RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 15 Novembre 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03023 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5E5O
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 1er Février 2018 par le Conseil de Prud'hommes d'EVRY - RG n° R17/00159
APPELANT
M. [D] [M]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Sofiane HAKIKI, avocat au barreau de PARIS, toque : R206, substitué par Me Pauline TANNAI
INTIMEE
SAS RENAULT
N° SIRET : 780 129 987
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Barbara BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1064
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur François LEPLAT, Président , chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Monsieur François LEPLAT, Président
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
Madame Monique CHAULET, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François LEPLAT, Président et par Madame FOULON, Greffier.
**********
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [D] [M] a été engagé par la société par actions simplifiée Renault le 18 septembre 1989, suivant un contrat à durée indéterminée, en qualité d'ajusteur mécanicien véhicules Option Moteur P2.
La Convention collective applicable est celle de la Métallurgie de la Région Parisienne.
En dernier lieu il occupait le poste de Technicien professionnel d'essais, niveau 4, échelon 1, coefficient 260.
La société Renault affirme avoir constaté au mois de novembre 2016 que la rémunération de M. [D] [M] était définie sur la base d'un horaire d'équipe depuis le mois de février 2009, alors même qu'il avait toujours travaillé en horaire dit «normal» de sorte qu'il percevait,
à tort, des primes d'équipe et des primes de casse croûte depuis plusieurs années.
A compter du mois de décembre 2016, elle a donc mis un terme au versement de ces primes.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 février 2017, M. [D] [M] a contesté la suppression de ces primes, estimant que cela s'apparentait à une modification unilatérale de son contrat de travail.
Il aurait été reçu en entretien par sa hiérarchie le 24 avril 2017 afin d'échanger sur sa situation et sur les modalités de remboursement des primes prétendument indûment versées.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mai 2017, la société Renault a informé M. [D] [M] qu'à compter du mois de juin 2017, une retenue mensuelle nette de 100 euros, représentant 50% des 10% de son salaire net moyen, serait effectuée jusqu'à remboursement total du trop perçu.
C'est dans ce contexte que M. [D] [M] a saisi le Conseil des prud'hommes d'Evry en sa formation référé afin d'obtenir réparation.
Par ordonnance de référé du 1er février 2018 le conseil de prud'hommes d'Evry a :
Constaté l'existence d'une contestation sérieuse,
Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de M. [D] [M],
Renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
Laissé à chaque partie la charge de ses éventuels dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 14 février 2018 par M. [D] [M] ;
Vu les dernières écritures signifiées le 20 septembre 2018 par lesquelles M. [D] [M] demande à la cour de :
INFIRMER l'ordonnance de référé du 1er février 2018 du conseil de prud'hommes d'Evry;
Par conséquent,
CONSTATER l'absence de contestation sérieuse et l'existence d'un trouble manifestement illicite ;
En conséquence,
ORDONNER la reprise du paiement des primes « d'équipe » et « casse-croûte 58% » à Monsieur [M], sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
CONDAMNER la société Renault Lardy (sic) à verser à Monsieur [M] une provision sur les sommes suivantes :
- Rappels de prime « d'équipe » de décembre 2016 à septembre 2018 : 1.899,32 euros bruts
- Congés payés afférents : 189,93 euros bruts
- Rappels de prime « casse-croûte 58% » du mois de décembre 2016 à septembre 2018 : 4.510,89 euros bruts
- Congés payés afférents : 451,09 euros bruts
- Rappels des salaires retenus de juillet 2017 à septembre 2018 : 1.500 euros bruts
- Congés payés afférents : 150 euros bruts
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat 5.000 euros nets
- Article 700 du Code de Procédure Civile : 2.400 euros
CONDAMNER la société Renault Lardy à produire les bulletins de salaire de décembre 2016 à septembre 2018, dûment rectifiés, sous astreinte journalière de 50 euros à compter de l'écoulement d'une période de 15 jours suivant la décision à intervenir.
Vu les dernières écritures signifiées le 19 septembre 2018 au terme desquelles la société Renault demande à la cour de :
Vu notamment les articles R.1455-6 et R.1455-7 du Code du Travail,
A titre principal
Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 1er février 2018 par le conseil de prud'hommes d'Evry en ce qu'elle a constaté l'existence d'une contestation sérieuse.
Dire et juger que la créance invoquée par Monsieur [D] [M] à l'appui de ses demandes en paiement est sérieusement contestable.
Dire et juger que Monsieur [D] [M] ne rapporte pas la preuve d'un trouble manifestement illicite.
En conséquence :
Dire et juger que les demandes formées par Monsieur [D] [M] excèdent la compétence du Juge des Référés.
Dire n'y avoir lieu à référé.
Le débouter de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire
Dire et juger Monsieur [D] [M] mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter.
Dire et juger la Société Renault recevable et bien fondée dans son action en répétition de l'indu sur le fondement des articles 1302 alinéa 1 et 1302-1 du Code Civil.
En conséquence :
Condamner Monsieur [D] [M] à lui verser la somme nette de 4.044,84 euros au titre des primes d'équipe et des primes de casse-croûte indûment versées depuis le 9 février 2009.
En tout état de cause
Condamner Monsieur [D] [M] à verser à la Société Renault la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le condamner aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et à l'ordonnance déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les pouvoirs du juge des référés :
Les parties s'opposent sur les pouvoirs du juge des référés, M. [D] [M] soutenant que la suppression du versement ininterrompu de ses primes par son employeur, de février 2009 à novembre 2016, est une modification unilatérale de son contrat de travail, constitutive d'un trouble manifestement illicite, tandis que la société Renault considère que la créance de son salarié est contestable, dès lors qu'il a perçu à tort, sur la base de l'article 3 de l'accord d'entreprise du 29 décembre 1989, des primes d'équipe et de casse-croûte, alors qu'il a lui-même reconnu n'avoir jamais travaillé en équipe, mais en horaire "normal" et que, son contrat de travail ne mentionnant pas cet élément de rémunération, institué par cet accord d'entreprise, il ne peut revendiquer aucun usage quant à son versement, ni donc fonder sa saisine du juge des référés sur le trouble manifestement illicite dont il entend se prévaloir.
Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le versement querellé par la société Renault des primes à son salarié, M. [D] [M], se caractérise par sa constance pendant plus de sept années, sa fixité et sa généralité, puisqu'il n'est pas contesté qu'il a été appliqué à plusieurs des salariés de sa catégorie, en vertu d'un accord d'entreprise, de sorte que ce versement de primes a acquis le caractère d'usage à l'égard de M. [D] [M] et que la société Renault ne peut pas se prévaloir à son encontre d'une erreur tardivement découverte pour l'arrêter, arrêt qui lui cause un trouble manifestement illicite, donnant compétence au juge des référés par application de l'article R.1455-6 du code du travail.
La cour infirmera l'ordonnance en ce sens.
Sur la cessation du trouble manifestement illicite :
M. [D] [M] forme une demande de reprise du versement des primes sous astreinte de 100 euros par jour de retard, outre le versement de rappels de prime de décembre 2016 à septembre 2018, les congés payés y afférents, celui de rappels de salaires suite aux retenues mensuelles effectuées par son employeur et les congés payés y afférents, toutes sommes dont le montant n'est pas contesté par la société Renault à titre subsidiaire.
Il demande également à son employeur de lui délivrer des bulletins de salaires rectifiés pour la période sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
La cour fera donc droit à ces demandes provisionnelles dans les termes du dispositif.
M. [D] [M] y ajoute une demande de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, sans toutefois caractériser son préjudice. Il en sera donc débouté.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable d'allouer à M. [D] [M] une indemnité de procédure de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Ordonne à la société par actions simplifiée Renault la reprise du versement des primes dites "d'équipe" et "de casse-croûte" à M. [D] [M] à compter du mois d'octobre 2018 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, dans la limite de 6.000 euros,
Condamne la société par actions simplifiée Renault à payer, à titre de provision, les sommes suivantes :
- 1.899,32 euros bruts de rappels de prime « d'équipe » de décembre 2016 à septembre 2018
- 189,93 euros bruts de congés payés y afférents
- 4.510,89 euros bruts de rappels de prime « casse-croûte » de décembre 2016 à septembre 2018
- 451,09 euros bruts de congés payés y afférents :
- 1.500 euros bruts de rappels des salaires retenus de juillet 2017 à septembre 2018
- 150 euros bruts de congés payés afférents
Ordonne à la société par actions simplifiée Renault la délivrance à M. [D] [M] de bulletins de salaires rectifiés conformes pour la période de décembre 2016 à septembre 2018 sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, dans la limite de 3.000 euros,
Rejette toutes demandes plus amples,
Et y ajoutant,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société par actions simplifiée Renault à payer à M. [D] [M] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société par actions simplifiée Renault aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT