La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2018 | FRANCE | N°18/01693

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 08 novembre 2018, 18/01693


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/01693



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 16/09906





APPELANT DU CHEF DE LA COMPETENCE

M. Alain X...

[...]

représenté par Me Michel Y..., avocat au barreau de P

ARIS, toque : P0099, substitué par Me Matthieu E..., avocat postulant et plaidant





INTIMEES DU CHEF DE LA COMPETENCE

SOCIETE GIE PARI MUTUEL HIPPODROME (GIE PMH)

N° SIRET ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/01693

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 16/09906

APPELANT DU CHEF DE LA COMPETENCE

M. Alain X...

[...]

représenté par Me Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099, substitué par Me Matthieu E..., avocat postulant et plaidant

INTIMEES DU CHEF DE LA COMPETENCE

SOCIETE GIE PARI MUTUEL HIPPODROME (GIE PMH)

N° SIRET : 345 112 452

[...]

représentée par Me Loïc Z... de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168, substitué par Me Aymeric F..., avocat postulant et plaidant

ASSOCIATION FRANCE GALOP - SOCIETE D ENCOURAGEMENT POUR

L'AMELIORATION DES RACES DE CHEVAUX DE GALOP EN FRANCE

[...]

représentée par Me Maxime A..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1965, substitué par Me Jérôme B..., avocat postulant et plaidant

ASSOCIATION LE TROT- SOCIETE D ENCOURAGEMENT À L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS

[...]

représentée par Me Marijke D... C... de la SELARL MGG LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0668, avocat postulant

représentée par Me Laurence G..., avocat au barreau de PARIS, toque : T03, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 juin 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 05 janvier 2018

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller, en remplacement de Madame Catherine MÉTADIEU, Président empêché et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur l'appel interjeté le 2 février 2018 par M. Alain X... d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence rendu le 18 janvier 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris lequel, saisi par l'intéressé de demandes tendant essentiellement à obtenir paiement de la somme de 356 456,88 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et par le Groupement d'Intérêt Economique PARI MUTUEL HIPPODROME d'une exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal administratif de Paris, s'est déclaré incompétent et a invité les parties à mieux se pourvoir en réservant les dépens,

Vu la requête transmise à la cour le 5 février 2018 et l'ordonnance sur requête rendue le 19 février 2018 par la délégataire de la première présidente de la cour de céans autorisant l'appelant à assigner à jour fixe pour l'audience du 7 juin 2018,

Vu les assignations à jour fixe délivrées les 20 mars 2018 au Groupement d'Intérêt Economique PARI MUTUEL HIPPODROME, à l'association France Galop - «'Société pour l'amélioration des races de chevaux de galop en France'» et à l'association Le Trot - Société d'encouragement à l'élevage du cheval français ainsi que les conclusions transmises le 30 mai 2018, aux termes desquelles M. Alain X... demande à la cour de':

- le dire recevable et bien fondé en son appel,

- dire que le litige relève de la compétence de la juridiction prud'homale,

par conséquent,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et évoquant le fond de l'affaire,

- condamner in solidum le GIE PMH, la Sté Le Trot et la Sté France Galop, associations de la loi de 1901, à lui payer la somme de 356 456,88 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (36 mois de salaire) ;

- condamner sous la même solidarité le GIE PMH et les deux associations à lui payer une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions transmises le 4 juin 2018 par le Groupement d'Intérêt Economique PARI MUTUEL HIPPODROME (ci-après dénommé GIE PMH), intimé, qui demande à la cour de':

IN LIMINE LITIS,

- constater l'absence de tout intérêt à évoquer sur le fond ces deux affaires,

en conséquence,

- juger qu'il n'y a lieu uniquement à statuer sur la compétence de la juridiction prud'homale,

A TITRE PRINCIPAL,

- constater son incompétence concernant les demandes des salariés fondées sur une fraude à l'article L1224-1 du code du travail,

en conséquence,

- se déclarer incompétente et inviter les parties à mieux se pourvoir,

A TITRE «'RECONVENTIONNEL'»,

- condamner chacun des appelants à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelants aux entiers dépens,

Vu les conclusions transmises le 6 juin 2018 par l'association France Galop - «'Société pour l'amélioration des races de chevaux de galop en France'», autre intimée, qui demande à la cour de':

in limine litis

- constater l'absence de tout intérêt à évoquer au fond ces deux affaires,

- constater l'absence d'information des parties de l'évocation au fond,

- en conséquence, statuer uniquement sur la compétence juridictionnelle,

à titre principal

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré que le juge prud'homal était incompétent pour connaître des réclamations relatives à la fraude à l'article L 1224-1 du code du travail,

- se déclarer incompétente au profit du tribunal administratif,

en tout état de cause

- condamner M. Alain X... à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions transmises le 25 mai 2018 par l'association Le Trot - Société d'encouragement à l'élevage du cheval français, autre intimée, qui demande à la cour de':

in limine litis

- constater l'absence de tout intérêt à évoquer au fond ces deux affaires,

- juger qu'il n'y a lieu qu'à statuer sur la compétence du conseil de prud'hommes,

à titre principal

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour juger le litige,

en tout état de cause

- condamner M. Alain X... à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,

La cour faisant expressément référence aux écrits susvisés pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Créé le 1er janvier 1988 par les sociétés de courses hippiques, le GIE PMH était chargé de la mise en 'uvre des moyens humains, techniques, administratifs, juridiques et financiers nécessaires à la collecte des paris sur les hippodromes de ces sociétés, c'est-à-dire les hippodromes parisiens ainsi que ceux de Chantilly et de Deauville.

Confronté à des difficultés économiques, le GIE PMH a élaboré un projet de plan de réorganisation en envisageant deux options':

- l'externalisation de l'activité de prise de pari sur les hippodromes en dehors de l'institution des courses';

- la transformation de l'activité par la création d'un parcours client sur les hippodromes parisiens reposant sur une automatisation de la prise de pari, mis en 'uvre par le GIE PMU qui de fait était chargé jusque-là de la seule organisation du pari mutuel hors des hippodromes.

Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été élaboré dans le cadre de cette seconde option, le plan de transformation prévoyant la cessation d'activité du GIE PMH et la suppression des 209 postes de travail en son sein.

Ce plan a fait l'objet d'un accord collectif majoritaire signé le 2 juin 2015 par des organisations syndicales représentatives au sein du GIE PMH, qui a été validé le 30 juin 2015 par l'administration.

Salarié du GIE PMH (avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 1979), M. Alain X... occupait en dernier lieu le poste de responsable réunions.

M. Alain X... a dans un premier temps accepté le poste de reclassement au sein du GIE PMU en tant que responsable des ventes hippodromes qui lui était proposé dans le cadre de la procédure de licenciement collectif.

Une convention tripartite a été conclue en ce sens le 8 septembre 2015.

Dans un second temps, le 7 juin 2016, l'intéressé a fait valoir son droit de retour, possibilité que lui offrait le PSE.

Une nouvelle convention tripartite en date du 13 juin 2016 a entériné sa réintégration au sein du GIE PMH.

Son licenciement pour motif économique lui a été notifié le 11 juillet 2016 et il a bénéficié des mesures sociales d'accompagnement prévues par le PSE, en particulier du congé de reclassement.

C'est dans ces conditions que le 2 septembre 2016, M. Alain X..., à l'instar d'autres salariés, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS

Sur l'exception d'incompétence matérielle':

Après avoir exposé que le salarié contestait l'existence des difficultés économiques justifiant le licenciement et faisait également valoir que celui-ci procédait en réalité d'une fraude à l'application de l'article L 1224-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent en retenant l'argumentation du GIE PMH, réitérée devant la cour.

Le GIE PMH de même que les deux sociétés de courses rappellent les alinéas 1 et 2 de l'article L 1235-7-1 du code du travail, qui disposent':

«'L'accord collectif mentionné à l'article L 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L 1233-57-4.

Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.'»

Sur le fondement de ce texte, ils font valoir':

- d'une part que seul le tribunal administratif est compétent pour les contestations relatives à la régularité de la procédure de licenciement collectif et que la question de l'application de l'article L 1224-1 du code du travail est une question qui touche à la régularité de la procédure de licenciement pour motif économique,

- d'autre part que cette question a bien été étudiée par l'administration à la suite d'une demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH, demande qui est expressément visée dans la décision de validation du PSE.

Ils en concluent que le juge judiciaire ne peut statuer sur l'application de l'article L 1224-1 du code du travail, ce qui reviendrait à remettre en cause la décision de validation du PSE prise par la DIRECCTE.

Cependant et ainsi que le soutient à juste titre le salarié, il appartient au juge judiciaire notamment d'apprécier le caractère éventuellement frauduleux de la rupture du contrat de travail et de vérifier l'existence d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement ainsi que le respect par l'employeur de ses obligations individuelle et conventionnelle de reclassement.

Dès lors qu'en l'espèce le salarié contestait également l'existence des difficultés économiques alléguées par l'employeur, le conseil de prud'hommes de Paris ne pouvait se déclarer matériellement incompétent.

S'agissant de la question de l'application de l'article L 1224-1 du code du travail, elle ne touche pas à la régularité de la procédure de licenciement pour motif économique mais s'inscrit dans un débat de fond portant sur l'existence même du motif économique du licenciement dans la mesure où le transfert légal du contrat de travail évite précisément la suppression ou la transformation de l'emploi et n'emporte aucune modification de ses éléments essentiels.

Il doit être en outre rappelé qu'en application des dispositions de l'article L 1233-57-2 du code du travail, l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de :

1° Sa conformité aux articles L 1233-24-1 à L 1233-24-3 ;

2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ;

3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L 1233-61 et L 1233-63 ;

4° La mise en 'uvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L 1233-57-9 à L 1233-57-16, L 1233-57-19 et L 1233-57-20.

Il en résulte que les dispositions d'ordre public de l'article L 1224-1 du code du travail ne figurent pas parmi les règles et mesures dont l'autorité administrative doit s'assurer qu'elles ont été respectées par l'employeur.

Dès lors, l'action individuelle d'un salarié contestant le motif économique de son licenciement sur le fondement de la fraude de son employeur, spécialement lorsqu'il soutient que son contrat de travail aurait dû être transféré en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale.

Enfin, s'il est exact que la DIRECCTE a visé dans sa décision de validation du PSE la demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH qui contestait l'exclusion de l'article L 1224-1, il ne ressort pas des termes de cette décision que l'administration ait statué sur ce point.

Il s'ensuit que le litige ainsi délimité ressortit à la compétence de la juridiction prud'homale, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de rejeter l'exception d'incompétence soulevée au profit de la juridiction administrative et de dire que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement compétent pour connaître de ce litige.

Sur la demande d'évocation':

Considérant les circonstances de la cause, notamment le fait que M. Alain X... a été pris en charge dans le cadre du congé de reclassement prévu par le PSE, la cour n'estime pas de bonne justice d'évoquer.

L'affaire sera donc renvoyée au conseil de prud'hommes de Paris.

Sur les frais irrépétibles et les dépens':

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable d'allouer à l'appelant la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour, à la charge in solidum des trois intimés.

Le GIE PMH et les associations France Galop et Le Trot, qui succombent en leur exception de procédure, n'obtiendront aucune indemnité sur ce fondement et supporteront in solidum les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par le GIE PMH et les associations France Galop et Le Trot au profit de la juridiction administrative';

Dit le conseil de prud'hommes de Paris matériellement compétent pour connaître du litige';

Dit n'y avoir lieu à évocation';

Renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris';

Condamne in solidum le GIE PMH et les associations France Galop et Le Trot à payer à M. Alain X... la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour';

Condamne in solidum le GIE PMH et les associations France Galop et Le Trot aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/01693
Date de la décision : 08/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-08;18.01693 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award