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15/11/2018 | FRANCE | N°16/09102

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 15 novembre 2018, 16/09102


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 15 Novembre 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09102 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZFME



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/06994





APPELANT

Monsieur Pierre X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Samuel Y..., av

ocat au barreau de PARIS, toque : A0729





INTIMÉE

Association LIGUE DE PARIS ILE DE FRANCE DE FOOTBALL

[...]

représentée par Me Joseph Z..., avocat au barreau de LYON


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 15 Novembre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09102 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZFME

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/06994

APPELANT

Monsieur Pierre X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Samuel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0729

INTIMÉE

Association LIGUE DE PARIS ILE DE FRANCE DE FOOTBALL

[...]

représentée par Me Joseph Z..., avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseillère

Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame, Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée indéterminée en date du 2 septembre 1996, M. X... a été engagé en qualité de secrétaire administratif, statut cadre, par l'association Ligue de Paris Ile de France de Football. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur général.

L'entreprise emploie plus de dix salariés et la relation de travail est régie par la convention collective du personnel administratif et assimilé du football.

Le 27 février 2013, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en date du 13 mars 2013 en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 5 mars 2013 pour faute lourde.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour obtenir paiement de diverses sommes dont des dommages et intérêts au titre de la clause de garantie de l'emploi à concurrence de la somme de 348 000 €.

Par jugement en date du 20 juin 2016, le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande de rappel de congés payés à concurrence de la somme de 7 756,06 €, déclaré nul l'avenant du 30 mars 2012 et donc inopposable à l'association Ligue de Paris qui a été sommée de restituer le footballeur en bronze offert par Mme A..., débouté M. X... de ses autres demandes.

Pour retenir l'existence d'une faute grave, le conseil a jugé que les pièces produites établissaient que M. X... avait antidaté l'avenant à son contrat de travail pour l'éditer après les élections à la présidence de la Ligue afin de se voir accorder un avantage financier très important, après avoir eu confirmation, au vu des résultats de l'élection, que l'équipe dirigeante allait être remplacée. Il a ajouté que la réalité du caractère frauduleux de cette manoeuvre était confirmée par les circonstances de la remise du contrat de travail modifié sous une enveloppe scellée ne comportant que son contrat et celui de M. B... ainsi que par le courriel échangé le 6 mars 2012 par l'intéressé avec M. C....

Le 1er juillet 2016, M. X... a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon conclusions soutenues à l'audience, M. X... conclut à l'infirmation de la décision déférée quant au rejet de ses demandes et à la confirmation du rejet des prétentions de l'association Ligue de Paris. Il demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement et de condamner l'association Ligue de Paris à lui payer la somme de 120.225 € au titre de la violation de son statut de salarié protégé. Subsidiairement, il conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et donc à la condamnation de l'association Ligue de Paris aux sommes suivantes :

- 30 056 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3005 € bruts au titre des congés payés y afférents,

- 131 496 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 348 986,45 € à titre de dommages et intérêts du chef de la clause de garantie de l'emploi, et subsidiairement 160 300 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts liés aux circonstances vexatoires,

- 9 719,48 € bruts à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire et 971 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 652,30 € bruts à titre de rappel sur ancienneté pendant la mise à pied conservatoire t 165 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 3 87,26 € bruts à titre de rappel de salaire pour le 13ème mois,

- 7 756,06 € à titre de rappel sur congés payés 2012 et 2013,

- 62 385,814 € au titre des heures supplémentaires et 6 238 € au titre des congés payés afférents,

- 8 543 € à titre de rappel de salaire pour les dimanches et jours fériés travaillés et 854 € au titre des congés payés afférents,

- 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite également la publication de la décision dans deux journaux de son choix et la remise, sous astreinte, de l'attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie rectifié.

Il conclut au rejet de la demande de sursis à statuer en raison de la plainte pénale déposée à son encontre.

Sur la nullité du licenciement, il invoque la violation de son statut protecteur lié à sa qualité de représentant du SNAAF au sein du collège des salariés de la commission nationale paritaire de la convention collective applicable, mandat dont il soutient qu'il était connu des membres du comité directeur.

Subsidiairement, il invoque le caractère abusif de son licenciement et souligne que la conclusion d'un avenant dans le cadre d'une relation contractuelle de 17 ans prévoyant une garantie d'emploi ne peut pas constituer une faute de sa part, cet avenant ayant été signé par le président de la Ligue. Il conteste avoir caché l'existence de ces contrats qui avaient été déposés au service de la comptabilité et soutient que M. D... est à l'origine de cette modification. Il nie l'existence d'un préjudice pour la Ligue dans la mesure où il donnait satisfaction depuis 16 ans et soutient qu'une indemnité équivalente à 12 mois de salaire en plus des indemnités conventionnelles n'est pas contraire aux usages. Il fait valoir que cette clause n'interdit pas à l'employeur de le licencier, qu'elle était limitée dans le temps et qu'elle n'était pas excessive au regard du budget de la Ligue.

Il conteste l'annulation prononcée par le conseil des prud'hommes en l'absence de remise en cause de la validité de la signature du président et de vice du consentement.

Au titre du préjudice subi, dans le cas où la cour ne ferait pas droit à la demande de validité de la clause de garantie d'emploi, il invoque sa situation de chômeur et la baisse extrêmement importante de sa rémunération pour solliciter une somme équivalent à 16 mois de salaire.

Selon conclusions soutenues à l'audience, l'association Ligue de Paris conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l'intégralité des prétentions de M. X... et elle sollicite une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste la nullité du licenciement, invoquée par l'appelant cinq ans après la rupture, dans la mesure où elle précise n'avoir pas eu connaissance de sa désignation en qualité de délégué syndical, aucun notification ne lui ayant été faite. Elle en déduit qu'il ne peut pas bénéficier de cette protection.

Au titre de la faute lourde, elle invoque les manoeuvres de M. X... pour faire établir à son profit une clause de garantie d'emploi, dont elle conteste la licéité, et sa connaissance manifeste du dommage occasionné à la concluante en procédant à de telles manoeuvres. Elle soutient que les conclusions de l'expert informatique établissent que l'avenant, bien que daté du 30 mars 2012, a été modifié le 29 octobre 2012 puis déposé dans la corbeille le 26 février 2013, soit la veille de la venue de l'huissier. Elle en déduit que l'avenant n'a pas été signé en mars 2012 mais uniquement le 29 octobre 2012 par M. D... qui ne pouvait pas prendre un tel engagement sans en référer au président nouvellement élu, qu'en tout état de cause, l'avenant n'aurait pu être signé, qu'après consultation du trésorier, par le président, du secrétaire général et du membre du comité de direction délégué, ce qui n'a pas été le cas. Elle précise que l'attestation de M. D... n'est pas probante en raison de la collusion manifeste avec l'appelant.

Elle précise que déjà en 2008, soit quelques mois avant la tenue des élections du président, il avait fait éditer un avenant prétendument signé en 2006 et contenant une indemnité de rupture équivalente à 12 mois de salaire, lequel comprenait alors son adresse personnelle en 2008 au lieu de celle de 2006.

Sur le préjudice en résultant pour elle, elle précise que l'avenant aboutit au maintien de l'emploi de M. X... durant 4 ans sauf à être sanctionné par le versement des salaires restant dus jusqu'au terme de la période de garantie sans pouvoir être inférieurs à 12 mois et par l'allocation d'une indemnité conventionnelle de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour la période postérieure au 30 mars 2016, à la possibilité de rompre le contrat de travail uniquement pour faute grave sous peine de régler 24 mois de salaire et en toute hypothèse, en cas de rupture, quelle que soit la partie à laquelle elle est imputable, au versement d'une somme équivalente à 12 mois de salaire, ce qui selon la partie intimée, vise également la démission de l'intéressé.

Selon elle, son préjudice correspond à l'absence de déduction fiscale attachée à ces écritures comptables et la présentation, en raison de l'ignorance de cette dette, d'un bilan comptable erroné. Elle dénonce la volonté de M. X... d'obtenir des garanties d'emploi exorbitantes afin d'assurer son avenir en cas d'élection d'un autre président que M. D....

Si M. B... n'a pas fait l'objet de sanction alors qu'il bénéficiait d'un avenant similaire, elle précise qu'il a renoncé à s'en prévaloir et a reconnu que le document n'avait pas été signé en mars, ni en avril 2012.

Elle fait valoir que le classement sans suite de la plainte déposée à l'encontre de l'appelant est sans incidence sur l'appréciation du bien-fondé de la rupture.

Sur la validité de la clause de garantie d'emploi, elle précise que par cet engagement contractuel, elle ne peut pas rompre le contrat de travail sans s'exposer au versement d'importants dommages et intérêts, y compris en cas de démission, ce qui n'est pas licite et également contraire au principe de liberté contractuelle. Elle rappelle à cet effet sa mission de service public. Elle souligne que M. X... a retrouvé un emploi en septembre 2013.

Concernant la demande formée au titre des heures supplémentaires, elle constate que M. X... a produit des tableaux qu'il a personnellement élaborés, et elle fait valoir qu'il était en charge de la gestion du personnel et contrôlait la durée du travail, qu'il disposait d'une autonomie incontestable dans l'organisation de son temps de travail et n'était astreint à aucun horaire, qu'il percevait en outre la rémunération la plus élevée au sein de la ligue, qu'il avait le statut de cadre dirigeant.

Elle conteste avoir commis une faute à l'occasion du licenciement pour faute lourde qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, que son départ s'inscrit dans ce cadre et qu'au surplus, il ne démontre aucun préjudice.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du licenciement tirée de la violation de son statut de salarié protégé

L'article L. 22411-1 16° du code du travail dispose que le salarié investi du mandat de conseiller salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par l'employeur en vue d'un licenciement bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le code du travail.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de la commission nationale paritaire de la CCPAAF en date du 26 avril 2011 qu'à cette date, M. X... faisait partie du collège des salariés et avait donc vocation à bénéficier de la protection attachée à l'exercice de son mandat.

Il est constant que pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1 16° du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, avoir informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l'employeur en avait alors connaissance.

M. E..., ayant occupé le poste de vice-président au sein du comité directeur du 1er janvier 2013 jusqu'en 2014, précise avoir travaillé avec M. X... et avoir su qu'il était membre du syndicat national des administratifs du football et qu'à ce titre, il siégeait au sein de la commission nationale paritaire. Mme F... indique qu'elle a été membre du comité directeur de la Ligue du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012, et que les membres du comité directeur savaient que M. X... était membre du syndicat des administratifs du football et qu'il siégeait en tant qu'élu à la commission paritaire nationale. M. G..., ayant exercé les fonctions de vice-président au sein de la ligue du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012, atteste qu'il savait que M. X... avait la qualité de membre de la haute autorité du football, avait des responsabilités syndicales et siégeait en qualité d'élu depuis plusieurs années à la commission paritaire de la convention collective des personnels administratifs.

D'une part, M. X... n'a pas précisé les périodes durant lesquelles il a exercé son mandat et n'a pas en tout état de cause pas justifié qu'en février 2013, date à laquelle il a été licencié, il participait toujours à la commission nationale paritaire en qualité de représentant du collège des salariés. En effet, il n'a versé aucune pièce aux débats à l'exception du procès-verbal du 26 avril 2011. D'autre part, les attestations produites ne permettent pas de pallier cette carence dans la mesure où aucun des membres du comité directeur ne précise qu'en février 2013, M. X... siégeait toujours au sein de cette commission.

En l'absence de preuve de ce qu'il bénéficiait de ce mandat en février 2013, M. X... ne peut pas se prévaloir de la protection attachée au mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1 16° du code du travail. En conséquence, la demande tendant à la nullité du licenciement est rejetée, de même que celle formée au titre de la somme de 120.225 €.

Sur le bien-fondé du licenciement

Il est constant que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise

Par courrier recommandé en date du 5 mars 2013, la Ligue a notifié à M. X... son licenciement pour faute lourde. Elle a précisé que dans le cadre de l'analyse des comptes au titre de l'exercice clos au 30 juin 2012, réalisée du 16 au 18 janvier 2013, le cabinet d'expertise-comptable lui avait demandé de transmettre son contrat de travail ainsi que celui de M. B..., directeur général adjoint, documents qui n'avaient jamais été transmis au service comptable de l'association, que dans ce contexte, il avait remis, sous enveloppes scellées, deux avenants en original et en copie datés du 30 mars 2012, signés par M. D..., président de l'association à la date de la signature, que l'analyse des documents a révélé les clauses tout à fait inhabituelles au regard des avantages exorbitants octroyés, à savoir, le maintien de son emploi et de celui de M. B... durant quatre ans, à défaut le versement d'une indemnité équivalente au solde des salaires restant dus jusqu'au terme de la période de garantie sans pouvoir être inférieure à 12 mois de salaires à laquelle s'ajoute l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'impossibilité de procéder à un licenciement après la période de garantie, sauf pour faute grave avérée et en tout état de cause, en sus des indemnités conventionnelles, en cas de rupture du contrat de travail et quelle que soit la partie à laquelle elle est imputable et quel qu'en soit le motif, le versement d'une indemnité correspondant à 12 mois de salaire.

Elle précisait avoir sollicité la désignation d'un huissier de justice et d'un expert informaticien dont l'expertise a déterminé qu'au mois de mars 2012, M. X... avait sollicité les services de M. C..., professeur de droit, pour la rédaction d'un avant projet afin de sécuriser au plus vite son contrat avant les élections de la présidence de la ligue et que la version remise au service comptable a été signée, non pas en mars 2012, mais le 29 octobre 2012, soit postérieurement aux élections intervenues le 20 octobre 2012.

Elle lui a reproché d'avoir établi de manière frauduleuse cet avenant antidaté en vue de se voir garantir des avantages financiers exorbitants eu égard à la vocation de l'association, et elle précise que M. B... a reconnu que son avenant avait également été antidaté et préparé par les soins de M. X....

Elle a souligné qu'aucune provision n'avait été passée dans les comptes de l'exercice clos au 30 juin 2012, ce qui démontre que les deux avenants n'existaient pas à la date de clôture, et que s'ils avaient effectivement été signés à la date indiquée, il aurait participé, en sa qualité de directeur général et de responsable de la comptabilité, à la commission du délit de présentation de comptes annuels inexacts.

Elle a précisé qu'il avait fait preuve de manquements graves et avait, de manière intentionnelle, nui aux intérêts de l'association dans la mesure où de tels avantages mettent en danger les comptes de la structure et matérialisent une attitude totalement irresponsable de ses dirigeants, qu'en effet, ces avantages la privent de toute faculté de résiliation unilatérale du contrat de travail, raison pour laquelle, il a omis intentionnellement la double signature du président et du secrétaire général imposée par les dispositions statutaires, alors même que les avantages prévus ont pour effet d'engager financièrement l'association.

Il résulte du procès-verbal d'huissier que le 27 février 2013, M. X... et M. B... ont remis au président, M. H..., une enveloppe fermée contenant un avenant à leur contrat de travail mentionnant la date du 30 mars 2012.

L'expert, qui assistait l'huissier lors de son intervention du 27 février 2013, a procédé à l'examen du disque dur de l'ordinateur de M. X... dont il ressort que le fichier relatif à l'avenant litigieux a été créé le 6 mars 2012, qu'il a été modifié le 29 octobre 2012 et déposé dans la corbeille le 26 février 2013, et que seule la version du 29 octobre 2012 a été imprimée et a donc été signée par M. D.... En conséquence, l'avenant de M. X... est effectivement antidaté. La volonté de l'appelant se sécuriser son contrat de travail et celui de M. B... ressort du courriel adressé le 6 mars 2012 à M. C... dans lequel il a précisé que les élections allaient avoir lieu le 15 septembre 2012.

Lors de l'ouverture, effectuée devant huissier, de la lettre scellée contenant l'avenant, M. B... a affirmé que le 30 mars 2012, il n'avait pas signé d'avenant et qu'il ignorait que ce dernier avait été placé sous enveloppe scellée. Par courrier en date du 24 avril 2013, il a précisé qu'il n'avait pas été à l'instigation de l'établissement de l'avenant et qu'il n'avait pas participé à sa rédaction. S'agissant de sa signature, il a confirmé que l'avenant n'avait pas été signé le 30 mars 2012, ni même à une date proche courant avril 2012. Ce témoignage corrobore le caractère antidaté des deux avenants dans la mesure où les échanges par courriels entre M. X... et M. C... concernaient les deux avenants.

M. D..., l'ancien président, atteste qu'il lui est apparu qu'il devait s'assurer de la fidélisation d'un cadre de haut niveau en la personne de M. X... qui pouvait être sollicité par d'autres structures compte tenu de son expérience et de ses compétences, qu'il a signé un avenant en mars 2012 dans le but d'assurer la continuité du suivi des dossiers. Cette affirmation est contestée par les éléments analysés ci-dessus et par les propos même de M. X... lorsqu'il s'adresse à M. C... pour l'aider à rédiger l'avenant. Ce dernier, entendu par les services de police, a précisé que M. X... avait des inquiétudes quant aux élections d'octobre 2012 et qu'il cherchait à conserver son emploi, d'où la proposition de 'muscler' le contrat de travail.

Par ailleurs, l'avenant en question est irrégulier en ce que l'article 26-3 des statuts de la ligue n'a pas été respecté. En effet, ce dernier précise que le président, ou le membre du comité de direction à qui il délègue ses pouvoirs, sauf le trésorier général, ordonne, après consultation de ce dernier, les dépenses et signe, conjointement avec le secrétaire général, tous les documents engageant la Ligue.

Or, l'avenant litigieux n'a pas été signé conjointement par le secrétaire général et il n'est pas non plus démontré que le trésorier général a été consulté alors qu'aux termes de cet avenant, les finances de la Ligue étaient effectivement engagées et de manière considérable au regard des sommes susceptibles d'être versées à M. X... en cas de licenciement. Enfin, M. X... ne démontre pas que l'avenant a été transmis au service comptable. En effet, l'expert-comptable, entendu par les services de police dans le cadre de l'enquête préliminaire, a précisé avoir constaté que le service comptable n'était pas en possession des contrats de travail de MM. X... et B... et que lorsqu'il a exigé leur remise, ceux-ci lui ont été présentés sous enveloppes scellées. Il a d'ailleurs ajouté que pour lui, ces avenants comportaient des dispositions hors normes au regard du montant des sommes à verser en cas de rupture de la relation contractuelle et du caractère certain de leur versement alors que les sommes en question ne figuraient pas au passif lors du bilan arrêté au 30 juin 2012. Il a souligné que la structure ne comportait que 45 salariés et fonctionnait avec les cotisations des adhérents et des fonds publics et que des clauses de ce type ne sont insérées que dans des contrats de manager d'entreprises commerciales cotées.

M. X... ne peut pas invoquer l'accord de M. D... pour soutenir la régularité de l'avenant et de la clause de garantie d'emploi au regard d'une part, du caractère antidaté du document, ce qui démontre l'existence d'une collusion avec ce dernier, et d'autre part, du non-respect de la procédure d'engagement des dépenses applicable au sein de la Ligue aux termes du statut, ce dont le Président en titre, et lui-même, compte tenu de sa qualité de directeur général, avaient nécessairement connaissance. Les manoeuvres frauduleuses de la part de M. X... en vue de se voir attribuer des avantages exorbitants postérieurement à l'élection du nouveau président de la Ligue sont donc établies. Par ailleurs, l'avenant est irrégulier et ne peut recevoir application en l'absence de respect de la procédure d'engagement des dépenses.

Le licenciement de M. X... est donc justifié. En revanche, la volonté de nuire à son employeur n'est pas démontrée, seul l'intérêt personnel l'ayant conduit à signer cet avenant ainsi que cela ressort des courriels adressés à M. C.... Préciser que l'on retient la faute grave et non la faute lourde.

En conséquence, les demandes indemnitaires formées par M. X... ainsi que celles relatives au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de la clause de garantie de l'emploi, du rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, du rappel d'ancienneté pendant la mise à pied conservatoire, du rappel de salaire au titre du 13ème mois fondé sur le préavis qu'il aurait dû effectuer sont rejetées.

Sur le préjudice résultant des circonstances vexatoires du licenciement

Les faits commis par M. X... justifiaient la rupture immédiate du contrat de travail de sorte que l'appelant ne peut pas invoquer la demande de son employeur de quitter le lieu de travail, ni la saisie de son ordinateur qui a permis de révéler le caractère antidaté et donc frauduleux de l'avenant. En conséquence, cette demande est rejetée.

Sur le rappel de congés payés

La Ligue a conclu à la confirmation du jugement qui avait alloué à M. X... une somme de 7 756,06 € à titre de rappel sur congés payés 2012 et 2013. L'attribution de cette somme est donc confirmée.

Sur les heures supplémentaires et le rappel de salaire pour les dimanches et jours fériés travaillés

Il résulte de l'article L.3171- 4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et mettre l'employeur en mesure de discuter la demande.

Pour s'opposer à la demande formulée par M. X..., la Ligue précise qu'il avait le statut de cadre dirigeant.

L'article L. 3111-2 dispose que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Il est constant que les trois critères énoncés à l'article L. 3111-2 du code du travail sont cumulatifs et que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants au sens de ce texte les cadres participant à la direction de l'entreprise. Il est également constant que pour déterminer l'application de ce statut, il importe d'examiner la fonction réellement occupée par le salarié au regard de chacun des trois critères afin de vérifier s'il participait à la direction de l'entreprise.

En l'espèce, la Ligue verse aux débats les contrats de travail des salariés de la Ligue qui étaient signés par M. X... compte tenu de sa qualité de directeur général, ce qui démontre qu'il prenait des décisions de manière largement autonome et qu'il avait en charge la gestion du personnel impliquant le pouvoir de direction et le contrôle du temps de travail. A cet effet, il représentait la direction aux réunions de délégués du personnel.

En qualité de directeur général, il participait à la direction de la Ligue. A ce titre, il assistait aux assemblées générales qu'il préparait ainsi que cela ressort des procès verbaux versés aux débats. Il avait également le pouvoir d'engager financièrement la Ligue ainsi qu'en attestent les contrats qu'il concluait dans le but de faire réaliser des reportages et de les voir publier sur internet (50 000 à 60 000 €). Aucun de ces contrats n'est contresigné par le Président, ce qui corrobore la grande autonomie dont il bénéficiait.

Enfin, la Ligue produit la déclaration annuelle des données sociales pour les années 2011 et 2012 dont il ressort qu'il percevait le salaire le plus élevé au sein de la Ligue, soit 10.018,75 €. A titre d'exemple, le directeur général adjoint, M. B..., au profit duquel il avait signé une délégation de pouvoir, percevait un salaire bien inférieur, soit 57 702 € annuellement.

Il bénéficiait de fait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.

Il s'en déduit que M. X... avait le statut de cadre dirigeant et qu'a ce titre, il ne peut pas prétendre au paiement d'heures supplémentaires, ni à un rappel de salaire pour les dimanches et jours fériés travaillés alors qu'une partie de ses fonctions consistaient à représenter la Ligue, comme il le précise, au sein de diverses réunions ou d'action à destination de clients ou de dirigeants le soir ou le week-end (page 50 de ses écritures). En conséquence, ses demandes sont rejetées.

Le jugement est donc confirmé dans sa totalité.

Une somme de 2 000 € est allouée à l'association Ligue de Paris en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement dans sa totalité ;

Condamne M. X... à payer à l'association Ligue de Paris la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X... au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/09102
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°16/09102 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;16.09102 ?
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