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15/11/2018 | FRANCE | N°17/02783

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 15 novembre 2018, 17/02783


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 15 Novembre 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/02783 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2WWS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 16/02749





APPELANTE

Madame [N] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Olivier BONG

RAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136





INTIMÉS

SAS CABINET HAVRE SAINT LAZARE IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine FILZI, avocat au barr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 15 Novembre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/02783 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2WWS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 16/02749

APPELANTE

Madame [N] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMÉS

SAS CABINET HAVRE SAINT LAZARE IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine FILZI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0071

Syndicat des copropriétaires DU [Adresse 3] Représenté par son syndic la SARL CGA

[Adresse 4]

[Adresse 2]

représentée par Me Christine BEZARD FALGAS, avocat au barreau de PARIS,

toque : G0521

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseillère

Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [F] a été engagée verbalement le 23 avril 2014 par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] en qualité d'employée remplaçante. Aucun contrat de travail écrit n'a été établi.

Le 12 janvier 2016, le syndic CGA Copro, représentant le syndicat des copropriétaires, a notifié par téléphone son licenciement à Mme [F]. Par courrier recommandé du 12 janvier 2016, l'employeur a confirmé la rupture contractuelle.

Mme [F] a saisi le 11 mars 2016 le conseil de prud'hommes de Paris, et par jugement rendu le 10 novembre 2016, celui-ci a requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [F] en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 51 heures par mois, a fixé le salaire mensuel brut de référence à 638 €, a dit le licenciement de Mme [F] abusif, et a condamné le syndicat des copropriétaires à verser à Mme [F] les sommes suivantes :

- 638 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 63,80 € de congés payés y afférents ;

- 219,76 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 2.000 € au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- 1.276 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation pôle emploi ;

- 638 € à titre de dommages et intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement ; - 3.900 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement lui a été notifié le 26 janvier 2017, et Mme [F] a fait appel le 17 février 2017.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions transmises le 15 mai 2017, Mme [F] demande à la Cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes s'agissant de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de la rupture abusive, des dommages-intérêts au titre de la remise tardive de l'attestation pôle emploi et de l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, d'infirmer le jugement rendu s'agissant des sommes allouées, et de condamner le syndicat des copropriétaires à verser à Mme [F] les sommes suivantes :

- 3.000 € au titre de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée;

- 1.450 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 145 € de congés payés y afférents ;

- 580 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :

- 1.450 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

- 19.200 € à titre de rappel de salaire temps plein outre 1.920 € de congés payés y afférents;

- 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Elle expose qu'en l'absence de contrat de travail écrit, le salarié est présumé travailler en contrat à durée indéterminée et à temps plein ; que la durée contractuelle convenue et la répartition des jours de travail de la salariée dans la semaine ou dans les semaines du mois ne ressortent d'aucune pièce ; qu'en outre, les attestations produites démontrent qu'elle était à la disposition permanente de l'employeur, justifiant ainsi la demande de rappel de salaire à temps plein ; qu'elle sollicite de ce chef la somme de 19.200 € à titre de rappel de salaires pour la période d'avril 2014 à janvier 2016, outre 1.920 € de congés payés y afférent.

Elle indique qu'au vu de la nécessaire re-qualification de son contrat en contrat à durée indéterminée, et en l'absence de toute procédure de licenciement, la rupture est nécessairement abusive et elle sollicite de ce chef la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, outre la somme de 1.450 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

Elle soutient que compte tenu de la qualification du contrat à durée indéterminée à temps plein, il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser la somme de 1.450 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 145 € de congés payés y afférents.

De même, elle sollicite une indemnité légale de licenciement de 580 € au vu de la re-qualification du contrat à temps plein, sur la base d'un salaire mensuel de 1 450 €.

Elle sollicite enfin la confirmation de la décision prud'homale quant aux dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation pôle emploi.

Dans ses dernières conclusions transmises le 5 juin 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic le cabinet CGA COPRO, demande à la cour de confirmer le jugement en qu'il a requalifié le contrat en contrat à durée indéterminé à temps partiel, fixé le salaire brut de référence à 638 €, et condamné le syndicat à payer la somme de 638 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 63,80 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, et 219,76 € au titre d'indemnité de licenciement, et d'infirmer le jugement pour les autres condamnations.

Il sollicite à titre reconventionnel la condamnation du Cabinet Havre Saint-Lazare Immobilier à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sur les demandes formulées par Mme [N] [F], et à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC

Il expose que Mme [N] [F] occupait le poste d'employée d'immeuble remplaçant, depuis l'arrêt de travail de sa mère, Mme [B] [F] [F], qui occupait ce poste à temps partiel en vertu d'un contrat à durée indéterminée ; que la présomption de temps plein est une présomption simple, pouvant être combattue ; que les attestations versées aux débats ne démontrent pas la réalité du travail à temps plein ; qu'il rapporte la preuve que Mme [N] [F] travaillait à temps partiel, sans dépasser la durée mensuelle de 51 heures, comme cela est précisé sur ses bulletins de salaires, sans qu'elle n'émette jamais la moindre réserve.

Il conteste le quantum de l'indemnité de requalification accordé en première instance,cette indemnité ne pouvant être supérieure à la somme de 638 €, soit un mois de salaire à temps partiel, puisqu'il a été démontré qu'elle ne travaillait pas à temps plein.

Il soutient que le recrutement en remplacement d'un salarié pour absence, comme en l'espèce, est nécessairement à durée déterminée, puisqu'il est subordonné à un terme : le retour ou l'exclusion du salarié remplacé ; que Mme [F] [F], qui a été déclarée inapte le 23 mars 2016, a fait l'objet d'une mesure de licenciement compte tenu de l'impossibilité d'assurer son reclassement, et que la survenance de ce terme est un juste motif de rupture pour la salariée remplaçante ; que Mme [N] [F] ne peut donc valablement soutenir que la rupture de son contrat de travail est abusive.

A titre subsidiaire, le syndicat des copropriétaires expose qu'il y aura lieu de confirmer le jugement sur le quantum des condamnations ; que la salariée est entrée en fonction le 23 avril 2014 et la rupture a eu lieu le 12 janvier 2016 ; que son ancienneté est donc égale à 1 an, 8 mois et 20 jours.

Le syndicat des copropriétaires rappelle que si le montant du préjudice subi relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, il appartient toutefois au salarié demandeur de rapporter la preuve de l'existence de son préjudice ; qu'en l'espèce, Mme [N] [F] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice causé par la rupture de son contrat, et que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 3.900 € les dommages et intérêts pour rupture abusive.

A titre reconventionnel, le syndicat des copropriétaires sollicite la garantie du cabinet Havre Saint-Lazare Immobilier pour toutes les condamnations qui pourraient être confirmées à son encontre dans le litige qui l'oppose à Mme [N] [F] ; qu'en effet, le Cabinet Havre Saint-Lazare Immobilier était mandataire du syndicat des copropriétaires en sa qualité de syndic lors de l'embauche le 23 avril 2014 de Mme [N] [F] ; qu'il était donc seul responsable de la régularité de cette embauche ; que le syndic a donc incontestablement commis une faute en n'établissant pas de contrat écrit, puisque la responsabilité du syndicat des copropriétaires se trouve engagée du fait de cette absence de contrat écrit.

Dans ses conclusions transmises le 11 septembre 2017, le cabinet Havre Saint-Lazare Immobilier (HSLI) demande à la Cour de déclarer nulle l'assignation en garantie, à tout le moins irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires dirigées contre lui, et, en tout cas mal fondées ; subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mis hors de cause, et de condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Le cabinet HSLI expose qu'il n'a jamais eu la qualité d'employeur de Mme [N] [F] qui n'a d'ailleurs jamais formé aucune demande à son encontre ; qu'il existait entre lui et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] un contrat de syndic qui a pris fin le 7 septembre 2015 ; que le licenciement de Mme [N] [F] a été prononcé le 12 janvier 2016, c'est-à-dire postérieurement.

Il soulève la nullité de l'assignation en intervention forcée pour violation de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, l'assemblée générale des copropriétaires n'ayant jamais autorisé son syndic à introduire cette action.

A titre subsidiaire, il indique que le contrat de travail de Mme [F] était un contrat de travail à temps partiel, la taille de la copropriété ne nécessitant pas un emploi à temps plein, et aucune loge n'existant dans cet immeuble ; qu'en tout état de cause, le syndicat des copropriétaires représenté par le cabinet CGA Copro, son syndic depuis septembre 2015, ne peut solliciter sa garantie alors qu'il a transmis l'ensemble des éléments relatifs à la copropriété à son successeur le 5 novembre 2015 ; que le nouveau syndic CGA Copro a récupéré les archives le 5 novembre 2015, dont un dossier «employé d'immeuble» qui ne comportait pas de contrat de travail au nom de Mme [N] [F] ainsi qu'il le reconnaît ; qu'il lui était alors possible de formaliser le temps partiel, ce que le nouveau syndic n'a pas fait ; qu'il ne pourra être tenu à aucune garantie, et devra être mis hors de cause, et subsidiairement dégagé de toute responsabilité.

Le cabinet HSLI rappelle qu'il n'était plus syndic de la copropriété depuis septembre 2015 lorsque la procédure de licenciement a été engagée par le syndic CGA Copro en janvier 2016, et qu'il n'est donc pas responsable des actes de son successeur ; qu'en outre, l'existence d'un contrat à durée déterminée écrit (dont l'absence lui est reprochée) aurait conduit à la même conclusion, à savoir que le syndicat des copropriétaires a rompu de façon anticipée un contrat qui aurait dû se poursuivre jusqu'au jour de la rupture du contrat de travail de Mme [F] [F].

Le dossier a été clôturé le 13 septembre 2018

MOTIFS

Sur l'exception de nullité de l'assignation en intervention forcée :

L'article 55 du décret du 10 mars 1967 prévoit que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en 'uvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat.

Le cabinet Havre Saint Lazare Immobilier soulève la nullité de l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée par le syndicat des copropriétaires le 1er juin 2016, sur les dispositions combinées de l'article 117 du Code de procédure civile relatif au défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant une personne morale.

En l'espèce, l'action engagée par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic est une intervention forcée, aux fins de se voir garantir de toutes condamnations par l'ancien syndic de la copropriété.

Il n'est ni justifié, ni même soutenu, par le syndicat des copropriétaires, représenté par son nouveau syndic la société CGA Copro, qu'il ait été autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires à engager cette action en intervention forcée à l'encontre de son ancien syndic.

Aucun procès-verbal d'assemblée générale n'est versé en ce sens.

Toutefois, une telle autorisation n'est pas nécessaire s'agissant d'un appel en garantie du syndicat des copropriétaires, ne visant pas à obtenir un avantage distinct de la défense à l'action principale de Mme [F].

Ainsi, il y a lieu de rejeter l'exception de nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée le 1er juin 2016 au cabinet Havre Saint Lazare Immobilier.

Sur la re-qualification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

L'article L.1242-12 du code du travail prévoit que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [N] [F] a été embauchée le 23 avril 2014 par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], par l'intermédiaire de son syndic le cabinet Havre Saint Lazare Immobilier, aux fins d'effectuer des tâches de ménage et d'entretien au sein de la copropriété, en remplacement de sa mère, Mme [F] [F], alors en arrêt de travail.

Il n'est pas contesté non plus par les parties que cette embauche destinée à remplacer une salariée absente n'a donné lieu à aucun contrat écrit.

En application de l'article L.1245-1 du code de travail, il y a donc lieu de requalifier ce contrat de travail oral en contrat de travail à durée indéterminée.

L'article 1245-2 du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

En l'espèce, il convient d'accorder à Mme [F], qui n'a jamais eu de contrat de travail écrit pour un emploi occupé pendant plus de 20 mois, une somme égale à 1 200 € au titre de l'indemnité de requalification.

Il convient donc de confirmer le jugement de première instance quant à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée, en l'infirmant sur le quantum accordé.

Sur la re-qualification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein :

Selon l'article L. 3123-14 du code du travail applicable en l'espèce, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

La preuve contraire incombant à l'employeur peut être rapportée par tous moyens.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires verse aux débats les éléments suivants pour combattre la présomption de travail à temps plein :

les fiches de paie de Mme [N] [F], qui mentionnent toutes un temps de travail de 51h00 par mois, temps de travail identique à la durée du travail figurant sur le contrat de travail de sa mère, Mme [F] [F], qu'elle remplaçait ;

le contrat de travail de Mme [F] [F], qui indique expressément que « le nettoyage des parties communes est laissé à la libre organisation de l'employée jusqu'à nouvel ordre avec un minimum d'une fois par semaine » ;

l'absence de contestation de la salariée sur le nombre d'heures durant les 20 mois qu'a duré son contrat de travail ;

un plan de l'immeuble, versé aux débats par la salariée, qui justifie que l'ensemble immobilier où s'effectue le travail est composé de 4 bâtiments de 4 étages chacun (4 escaliers en tout), d'une cour d'immeuble et d'un porche ;

des attestations de nombreux copropriétaires et habitants de l'immeuble, qui indiquent que Mme [N] [F], qui ne bénéficiait d'aucune loge ou local, n'était pas présente dans l'immeuble durant toute la journée, mais simplement les matins pour sortir les poubelles, et les vendredis soirs et certains samedis matins, pour nettoyer les parties communes (escaliers et hall d'entrée) ;

deux attestations de Mme [P] et de Mme [K], membres du conseil syndical, qui précisent que lors de la réunion du conseil syndical du 14 janvier 2016, Mme [N] [F] leur a indiqué travailler environ 4h00 par semaine, à une ou deux heures près ;

les trois attestations de copropriétaires versées aux débats par Mme [F] n'indiquent pas qu'elle travaillait à temps plein, mais que les attestants la voyaient régulièrement intervenir dans l'immeuble pour sortir les poubelles ou nettoyer les cages d'escalier, et qu'elle effectuait correctement son travail.

Au vu de ce faisceau d'indices, l'employeur justifie que le travail confié à Mme [F] était un travail à temps partiel de 51h00 par mois, et non un travail à temps plein, et que Mme [F] n'était pas en permanence à la disposition de l'employeur, et il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat de travail à temps plein.

Sur la rupture abusive du contrat de travail :

L'article 1235-5 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En l'espèce, par appel téléphonique du 12 janvier 2016 constaté par huissier de justice, le syndic CGA Copro représentant le syndicat des copropriétaires a informé Mme [F] qu'il était mis fin à sa mission, puis par courrier recommandé du même jour, le syndic a indiqué à Mme [N] [F] : « suite au courrier que votre mère nous a adressé nous informant de son impossibilité de reprendre le travail pour la copropriété du [Adresse 3], nous nous voyons dans l'obligation de mettre fin au contrat de remplacement ».

Or, la re-qualification du contrat de travail oral en contrat de travail à durée indéterminée entraîne le caractère abusif de cette rupture, la lettre adressée le 12 janvier 2016 par le syndic ne comportant aucun motif au soutien de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Compte tenu notamment qu'à la date du licenciement Mme [F] percevait une rémunération mensuelle brute de 638 €, avait 30 ans, bénéficiait d'une ancienneté de 20 mois au sein de l'entreprise, et en l'absence de toute information sur sa situation professionnelle actuelle, il convient d'évaluer à la somme de 2 000 € le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L1235-5 du code du travail.

Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a qualifié d'abusive la rupture du contrat, et de l'infirmer sur le quantum accordé à Mme [F].

Sur les indemnités afférentes à la rupture :

Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le conseil des prud'hommes sur le quantum des indemnités de préavis, de congés payés y afférents, et d'indemnité de licenciement.

Le jugement de première instance sera donc confirmé sur ces chefs de demandes.

Sur la remise tardive de l'attestation Pôle Emploi :

Mme [F] indique qu'elle n'a reçu l'attestation Pôle Emploi que le 2 février 2016, alors qu'elle a été licenciée par courrier du 12 janvier 2016.

Toutefois, elle ne justifie, ni n'invoque, aucun préjudice particulier.

En l'absence de toute démonstration d'un préjudice causé par cette remise tardive de documents, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme [F].

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'appel en garantie :

L'article 31 du décret du 17 mars 1967 prévoit que le syndic engage et congédie le personnel employé par le syndicat et fixe les conditions de son travail suivant les usages locaux et les textes en vigueur.

L'assemblée générale a seule qualité pour fixer le nombre et la catégorie des emplois.

En application de cet article, le syndic est tenu de respecter la régularité de l'embauche et du licenciement des salariés employés par le syndicat des copropriétaires, même si le syndic n'agit qu'en qualité de mandataire du syndicat qui est le véritable employeur.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [F] a été embauchée en avril 2014 par le cabinet Halle Saint Lazare Immobilier, en sa qualité de syndic de la copropriété du [Adresse 3], sans contrat de travail écrit, alors qu'au vu de la nature de l'embauche, destinée au remplacement d'un salarié en arrêt de travail, un tel contrat était nécessaire.

L'absence de contrat de travail écrit a entraîné la requalification de contrat de travail en un contrat de travail à durée indéterminée, et la condamnation du syndicat des copropriétaires à verser à la salariée une indemnité de requalification d'un montant de 1 200 €.

Il existe donc bien une faute commise par le syndic HSLI, l'absence de conclusion d'un contrat écrit, nécessaire au vu des textes en vigueur, un préjudice pour le syndicat des copropriétaires qui a été condamné à verser à la salariée une indemnité de requalification, et un lien de causalité entre l'absence de contrat de travail écrit et la requalification de celui-ci en contrat de travail à durée indéterminée.

Les autres condamnations du syndicat des copropriétaires sont liées à l'absence de régularité du licenciement et ne peuvent être imputées au syndic HSLI, celui-ci n'étant plus syndic de la copropriété depuis le mois de septembre 2015, soit antérieurement à la procédure de licenciement de janvier 2016.

Il y a donc lieu de condamner la société HSLI à garantir le syndicat des copropriétaires de la condamnation au profit de Mme [F] à concurrence de 1 200 € au titre de l'indemnité de requalification, les autres demandes de garantie étant rejetées.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Le syndicat des copropriétaires sera condamné aux entiers dépens de l'instance.

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de Mme [F] les frais qu'elle a dû supporter au cours de la présente instance.

Le syndicat des copropriétaires sera donc condamné à lui verser la somme de 1 200 € au titre des frais irrépétibles.

Par ailleurs, il convient de condamner le cabinet Havre Saint Lazare Immobilier à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer à Mme [F] la somme de 2 000 € au titre de l'indemnité de requalification, la somme de 1 276 € à titre de dommages intérêts pour remise tardive de l'attestation et la somme de 3 900 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive, et en ce qu'il a mis hors de cause le cabinet Havre Saint Lazare Immobilier;

Et statuant à nouveau,

Rejette l'exception de nullité de l'assignation en intervention forcée du 1er juin 2016 ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à verser à Mme [F] la somme de 1 200 € au titre de l'indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée, et la somme de 2 000 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive ;

Condamne le cabinet Havre Saint Lazare Immobilier à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de la condamnation au titre de l'indemnité de requalification versée à Mme [F] à concurrence de 1 200 € ;

Condamne le syndicat des copropriétaires à verser à Mme [F] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le cabinet Havre Saint Lazare Immobilier à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/02783
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°17/02783 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;17.02783 ?
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