Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2018
(n° , 19 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/25596 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IK3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2016 -Juge de l'expropriation de CRETEIL - RG n° 16/00185
APPELANTE
ETABLISSEMENT PUBIC D'AMENAGEMENT ORLY RUNGIS SEINE AMONT EPA ORSA
N°SIRET 499 084 283 00021
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Miguel BARATA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2608
INTIMES
Monsieur [F] [O]
né le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Patrick CHABRUN de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
Monsieur [O] [O]
né le [Date naissance 2] 1938 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Patrick CHABRUN de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
Madame [B] [O] épouse [P]
née le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Patrick CHABRUN de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
Madame [C] [O] épouse [Q]
née le [Date naissance 4] 1943 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Patrick CHABRUN de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
Monsieur [Z] [O]
né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représenté par Me Patrick CHABRUN de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
Madame [Y] [O] épouse [V]
née le [Date naissance 6] 1952 à [Localité 8] ([Localité 8])
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentée par Me Patrick CHABRUN de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
Madame [H] [O]
née le [Date naissance 7] 1953 à [Localité 8] ([Localité 8])
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Patrick CHABRUN de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 9]
[Localité 11]
Représenté par M. [I] [J] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Hervé LOCU, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Hervé LOCU, président
Madame Marie MONGIN, conseillère
Madame Marie-José BOU, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Hervé LOCU, président et par Isabelle THOMAS, Greffière présente lors du prononcé.
Exposé :
Par arrêté du 7 novembre 2011, le Préfet du Val-de-Marne a prononcé la création de la [Adresse 10] sur le territoire de la commune de [Localité 12]. L'EPA ORSA assure la maîtrise d'ouvrage de la ZAC et intervient en tant qu'aménageur.
M. [F] [O], M. [O] [O], Mme [B] [O], épouse [P], Mme [C] [O], épouse [Q], M. [Z] [O], Mme [Y] [O], veuve [V] et Mme [H] [O] (les consorts [O]) sont propriétaires des parcelles cadastrées section AI n°[Cadastre 1] et AI n°[Cadastre 2] sises [Cadastre 3] à [Adresse 11]). Ces parcelles sont comprises dans le périmètre de la [Adresse 10].
Par courrier en date du 2 décembre 2011, les consorts [O] ont mis en demeure l'EPA ORSA de procéder à l'acquisition de ces deux parcelles.
Par courrier en date du 21 novembre 2012, l'EPA ORSA a notifié aux consorts [O] son offre d'acquérir les biens au prix de 3 888 840 euros, libres de toute occupation ou location.
Par arrêté préfectoral en date du 31 janvier 2013, le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique au profit de l'EPA ORSA l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Triangle des Meuniers dans la commune de [Localité 12] (94).
Une ordonnance d'expropriation est intervenue le 18 mai 2015.
Faute d'accord sur le prix, les consorts [O], par mémoire enregistré le 22 mai 2013, ont saisi le juge de l'expropriation du Val-de-Marne.
Par jugement du [Cadastre 1] juillet 2016, après transport sur les lieux le [Cadastre 1] octobre 2013, celui-ci a :
- fixé l'indemnité totale de dépossession due par l'EPA ORSA aux consorts [O], de manière alternative comme suit :
- 5 298 769 euros en valeur libre ;
[590 euros x 10 838 m² - 456 209 pour dépollution]
[calcul de la dépollution: (600 000 euros de coût total / 14 254 m²) x 10 838 m²]
- 4 659 327 euros en valeur occupée ;
[(590 euros x 10 838 m² x 0,8 pour occupation) - 456 209 pour dépollution]
- condamné l'EPA ORSA à verser aux consorts [O] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de l'EPA ORSA.
Par jugement rectificatif du 17 octobre 2016, le juge de l'expropriation du Val-de-Marne a rectifié le jugement susmentionné en ajoutant dans le dispositif l'indemnité de remploi omise, pourtant mentionnée dans les motifs, portant ainsi l'indemnité totale de dépossession due par l'EPA ORSA aux consorts [O], présentée de manière alternative, aux sommes de :
- 5 829 646 euros, en valeur libre, se décomposant comme suit :
- 5 298 769 euros au titre de l'indemnité principale ;
[590 euros x 10 838 m² x 0,9 pour grande superficie - 456 209 pour dépollution]
[calcul de la dépollution: (600 000 euros de coût total / 14 254 m²) x 10 838 m²]
- 530 877 euros au titre du remploi ;
soit 590 euros/m² ;
- 5 [Cadastre 4] 260 euros, en valeur occupée, se décomposant comme suit :
- 4 659 327 euros au titre de l'indemnité principale ;
[(590 euros x 10 838 m² x 0,8 pour occupation) - 456 209 pour dépollution]
- 466 933 euros au titre du remploi.
L'EPA ORSA a interjeté appel de cette décision le 16 novembre 2016.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
- déposées au greffe, par l'EPA ORSA, le 16 février 2017 notifiées le 21 avril 2017(AR des 27 et 28 avril 2017) , 19 septembre 2017 notifiées le 9 octobre 2017 (AR du 11 octobre 2017), 7 septembre 2018 notifiées le 7 septembre 2018 aux termes desquelles il demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- fixé la date de référence au 27 mars 2012 ;
- retenu un abattement de 10% pour terrain de grande superficie ;
- retenu un abattement pour pollution du terrain ;
- rejeté la demande d'indemnité de clôture ;
- d'infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, de :
- fixer l'indemnité de dépossession à revenir aux consorts [O] à la somme totale de 3 522 778 euros, se décomposant comme suit :- 3 201 616 euros pour l'indemnité principale ;
[(10 838 m² x 450 euros) x 0,75 pour absence de qualification de terrain à bâtir (TAB) x 0,90 pour grande taille - 456 209 euros pour dépollution]
Avec manifestement une erreur de calcul = 2 835 833,5
- 321 162 euros au titre du remploi ;
soit 450 euros/m² ;
- de rejeter l'ensemble des demandes formées par les consorts [O] ;
- de condamner les consorts [O] à payer à l'EPA ORSA une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les consorts [O] aux dépens d'appel ;
- adressées au greffe, par les consorts [O], intimés et appelants incident, les 16 juin 2017 notifiées le 26 juillet 2017(AR du 31 juillet 2017), et 07 décembre 2017 notifiées le 18 décembre 2017(AR des 21 et 26 décembre 2017), complétées par un jeu de pièces adressé le 28 décembre 2017 notifié le 9 janvier 2018(AR des 11 et 12 janvier 2018) le 26 mars 2018 notifiées le 06 avril 2018 (AR des 10 et 11 avril 2018),le 18 septembre 2018 notifiées le 18 septembre 2018(AR non rentré) aux termes desquelles ils demandent, en définitive, à la cour :
- de déclarer l'EPA ORSA mal fondé en son appel ;
- de débouter l'EPA ORSA de toutes ses demandes ;
- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a fixé l'indemnité à leur revenir à la somme de 5 829 646 euros ;
- de dire le caractère libre d'occupation des biens ;
- de dire que l'indemnité à leur revenir doit être allouée en valeur libre d'occupation ;
- d'infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a rejeté leur demande au titre de l'indemnisation des accessoires ;
- de fixer l'indemnité à leur revenir comme suit :
- 9 212 300 euros au titre de l'indemnité principale en valeur libre d'occupation, se décomposant comme suit :
- 9 174 050 euros pour la parcelle AI [Cadastre 2] ;
[10 793 m² x 850 euros]
- 38 250 euros pour la parcelle AI [Cadastre 1] ;
[45 m² x 850 euros]
soit 850 euros/m² ;
- 75 000 euros pour perte d'accessoires ;
- 929 730 euros au titre du remploi ;
- de leur allouer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée en première instance ;
- adressées au greffe, par le commissaire du gouvernement, appelant incident, le 14 juin 2017 notifiées le 27 juillet 2017(AR du 3 juillet 2017), aux termes desquelles il demande, à la cour de fixer l'indemnité de dépossession en valeur libre d'occupation revenant aux consorts [O] à la somme globale arrondie de 3 791 000 euros se décomposant comme suit :
- 3 445 471 euros au titre de l'indemnité principale ;
[10 838 m² x 500 euros x 0,80 x 0,90 - 456 209 euros pour pollution]
soit 500 euros/m² ;
- 345 547 euros au titre du remploi ;
Motifs de l'arrêt :
- sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation créé par décret N°2014-1635 du 26 décembre 2014, l'appel étant du 26 novembre 2016 ,à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l'espèce les conclusions de l'EPA ORSA du 16 février 2017 , des consorts [O] du 16 juin 2017 et du commissaire du gouvernement du 14 juin 2017 ont été déposées ou adressées dans les délais légaux.
L'EPA ORSA demande que les 3 nouvelles notifications du 14 décembre 2017, avec notification d'un mémoire en réplique et l'appel incident, avec une nouvelle pièce numéro 31'1 à 43, du 28 décembre 2017, avec notification de la pièce 31'1 et de la nouvelle pièce numéro 44 et du 26 mars 2018 notification d'un nouveau mémoire de l'appel en réplique et d'appel incident nouvelle pièce numéro 45 à 50 soient déclarées irrecevables en application de l'article R311'26 du code de l'expropriation.
Cependant l'EPA ORSA indique que les consorts [O]'complètent' l'ensemble des moyens qu'ils avaient déjà développés dans leurs conclusions du 16 juin 2017 et produits au soutien de ces mêmes moyens de nouvelles pièces censées les conforter.
L'examen des conclusions des 14 décembre 2017, 28 décembre 2017, et 26 mars 2018 ainsi que des pièces produites établit en effet que ses conclusions ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux et que les documents produits viennent uniquement au soutien des conclusions complémentaires.
En conséquence les conclusions de l'EPA ORSA du 19 septembre 2017, du 7 septembre 2018 sont de pure réplique aux appels incidents des consorts [O] et du commissaire du gouvernement et celles des consorts [O] du 7 décembre 2017, du 26 mars 2018 et du 18 septembre 2018 sont également de pure réplique ; ces conclusions ne formulant pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont recevables au delà des délais initiaux.
Les documents produits viennent uniquement au soutien des mémoires complémentaires.
- au fond
L'EPA ORSA fait valoir que :
- conformément à l'article L.322-3 du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui sont situés dans un secteur désigné comme constructible et effectivement desservis par des réseaux suffisants ; or, la présence d'un réseau d'assainissement n'est pas établie ; par ailleurs, la jurisprudence considère que, dès lors que les terrains expropriés sont situés dans le périmètre d'une ZAC, ce qui est le cas en l'espèce, la capacité des réseaux doit être appréciée au regard de l'ensemble de la ZAC et non des seuls terrains expropriés ; or, à l'échelle de la [Adresse 10], il est acquis que la dimension des réseaux desservant le terrain exproprié n'est pas suffisante ; les terrains expropriés étaient bien dans la ZAC à la date de référence , même si celle-ci n'était que créée et non encore réalisée ; ce qui importe en la matière est la date de création de la ZAC et non celle de l'approbation du dossier de réalisation ; dans leur courrier de délaissement, les consorts [O] constataient la création et l'inclusion de leurs terrains dans celle-ci ;
- il y a bien lieu à un abattement prenant en compte le coût de la dépollution mis en exergue par le rapport contradictoire rendu par la société TESORA désignée d'un commun accord ; ce rapport ne comprend que le coût relatif à l'élimination des trois sources de pollution identifiées sans prendre en compte l'usage futur auquel il destine les parcelles considérées ;
- ceux des termes de référence cités par les consorts [O] qui ont été retenus par le premier juge sont incomparables en raison de leur éloignement, de leur zonage, de leur qualification et consistance ; les termes qu'il propose en revanche sont en lien avec l'expropriation et concernent des parcelles voisines ;
Les consorts [O] répliquent que :
- il n'y a pas lieu à alternative dès lors que les parties s'accordent sur le caractère libre d'occupation du bien ;
- à la date de référence, le 10 avril 2012, les terrains n'étaient pas inclus dans la ZAC des Meuniers ,car le dossier de réalisation n'a été approuvé par arrêté préfectoral que le 22 mai 2014 ; par ailleurs, il appartient à l'EPA ORSA de prouver que les formalités de publicité de l'article R.311-5 du code de l'urbanisme ont été respectées , puisque ce n'est qu'à compter de leur exécution que l'acte de création de la ZAC est opposable ; de plus, ce n'est qu'avec l'acte d'approbation du dossier de réalisation , qu'il est possible de vérifier le caractère suffisant de la dimension des réseaux ; il n'y donc pas lieu d'apprécier la qualification de terrain à bâtir au regard de l'ensemble de la ZAC ; en tout état de cause, les réseaux existants sont de nature à permettre le raccordement du futur projet d'autant que la création des réseaux et équipements internes à la zone incombe au seul aménageur ; l'une des références produites par l'EPA ORSA au sujet d'un bien situé dans la ZAC des Meuniers et qui a été qualifié de terrain à bâtir, démontrant ainsi du caractère suffisant des réseaux à l'échelle de la ZAC ;
- les références produites par l'EPA ORSA concernent des biens incomparables avec leur terrain eu égard à la qualité des aménagements, clôtures et équipements présents sur celui-ci ;les références du commissaire du gouvernement provenant du marché libre concernent des biens dans le périmètre de la ZAC et bénéficiant du même classement au PLU, mais sont néanmoins relatives à des biens inconstructibles ; quant aux décisions judiciaires présentées par le commissaire du gouvernement, elles concernent des biens bénéficiant d'un zonage différent ; les termes de comparaison qu'ils produisent visent des mutations intervenues récemment dans le périmètre des parcelles et portant sur des terrains de surface comparable et de classement identique similaire ;
- la prise en compte de la pollution n'a pas lieu d'être , dès lors que l'usage futur auquel l'EPA ORSA destine les parcelles considérées n'a pas à être supporté par les expropriés ; il est faux d'affirmer que 'l'élimination des sources de pollution (...) est nécessaire quel que soit l'aménagement réalisé dans le futur' ; le coût de dépollution a été évalué à partir d'une superficie arrondie à 15 000 m² majorant ainsi les 14 254 m² réels ; les solutions préconisées systématiquement par TESORA sont très onéreuses et ne tiennent pas compte de l'économie d'échelle et de l'élaboration d'un plan de gestion ; le bureau d'études ATI Services renforce cette conclusion et, d'une part, souligne que le schéma conceptuel proposé par TESORA ne reflète en rien la réalité, d'autre part, estime, à la baisse, le surcoût induit, le cas échéant, par la nécessité de transporter les terres polluées dans une décharge idoine plus onéreuse ;
- les accessoires, tels que les solides clôtures, la plate-forme supportant la circulation des poids-lourds et la dépose de lourdes charges sur la totalité de la surface, l'éclairage complet pour la protection et l'usage nocturne, les divers équipements (large portails d'accès, voie bitumée de circulation interne, le système de drainage naturel des eaux de pluie), doivent également être indemnisés ; l'intérêt de ces équipements n'a pas échappé à l'EPA ORSA qui les a mis à la disposition de ses clients opérateurs et qui constitue un terrain idéal pour l'installation de la base de vie et des bureaux sur site ;
Le commissaire du gouvernement observe que :
- la dimension des réseaux doit être appréciée au regard de l'ensemble de la ZAC ; or, à la date de référence, les terrains ne répondent pas aux conditions évaluées en fonction du seul usage effectif ;
- le juge de première instance s'est basé sur un certain nombre de termes de comparaison critiquables (ancienneté, superficie des terrains en cause, zonage) ;
- le calcul concernant la dépollution apparaît adapté ;
SUR CE
Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.
L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété , si ce n'est pour cause d'utilité publique , et moyennant une juste et préalable indemnité.
L'article L321-1, du code de l'expropriation dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation , les biens sont estimés à la date de la décision de première instance , seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.
L'appel de l'EPA ORSA porte sur l'indemnité totale de dépossession et aucune contestation n'existe au titre de la nature du bien, celui des consorts [O] sur l'indemnité principale avec une évaluation en valeur libre, sur les indemnités accessoires et celui du commissaire du gouvernement sur l'indemnité principale et l'indemnité de remploi.
Les parties ne s'accordent pas sur la superficie de la construction.
S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer au
10 avril 2012 en application des articles L322-2 du code de l'expropriation et L213-6 du code de l'urbanisme, date à laquelle s'agissant d'un bien soumis au droit de préemption, le document d'urbanisme applicable à la zone a été révisé par la commune de [Localité 12].
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Les parcelles cadastrées section AI N°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] sont d'une superficie non contestée de 10838m².Elles forment une unité foncière de configuration trapézoïdale avec façades sur les avenues de la République (72m) et de Stalingrad(51m)
Les consorts [O] soulignent que le terrain bénéficie d'un accès libre pour tous véhicules, qu'il est recouvert sur sa quasi totalité d'une plate forme spécialement conçue pour supporter des véhicules lourds et le stockage de lourdes charges, il bénéficie d'un large éclairage nocturne et est entièrement clôturé. Les accès sont protégés par des portails roulants métalliques.
S'agissant des données d'urbanisme, le premier juge a indiqué que les parcelles se trouvent en zone UT, zone correspondant à des terrains destinés à l'implantation d'activités économiques dans une partie du site de la ZAC des meuniers.
Les parties s'accordent pour dire que les parcelles sont situées en zone Ufb du plan local d'urbanisme ; il s'agit d'une zone d'activités à vocation d'industrie, d'entrepôt de commerce, d'activités tertiaires.
En conséquence le jugement sera infirmé sur ce point.
Le bien était occupé par la société [Adresse 12] , bail dérogatoire du 4 juillet 2013, mais les parties ont signé une quittance de paiement de l'indemnité et sont convenues d'évaluer le terrain en valeur libre(pièce N°2).
En conséquence, le jugement qui a fixé une valeur alternative sera infirmé sur ce point.
S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé c'est celle de la première instance , soit le 17 octobre 2016.
- Sur l'indemnité principale
1° sur la qualification des terrains
Le premier juge indique que le terrain est desservi par un réseau d'eau et par le réseau des précités, et que sa qualification de terrain à bâtir n'est pas contestée.
En cause d'appel l'EPA ORSA sollicite l'infirmation en indiquant que la qualification de terrain à bâtir ne peut pas être retenue conformément aux dispositions de l'article L322-3 du code de l'expropriation, la capacité des réseaux devant être appréciée au regard de l'ensemble de la ZAC et non au regard du seul terrain exproprié, et en l'espèce il est acquis que la dimension des réseaux desservant la parcelle expropriée n'est pas suffisante.
Les époux [O] rétorquent qu'à la date de référence les terrains n'étaient pas inclus dans la ZAC des meuniers, puisque la réalisation de celle-ci a été approuvée par arrêté préfectoral du 22 mai 2014 ; en tout état de cause le dimensionnement actuel des réseaux est parfaitement adapté au regard de l'ensemble de la zone.
Le commissaire du gouvernement indique que les terrains à la date de référence indiquée par l'alinéa un de l'article L322'3 du code de l'expropriation, ne répondent pas aux conditions prévues par cet article et sont évaluées en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L322-2; le dossier de réalisation de la ZAC triangle des meuniers indique l'ensemble des réseaux qui seront créés dans le cadre de cette opération, ce qui induit , qu'à la date de référence les réseaux existants sont insuffisants au regard de l'ensemble de la zone ; par conséquent le terrain exproprié ne peut pas être qualifié de terrain à bâtir.
L'article L322-3 du code de l'expropriation réserve la qualification de terrain à bâtir, au sens de ce code, aux terrains qui, à la date de référence, sont à la fois situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols et qui sont effectivement desservis par les diverses réseaux (voie d'accès, électricité, eau potable, assainissement) à condition que ces diverses réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains.
Le même article indique expressément que, lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan local d'urbanisme comme devant faire partie d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone.
Pour apprécier cette qualification , il doit être retenu la date de référence , soit en l'espèce le 10 avril 2012, correspondant à la date à laquelle le document d'urbanisme applicable à la zone a été révisé par la commune de [Localité 12] et non la date , comme demandé par les consorts [O] de l'approbation de la [Adresse 10] par arrêté préfectoral du 22 mai 2014.
À la date de référence susvisée , les parcelles considérées étaient situées dans la zone Ufb du PLU, soit une zone d'activités à vocation d'industrie, d'entrepôt de commerce et d'activités tertiaires avec interdiction des constructions nouvelles à usage d'habitation et de certaines entreprises, l'emprise au sol étant de 50 %.
L'expropriant apporte la preuve( pièces N°5, ) que le dossier de réalisation de la ZAC, approuvé par l'arrêté préfectoral du 22 mai 2014 détaille l'ensemble des réseaux et voies qui devront être réalisées dans le cadre de cette opération, notamment au poste création de voies, création des réseaux d'alimentation et d'évacuation, des fluides énergies diverses, réalisation de réseaux d'eaux usées et d'eau pluviale, pour un coût prévisionnel de 11'250'000 €; l'étude du bureau d'études techniques BERIM( pièce N°20) qui présente l'état existant des réseaux ainsi que l'état projeté établit que la réalisation de la [Adresse 10] nécessite la création de nouveaux réseaux compte tenu de l'insuffisance des réseaux situés à proximité immédiate du site;( réseaux d'eau pluviales, usées, eau potable, d'électricité, Télécom et chauffage urbain).
Les consorts [O] critiquent ce rapport et ont établi des tableaux comprenant:
- réseaux existants desservant les différentes parcelles selon l'AVO réalisé en novembre 2014
- réseaux projetés nécessaires pour desservir la future ZAC selon DCE réalisé en septembre 2017
-observations des consorts [O].
Le rapport BERIM peut valoir de preuve , dés lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties.
Il s'agit d'un bureau d'études qui a établi une note sur la desserte réseaux des parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] en août 2018( pièce 20).
Il dresse:
- en 1-2 les réseaux existants desservant les différentes parcelles , dont celles des consorts [O], en assainissement, eaux potable- défense incendie- gaz- électricité, télécommunications,
- 2: projet du site
-2-1 réseaux projetés nécessaires pour desservir la future ZAC
Il y est mentionné:' les réseaux existants sur l'avenue de la république et la RD 7 ne permettent pas de desservir le programme prévu dans le cadre de la Zac. Il y a une difficulté à raccorder la Zac au réseau situé à l'ouest de la République du fait de la présence du tramway , mais également une nécessité de création de nouveaux réseaux.
Une création des nouveaux réseaux suivants est nécessaire :
'réseaux d'eau pluviale
'réseaux d'eau usée
'réseaux d'eau potable mise en place de nouvelle bouche incendie
'réseaux électricité HTA et BT , nouveau poste de transformation
'réseaux Télécom
'réseaux de chauffage urbain.
Il est joint en annexe les plans de réseaux projetés.
La note détaille ensuite l'aménagement de la Zac par la création des ouvrages concernant l'assainissement, réseaux d'eau pluviale, le réseau de collecte des, des eaux usées, réseaux d'eau potable, la défense incendie, gaz, électricité, Télécom, le chauffage urbain.
Les consorts [O] se contentent d'apporter des observations sur cette étude technique; cependant il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions ; or ils ne produisent aucune pièce à l'appui de leurs allégations et il ne sollicitent aucune expertise.
En conséquence le rapport d'expertise du bureau d'études BERIM a une valeur probatoire supérieure par rapport à de simples observations ; il est donc établi que les réseaux actuels sont manifestement insuffisants pour satisfaire aux besoins en matière de réseau de l'ensemble de la ZAC et que les parcelles ne peuvent recevoir la qualification de terrain à bâtir.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
Le bien doit être évalué, selon son usage de la date de référence, le terrain bénéficiant d'une situation très privilégiée, de sorte que son évaluation se fera par rapport au prix de terrain à bâtir auquel il sera appliqué un abattement.
Il s'agit en effet d'un terrain très privilégié , situé entre la [Adresse 13], occupant l'angle formé par ces deux voies, avec une bonne desserte routière et autoroutière, ainsi que des transports en commun, et d'un secteur à usage mixte, situé à proximité immédiate du marché international de [Localité 13]. Il convient en conséquence de retenir au vu de ces éléments des mutations de biens de consistance matérielle et juridique similaire situées dans le même secteur géographique.
S'agissant de la méthode d'évaluation, elle est librement définie, sauf à tenir compte des accords amiables conclus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique au sens des prescriptions de l'article L322-8 du code de l'expropriation, étant observé qu'il n'est ici ni démontré, ni soutenu, que des accords auraient été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et pour les deux tiers au moins des superficies concernées , ou avec au moins les deux tiers des propriétaires et pour la moitié des superficies.
Le premier juge a utilisé la méthode par comparaison, a retenu une valeur de 590 euros et un abattement pour grande superficie de 10%, compte tenu des aménagements.
L'EPA ORSA demande de retenir une valeur de 450 euros/m² libre , avec un abattement pour absence de qualification de TAB de 25% et un abattement pour grande taille de 10%.
Les consorts [O] demandent de retenir une valeur de 850 euros/m².
Le commissaire du gouvernement propose de retenir une valeur unitaire de 500 euros/m².
En conséquence il convient d'examiner les références des parties :
A terrains
1° références de l'EPA ORSA
-arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2017 : 380, [Adresse 14], 6947 m², zone Ufb(ZAC triangle des meuniers), terrain en situation privilégiée, 375 €/m², libre.
L'EPA ORSA indique que cette décision comporte 2 erreurs et que si ce terme doit être maintenu, il convient de retenir la valeur de 450 € le mètre carré.
Il convient en conséquence de retenir la proposition plus favorable de l'expropriant soit la valeur de 450 € le mètre carré ce terme étant comparable au sein de la ZAC
- arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 janvier 2018: cet arrêt postérieur au jugement sera écarté.
'Jugement TGI de Créteil du 4 janvier 2016 : [Adresse 10], 3412 m² et 10 m², en zone UFb, 450 € le mètre carré libre
Ce jugement étant définitif, et s'agissant d'un terme comparable au sein de la [Adresse 10], il sera retenu.
2° références des consorts [O]
-Jugement du 9 juillet 2009 concernant des accords amiables avec la RATP (pièce 2, 7, 14): 632,50 euros/m² et 610, 60 euros/m².
L'EPA ORSA ne critique pas ces références, tandis que le commissaire du gouvernement indique que les pièces produites ne permettent pas de déterminer l'indemnité principale hors remploi.
Les pièces produites indiquent en effet que l'accord est toutes causes de préjudices confondues, frais de remploi inclus, ce qui ne permet pas de déterminer l'indemnité principale. Ces références seront donc écartées.
'vente du 9 mai 2012 ,[Adresse 14], 19'645 m², 18'728'403 €, pour un prix de 796 € le mètre carré libre d'occupation.
Le commissaire indique qu'il s'agit d'une cession de droits à construire qui ne peut être comparée avec une mutation, ce que contestent les consorts [O]. Ceux ci versent uniquement la base BIEN( Pièce N°12) et en l 'absence de l'acte permettant de connaître sa nature, ce terme sera écarté.
'vente du 11 septembre 2013, [Adresse 15], 125 m², 134'214 €,1074 € le mètre carré
La superficie de ce terme de 125m² n'étant pas comparable avec le bien exproprié, ce terme doit être écarté
'parcelles [Cadastre 7]'[Cadastre 7]'[Cadastre 4], [Adresse 14], 3814 m², 2'393'725 €, 628 € le mètre carré en zone UFa : la zone étant différente, ce terme doit être écarté
'parcelle [Cadastre 8] et [Adresse 16], cette référence doit être écartée n étant pas située dans le même zonage
'parcelles AB [Cadastre 3] et [Adresse 17] : ces terrains dépendent de la [Adresse 18] dans une zone UF, beaucoup plus attractive, cette référence doit donc être écartée
'vente du 29 novembre 2010, rue du pont des halles: ce terme dépend également de la [Adresse 19] et doit être écarté pour les mêmes raisons
- parcelle A [Cadastre 2] [Adresse 20]: pour un prix 917 € le mètre carré , s'agissant d'une autre localité, cette référence doit être écartée
-parcelle [Cadastre 9], [Adresse 21] , cette référence doit être écartée pour le même motif.
S'agissant des références pour les parcelles [Cadastre 10], AI [Cadastre 11],A[Cadastre 3], elles doivent être écartées comme étant postérieures au jugement du 17 octobre 2016.
Enfin les références [Adresse 22] sont situées à [Localité 8], soit dans une ville différente et doivent donc être écartées.
3° références du commissaire du gouvernement
Les 3 références du commissaire du gouvernement concernant des mutations de terrain libre d'occupation située au sein de la [Adresse 10], sur la commune de [Localité 12], dans la même zone Ufb des 1er décembre 2011,(424euros/m²) 19 octobre 2011, (530 euros/m²) et du 2 mai 2011,(447 euros/m²) avec une moyenne de 467 € sont parfaitement comparables, étant dans la même zone au sein de la ZAC des meuniers avec les parcelles expropriées et doivent donc être retenues.
En conséquence la cour ayant trois références , il n'y a pas lieu de retenir également la jurisprudence produite.
Les 2 références de l'EPA ORSA et les 3 références du commissaire du gouvernement aboutissent à: 450+450+424+530+447=2301/5=460 euros
En tenant compte de l'ancienneté des termes de comparaison du commissaire du gouvernement à savoir de 2011,de la configuration du bien , de son accès pour tous véhicules, de sa bonne localisation, il convient de retenir une valeur unitaire de 500 euros le mètre carré.
En ce qui concerne les abattements il convient de fixer les abattements suivants :
'abattement de 20 % pour tenir compte du fait que le terrain en cause ne présente pas les caractéristiques d'un terrain à bâtir
'abattement de 10% pour grande superficie
soit 10838m²X500 euros/m² X0,80 X0,90=3901680 euros .
Le jugement sera infirmé en ce sens.
- frais de dépollution
S'agissant de la prise en charge des frais de dépollution, les parties ont renoncé à une expertise judiciaire et sont convenus d'engager une procédure amiable pour déterminer l'état des parcelles.
Cette pollution du terrain avait été révélée par le rapport du 16 décembre 2010 par la société environnement ERG , contradictoire entre les consorts [O] et la RATP (pièce numéro 8)
La société TESORA a donc été désignée amiablement par les parties pour réaliser un diagnostic environnemental afin de confirmer et dimensionner les sources de pollution identifiée antérieurement, contrôler la présence d'un impact au droit des installations potentiellement polluantes présentes sur le site et enfin caractériser le reste des sols du site vis-à-vis d'éventuelles opérations de terrassement.
Celle-ci a déposé son rapport le 28 septembre 2015 confirmant la présence de sources de pollution dans le sous-sol et le sous-sol des parcelles expropriées, et ce sur les 2 parcelles cadastrées section AI numéro [Cadastre 2]( [O]) et AI N°[Cadastre 2](SCI Rungis Orly) pour une superficie de 14'254 m² ; le montant total lié à la dépollution de ces sites a été évalué à la somme de 600'000 € hors-taxes, la somme des surcoût liés à l'évacuation et l'acceptation des terres non inertes du site à la somme de 434000 € , soit un total de 1 million d'euros.
Compte tenu de ce coût global de 600'000 €pour une surface totale de 14'254 m², le premier juge a retenu un coup de dépollution du terrain des consorts [O] au prorata de sa surface à savoir la somme de 456'209 €.
Il ressort du rapport dressé par la société TESORA que les analyses ont permis de mettre en évidence les points suivants :
'confirmation et dimensionnement des sources de pollution en HCT au droit de l'ancienne cuve enterrée et de l'ancienne casse automobile permettant à l'issue des investigations l'établissement d'un chiffrage pour l'élimination de ces 2 sources de pollution
'élimination de la source de pollution'cuve enterrée : volume de 480 m³ de terre impactée à éliminer
'élimination de la source de pollution'ancienne casse automobile : volume 2335 m³ de terre impactée à éliminer
'absence de sources de pollution au droit du transformateur EDF
'absence de pollution et le caractère inerte des terres formant le tas situé à l'extrémité sud'ouest du site dont le volume a été estimé à 1800 m³. Cependant la présence de déchets divers (gravats, plastiques, enrobés...) dans ces terres ne permet pas une élimination en filière ISDI et nécessitera la mise en 'uvre d'une gestion spécifique dans le cadre de leur élimination hors site.
Caractérisation des terres du site hors zone de pollution :
-absence de pollution
-caractère non inerte d'une partie des remblais
-caractère inerte de l'ensemble du terrain naturel.
La société TESORA indique que le coût financier associé à l'élimination des 3 sources de pollution (zone de cuve, casse automobile et tas de terre de déchets) est estimée à un montant de 600K euros HT.
Dans ses conclusions, le rapport évalue le coût de dépollution en fonction du projet d'aménagement et notamment la construction de logements sociaux et équipements municipaux, un mail piétonnier en bordure nord.
Le premier juge a indiqué que :
'une des conséquences du principe posé par l'article L 13'13 du code de l'expropriation en vertu duquel, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation et l'interdiction de prendre en compte l'usage futur du terrain pour fixer le montant de l'indemnité de dépossession. L'exproprié ne doit pas supporter les coûts de dépollution de ces terrains en lien à l' usage qui en sera fait par l'expropriant, alors qu'ils subissent cette dépossession; en revanche, la pollution constitue une cause de diminution des indemnités d'expropriation. Si les projets de création de logements sont envisagés, l'implantation d'activités économiques résultant du PLU exige nécessairement un terrain propre de toute pollution aux hydrocarbures
Il convient de préciser que l'évacuation des terres non inertes, liées au projet d'aménagement a pour coût la somme de 434'000 €
'le rapport d'expertise ne distingue pas entre la parcelle appartenant aux consorts [O] et la parcelle appartenant la SCI Rungis'Orly. La société précise la situation géographique des sources de pollution, mais le juge ne dispose pas des moyens d'apprécier quantitativement le niveau de pollution des parcelles
'dans ces conditions, le coup de dépollution a été réparti proportionnellement aux superficies des 2 emprises soit : 600'000/15'524 m²X 10'838 m²= 456'209 €
Les consorts [O] contestent l'application d'un abattement pour dépollution en indiquant que les coûts de dépollution ont été fixés en raison de l'aménagement futur des terrains et que l'évaluation des coûts de dépollution n'est pas rigoureuse.
Ils versent aux débats une analyse des coûts de réhabilitation par la société ATI services (pièce numéro 46) missionnée le 13 mars 2018.
Ce rapport tout comme le rapport TESORA peut valoir à titre de preuve, dès lors qu'il a été soumis à la libre discussion des parties.
Les consorts [O] indiquent qu'en droit le terrain est classé en zone Ufb définie comme une zone d'activités « à vocation d'industrie, d'entrepôt, de commerce d'activités tertiaires ». L'article UF1 du règlement du PLU précise au titre des occupations et utilisations du sol : interdites «les habitations nouvelles»
Pour justifier du coût de dépollution du terrain, le cabinet TESORA peut faire , pour valider l'étendue des mesures de traitement de la pollution, que le projet de l'EPA ORSA prévoit « la réalisation des aménagements suivants :
'des bureaux sur la partie Est du site, côté avenue Central ;
-des logements sociaux et équipements municipaux sensibles sur la partie ouest (côté avenue de la république) ;
-une voirie centrale Nord/Sud avec la présence de noues ;
- un mail piétonnier en bordure nord de la zone d'étude. »
Les cibles : le projet prévoit la création d'espaces verts, d'équipements publics sensibles, de noues et d'immeubles d'habitation avec sous-sol, ainsi les cibles considérées sont :
'enfants ;
adultes. »
Le« schéma conceptuel» exposé figure 3 du rapport confirme la sécurité excessive, totalement étrangère à une zone d'activités UF, mais au contraire caractéristique d'une zone d'habitation.
Au regard du plan de zonage et du plan applicable à la zone considérée, une partie du projet est directement contraire aux stipulations du PLU applicable. C'est en effet la destination de bureaux est prévue dans la zone UF, il n'en est pas de même des « logements sociaux et équipements municipaux sensibles sur la partie ouest » (côté avenue de la République ), ce d'autant plus que le dossier de réalisation de la Zac prévoit également la construction d'un équipement scolaire; soit le projet de l'EPA ORSA est contraire aux règles de la zone applicables et alors il lui appartiendra de le modifier, soit, ce qui est plus vraisemblable, le projet tend pour le futur à modifier l'utilisation des sols ; TESORA détermine le coût de la dépollution du terrain non en fonction de son état existant et la réglementation applicable à la zone considérée excluant les constructions à usage d'habitation, mais en raison de l'aménagement futur à intervenir. Or la Cour de cassation a posé le principe de l'interdiction de la prise en compte de l'usage futur du terrain pour fixer le montant des indemnités de dépossession.
L'EPA ORSA réplique que le tribunal a uniquement pris en compte le coût relatif à l'élimination des 3 sources de pollution identifiées, évaluées à 600'000 € « nécessaire quel que soit le projet d'aménagement envisagé » et exclu de son estimation les frais « liés au projet d'aménagement » d'évacuation des terres non inertes d'un montant estimé à 434'000 €.
Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; le premier juge a exactement dit qu'une des conséquences était l'interdiction de prendre en compte l'usage futur du terrain pour fixer le montant de l'indemnité de dépossession, l'exproprié ne devant pas supporter les coûts de dépollution de ces terrains en lien à l'usage qui en sera fait par l'expropriant alors qu'il subsiste cette dépossession ; il a également exactement considéré que la pollution constitue une cause de diminution des indemnités d'expropriation, l'implantation d'activités économiques résultant du PLU exigeant nécessairement un terrain propre de toute pollution aux hydrocarbures.
Les consorts [O] indiquent en outre, que dans les faits les calculs des coûts dépollution de TESORA souffrent d'erreurs et d'approximations, en leur défaveur, qui rendent les montants allégués peu fiables.
Ils indiquent d'abord que la superficie globale des terrains objet de l'étude TESORA est estimé à 15'000 m², alors que la surface cadastrale des parcelles est de 14'254 m², cette erreur faussant tous les calculs ultérieurs de coûts de dépollution, soit un coût global de 101K euros et non pas 114 K euros, soit une moins-value de 13 Keuros, avec les mêmes erreurs de report pour la casse automobile majorant de 31,1K euros le coût de son traitement, soit un surcoût arrondi de 62'000 € hors-taxes.
Cependant si la société TESORA indique dans son rapport que le site d'étude a une superficie d'environ 15'000 m², le premier juge a effectué le calcul au prorata à partir de la superficie exacte de 14'254 m².
Les consorts [O] indiquent ensuite que les solutions préconisées par TESORA sont systématiquement très onéreuses.
Tout d'abord l'excavation complète et l'élimination totale en filière spécifique des termes des 2 spots de pollution, alors que chacun sait que l'aménageur, quel qu'il soit, recherche a priori toutes les solutions pour que soit traitée la source par simple confinement in situ au prix d'une simple dalle bétonnée ad hoc très peu onéreuse, soit amasser les terres polluées dans des ouvrages au sein de la zone à aménager , ce qui est parfaitement autorisé en zone UN à usage d'activités pour des terres polluées par les seules traces HECT, évitant donc le transport onéreux dendrites terres dans des installations de déchets spécifiques plus ou moins éloignés.
De surcroît TESORA ne tient pas compte de 2 autres facteurs déterminants pour diminuer le coût de la dépollution du site :
'l'économie d'échelle réalisée par l'aménageur qui met en concurrences plusieurs entreprises spécialisées et obtient des rabais,
'plus encore l'élaboration d'un plan de gestion faisant appel à toutes les sources possibles d'économie de moyens.
Le poste de dépenses considérables prévues par TESORA pour l'éventuelle évacuation hors site de ce remblai profond pour 434'000 € HT est purement théorique et ne peut être imputé aux expropriés.
Le tableau 6 page 13 du rapport AI services résume l'énorme écart entre les conclusions de TESORA, alors qu'on ne peut imputer aux expropriés que la somme maximum de 134'069 € HT.
Cependant les consorts [O] ont désigné d'un commun accord avec l'EPA ORSA, la société TESORA, en renonçant à une expertise judiciaire, et ils prétendent désormais que les solutions préconisées par ce rapport amiable seraient plus onéreuses et ne prendraient pas en compte l'économie d'échelle et le plan de gestion réalisée par l'autorité expropriante.
La discussion porte précisément sur les frais d'évacuation et d'acceptation des terres non inerte du site estimés à 434'000 € par la société TESORA (page 55 du rapport), qui précisément n'ont pas été prises en compte par le juge de l'expropriation pour le calcul du montant des frais de dépollution, la société TESORA indiquant que le montant global des opérations de purge des sources de pollution et d'élimination des terres non inertes pour la réalisation du projet d'aménagement s'élève à 1 million d'euros.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement réparti proportionnellement la superficie des 2 emprises soit :
coût de dépollution:600000/14254m²X10838 m²=456 209 euros
soit un total de 3901680-456209=3 445 471 euros
Le jugement sera confirmé en ce sens.
-Sur les indemnités accessoires
1° sur l'indemnité de remploi
Les taux n'étant pas contestés :
5000 euros X 0,20 = 1000 euros
10'000 euros X 0,15 = 1500euros
3 430 471euros X 0,10 = 343 0
47euros
soit un total de 345 547 euros
Le jugement sera infirmé en ce sens.
2° indemnité des accessoires
Le premier juge a débouté la demande formulée par les consorts [O] d'une indemnité pour perte du clôture et du portail métallique à hauteur de 75'000 €
En appel les consorts [O] sollicitent à nouveau une indemnité de 75'000 €
pour perte d'accessoires, en indiquant que le bien est équipé sur la totalité de la surface d'une plate-forme supportant la circulation des poids-lourds et la dépose de lourdes charges, qu'il dispose d'un système de drainage naturel des eaux de pluie, qu'il est clôturé sur ces 2 façades, par des panneaux métalliques en bon état, qu'il bénéficie de très larges portails d'accès, d'un éclairage complet et d'une voie bitumée de circulation interne.
Ils indiquent que la R.A.T.P, locataire de parcelle de 2017 2013, qui a réalisé les travaux d'aménagements dont le coût s'est élevé à la somme de 252 557 € hors-taxes en valeur été 2010, tous équipements laissés en place et livrés à l'expropriant, comme en témoignent les photographies.
Il ressort du procès-verbal de transport que le terrain de 3416 m² est clôturé par une palissade du portail métallique roulant côté avenue de Stalingrad, que le terrain est desservi par une route bitumée permettant la circulation des voitures, qu'il est desservi par un des réseaux des précités enterrés, avec un éclairage nocturne permanent ; le terrain très partiellement bétonné est principalement gravillonné.
Au regard des photographies (pièce numéro 47), aucune qualité particulière n'apparaît en ce qui concerne les clôtures ou les portails justifiant une valorisation ce qui correspond aux constatations du procès verbal de transport.
Par contre les consorts [O] justifient (pièce numéro 3) d'aménagement réalisés par la RATP, avec notamment la réalisation d'une plate-forme, d'un éclairage de celle-ci, mais le procès verbal de transport qui fait foi jusqu'à inscription de faux mentionne que le terrain est très partiellement bétonné, principalement gravillonné.
En conséquence il convient de retenir uniquement une indemnité pour accessoires fixée à la somme de 20'000 €
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Il en résulte une indemnité globale de 3'811'018 € se décomposant comme suit:
-indemnité principale : 3'445'471 €
-indemnité de remploi : 345'547 €
-indemnité accessoire : 20'000 €
'Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer la condamnation de l'EPA ORSA à payer la somme de 2500euros au titre de l'article 700 aux consorts [O].
L'équité commande de débouter l'EPA ORSA ainsi que les consorts [O] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant de la procédure d'appel.
'Sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de premières instances qui sont à la charge de l'expropriant en application de l'article L312-1 du code de l'expropriation.
Les consorts [O] perdant pour l'essentiel le procès en appel seront condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevables les conclusions des parties
Infirme partiellement le jugement entrepris du 29 juillet 2016 rectifié par jugement du 17 octobre 2016
Statuant à nouveau
Fixe l'indemnité due par l'EPA ORSA Etablissement public d'aménagement [Localité 14] [Localité 13] [Localité 15] aux consorts [O] à la somme de 3'811 018 €
Se décomposant comme suit :
-indemnité principale : 3'445'471 €
-indemnité de remploi : 345'547 €
-indemnité pour accessoires : 20'000 €
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Monsieur [F] [O], Monsieur [O] [O], Madame [B] [O], Madame [C] [O], Monsieur [Z] [O], Madame [Y] [O], Madame [H] [O] aux dépens d'appel.
La greffière Le président