Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 08 NOVEMBRE 2018
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/12242 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZV7R
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/02395
APPELANTE
Madame [U] [U] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascal ANQUEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0037
INTIMÉE
SOCIÉTÉ UMAI - UNIVERSAL MANAGEMENT AND INVESTMENT
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuel MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R016
INTIMÉE
SOCIÉTÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE CHIMI QUE ET COSMETIQUE - DEXI INTERNATIONAL
[Adresse 2]
[Localité 2] / FRANCE
Représentée par Me Vincent DE LA SEIGLIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1261
INTIMÉE
SOCIÉTÉ AURIEGE PARIS
[Adresse 2]
[Localité 2] / FRANCE
Représentée par Me Vincent DE LA SEIGLIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1261
INTIMÉE
SOCIÉTÉ RIVADIS HOLDING
[Adresse 3]
[Localité 3]/FRANCE
Représentée par Me Vincent DE LA SEIGLIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1261
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine BRUNET, présidente
M. Stéphane MEYER, conseiller
Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère
qui en ont délibéré,
Greffière : Mme Clémentine VANHEE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
- signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Clémentine VANHEE, Greffière présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 16 décembre 1985, [U] [U] épouse [B] a été engagée en qualité d'attachée à la direction commerciale par la société Auriège qui avait pour activité la commercialisation en France et à l'export de produits cosmétiques de la marque Auriège.
Régulièrement promue, elle a occupé diverses fonctions au sein du groupe Auriège constitué de la société mère, Dexi International, d'une société holding créée en 2001, la société Umai, et des sociétés Dexi France, Dexi Diffusion et Lasco ; en dernier lieu, elle occupait des fonctions de directrice marketing et commerciale moyennant une rémunération mensuelle brute de 10.400,65 euros.
Le 24 juillet 2014, la société Dexi International et ses filiales, Dexi France et Dexi Diffusion, ont été rachetées par la société Rivadis Holding, étant précisé que les sociétés Umai et Lasco n'ont pas été concernées par le rachat.
A la suite des deux examens réglementaires des 17 octobre et 4 novembre 2014, la salariée a fait l'objet d'un avis par le médecin du travail le 4 novembre 2014 ainsi rédigé : 'inapte au poste de directrice marketing et commerciale. Une activité administrative, en télétravail, à temps très partiel pourrait lui être proposée'.
Par lettre datée du 8 décembre 2014, elle a été convoquée par la société Dexi International à un entretien préalable à un licenciement fixé le 17 décembre 2014, puis par lettre du 22 décembre 2014, elle a été licenciée pour inaptitude.
Le 26 février 2015, [U] [U] épouse [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la condamnation in solidum des sociétés Umai, Dexi France, Dexi International et Rivadis Holding, en qualité de co-employeurs, à lui payer diverses indemnités au titre du harcèlement moral, du travail dissimulé et de la rupture du contrat de travail.
Suivant jugement prononcé le 5 juillet 2016, notifié le 31 août 2016, cette juridiction a mis hors de cause la société Umai, a débouté [U] [U] épouse [B] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Cette dernière a régulièrement relevé appel de ce jugement dans le délai légal.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2018.
Suivant conclusions régulièrement notifiées par le Rpva dans la perspective de l'audience du 25 septembre 2018, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement, juger nul le licenciement ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, condamner les sociétés intimées in solidum à lui payer les sommes suivantes :
* 499.231,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 62.403,90 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
* 62.403,90 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
* 31.201,95 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 3.120,19 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
* 10.027,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice retraite,
* 3.600,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal capitalisés et ordonner la remise par ces sociétés d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail, de l'intégralité des bulletins de salaire et des bulletins de paie des années 2004, 2005, 2008 et 2009, d'un certificat pour la caisse de retraite Arrco et Agirc sous astreinte journalière de 100 euros par document.
Suivant conclusions régulièrement notifiées par le Rpva dans la perspective de l'audience du 25 septembre 2018, la société Umai demande à la cour de confirmer le jugement, débouter l'appelante de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3.600,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions régulièrement notifiées par le Rpva dans la perspective de l'audience du 25 septembre 2018, les sociétés Dexi International, Dexi France dénommée Auriège Paris et Rivadis Holding demandent à la cour de confirmer le jugement, débouter l'appelante de toutes ses demandes, mettre hors de cause les sociétés Rivadis et Auriège Paris et la condamner à payer à la société Dexi International la somme de 3.600,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur le co-emploi et le travail dissimulé
En droit, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de directions se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
L'appelante soutient que les sociétés Dexi France, dénommée Auriège Paris, Umai et Dexi International qui l'auraient successivement rémunérée, auraient été ses co-employeurs, qu'elle effectuait des prestations indifféremment pour chacune de ces sociétés, que le dirigeant familial du groupe Auriège, [K] [K] aurait eu recours à un prêt de main d''uvre illicite la concernant en faisant établir des bulletins de salaire, par trois sociétés du groupe, en dehors du formalisme légal, lui imposant un changement d'employeur, en fonction des 'évolutions de l'organisation administrative du groupe', ce à quoi elle n'aurait jamais consenti depuis son intégration au sein de la société Umai en 2010 et ce dans le cadre d'un prêt exclusif.
Les sociétés Dexi International, Auriège et Rivadis Holding font valoir que l'appelante ne démontrerait pas le co-emploi allégué ; que le fait que sa rémunération ait pu être versée au fil du temps par la société Dexi France, Umai puis Dexi International ne créerait pas une situation fautive de co-emploi eu égard notamment à la possibilité de réalisations de prestations intra-groupe ; qu'en réalité, l'employeur de droit était la société Dexi International, que seule la société Rivadis Holding détient le capital de la société Dexi International depuis le rachat de ses actions intervenu le 24 juillet 2014, que le changement de capital n'a pas modifié l'employeur, que les société Rivadis Holding et Dexi France doivent être mises hors de cause.
La société Umai fait valoir qu'avant la cession à la société Rivadis Holding, une convention d'assistance existait entre les sociétés du groupe Dexi aux termes de laquelle la société Umai en qualité de holding animatrice du groupe apportait des prestations d'assistance dans des domaines transversaux, comme en matière de direction générale, politique générale, développement commercial et administration du personnel, que si la salariée a effectué des missions pour le compte de la société Umai en 2004, 2005 et 2006, son contrat de travail ne lui a pas été transféré, qu'elle aurait été détachée au sein de Dexi International à compter de 2008 et au sein d'Umai jusqu'en août 2013 ; qu'elle n'aurait jamais été son employeur.
En l'espèce, il ressort des pièces produites aux dossiers qu'outre la société holding, Umai, le groupe Auriège, avant son rachat par la société Rivadis Holding le 25 juillet 2014, était composé de la société Dexi International en charge de la vente des produits à l'export et de prestations de services au bénéfice des autres entités du groupe (comptables, Rh, marketing), de la société Dexi France dénommée Auriège Paris en charge de la vente des produits sur le territoire national, de la société Dexi Diffusion dont l'effectif était composé de vendeuses à domicile indépendantes et du Laboratoire Scientifique de Cosmétologie (Lasco) en charge de la conception et de la recherche.
La salariée ne conteste pas ses fonctions de directrice marketing et commerciale, son statut de cadre dirigeant, son appartenance au comité exécutif et sa proximité avec les dirigeants familiaux du groupe Auriège durant ses près de trente années de collaboration professionnelle.
Les parties sont d'accord sur le fait que les difficultés économiques rencontrées par le groupe depuis 2012 ont conduit les dirigeants à rechercher un repreneur, ce qui s'est concrétisé après plusieurs mois de préparation par le rachat par la société Rivadis Holding le 25 juillet 2014.
Dans ce contexte, par lettre datée du 1er octobre 2013, la salariée s'est plainte à [K] [K] de l'établissement de son bulletin de paie de septembre 2013 par la société Dexi International et a sollicité qu'il soit établi par la société Umai ; par lettre du 16 octobre 2013, celui-ci, lui ayant rappelé son refus de transfert du contrat de travail vers Dexi International en 2007 et l'absence de transfert vers Umai, lui a indiqué que son employeur était la société Dexi France ; par lettre du 12 novembre 2013, la salariée a contesté cette analyse et a revendiqué sa qualité de salariée de la société Umai ; par lettre du 16 décembre 2013, [K] [K] a confirmé sa précédente position en faisant valoir la convention de détachement vers la société Umai dont elle a bénéficié jusqu'en août 2013 et qu'ayant refusé son transfert vers Dexi International, son employeur était la société Dexi France, ce que la salariée ne conteste pas.
Pour autant, les bulletins de paie à partir de septembre 2013 et jusqu'à la fin de la relation contractuelle ont été établis par la société Dexi International, la procédure de licenciement a été mise en oeuvre par la société Dexi International et le certificat de travail mentionne que cette société a employé la salariée pour la période du 1er septembre 2013 au 23 décembre 2014 ; il en ressort que la société Dexi International qui revendique être l'employeur de la salariée, s'est effectivement comportée comme son employeur. De plus, les éléments produits démontrent que la salariée se trouvait dans un lien de subordination direct tant avec la société Dexi International qu'avec sa filiale, la société Dexi France, celle-ci exerçant des tâches tant pour l'une ou l'autre de ces sociétés et rendant directement compte à leur dirigeant commun, [K] [K].
Alors que l'appelante ne produit aucun élément de fait objectif permettant d'établir qu'elle aurait été dans un lien de subordination avec la société Umai ou l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de directions se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale des sociétés Dexi France et Dexi International, rien ne permet de retenir la qualité de co-employeur de la société Umai.
Enfin, l'appelante ne produit aucun élément probant du prêt illicite de main d'oeuvre entre les sociétés intimées qu'elle allègue ; ses demandes au titre du travail dissimulé ne sont pas fondées et doivent être rejetées.
Les demandes formées à l'encontre de la société Umai et de la société Rivadis Holding qui n'a jamais été l'employeur de la salariée, ne sont donc pas fondées et seront donc rejetées.
Il sera donc retenu que la société Dexi International et sa filiale, la société Dexi France étaient les co-employeurs de la salariée.
Sur le harcèlement moral
L'article L.1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du code du travail prévoit qu'il revient au salarié qui fait valoir l'existence d'un harcèlement moral de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'appelante fait valoir qu'elle aurait été l'objet d'un harcèlement moral caractérisé par des pressions en vue de la modification de son contrat de travail, des intimidations par le groupe Rivadis, une éviction des réunions, la rétrogradation au poste d'assistante d'[Y] [C], nouveau directeur commercial, et qu'elle a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle alors que la dégradation de son état de santé procéderait de l'attitude de son employeur.
Les sociétés Dexi International et Dexi France font valoir que la salariée n'établirait pas le harcèlement moral allégué, les éléments de fait qu'elle invoque ne traduisant pas la réalité, que ses relations avec les nouveaux dirigeants se seraient limitées à quelques jours de travail, qu'en réalité, les difficultés remonteraient à sa relation avec [K] [K], que c'est elle qui aurait souhaité quitter le groupe, que son inaptitude n'aurait pas une origine professionnelle.
Au soutien de son allégation de harcèlement moral, l'appelante produit des échanges de lettres et pièces avec [K] [K] en 2013 et 2014, et des échanges de courriels avec les époux [O], dirigeants du groupe Rivadis et [Y] [C] durant l'été 2014, des attestations d'anciennes subordonnées, notamment [M] [M], [I] [E], [S] [Y], [X] [X], ainsi que des arrêts de travail et certificats médicaux à compter du 29 août 2014, dernier jour travaillé.
Il ressort de ces éléments que la salariée s'est vu proposer un contrat de travail avec la société Dexi International qu'elle a refusé en 2013, qu'à partir de juillet 2014, elle a été de fait placée sous la subordination hiérarchique d'[Y] [C], directeur commercial du groupe Rivadis et directeur général de la société Dexi International postérieurement au rachat, qui lui a demandé d'organiser un congrès pour les collaborateurs du groupe fixé au 4 septembre 2014, qu'en réalité, celui-ci lui a donné à plusieurs reprises des directives très précises tenant à des tâches logistiques afférentes à ce congrès, sans rapport avec ses fonctions de directrice marketing et commerciale, comme par exemple sur le choix d'un hôtel ou le signataire des invitations, qui s'apparentait à un rôle d'assistante d'[Y] [C], que celui-ci lui a reproché le 28 août 2014 de ne pas lui avoir fourni des éléments sur les missions qu'elle estimait prioritairement à mener pour elle-même et l'équipe commerciale alors que par courriel du 27 août 2014, celle-ci lui avait fourni les éléments demandés ; que lors de la réunion de présentation de la nouvelle direction le 25 juillet 2014, [U] [B] n'a pas été incluse dans la présentation et a été 'totalement ignorée' par la nouvelle direction devant le personnel, que le 30 juillet 2014, une réunion des directrices de secteur a eu lieu au siège en présence de [W] [L], le Daf, afin d'évoquer l'avenir sans que [U] [B] n'ait été invitée ; que par lettre du 25 août 2014 à [Z] [O], dirigeante de la société Rivadis, la salariée lui a indiqué accepter le recours à une rupture conventionnelle de son contrat de travail ; que par lettre du 29 août 2014, [Z] [O] a contesté lui avoir proposé une rupture conventionnelle et indiqué qu'une telle rupture ne pouvait être envisagée.
Il en résulte encore que la salariée a été arrêtée le 29 août 2014, l'avis d'arrêt de travail mentionnant un 'syndrome dépressif réactionnel à une dégradation des conditions de travail', que la salariée âgée de 61 ans n'a jamais repris son travail, que le médecin du travail évoque dans un courrier à un confrère le 16 septembre 2014 que la salariée rapporte des idées suicidaires quotidiennes depuis le 28 août, que le docteur [Z] ayant reçu la salariée en consultation pour souffrance au travail écrit à son confrère le 10 octobre 2014 que les idées de suicide sont toujours évoquées par la salariée et qu'elle 'aurait été débarquée professionnellement en vue d'un rachat', qu'elle 'ne comprend pas qu'après toutes ses années avec son président (elle a déjà travaillé pour le père), il ait pu la déplacer sans même lui en parler', que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude au poste de directrice marketing et commerciale les 17 octobre et 4 novembre 2014.
Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait laissent supposer un harcèlement moral et il appartient aux sociétés Dexi International et Dexi France d'apporter des éléments objectifs de nature à démontrer que les décisions prises étaient étrangères à tout harcèlement moral.
Ces sociétés se contentent de faire valoir que la salariée ne souhaitait pas s'inscrire dans le processus issu du rachat du capital par le groupe Rivadis, que celle-ci aurait été à l'initiative de la demande de rupture conventionnelle et que l'employeur n'aurait fait qu'exercer son pouvoir de direction à l'égard de la salariée, qu'il n'était pas dans leur intention de se séparer d'elle, que les dirigeants n'ont été physiquement en contact avec la salariée que sur une courte période de temps en juillet et août 2014. Les attestations de salariées que les sociétés produisent ne se réfèrent à aucun élément en rapport avec le harcèlement moral invoqué par l'appelante, sauf à relever que [W] [L], ancien directeur administratif et financier, confirme la réunion qu'il a organisée le 30 juillet 2014 avec les directrices de secteur et n'évoque à aucun moment avoir convié ou associé leur supérieure hiérarchique, [U] [B], à cette réunion.
Ces éléments n'expliquent pas objectivement les raisons pour lesquelles la salariée s'est vue confier des tâches d'exécution sans rapport avec sa qualification et ses fonctions en juillet 2014, a été mise à l'écart lors de la réunion de présentation du 25 juillet 2014 au personnel et a été évincée d'une réunion avec ses subordonnées le 30 juillet 2014 ; ces faits ont entraîné une dégradation des conditions de travail de la salariée et ont été à l'origine de répercussions sur son état de santé psychique.
Par conséquent, le harcèlement moral est établi.
Au regard des éléments produits par l'appelante, il lui sera alloué une somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral subi que les sociétés Dexi France et Dexi International seront condamnées in solidum à lui payer.
Sur le licenciement
L'article L.1152-3 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions notamment de l'article L.1152-1 est nul.
En l'espèce, l'inaptitude ayant motivé le licenciement est la conséquence directe du harcèlement moral subi par [U] [U] épouse [B] ; il s'ensuit, sans qu'il ne soit besoin d'examiner le bien-fondé du licenciement pour inaptitude de la salariée, que le licenciement est nul.
[U] [U] épouse [B] ne demandant pas sa réintégration, celle-ci a droit à des dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail.
Agée de 61 ans au moment du licenciement, [U] [U] épouse [B] présentait une ancienneté de 29 ans au sein des sociétés du groupe Auriège et percevait une rémunération mensuelle moyenne de 10.400,65 euros ; celle-ci a subi un préjudice causé par la rupture de son contrat de travail qui sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 200.000,00 euros que les sociétés Dexi International et Dexi France seront condamnées in solidum à lui payer.
Lorsque le licenciement est nul, l'employeur qui a rompu un contrat de travail en violation d'un interdiction légale doit au salarié une indemnité compensatrice de préavis, même si celui-ci est dans l'impossibilité physique de l'exécuter.
Il sera fait droit à la demande de l'appelante au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois de salaire, soit 31.201,95 euros outre l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 3.120,19 euros.
Sur le préjudice retraite
L'appelante fait valoir qu'elle aurait subi un préjudice sur l'évaluation de sa retraite par les sociétés Umai, Dexi France et Dexi International et sollicite en réparation l'allocation de dommages et intérêts équivalents à 1038 points Agirc sur 2004, 2005, 2008 et 2009;
Cependant, elle ne produit aucun élément de nature à justifier son préjudice ; cette demande n'est pas fondée et doit être rejetée.
Sur la capitalisation des intérêts
Les sommes allouées produiront des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; ceux-ci se capitaliseront dans les condition légales.
Sur la remise de documents
Au regard de la solution du litige, il convient d'ordonner aux sociétés Dexi International et Dexi France de remettre à l'appelante une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt dans le délai de deux mois à compter de son prononcé, sans qu'il n'y ait lieu à prononcer une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les sociétés Dexi International et Dexi France qui succombent en leurs prétentions seront condamnées in solidum aux dépens exposés en première instance et en appel.
Il n'apparaît pas inéquitable d'allouer à l'appelante la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile que les sociétés Dexi International et Dexi France seront condamnées in solidum à lui payer.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Paris le 5 juillet 2016 sauf en ce qu'il a débouté [U] [U] épouse [B] de ses demandes formées à l'encontre de la société Dexi International et de la société Dexi France de nullité du licenciement et à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, et de remise de documents,
L'INFIRME sur ces seuls chefs et statuant à nouveau,
PRONONCE la nullité du licenciement,
CONDAMNE in solidum la société Dexi International et la société Dexi France à verser à [U] [U] épouse [B] les sommes suivantes :
* 10.000,00 (dix mille) euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 200.000,00 (deux cent mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail,
avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE in solidum la société Dexi International et la société Dexi France à payer à [U] [U] épouse [B] les sommes suivantes :
* 31.201,19 (trente et un mille deux cent un virgule dix-neuf) euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 3.120,19 (trois mille cent vingt virgule dix-neuf) euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
avec intérêts au taux légal à compter de la convocation des parties défenderesses devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions légales,
ORDONNE aux sociétés Dexi International et Dexi France de remettre à [U] [U] épouse [B] une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt dans le délai de deux mois à compter de son prononcé,
CONDAMNE in solidum la société Dexi International et la société Dexi France à payer à [U] [U] épouse [B] la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
CONDAMNE in solidum la société Dexi International et la société Dexi France aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE