de harcèlement n'est pas justifiée ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE la société LUXURY CLEANING SERVICE à payer à Madame [R] la somme de :
-184,30 euros à titre de rappel de salaire pour les heures complémentaires sur la période d'avril à octobre 2011;
-18,43 euros au titre des congés payés afférents aux heures complémentaires ;
DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;
ORDONNE la remise par la société LUXURY CLEANING SERVICE à Madame [R] des bulletins de salaire rectifiés conformes au présent arrêt ;
VU l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;
CONDAMNE la société LUXURY CLEANING SERVICE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT