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13/11/2018 | FRANCE | N°17/11498

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 13 novembre 2018, 17/11498


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 13 NOVEMBRE 2018



(n° 481, 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/11498 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PRE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 16/06236





APPELANTS



Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[

Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]





Monsieur [I] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 1]



Monsieur [M] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 13 NOVEMBRE 2018

(n° 481, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/11498 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PRE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 16/06236

APPELANTS

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

Monsieur [I] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 1]

Monsieur [M] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 1]

Madame [A] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 2]

Représentés et ayant pour avocat plaidant Me Marie BURGUBURU de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0276

INTIME

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT pris en la personne de son représentant légal y domicilié

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme. Anne DE LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme. Anne de LACAUSSADE dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Nadyra MOUNIEN, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Le 8 novembre 1999, Mme [H] [R] a trouvé la mort à son domicile d'[Localité 3] par blessure à la tête donnée par arme à feu.

Le 22 février 2000, le parquet de Saverne a classé le dossier sans suite.

Le 17 mars 2000, une information pour recherche des causes de la mort a été ouverte.

Le 19 octobre 2000, une information du chef de meurtre a été ouverte contre X.

Le 8 novembre 2001, M. [Z] [R], mari de la défunte, médecin généraliste, expert légiste, a été mis en examen de ce chef et placé en détention.

Le 16 octobre 2008, il a été condamné par la cour d'assises de Strasbourg à 20 ans de réclusion criminelle pour meurtre.

Le 21 juin 2010, la cour d'assises de Colmar a confirmé en appel cette décision.

Le 22 juin 2011, la Cour de cassation a cassé ce dernier arrêt.

Le 31 octobre 2013, la cour d'assises de Nancy a acquitté M. [Z] [R].

Le 8 décembre 2015, ce dernier, incarcéré à quatre reprises dans cette procédure entre novembre 2001 et juin 2011 pour une durée totale de 20 mois, a été indemnisé par la commission nationale de réparation des détentions à hauteur de 410 834 € outre 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 15 avril 2016, M. [Z] [R], ses deux enfants MM. [I] et [M] [R], sa compagne Mme [A] [N], ont fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat en responsabilité sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme pour fautes lourdes et déni de justice.

Par jugement du 22 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens.

Le 09 juin 2017, M. [Z] [R], ses deux enfants et sa compagne ont interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 02 juillet 2018, les consorts [R] demandent à la cour d'infirmer le jugement, de constater que l'Etat français a commis une faute lourde de nature à engager sa responsabilité, de le condamner à payer à :

- M. [Z] [R], la somme de 10 380 355,36 € se décomposant en 8 080 625 € au titre du préjudice moral et 2 299 730,36 € au titre du préjudice matériel outre 20 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- M. [I] [R], la somme de 500 000 € en réparation de son préjudice moral outre 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- M. [M] [R], la somme de 500 000 € en réparation de son préjudice moral outre 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- Mme [A] [N], la somme de 250 000 € en réparation de son préjudice moral outre 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Ils sollicitent en outre la condamnation de l'Etat français aux dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions récapitulatives du 06 juin 2018 notifiées par RPVA, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de confirmer la décision en toutes ses dispositions, de débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes et de condamner MM. [Z], [I] et [M] [R], Mme [A] [N], in solidum, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans un avis communiqué par RPVA le 29 juin 2018, le ministère public conclut à la recevabilité de l'appel et à la confirmation du jugement, les appelants ne démontrant ni faute lourde ni déni de justice imputables au service de la justice.

Le ministère public rappelle que la faute lourde est constituée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, s'apprécie de manière objective au jour de sa commission et que l'engagement de la responsabilité de l'Etat pour faute lourde n'a pas pour objet un contrôle juridictionnel des décisions rendues. Il indique qu'en l'espèce les services de police ont mené leur enquête en assurant une juste conciliation entre le respect des droits du gardé à vue et la recherche et l'établissement de la vérité, qu' à travers les nombreuses expertises et contre-expertises réalisées, les divers témoignages recueillis, la procédure d°information judiciaire a été menée à charge et à décharge pour aboutir au renvoi de M.[R] devant la cour d'assises, confirmé par la chambre de l'instruction. La reconstitution, sollicitée par M.[R] plus de trois ans après l'ouverture de l'information judiciaire, discutée à plusieurs reprises, a été écartée au motif qu'elle n'était pas susceptible d'apporter des éléments utiles à la manifestation de la vérité, ce que la chambre de l'instruction de Colmar a confirmé par deux décisions motivées, la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi formé et deux transports sur les lieux ayant été réalisés.

Le ministère public rappelle en outre que le délai raisonnable est une notion fonctionnelle dont la portée s'apprécie in concreto au regard principalement de la complexité de l°affaire, du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes. Il indique qu'en l'espèce, la durée de la procédure est imputable à la complexité de l'affaire et aux recours exercés par M. [R].

SUR CE

Les consorts [R], appelants, font état d'une faute lourde de l'Etat au titre de l'exécution de la procédure et de sa durée, rappellent que la démonstration d'une intention de nuire n'est plus nécessaire et qu'elle est constituée en l'espèce aux moments des faits et décisions incriminés, sans tenir compte d'événements postérieurs. Ils ajoutent que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, lequel s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard à certains critères et en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, la lenteur de la justice pouvant constituer une faute lourde. Ils indiquent qu'en refusant de la reconnaître, le tribunal a enfreint de multiples principes et jurisprudences établis par la Cour européenne des droits de l'homme ou la Cour de cassation comme l'exigence d'impartialité, l'obligation d'instruire à charge et à décharge, la reconnaissance du caractère crucial de la reconstitution en matière criminelle dont la carence nuit à l'établissement des faits, le droit à un procès équitable. Ils ajoutent que l'acquittement après l'exercice des voies de recours, n'empêche pas la reconnaissance de la faute lourde, en ce qu'il ne répare pas intégralement tous les préjudices subis.

S'agissant de l'exécution de la procédure, ils évoquent l'absence avérée et répétée d'impartialité des enquêteurs et des magistrats instructeurs, lesquels ont accordé une foi sans borne à certaines expertises dont la fiabilité était pourtant plus que sujette à caution et malgré de nombreuses mises en garde ou même d'avis contraires d'experts confirmés et réputés, et n'ont pas, à l'instar d'autres organes judiciaires intervenant après le clôture de l'instruction, ordonné de reconstitution malgré la nécessité reconnue d'un tel acte, les nombreuses demandes déposées par M. [Z] [R] et les invitations formulées aux mêmes fins par la quasi totalité des experts. Plus précisément, ils font état de la remise en cause par les services de police, non étayée autrement que par des intuitions, de la trajectoire de tir pourtant établie de droite à gauche et de l'utilisation par la défunte de l'arme trouvée auprès d'elle au prétexte qu'elle ne pouvait causer de tels dégâts, de l'affirmation de contre-vérités déstabilisantes pour M. [R] durant sa garde à vue quant aux circonstances du décès, de la compétence des premiers experts entraînant de nouvelles désignations, sources d'allongement des délais, de son interpellation le jour anniversaire du décès de son épouse, des horaires d'audition et d'alimentation inutilement difficiles et ce malgré son état de convalescent. Au stade de l'instruction, ils reprochent les missions données aux experts qui pour 8 d'entre elles excluent la thèse d'un suicide, l'impossibilité pour eux d'accéder aux lieux malgré leurs demandes, le refus de toute reconstitution seul acte susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité, la prise en compte des seuls éléments à charge et jamais de l'état dépressif de la défunte et de sa propre personnalité non violente. Ils font également état de la fiabilité affichée des expertises à charge par les magistrats instructeurs, malgré leurs incohérences, contradictions et les expertises contraires, de la non prise en compte du risque suicidaire malgré les conclusions de l'expert psychiatre et l'avis d'un autre, l'ensemble ayant permis la mise en accusation et les premières condamnations. Enfin, ils estiment la reconstitution d'autant plus incontournable en l'espèce que demandée dès le 07 mai 2001 et de façon répétée tant pas M.[R] sauf à prononcer un non-lieu, que par la quasi totalité des experts, que la procédure était longue, les versions contradictoires, et qu'elle était réalisable. Ils indiquent qu'elle aurait exclu aussitôt l'intervention d'un tiers compte tenu de la répartition des tâches de sang et de matière organique sur l'ensemble des murs et la table entourant la victime, décédée des suites d'un tir à bout portant ou quasi touchant, ce que la reconstitution privée effectuée par M.[R] a relevé, tout comme l'a démontrée celle effectuée dans la salle d'audience lors du troisième procès, déterminante pour l'acquittement.

S'agissant de la durée de la procédure, les consorts [R] indiquent que l'affaire a été complexifiée par les choix orientés et les refus inconsidérés d'une reconstitution alors que sur les 18 expertises, une seule écartait l'hypothèse du suicide tout en évoquant la nécessité d'une reconstitution et des traces de sang et de matières organiques qui justement excluaient l'intervention d'un tiers. Ils contestent tout ralentissement de la procédure du fait de M.[R] qui n'a sollicité tout au long de la procédure qu'un seul acte, la reconstitution. Découpant l'instruction en 4 périodes, ils relèvent que si en novembre 2001, 9 des 18 expertises étaient réalisées et tous les témoins entendus, la période qui a suivi jusqu'en avril 2007 correspond à une trop longue instruction avec très peu d'actes en 2003, un an d'intervalle entre l'avis de fin d'information et le réquisitoire supplétif du procureur de la République, deux ans nécessaires au juge d'instruction pour ordonner les actes et un dépôt tardif des expertises. De 2008 à 2013, ils évoquent une lente succession des décisions jusqu'à l'acquittement alors qu'avec une reconstitution, l'instruction aurait pu cesser à l'été 2013, six expertises ayant été réalisées au seul soutien de l'accusation en lien avec la thèse d'un seul expert, le Docteur [P], qui reconnaîtra son erreur au premier procès, diverses procédures et recours auraient été rendues inutiles, étant ajouté qu'il appartient en outre à l'institution judiciaire de maîtriser la cadence de la procédure y compris celle des experts qu'elle désigne. Ils ajoutent dans le calcul du délai raisonnable, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la durée de la procédure en responsabilité de l'Etat destinée à remettre une personne innocentée dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l'errance judiciaire n'avait pas eu lieu.

Au titre des préjudices, les consorts [R] rappellent que l'indemnisation de la détention ne prend pas en compte le préjudice subi du fait de l'affaire elle-même et que l'Etat est tenu de réparer le dommage personnel des victimes par ricochet du fonctionnement défectueux du service de la justice.

Concernant M.[R], ils évoquent pour son préjudice moral, sa vie qui a basculé, les répercussions de cette procédure sur sa santé aggravées par ses difficultés croissantes du fait de son absence de revenus et la perte de tous ses repères socio-professionnels et affectifs, l'abandon de son cabinet médical, l'anéantissement de son image sociale et de sa reconnaissance professionnelle, le retentissement médiatique de l'affaire avec notamment la diffusion du programme 'intime conviction' le mettant en cause. Ils évaluent son préjudice par référence aux quantifications retenues dans le cadre de l'indemnisation de sa détention et de l'émission télévisée. Ils font état pour son préjudice matériel des frais d'avocat dans les différentes procédures pénales mais aussi dans celles dont elle est le support nécessaire, du coût des expertises privées, de la sous-évaluation du prix de sa maison du fait de sa vente en urgence, de sa perte de revenus, de sa perte de chance lié à l'arrêt de son activité professionnelle et à sa nécessaire reconversion, de la perte de revenus qui en est résultée. Concernant MM [I] et [M] [R], mineurs au moment des faits, bannis de leur famille maternelle du fait de leur soutien à leur père, séparés de celui-ci après avoir perdu leur mère lors de ses incarcérations, contraints de le rencontrer en détention, ils ont subi 4 déménagements et dû affronter la procédure et le déchaînement médiatique, ont nécessité des suivis par des psychologues. Mme [A] [N], compagne de M.[R] depuis 2006, a pris en charge les enfants de ce dernier, l'a aidé dans la procédure, a financé une partie de ses frais et de ses emprunts, a subi la honte et la pression médiatique entraînant pour elle la nécessité d'un suivi médical à partir de 2007.

L'agent judiciaire de l'État, qui conteste toute faute lourde de l'Etat en l'espèce, rappelle qu'elle s'entend de toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission et que les décisions de justice ne peuvent être remises en cause indirectement par le biais d'une action en responsabilité de l'Etat. Le déni de justice s'entend non seulement du refus de répondre aux requêtes ou de négliger de juger des affaires en état de l'être ou plus largement de tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu à faire valoir ses droits dans un délai raisonnable. Si M. [R] a été acquitté, il ne saurait en être déduit a posteriori que la conduite de l'instruction et la décision de renvoi seraient entachées d'une faute lourde sauf à méconnaître la présomption d'innocence.

L'agent judiciaire de l'État conteste toute durée excessive de la garde-à-vue au regard de la complexité de l'affaire et des investigations à mener, toute intention de nuire alors qu'il incombait aux enquêteurs d'envisager différentes hypothèses autour du décès de Mme [R]. Il remarque l'absence d'observation du conseil de M.[R] pendant et à l'issue de la garde-à vue, estime le procès-verbal de synthèse de police daté du 07 octobre2003, étayé, et exhaustif. Les juges d'instruction ont diligenté de multiples auditions, expertises, contre-expertises aux missions ouvertes, donné suite aux demandes supplétives du ministère public après avis de fin d'information, sollicité de nouveaux avis après l'expertise accréditant l'idée du meurtre y compris en rapport avec les observations de M.[R] et l'ordonnance de mise en accusation reprend chacune des expertises. La chambre de l'instruction a confirmé ce travail à charge et à décharge des juges d'instruction, de même que l'inutilité de la reconstitution. Les expertises ne sont pas les seuls éléments du dossier ayant motivé le renvoi de M. [R] devant la cour d'assisses alors que les proches de la défunte et son psychiatre lui déniaient toute personnalité suicidaire ce que l'expertise psychiatrique confirmait, la thèse du suicide pouvant également être mise en doute par cette relation sentimentale qu'elle débutait, la crainte qu'elle avait de son mari et les menaces proférées par ce dernier qu'elle rapportait. Des constatations et photographies sur les lieux ont été faites, des transports effectués, la reconstitution sollicitée tardivement au sens juridique du terme, non obligatoire, a été discutée, refusée comme inutile à la manifestation de la vérité ce que M. [R] a lui-même admis en 2002, les voies de recours exercées. Son absence au vu des rapports n'a pas empêché les experts de remplir leurs missions et rien n'établit que la mise en scène aux assises ait emporté l'acquittement pas plus que son absence expliquerait les condamnations.

L'agent judiciaire de l'État conteste toute durée excessive de la procédure alors que la détermination des causes de la mort était complexe, de nombreuses auditions et 18 expertises dont certaines très techniques avec recours à des experts étrangers internationalement reconnus ayant été nécessaires, les observations de M.[R], médecin légiste, étant à l'origine de certaines d'entre elles. Les fautes éventuelles des collaborateurs occasionnels du service public que sont les experts, ne sont pas imputables à l'institution judiciaire qui en l'espèce les a relancés. M.[R] a directement participé à l'allongement de la durée de la procédure en exerçant des demandes d'actes complexes et des recours dont trois devant la Cour de cassation, en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité transmise au Conseil constitutionnel, en sollicitant à plusieurs reprises des renvois, en changeant de conseils. Il a comparu libre aux assises alors que les dossiers criminels avec détenus sont jugés par priorité.

Quant aux préjudices allégués, l'agent judiciaire de l'Etat rappelle que le préjudice moral de M. [R] a déjà été indemnisé par la Commission nationale de réparation des détentions (CNDR). S'il sollicite un préjudice distinct de celui déjà réparé, il ne démontre pas son lien de causalité avec les griefs soulevés, ne justifie pas que son état de santé résulterait d'une autre cause que l'incarcération. Son traitement médiatique n'est pas le fait de l'autorité judiciaire, aucun élément ne venant illustrer une communication fautive de sa part. L'incidence de la procédure sur sa vie professionnelle constitue un préjudice matériel et non moral, déjà indemnisé par la CNDR. L'indemnisation des frais de justice aurait dû être demandé devant la cour d'assises, le coût généré par ses changements d'avocat et les montants excessifs exposés à ce titre lui appartiennent. Aucun lien de causalité n'est établi entre les griefs allégués et la perte du domicile familial, demande déjà rejetée par la CNDR qui a déjà indemnisé la perte de revenus en écartant la période novembre 2008/juin 2010, M. [R] ne justifiant pas des revenus versés par la sécurité sociale et de prévoyance pendant cette période de congés maladie alors qu'il était salarié à l'époque. La CNDR a limité à douze mois la durée nécessaire à un retour à l'emploi et M.[R] ne justifie pas du caractère erroné de cette appréciation. Il n'établit pas ses difficultés financières entre janvier 2014 et février 2016 en produisant ses seuls avis d'imposition 2015 et 2016, sa reconversion professionnelle, au caractère impératif non justifié, dans un secteur difficile n'étant pas imputable aux dysfonctionnements allégués. Il en est de même de la perte de chance, au demeurant non justifiée. Si le préjudice moral de MM [I] et [M] [R] est indiscutable, il ne saurait être lié à un dysfonctionnement de l'institution judiciaire, la rupture avec la famille maternelle, elle aussi meurtrie, n'étant que l'expression des convictions contraires qui animent les familles. Quant à Mme [N], compagne de M.[R] depuis 2006, aucun élément ne permet de rattacher le préjudice invoqué et les griefs soulevés dans le cadre de la présente instance.

***

L'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial qui décidera du bien fondé de l'accusation pénale dirigée contre elle.

L'article L141-1 du code de l'organisation judiciaire précise que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice lequel est caractérisé par tout manquement de l'Etat à son devoir de permettre à toute personne d'accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes. La responsabilité de l'Etat ne peut être engagée si au regard de la complexité de l'affaire et de l'exercice des voies de recours mises à la disposition des parties, la durée de l'instruction de la plainte, de l'information judiciaire et des procédures de jugement n'excède pas un délai raisonnable.

En l'espèce, au vu des pièces de la procédure contradictoirement débattues, M.[R] a été placé en garde-à-vue le 06 novembre 2001 après qu'une information pour meurtre a été ouverte le 19 octobre 2010.

A ce stade, les services de police et de justice disposaient notamment des constatations de police technique, de diverses auditions de témoins d'avis partagés, des rapports d'examen médico-légal, d'autopsie selon lequel l'hypothèse d'un geste suicidaire pourrait être retenue sans toutefois que l'intervention d'une tierce personne puisse être exclue, d'expertises toxicologique, psychiatrique de la défunte, cette dernière excluant un suicide pathologique mais évoquant en cas de suicide, l'hypothèse d'un caractère alors existentiel de celui-ci, de recherche et d'identification des traces latentes sur l'arme, balistique. Sur ce dernier point, après des contradictions entre les deux premières expertises, la troisième venait conforter en substance la seconde du mois de juin 2001 qui mentionnait la position étrange de l'arme en cas de suicide compte tenu de la puissance de la cartouche, une trajectoire de tir telle que décrite par les légistes, peu compatible avec un suicide et évoquait des traces de tir sur les prélèvements tant de M. que de Mme [R]. La troisième faisait état, sous les réserves d'usage, des faibles particules correspondant à la munition utilisée sur les tamponnements de Mme [R], précisant que, dans un suicide, on pouvait s'attendre à trouver la main/les mains intensément recouvertes de particules, et de la présence en quantité importante, sur les mains de M.[R], de particules correspondant à la munition utilisée de sorte qu'il ne pouvait être exclu qu'un coup de feu ait été donné. Ce rapport était daté du 25 octobre 2001. Ainsi, s'il est constant que le placement en garde-à-vue de M.[R] et sa mise en examen ont coïncidé avec la date anniversaire du décès de son épouse, il n'en demeure pas moins que ces actes sont intervenus en suite directe et concomitante au rendu de ce dernier rapport, élément technique objectif.

La garde à vue d'une durée totale de 45 h et 15 minutes a débuté le 06 novembre 2001 à 12h15 pour se terminer le 08 novembre 2001 à 9h30. M. [R] a été entendu le 06 novembre de 17h30 à 21 h puis de 23h55 à 4h, le 07 novembre de 11h 25 à 12h30 et de 16h10 à 20h et enfin le 08 novembre de 0h35 à 1h10. Il a reçu un repas le 06 novembre à 14 h puis à 23 h et le 07 novembre à 15 h et 22 h 30. Il a fait l'objet d'un examen médical les 06 et 07 novembre 2001. Le médecin a conclu à deux reprises à la compatibilité de sa garde-à- vue avec son état de santé et ses préconisations concernant le bénéfice d'un lit pliant et d'une couverture ont été suivies. Il a rencontré son avocat à trois reprises, lequel n'a formulé aucune observation. Il a été entendu aussi bien en journée, qu'en soirée et de nuit. S'il n'a pas été alimenté à la levée de sa garde'à vue, celle-ci est intervenue à 9h30 et a été suivie de son déferrement et de sa mise sous écrou sans que M.[R] ni son conseil, ne forment davantage d'observation. Il en résulte que ses droits ont été respectés et qu'au vu de la nature criminelle de l'affaire, de sa complexité au regard des circonstances précédemment évoquées et des investigations à réaliser, la durée de sa garde-à-vue ne peut apparaître excessive.

S'agissant du contenu des auditions, les policiers ont pour mission de concourir à la manifestation de la vérité et partant, d'émettre et de valider/écarter pour ce faire un maximum d'hypothèses, de sorte qu'avoir évoqué un tir de gauche à droite n'est pas en soi fautif, étant observé que dans le cadre d'expertises postérieures, de 2002 et 2006, un des experts légistes désigné écrira notamment que 'la distribution et la morphologie des traces de sang ne s'expliquent pas et ne s'accordent pas à la direction d'un tir de droite à gauche'.

S'agissant du procès-verbal de synthèse de police établi le 07 octobre 2003, portant conclusions des résultats de l'enquête à ce stade et concluant cette fois à la culpabilité de M.[R], il récapitule sur 26 pages, de façon circonstanciée, les diligences effectuées, précise de façon claire le raisonnement suivi avec les hypothèses échafaudées (suicide ou meurtre-par qui) les axes de travail retenus (enquête d'environnement autour de la défunte et de M. [R]/éléments matériels obtenus), les difficultés le cas échéant rencontrées (résultats d'expertise parfois peu clairs, incomplets, en contradiction...), distingue les éléments objectifs recueillis tant à charge qu'à décharge depuis l'origine du dossier (conclusions d'expertises, auditions de témoins...) et l' avis du rédacteur, en sa qualité de professionnel, résultant de l'ensemble de ces éléments. Ce procès-verbal, bien postérieur au placement en garde-à-vue de M.[R], contient des éléments recueillis après celle-ci, les auditions de M.[R] étant un des éléments de l'enquête, ayant permis de se forger une opinion. Ce procès-verbal de synthèse est un des éléments parmi d'autres dont dispose le juge d'instruction,.

Enfin, le recours à des experts légistes, puis balistiques, transfrontaliers, doit être qualifié d'adapté dans une procédure d'instruction, alors que M.[R] a indiqué lui-même lors de sa garde-à-vue entretenir des liens amicaux depuis une dizaine d'années avec les experts [M] et [Y], médecins, qui sont intervenus l'un et/ou l'autre au début de la procédure pour les examen, expertise et autopsie médico-légales, précisant avoir été attaché à l'IML de Stasbourg où il a fait ses études de médecine légale avec eux et indiquant avoir revu l'un d'entre eux, quelque jours après ses opérations d'expertise, afin de solliciter son conseil.

Concernant plus précisément les expertises en balistique, les missions sont précises et permettent un travail sur les hypothèses du meurtre et du suicide, y compris celle ordonnée le 24 novembre 2000 auprès du laboratoire de [Localité 4]. En effet, le juge d'instruction a demandé à l'expert d'envisager l'hypothèse du tir à bras tendu exclusivement pour déterminer la localisation des résidus du tir dans cette hypothèse, dont la réponse aurait pu permettre d'écarter l'hypothèse du meurtre, étant remarqué que cette expertise répondait à la première ordonnée en début de procédure. Les autres points de la mission sont ouverts et il est demandé à l'expert 'de tirer de l'ensemble des constations des conclusions sur l'hypothèse la plus vraisemblable (meurtre ou suicide)'. Dans le cadre de la désignation d'un collège d'experts le 02 juin 2005, le juge d'instruction nomme à nouveau les deux thèses et reprend de façon détaillée les conclusions et avis des uns et des autres, obtenus jusque là.

Concernant les expertises psychiatriques sur pièces concernant la défunte, l'expert en 2000 s'est positionné, après avoir pris connaissance du dossier d'information, du rapport d'expertise toxicologique et de son dossier médical, sur l'existence d'anomalie mentale ou psychique, de troubles mentaux ou psychiques ayant pu ou non directement se concrétiser par des idées suicidaires, les soins dont elle avait bénéficié auprès de son médecin psychiatre, les causes de son geste en cas de suicide. Il écarte le suicide pathologique et évoque une autre hypothèse s'il s'agit d'un suicide, que ce dernier soit existentiel, précisant qu'il ne s'agit là que d'une construction. Il a été à nouveau missionné en 2002, pour déterminer au regard d'audition de témoins, d'un poème écrit par la défunte, de photographies, des interrogatoires de M.[R], si la défunte présentait des troubles de la personnalité ayant pu se concrétiser par un suicide et si elle avait laissé des signes annonciateurs de celui-ci. Le docteur [H], psychiatre consulté par M.[R] en 2003 restera lui-même très prudent et nuancé, sans remettre en cause en tant que telle la possibilité de travailler à partir d'un dossier médical et/ou d'autres supports.

Dix huit expertises ont ainsi été effectuées, démontrant par là les recherches approfondies qui ont été effectuées et le souci des juges d'instruction de vérifier les conclusions portées, notamment en cas de divergence entre elles. Les experts seront entendus lors des procès d'assises et l'expert [P] reviendra sur ses conclusions à Strasbourg s'agissant de la comptabilité entre les lésions constatées et un tir avec l'arme retrouvée sur les lieux.

Par son interrogatoire récapitulatif du 25 juillet 2003, au terme duquel le juge d'instruction informe M.[R] de la fin d'information et de la transmission du dossier au parquet, il lui communique son analyse du dossier selon laquelle il existe des charges d'avoir volontairement donné la mort à son épouse, après avoir repris l'ensemble des pièces du dossier. Il poursuivra finalement celle-ci sur réquisitoire supplétif du parquet, et ordonnera de nouvelles expertises dont certaines pour répondre aux observations transmises à ce stade par M. [R], par ailleurs remis en liberté par ses soins le 12 mars 2002, dernière ordonnance infirmée par la chambre de l'instruction.

L'ordonnance de mise en accusation très détaillée et motivée reprend également les différents éléments du dossier, à charge comme à décharge et conclut qu'il existe des 'charges suffisantes' pour motiver le renvoi en cour d'assises de M.[R]. Elle est confirmée par la chambre de l'instruction dans un arrêt tout aussi détaillé et motivé, à charge et à décharge, du 12 avril 2017.

Que M.[R] ait sollicité une reconstitution des faits est constant. Pour autant, cet acte n'est pas juridiquement obligatoire. Au vu des rapports produits, les experts en balistique et légistes ont travaillé notamment avec les photocopies des croquis d'état des lieux, des procès-verbaux de constatations, de police technique et de saisie, comprenant l'album photographique réalisé, ensemble de pièces dont il n'a jamais été allégué ni justifié que l'une ou l'autre ou l'ensemble comportait des contradictions et/ou inexactitudes. Aucun des experts en balistique n'a sollicité de reconstitution et évoqué sa nécessité pour affiner leurs conclusions ; en effet le laboratoire de [Localité 4] indique, simplement dans le corps de son rapport au titre de 'remarques balistiques', de recourir à l'avis de médecins légistes relativement au peu de sang retrouvé sur les mains de la victime et sur l'arme. Si le docteur [P], médecin légiste, dans sa première expertise de décembre 2012, complétée en 2006, mentionne le terme de 'reconstitution', c'est pour évoquer la répartition des souillures organiques et traces de sang sur les lieux, et notamment sur l'armoire et le mur du fond, afin de préciser la position du tireur. Un transport sur les lieux sera organisé à cette fin par le juge d'instruction le 29 août 2002 en sa présence et celle de M.[R], de ses conseils et des services de police. Ainsi, à l'exception du professeur [J], médecin légiste sollicité à titre privé par M.[R] en 2009 qui considère qu'elle serait particulièrement justifiée, et qui établit 'un rapport de reconstitution' en 2000 après s'être rendu sur place avec notamment M.[R], un huissier et des 'acteurs familiaux', qui a fait partie des débats, seul parmi les experts judiciaires le professeur [M], médecin légiste, évoque l'acte de reconstitution, lorsqu'il est à nouveau missionné en mai 2011 en complément de ses précédents rapports de 1999, sur un mode conditionnel et en réponse à une des questions posées. En effet, à la demande qui lui est faite de déterminer la position de l'arme, de la victime au moment du tir et la trajectoire de la balle, d'en faire un croquis, au regard de ses constatations quant à la trajectoire de la balle dans la boîte crânienne et compte tenu la localisation de l'impact de balle retrouvé dans le mur, il indique ne pouvoir répondre, les positions pouvant être nombreuses et les angles exacts de la trajectoire n'ayant pu être décrits en fonction de la dilacération des tissus, ajoutant que 'les différentes hypothèses pourraient être confrontées aux avis d'expert en balistique lors d'une reconstitution'. Le refus du juge d'instruction de procéder à une reconstitution a été confirmé par la chambre de l'instruction à deux reprises, les 29 janvier 2004 et 12 avril 2007, motivé par son inutilité. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par la chambre criminelle de la cour de cassation le 26 septembre 2007. La présidente de la cour d'assises de Colmar a effectué un transport sur les lieux le 08 juin 2010. La cour d'assises de Meurthe et Moselle a acquitté M.[R] après avoir considéré que 'les éléments à charge étaient insuffisants et que le doute devait lui profiter en ce que les constatations lors de la découverte du corps établissaient une absence de lutte dans la pièce, de nettoyage ou de déplacement du corps, l'enquête initiale laissait subsister de nombreuses zones d'ombre quant aux possibilités sur le déroulement des faits, il résulte des expertises réalisées que si aucune hypothèse n'est à exclure totalement quant aux circonstances de la mort de Mme [F], aucune ne permet de trancher avec certitude pour l'une par rapport à l'autre'. Il n'est pas évoqué la prise en compte de l'absence de reconstitution ou de la mise en situation qui a été autorisée lors du troisième procès d'assises.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les griefs formés par M.[R] tirés de l'exécution de la procédure ne sont pas établis, étant rappelé que les voies de recours ont été ouvertes et exercées tout au long de la procédure et que la décision d'acquittement ne permet pas, bien au contraire, de déduire un fonctionnement défectueux du service de la justice.

Concernant la durée de la procédure, il est constant que se sont écoulées quatorze années entre la découverte du corps sans vie de Mme [R] (08 novembre 1999) et l'arrêt d'acquittement (31 décembre 2013).

Sur l'ensemble de la période, sans qu'il y ait lieu de la découper artificiellement s'agissant d'un tout, une première procédure de police a été effectuée jusqu'au classement sans suite du 22 février 2000, suivie d'une première ouverture d'information le 17 mars 2000 pour recherches des causes de la mort et d'une seconde le 19 octobre 2000 contre X du chef de meurtre.

Entre-temps, M.[R] sera auditionné de même qu'un certain nombre de témoins. Un rapport d'examen médico-légal sera établi de même que le rapport d'autopsie, une expertise concernant l'exploitation des tamponnements effectués sur les mains, visages et habits de M.[R] et de son épouse, une expertise concernant les traces latentes sur l'arme, la valisette l'ayant contenue, et les munitions, une expertise psychiatrique de la défunte.

Ensuite, M.[R] a été placé en garde-à-vue le 06 novembre 2011, entendu par le juge d'instruction les 08 et 27 novembre 2001, les 30 janvier, 07 et 22 mars, 28 mai 2002, les 21 janvier; 06 février et 25 juillet 2003.

Un transport sur les lieux a été effectué le 29 août 2002, des ordonnances de refus d'actes rendues les 24 avril et 09 mai 2003 ainsi qu'une ordonnance disant n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction du 30 mai 2003.

Des rapports d'expertise ont été établis ; médico-légale en mai 2001,balistique en juin 2001, de résidus de tirs en octobre 2001, psychiatrique de la défunte en mai 2002, d'un médecin légiste en décembre 2002.

Dans cet état, un avis de fin d'information est intervenu le 25 juillet 2003.

Il a été suivi d'une ordonnance de refus d'actes supplémentaires du 28 août 2003 dont M.[R] a fait appel. L'affaire a été audiencée le 11 décembre 2003, a fait l'objet d'un renvoi à la demande de M.[R], a été évoquée le 01 janvier 2004. L'arrêt a été rendu le 29 janvier 2004.

Le 08 mars 2004, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de soit communiqué aux fins de règlement et transmis le dossier au parquet.

Le réquisitoire supplétif du procureur de la République, très motivé, est intervenu le 27 juillet 2004 soir dans les quatre mois et demi de la réception du dossier.

Il a été suivi de :

- deux ordonnances de poursuite d'information des 28 juillet 2005 et 27 février 2006,

- trois ordonnances de la chambre de l'instruction respectivement des 04 avril 2005 (sur une requête en nullité d'actes de la procédure d'instruction déposée par M.[R]), 02 juin 2005 (sur une requête en nullité d'actes de procédure d'instruction déposée par M.[R], son conseil précisant par courrier du 27 mai 2005 qu'il n'y a pas d'urgence à ce que la cour statue), 08 août 2005 disant n'y avoir lieu à saisine de la chambre de l'instruction (sur requête formée par M.[R]),

- un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 29 septembre 2005 sur pourvoi formé par M.[R] contre cette dernière décision,

- relances à expert en mai, juin et juillet 2006,

- rapports d'expertise de médecins-légistes et balistiques en août 2005, janvier, mars et août 2006.

Le 05 septembre 2006, le juge d'instruction a rendu un avis de fin d'information.

Le 23 novembre 2006, le réquisitoire définitif est établi.

Le 30 novembre 2006, l'ordonnance de mise en accusation intervient.

M.[R] en a interjeté appel. L'arrêt de la chambre de l'instruction confirmant l'ordonnance est rendu le 12 avril 2006. M.[R] a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation rendra un arrêt de rejet le 26 septembre 2007.

Les cours d'assises, devant lesquelles M.[R] a comparu libre, ont statué les 16 octobre 2008 et 21 juin 2010 en appel.

Le 23 juin 2010, M.[R] a formé un pourvoi en cassation.

Le 28 octobre 2010, M.[R] a déposé un mémoire et soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par arrêt du 19 janvier 2011, la Cour de cassation l'a transmise au Conseil constitutionnel.

Par décision du 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les articles du code de procédure pénale querellés.

Le 22 juin 2011, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'assises du 21 juin 2010 et renvoyé M.[R] devant la cour d'assises de Meurthe et Moselle où M.[R] a également comparu libre.

Le procès, initialement fixé du 10 au 20 décembre 2012 s'est finalement tenu à la suite d'une demande de renvoi de M.[R], en octobre 2013.

S'agissant de la période postérieure liée à la présente procédure en responsabilité contre l'Etat, évoquée par M.[R] sans qu'il ne justifie l'avoir fait devant les premiers juges, elle sera écartée alors qu'il s'agit d'une procédure distincte qui doit être appréciée en tant que telle, et que la cour serait mal venue à apprécier sa propre procédure, en cours.

A toutes fins, il sera indiqué que l'indemnisation de M.[R] a été fixée par le premier président de la cour d'appel de Nancy sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale par arrêt du 20 février 2015 et que sur le recours de ce dernier et de l'agent judiciaire de l'Etat, la Commission nationale de réparation des détentions a statué le 08 décembre 2015.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, au regard du nombre d'actes intervenus, de décisions rendues, d'expertises ordonnées avec régularité tout au long de ces années, y compris à l'international, 0 proportion de la complexité de l'affaire qui ne peut être déniée alors que les différents intervenants à la procédure, y compris les experts, ont pu avoir des avis divergents nécessitant des actes et recherches complémentaires techniques, et à l'origine desquels M.[R] s'est trouvé pour nombre d'entre eux, qu'aucune faute lourde de l'Etat n'est davantage constituée du chef de la durée de la procédure, laquelle ne peut être qualifiée d'excessive ou d'injustifiée.

En l'absence de dysfonctionnement du service de la justice, il n'y a pas de fait dommageable générateur de responsabilité. La responsabilité de l'Etat ne peut être engagée.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions et les consorts [R] seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes y compris celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Si les consorts [R] sont condamnés aux dépens, in solidum entre eux, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'agent judiciaire de l'Etat qui sera dès lors débouté de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 22 mai 2017 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute l'agent judiciaire de l'Etat de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne in solidum entre eux, M. [Z] [R], M. [I] [R], M. [M] [R], Mme [A] [N] aux dépens de l'instance d'appel

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/11498
Date de la décision : 13/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/11498 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-13;17.11498 ?
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