La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2018 | FRANCE | N°17/13932

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 14 novembre 2018, 17/13932


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 Novembre 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/13932 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4PBQ



Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation du 01 Février 2017 concernant un arrêt rendu le 17 Juin 2015 par le pôle 6-9 de la Cour d'appel de PARIS suite au jugement rendu le 21 Septembre 2017 par le Cour de Cassation de PARIS RG n° 2006-F-D



APPEL

ANT



Monsieur Dominique X...

[...]

né le [...] à DOMART EN PONTHIEU (80)

comparant en personne, assisté de Me Marie-catherine Y..., avocat au ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 Novembre 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/13932 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4PBQ

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation du 01 Février 2017 concernant un arrêt rendu le 17 Juin 2015 par le pôle 6-9 de la Cour d'appel de PARIS suite au jugement rendu le 21 Septembre 2017 par le Cour de Cassation de PARIS RG n° 2006-F-D

APPELANT

Monsieur Dominique X...

[...]

né le [...] à DOMART EN PONTHIEU (80)

comparant en personne, assisté de Me Marie-catherine Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0010 substitué par Me Yann V..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1874

INTIMÉE

ASSOCIATION CHAMBRE D'APPRENTISSAGE DES INDUSTRIES DE L'AMEUBLEMENT

200bis bd Voltaire

[...]/FRANCE

représentée par Me Claire W..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0384

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Graziella HAUDUIN, Président, chargée du rapport et Madame Séverine TECHER, vice-président placé faisant fonction de second rapporteur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Graziella HAUDUIN, président

Monsieur Bertrand GOUARIN, conseiller

Madame Séverine TECHER, vice-président placé

Greffier : Mme Fanny MARTIN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, Président et par Madame Fanny MARTIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement en date du 23 mars 2012 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, statuant dans le litige opposant M. Dominique X... à son ancien employeur, l'association Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement, a notamment, après avoir écarté la qualification de faute grave, dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et alloué au salarié 10 197,03 euros et 1 019,70 euros d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, 27 192 euros d'indemnité de licenciement et 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pris acte de ce que l'association a reconnu devoir 1 098 euros pour absence de mention du droit individuel à la formation (DIF), M. X... étant débouté de ses autres demandes en paiement de diverses sommes en rapport avec l'exécution du contrat de travail ;

Vu l'arrêt en date du 3 novembre 2015 par lequel la cour d'appel de Paris, saisie d'un appel interjeté par le salarié, a confirmé le jugement entrepris, sauf dans la disposition ayant rejeté la demande de dommages-intérêts pour défaut d'information du DIF et y ajoutant, a condamné l'association à verser à M. X... 2 492,60 euros et 249,26 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et congés payés y afférents, 1 000 euros de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche et de suivi médical périodique, 3 000 euros de dommages-intérêts pour défaut de respect de l'obligation d'adaptation et de formation, 250 euros de dommages-intérêts pour défaut de mention du DIF et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'arrêt en date du 21 septembre 2017 par lequel la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par M. X..., a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris en ce que celui-ci a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice moral et a condamné l'association à supporter les dépens et à lui verser 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la saisine régulière de la cour de céans dans le délai de deux mois imparti par l'article 1034 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 19 septembre 2018 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;

Vu les conclusions visées par le greffe le 19 septembre 2018 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles le salarié appelant, faisant valoir en substance que la rupture de son contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse pour avoir été notifiée par le directeur de l'association dépourvu du pouvoir de le licencier, de surcroît en violation de ses droits lors de l'entretien préalable, et fondée sur des griefs dont il conteste le caractère fautif et/ou l'existence et la gravité, soutenant par ailleurs avoir subi un préjudice moral en considération de l'extrême violence du retentissement de l'affaire sur sa santé, son honneur, sa renommée professionnelle et sa famille, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de son ancien employeur à lui payer 219 838,55 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 15 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral, avec capitalisation des intérêts, et 10 000 euros d'indemnité par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à lui remettre sous astreinte un bulletin de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir ;

Vu les conclusions visées par le greffe le 19 septembre 2018 , reprises oralement à l'audience , aux termes desquelles l'association, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, soutenant en substance qu'elle justifie de ce que le directeur général était investi des pouvoirs en matière de gestion du personnel incluant celui de procéder au licenciement, que M. X... n'est pas recevable à critiquer devant la cour de renvoi les conditions de l'entretien préalable, de la mise à pied et des motifs ayant présidé au licenciement en considération de la portée de la cassation, subsidiairement faisant valoir que les griefs énoncés à l'appui de la rupture sont établis, ont été précédés d'une sanction disciplinaire en 2003, pour certains portés à sa connaissance à l'occasion de la survenance des deux événements de décembre 2009 et janvier 2010 et d'une gravité rendant impossible le maintien du salarié dans l'association même durant la préavis et qu'il ne justifie d'aucun préjudice moral, demande à la cour de débouter M. X... de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le juger irrecevable à contester le motif réel et sérieux de la rupture, subsidiairement de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le condamner au remboursement des sommes réglées, soit le rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, les congés payés y afférents, l'indemnité de préavis, les congés payés y afférents, et l'indemnité de licenciement, plus subsidiairement de limiter les dommages-intérêts à 18 000 euros (salaire des six derniers mois), de rejeter la demande de réparation d'un préjudice moral, de dire irrecevable la demande de remise de documents et de le débouter de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

SUR CE :

Attendu que M. Dominique X..., embauché le 6 novembre 1989 en qualité de formateur en tapisserie par l'association Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement, a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 février 2010 par lettre du 25 janvier précédent, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave le 10 février 2010 par lettre motivée comme suit :

«Monsieur,

Vous êtes employé au sein de notre Centre de Formation des Apprentis depuis le 6novembre 1989 en qualité de Professeur en Tapisserie.

Malheureusement, nous avons à déplorer des faits constitutifs d'une particulière gravité qui nous ont conduits à vous convoquer à un entretien préalable fixé le 4 février 2010 à 10h30.

Vous vous y êtes présenté assisté de Jocelyne XX.... Dès son arrivée, celle-ci a sollicité de mon adjoint qu'il quitte la pièce ce qu'il a fait. Nous avons pu vous exposer les griefs que nous avions à vous reprocher.

1 Vos agissements entraînent un grave problème de sécurité pour nos élèves.

Le 10 décembre dernier, une élève de votre classe, Timna LAMMEL, a fait une crise de tétanie.

Vous ne lui avez, à aucun moment, porté assistance et vous êtes resté derrière elle, assis sur votre chaise, pendant toute la durée de sa crise.

Vous n'avez strictement rien fait, aucun geste, malgré l'évidence de ses symptômes,

l'affolement généralisé de la classe et alors que les élèves vous informaient de ce que la jeune Timna faisait une crise de tétanie. Votre seule réaction a été de lui dire : arrêtez votre cinéma! ,

C'est une amie à elle, Marion Z..., qui l'a aidée et qui est allée lui chercher de l'eau.

Ce sont les élèves qui ont appelé les Conseillers d'Education.

Ce n'est qu'au moment où elle sortait de la classe, soutenue par les deux CE, que vous vous êtes enfin, pour la première fois, levé en proférant des paroles totalement inacceptables : « je n'ai jamais vu ça ! Il faudrait qu'elle apprenne à se contrôler! Ça ne relève pas de la Médecine !Des gens comme ça ne devraient pas être dehors, ils devraient être enfermés ''.

Par la suite, vous êtes passé devant la jeune Timna, qui se remettait doucement au rez-de-chaussée, ne lui avez même pas jeté un regard et ne vous êtes pas, a fortiori, enquis de sa santé.

Il est inconcevable que vous n'ayez rien fait et n'ayez pas porté assistance à une jeune élève visiblement gravement souffrante.

Ce genre de crise non prise en main peut aller jusqu'à un arrêt cardiaque ou une rupture d'anévrisme.

Tous les élèves, et leurs parents, ont été gravement choqués par ces événements et craignent pour leur sécurité.

Cette absence totale de réaction de votre part aggravée par le mépris et les injures adressés à cette jeune fille constituent, à eux seuls, une faute grave justifiant pleinement votre licenciement à effet immédiat.

Il s'est avéré cependant que d'autres faits tout aussi répréhensibles justifient également votre éviction immédiate.

Vous avez gravement enfreint les règles élémentaires de sécurité.

En interrogeant les élèves, nous avons découvert qu'il vous est arrivé à plusieurs reprises de quitter l'atelier, ce qui est en soi déjà fautif et d'enfermer vos élèves dans la salle.

Vous leur avez présenté ces agissements comme une punition.

Que se serait-il passé si, au cours de ces épisodes d'enfermement, des élèves avaient eu une crise de tétanie comme celle de la jeune Timna, qu'un élève se soit blessé, ou qu'un incendie se soit déclaré

Votre comportement entraîne un grave problème de sécurité pour les élèves qui nous sont confiés.

2 Votre comportement colérique, humiliant et injurieux envers vos jeunes apprentis est inacceptable de la part d'un professeur surtout ayant votre expérience.

-Vous avez eu un comportement injurieux, employant des termes humiliants, racistes et sexistes.

Le 10 décembre, en plus de ne pas avoir porté assistance à la jeune Timna, vous avez cru devoir user de propos injurieux et blessants, lui disant en substance qu'elle devrait être enfermée dans un asile psychiatrique.

Malheureusement, ce genre de comportement est loin d'être isolé car il ressort des entretiens que nous avons eus avec les élèves que ceux-ci ont à souffrir, de façon systématique et quasi quotidienne, de propos totalement déplacés, insupportables et inacceptables a fortiori dans une salle de classe.

Vous proférez des insultes à caractère raciste, par exemple :

Vous faites des jeux de mots sur les noms de famille comme GOVCIYAN qui serait «à coucher dehors»;

Vous faites des remarques à une jeune fille d'origine africaine:«si on fait une bataille de neige tu seras facile à viser car tu fais tache dans la neige»,

Vous proférez des injures à caractère sexiste: par exemple, si une jeune femme ne vous donne pas entière satisfaction dans son travail, elle n'a qu'à «retourner à ses casseroles».

Vous faites des jeux de mots avec les noms de famille des élèves. Par exemple, le jeune Thibault A... a eu à supporter, pendant toute une année, des jeux de mots avec son nom de famille tels que«A... à patates», «A... à dos», «A... à merde»....

D'une façon générale, vous proférez de multiples insultes envers vos élèves. Parmi tant d'autres exemples, on peut citer «tête à claques, espèce de débile, personne stupide, grosse idiote, chieuse, bon à rien, idiot, bande de débiles, si vous ne comprenez rien c'est que vous branlez rien, brelles,nuls, petite merde de tapissier, jeune homme débile, boulets, enfants gâtés, que le cerveau ne va pas bien et qu'ils aillent se faire soigner etc....»

3Vous sélectionnez des souffre-douleurs.

Selon les propres termes de vos élèves, vous choisissez l'un d'entre eux, parfois en début d'année pour toute l'année, ou à la suite d'un événement qui vous aurait contrarié, pour :

-passer vos nerfs

-le harceler, l'insulter, l' isoler du cours

Vous ne répondez plus à ses questions, l' ignorez totalement pendant une durée qui peut durer des semaines, des mois, voire toute une année scolaire.

Comme exemple très récent, vous avez exclu le jeune GOVCIYAN de votre cours, et, depuis qu'il est revenu, vous l'ignorez totalement.

Lors de l'entretien préalable, vous avez répondu, pour ce dernier point, qu'après un conflit la mise à l'écart est le mieux pour arranger les choses.

La mise à l'écart d'un élève n'est en aucun cas acceptable.

4 Votre comportement exclut la plus élémentaire pédagogie

Les élèves, dans leur ensemble, y compris des adultes, ressentent que vous n'avez plus aucune pédagogie.

-Vous refusez de répéter les explications.

-Vous refusez de répondre aux questions que les élèves vous posent et leur répliquez :

qu'il s'agit d'une question' idiote' ou 'débile',

par des formules telles que : « quand vous serez dans la merde je vous enfoncerai la tête dedans ».

Vous dénigrez de façon humiliante les travaux des élèves, leur assénez que leur travail est « de la merde » et expliquez apparemment longuement aux apprentis qu'ils n'arriveront jamais à rien.

Répéter, avoir du respect pour les élèves et leurs efforts, quels que soient leurs résultats, est la base de votre métier

5 Nous avons déjà eu l'occasion, dans le passé, de sanctionner la virulence de votre comportement notamment par un avertissement en date du 23 juin 2003

Nous avions déjà constaté à l'époque que votre comportement vis-à-vis des jeunes s'était dégradé.

Vous aviez également menacé un professionnel lors d'un jury d'examen en le menaçant de le gifler.

Vous aviez insulté une de vos collègues, formatrice en langue nouvellement recrutée, lui indiquant qu'elle avait 'une langue de pute' et en épelant le dernier mot pour qu'elle comprenne bien.

Vous vous étiez adressé à deux professeurs de l'éducation nationale lors de la correction d'une épreuve de tapisserie en indiquant « barrez-vous vous êtes des nazes, allez apprendre à travailler ailleurs ».

Vous vous étiez enfin adressé au bureau de notre établissement en vociférant et en indiquant que nous étions tous des 'charlots et des hypocrites'.

Il résulte de votre comportement que vos élèves arrivent à vos cours la plupart du temps avec la 'peur au ventre', stressés, au bord des larmes. Certains prennent des médicaments pour atténuer leur souffrance, avec l'envie de vomir, mal à l'estomac, de peur d'être victime de votre harcèlement.

Les élèves ont peur de vous poser des questions, de présenter leurs travaux...

Vous vous devez, en tant que professeur, de donner l'exemple, de leur transmettre votre savoir de les mettre en confiance et de les aider dans leur apprentissage.

Au lieu de cela, vous tenez des propos injurieux, vous les humiliez, les rabaissez.

Vous leur causez un tel stress qu'ils n'ont, pour la plupart, plus envie de poursuivre leur apprentissage.

Votre attitude nous cause également un grave préjudice car nous avons des comptes à rendre auprès des élèves, de leurs parents et des organismes qui nous subventionnent.

6 Vous nous dénigrez auprès de nos partenaires

-Lorsque les élèves vous disent dans quelle entreprise ils travaillent, vous dénigrez très souvent leurs maîtres d'apprentissage indiquant qu'ils sont nuls, qu'ils n'ont pas de chance et qu'ils n'apprendront rien.

Nous devons cultiver des liens privilégiés avec les maîtres d'apprentissage chez qui nos élèves complètent leur formation.

Un tel comportement ne peut que nous nuire tant vis-à-vis des élèves, en les démotivant davantage, qu'auprès de nos partenaires.

-Vous dénigrez votre direction auprès des organismes qui nous subventionnent.

Vous avez adressé une lettre recommandée avec accusé de réception au président du CFA reçue le 9 février dans laquelle vous précisez en avoir adressé copie au président du conseil régional d'Île-de-France et au président du bureau des associations.

Vous y tenez des propos diffamatoires sur le directeur général et portez de graves accusations à son encontre.

Vous portez également des accusations sur des prétendues irrégularités affectant le fonctionnement du CFA.

Ce dénigrement est inacceptable.

Notre image et notre intégrité sont ébranlées par votre comportement.

7 Enfin, vous n'avez pas respecté votre mise à pied à titre conservatoire

Vous avez été mis à pied par courrier recommandé avec accusé de réception que vous êtes allé chercher le lundi 25 janvier, date à laquelle nous vous avons confirmé de vive voix cette mise à pied conservatoire.

Pourtant, le mardi 26, vous vous êtes représenté dans nos locaux et avez disparu pendant plusieurs heures.

Lorsque nous vous avons retrouvé, nous vous avons demandé de quitter immédiatement les lieux et de nous restituer le trousseau de clefs ce que vous avez refusé.

Nous avons été contraints de vous mettre en demeure de nous restituer les clefs et êtes alors passé à nouveau dans la société pour venir les déposer.

Votre refus de vous soumettre à une mise à pied conservatoire qui vous a été dûment notifiée et votre insubordination constitue en soi une faute grave.

Votre insubordination et votre comportement indigne et inacceptable interdisent votre maintien au sein du CFA même pendant la période de préavis.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la date d'envoi du présent courrier.»;

Attendu que la cour de renvoi est saisie, à l'exception des chefs non cassés, de l'intégralité du litige, si bien que le salarié est recevable à invoquer tous moyens, y compris nouveaux, pour critiquer la légitimité du licenciement ;

Attendu d'abord que les statuts de la chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement de la région parisienne disposent dans leur article 6 que le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion et l'administration des intérêts et des affaires de la chambre sous réserve des droits de l'assemblée générale et du contrôle administratif et dans leur article 10 que la chambre est représentée en justice et dans tous les actes de la vie civile par le président qui devra jouir du plein exercice de ses droits civils ;

Qu'à défaut pour les statuts de réserver le licenciement d'un salarié de l'association aux seuls conseil d'administration et/ou président et de déterminer les conditions dans lesquelles ce pouvoir peut être délégué, il convient de constater que le conseil d'administration, investi du pouvoir de licencier, a pu valablement déléguer ce pouvoir à M. B... suivant procès-verbal du 5 juillet 1996 au terme duquel il l'a désigné en qualité de directeur général avec notamment l'attribution de la direction du personnel qui comprend nécessairement les pouvoirs de procéder à l'embauche des salariés et d'exercer le pouvoir disciplinaire au nom de l'employeur, pouvoir pouvant aller jusqu'au licenciement ;

Qu'il s'en déduit que M. B... avait reçu délégation de pouvoir pour procéder au licenciement de M.Dominique X..., si bien que ce moyen sera écarté

Attendu ensuite que l'application du principe de l'égalité des armes ne peut avoir pour conséquence d'obliger l'employeur dès l'entretien préalable à communiquer les éléments de preuve relatifs aux griefs énoncés, sa seule obligation étant à ce stade de faire connaître au salarié les motifs fondant la mesure envisagée et de recueillir ses explications ; que ce moyen sera en conséquence écarté ;

Attendu enfin que la preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, ce qui implique que l'employeur ait engagé la procédure de licenciement dans un bref délai à partir de sa connaissance des faits ;

Qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées au débat que le 11 janvier 2010 les parents de Tinna Lammel ont informé par lettre le directeur du CFA, M. B..., de leur inquiétude sur le comportement d'un des enseignants de leur fille, M. X..., lors du malaise dont celle-ci a été victime le 10 décembre 2009; que la description précise des événements donnée par Tinna dans sa lettre datée du 14 janvier suivant, confortée par les attestations et/ou déclarations concordantes et non sérieusement contredites de Marion Z..., Damien C..., Estrella D..., Delphine E..., Asmah F..., Laurence G..., et Julie H..., apprentis présents lors du cours, établit que M. X..., alors que la jeune fille était victime d'une crise de tétanie, ce dont il était informé par une autre élève Marion, s'est abstenu de lui prêter assistance, est demeuré assis derrière elle sans se soucier d'elle et a eu à son adresse des propos inadaptés, méprisants et injurieux, allant jusqu'à affirmer que Timna devait être enfermée dans un établissement spécialisé, laissant la jeune Marion gérer seule le malaise de sa camarade, alors qu'au surplus plusieurs autres élèves de la classe étaient en panique; que des attestations et/ou déclarations circonstanciées de Estrella D..., Laurence I... et Elsa J..., non utilement contredites, établissent aussi qu'il les a enfermés à clé dans la salle d'atelier, ce qu'a confirmé une autre enseignante Mme Sylvie K...; que plusieurs élèves, dont Asmah F..., déclarent assister aux cours de M. X... avec un boule au ventre en raison du comportement de celui-ci, notamment dans la manière inadaptée dont il a de nombreuses fois remis en cause sa présence dans l'établissement; que Laurence I..., Mylène L... et Gaël Cousin témoignent également de propos racistestenus par l'intéressé; qu'il est également prouvé qu'il a eu des paroles inadaptées, méchantes, désagréables et humiliantes envers de nombreux élèves, comme le dénoncent de manière concordante les apprentis Pauline M..., Florianne N..., Philippine Nardin, Noémie O..., Gaël Cousin, Marie-Claire YY..., Thibault A..., Angélina P... , Corentin Q..., Anaïs Tupin, Amélie R..., Priscille S... etSandy T...; que l'attestation de Florianne N... permet aussi de retenir qu'il en a fait son souffre-douleurs, comme le confirme Rébecca U..., qui précise que Mathieu Govciyan a également été mis à l'écart par l'enseignant, ce dont au demeurant son père s'est plaint auprès du directeur, M. B..., dans une lettre du 12 janvier 2010, comme aussi du fait que M. X... raille leur nom de famille ainsi que celui d'autres apprentis, comme pour Thibault A...; que le grief tenant aux propos diffamatoires sur le directeur général, M. B... et aux graves accusations portées à son encontre, s'agissant notamment de prétendues irrégularités affectant le fonctionnement du CFA, est établi par la lettre du 6 février 2010 adressée par le salarié à M. B... et dont il indique qu'il va communiquer la teneur de ce courrier au président de la région Ile de France; que le grief relatif au non-respect de la mise à pied conservatoire est également prouvé, le salarié reconnaissant explicitement s'être présenté à la chambre le 26 janvier 2010 alors qu'il avait reçu la lettre de convocation à entretien préalable le mettant aussi à pied à titre conservatoire, étant observé que M. X... ne peut légitimement invoquer sa qualité de membre de l'association pour expliquer sa présence malgré la mise à pied sans établir que sa présence était rendue nécessaire en cette qualitéet que l'employeur pouvait fonder aussi le licenciement sur des faits fautifs survenus après l'entretien préalable et avant la notification de la rupture;

Qu'il se déduit de ces circonstances que les faits précités sont établis et doivent être considérés, de la part d'un enseignant décrit comme expérimenté et ayant une longue carrière, comme fautifs en raison de leur caractère totalement inadapté et totalement étranger à toute pédagogie, mais aussi constitutifs d'un dénigrement de la direction de l'association et du refus de son pouvoir disciplinaire et justifiaient qu'une sanction telle que le licenciement soit prononcée par l'employeur; que même si le comportement de M. X... envers des apprentis précités apparaît être dans la continuité de faits sanctionnés en 2003, aussi dénoncés par une lettre collective du 1er février 2008 d'une douzaine d'élèves adressée à l'employeur et reprochant à l'enseignant «racisme- sexisme- humiliation-partialité-favoritisme et déni», la gravité des faits du 10 décembre 2009 concernant Timma Lammel, dont l'employeur établit avoir eu seulement connaissance, sans être contesté utilement, par la lettre des parents de l'apprenti du 12 janvier 2010 et nécessitant qu'il sollicite des renseignements complémentaires, ce qu'il a obtenu des apprentis présents lors des faits, la réitération de faits similaires et la commission d'autres faits durant la période de mise à pied conservatoire légitimaient l'employeur à invoquer l'impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié durant la durée limitée du préavis;

Que le jugement entrepris sera infirmé ainsi en ce sens, la qualification de faute retenue et M. X... débouté de l'intégralité de ses prétentions en rapport avec la légitimité de la rupture de son contrat de travail et ses conséquences salariales et indemnitaires;

Attendu que la demande en réparation du préjudice moral constitué selon lui par le retentissement d'une extrême violence de cette affaire sur sa santé, son honneur, sa renommée professionnelle et sur sa famille n'est pas distinct de celui en rapport avec le licenciement dont le caractère légitime a été retenu;

Que cette demande sera en conséquence rejetée;

Attendu que l'arrêt infirmatif emportant de plein droit obligation de restitution et constituant titre exécutoire, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes versées en exécution de dispositions infirmées ou remises en cause par la cassation de manière consécutive;

Attendu qu'au vu de la solution apportée au litige, il convient de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de laisser les dépens relatifs à la présente instance à la charge de M. X... ;

PAR CES MOTIFS:

Statuant dans la limite de la cassation ;

Vu le jugement rendu le 23 mars 2012 par le conseil de prud'hommes de Paris,

Vu l'arrêt rendu le 3 novembre 2015 par la cour d'appel de Paris,

Vu l'arrêt rendu le 21 septembre 2017 par la Cour de cassation,

Dit le licenciement de M. Dominique X... fondé sur une faute grave;

Le déboute de l'intégralité de ses demandes en rapport avec le licenciement et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral;

Rappelle que l'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue titre exécutoire,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. Dominique X... aux dépens de la première instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/13932
Date de la décision : 14/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/13932 : Interprète la décision, rectifie ou complète le dispositif d'une décision antérieure


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-14;17.13932 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award