Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2018
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/03299 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYBLI
Décision déférée à la cour : jugement du 17 décembre 2015 -tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 14/12125
APPELANTE
SARL CABINET PATRICK DESBORDES
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 338 279 854
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Stephen CHAUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : R290
Ayant pour avocat plaidant Me Antoine CHRISTIN, avocat au barreau de NANTERRE, toque: 720
INTIMÉE
Madame [C] [J] [H]
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 1]
Née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 2] (94)
Représentée par Me Mansour OTHMANI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0095
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargée du rapport
Madame Estelle MOREAU, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
Madame [C] [J] [H] (ci-après « Madame [H] ») était gérante de la société Cogetra Bâtiment qui a été enregistrée au registre du commerce et des sociétés de Créteil le 21 février 2011 et qui a été mise en liquidation judiciaire le 10 septembre 2014.
Madame [H] a signé le 13 janvier 2011 une lettre de mission chargeant le Cabinet Patrick Desbordes d'une « mission comptable et juridique » pour l'assister, « y compris relativement à cette société en référence » moyennant paiement d'un honoraire basé sur un « taux horaire de 205 euros hors taxes ».
Le 31 décembre 2011, la société Cabinet Patrick Desbordes a émis une facture pour « prestations exceptionnelles à votre demande » de 8.500 euros HT (10.166 euros TTC) à l'attention de la société Cogetra et solidairement de Madame [H].
Cette facture étant demeurée impayée, la société Cabinet Patrick Desbordes a saisi le Président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'enjoindre à Madame [C] [J] [H] de payer la somme réclamée.
Par ordonnance n°13/5763 du 16 mai 2013, le Président du tribunal de grande instance de Paris a rendu une ordonnance enjoignant à Madame [C] [J] [H] de payer à la société Cabinet Patrick Desbordes la somme de 10.166 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2013, outre 400 euros au titre des frais accessoires. Cette ordonnance a été signifiée à étude d'huissier de justice les 24 juillet 2013 puis 18 juin 2014.
Par acte du 27 juin 2014, dénoncé à l'intéressée le 1er juillet 2014, le cabinet Patrick Desbordes a procédé à la saisie attribution des comptes bancaires de Madame [C] [J] [H] et bloqué la somme de 2.223,29 euros.
Madame [C] [J] [H] a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer par courrier du 7 juillet 2014.
Par jugement rendu le 17 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevable l'opposition de Madame [C] [J] [H], a mis à néant l'ordonnance portant injonction de payer du tribunal de grande de Paris n°13/5763 en date du 16 mai 2013 et, s'y substituant, a :
- déclaré la société Cabinet Patrick Desbordes irrecevable en sa demande de paiement,
- débouté la société Cabinet Patrick Desbordes de ses autres demandes,
- débouté Madame [C] [J] [H] de sa demande en dommages et intérêts,
- condamné la société Cabinet Patrick Desbordes aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Othmani, Avocat,
- condamné la société Cabinet Patrick Desbordes à verser à Madame [C] [J] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Vu l'appel interjeté le 3 février 2016 par la société Cabinet Patrick Desbordes à l'encontre de cette décision,
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 mai 2016 par la société Cabinet Patrick Desbordes, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles L.210-6, L.622-26 et L.631-14 du code de commerce,
Vu les articles 1134 et suivant du code civil,
Vu les articles 32-1, 515, 699 et 700 du code de procédure civile,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 décembre 2015 par la 4° chambre , 2ème section, du tribunal de grande instance de Paris (RG n°14/12125);
Puis statuant à nouveau,
' Sur la recevabilité:
- dire et juger :
' à titre principal, que Melle [H] ne démontre pas que la société Cogetra Bâtiment aurait repris l'engagement souscrit par elle et demeure donc personnellement et indéfiniment responsable de la créance ainsi souscrite ( article L.210 du code de commerce),
' à titre subsidiaire, que le moyen d'irrecevabilité soulevée est inapplicable en cas de liquidation judiciaire ( articles L.622-26 et L.631-14 du même code),
Et, en tout état de cause,
- déclarer recevable la demande formulée par la société Cabinet Patrick Desbordes, à l'encontre de Mlle [H],
' Sur le fond,
- dire et juger :
' que Mlle [H] ne rapporte pas la preuve que la société Cogetra Bâtiment aurait repris les engagements souscrits par elle en son nom ;
' que Melle [H] doit donc être tenue personnellement et indéfiniment des engagements ainsi souscrits au nom et pour le compte de la société Cogetra Bâtiment à l'époque en formation ( article L.210-6 du code de commerce) ;
' que la lettre de mission du 11 janvier 2011 signée par Melle [H] l'obligeait à payer à la société Cabinet Patrick Desbordes les factures émises par elle au titre de sa mission ;
' que, malgré l'injonction de payer qui lui a été signifiée les 24 juillet 2013 et 18 juin 2014, Mlle [H] a réfusé de payer la facture émise par la société Cabinet Patrick Desbordes le 31 décembre 2011,
Et par conséquent,
- condamner Mademoiselle [H] à payer à la société Cabinet Patrick Desbordes une somme de 10.166,00 euros en paiement de la facture du 31 décembre 2011 avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2013;
- dire et juger :
' que Mlle [H] a commis une faute en refusant sans argument aucun de payer à la société Cabinet Patrick Desbordes les sommes qu'elle lui doit et en régularisant une opposition tardive et juridiquement infondée ;
' que le droit d'agir en justice de Melle [H] a dégéné en abus ;
Et par conséquent,
- condamner Mlle [H] à payer :
' à la société Cabinet Patrick Desbordes une somme de 3.000 euros ;
' une amende civile d'un montant de 3.000 euros ;
- la condamner à payer à la société Cabinet Patrick Desbordes 4.800€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment les deux significations de l'ordonnance d'injonction de payer ;
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2011, portant modification du décret du 1 décembre 1996, devront être supportées par la partie succombante en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance du 12 janvier 2017 rendue par le conseiller de la mise en état qui a :
- déclaré irrecevables les conclusions signifiées le 6 juillet 2016 par Madame [C] [J] [H],
- écarté des débats les pièces communiquées par Madame [C] [J] [H] au soutien desdites conclusions,
- rejeté les autres demandes,
- réservé les dépens du présent incident.
***
La société Cabinet Patrick Desbordes fait valoir que sa créance est opposable à Madame [H] puisque cette créance est antérieure à la création de la société Cogetra Bâtiment de sorte que Madame [H], qui a agi au nom d'une société en formation, est tenue personnellement et indéfiniment des actes ainsi accomplis en son nom, la société Cogetra Bâtiment n'ayant jamais repris les engagements souscrits en son nom, et que d'autre part, l'irrecevabilité prononcée par le premier juge n'a pas vocation à s'appliquer aux liquidations judiciaires.
La société Cabinet Patrick Desbordes fait ensuite valoir qu'elle est fondée à réclamer le paiement de la somme de 10.166,00 euros au titre des prestations fournies puisque la société Cabinet Patrick Desbordes a été sollicitée par Madame [H] afin de permettre, notamment, la création de la société Cogetra Bâtiment - cette dernière ne pouvant pas être qualifiée de débiteur principal puisqu'elle est codébitrice au même titre que Madame [H], que d'autre part, cette prestation a été réalisée avec succès, l'état de liquidation démontrant bien que la société Cogetra Bâtiment a été régulièrement constituée et qu'enfin, Madame [H] est tenue personnellement et indéfiniment des engagements souscrits.
La société Cabinet Patrick Desbordes demande également la somme de deux fois 3.000 euros à titre d'amende civile et de dommages et intérêt puisque d'une part, l'opposition opérée à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13 mai 2016 a eu lieu plus d'un an après sa signification et puisque, d'autre part, Madame [C] [J] [H] a volontairement caché des informations tant à la société Cabinet Patrick Desbordes qu'au liquidateur judiciaire, de sorte que la créance n'a pas pu être déclarée dans les délais.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Sur ce, la cour,
Considérant qu'aux termes de l'article 954 aliné 6 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ;
Qu'en l'absence de conclusions de Madame [H], cette dernière est réputée s'être appropriée les motifs de la décision des premiers juges qui ont déclaré la demande du Cabinet Patrick Desbordes irrecevable ;
Qu'il y a lieu dès lors de statuer sur ce point avant d'aborder le fond du litige ;
'Sur la recevabilité
Considérant qu'aux termes des articles L.622-26 et R622-24 du code de commerce visés par les premiers juges, l'absence de déclaration d'une créance au passif de la liquidation judiciaire d'une société est sanctionnée par la forclusion de la demande et/ou par l'inopposabilité de la créance au débiteur ;
Qu'en cas de pluralité de débiteurs d'une dette solidaire, l'inopposabilité ou la forclusion à l'égard d'un débiteur en liquidation n'affecte pas la recevabilité de l'action engagée contre les co-débiteurs solidaires in bonis ;
Qu'il résulte de l'article L.210-6 du code de commerce que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation sont tenues solidairement des actes ainsi accomplis au nom et pour le compte de ladite société en cours d'inscription au registre du commerce et des sociétés et peuvent être poursuivies en leur nom personnel, à moins que la société ne reprenne les engagements souscrits ;
Considérant qu'à supposer que tel soit le cas en l'espèce, comme le soutient le Cabinet Patrick Desbordes, l'absence de déclaration de créance à la liquidation de ladite société, qui n'est pas contestée, rendrait seulement inopposable à la liquidation de la société Cogetra Bâtiment la demande en paiement du Cabinet Patrick Desbordes, mais ne rendrait pas irrecevable l'action engagée par ce dernier contre les personnes tenues solidairement de la même dette, si elles sont in bonis, en l'espèce Madame [H] ;
Que le jugement ayant déclaré la demande irrecevable sur ce seul fondement, alors que par l'effet des textes susvisés, la demande à l'encontre de Madame [H] reste recevable, nonobstant l'inopposabilité de la dette à la liquidation, devra dès lors être infirmé sur ce point ;
' Sur le fond
Considérant que la facture d'honoraires du Cabinet Patrick Desbordes datée du 31 décembre 2011, dont le paiement est demandé à Madame [H], est certes libellée à l'ordre de la « SAS Cogetra Batiment et solidairement [C] [J] [H] », mais qu'outre sa date qui est très postérieure à l'immatriculation de la société, il n'est pas établi qu'elle corresponde à une créance antérieure à la constitution de la société Cogetra Bâtiment, ni qu'elle ait été établie pour des prestations demandées par Madame [H] au nom de la société en formation ;
Qu'en effet, ladite facture mentionne : « prestations exceptionnelles à votre demande » et non l'une quelconque des missions évoquées dans la lettre du mission du 13 janvier 2011, pour une somme forfaitaire de 8.500 euros sans application d'un taux horaire, sans détail desdites prestations, ni précision de leur date de commande ou d'exécution ;
Qu'il n'est pas fait référence à la société en création ;
Qu'il n'est pas non plus fait référence à la convention du 13 janvier 2011 signée par Madame [H] qui prévoyait une mission précise facturée sur la base d'un coût horaire ;
Qu'il en résulte que la réalité de la dette et la solidarité alléguée pour ces « prestations exceptionnelles » sur le fondement de l'article L.210-6 du code de commerce pour une société en création ne sont pas justifiées ;
Considérant en outre que la demande en paiement formée par le Cabinet Patrick Desbordes, expert comptable, contre Madame [H] à titre personnel ne bénéficie pas de la présomption de solidarité admise entre commerçants, la société Cabinet Patrick Desbordes exerçant l'activité d'expertise comptable, profession réglementée, dont les honoraires ne sont pas considérés comme des bénéfices commerciaux, et la responsabilité de Madame [H] étant recherchée à titre personnel devant le TGI (et non le tribunal de commerce), et non en sa qualité de gérante de la société Cogetra ;
Qu'il n'est pas établi que Madame [H] se soit engagée solidairement sur un autre fondement aux côtés de la société Cogetra Batiment pour des « prestations exceptionnelles », au demeurant non définies et non datées, qui ont fait l'objet de la facture du 31 décembre 2011 ;
Qu'il n'est pas allégué que Madame [H] se soit portée caution solidaire de la société Cogetra Bâtiment ;
Qu'en l'absence de solidarité, présumée, conventionnelle ou établie par la loi, il y a lieu de débouter la société Cabinet Patrick Desbordes de ses demandes en paiement à l'encontre de Madame [H], et de toutes ses demandes accessoires ;
Que la société Cabinet Patrick Desbordes conservera la charge des dépens de première instance et d'appel, ainsi que des frais de recouvrement engagés pour l'exécution de l'ordonnance d'injonction de payer qui est mise à néant ;
Que le jugement sera par conséquent confirmé sur l'ensemble de ces points, y compris sur la condamnation à payer à Madame [H] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la Sarl Cabinet Patrick Desbordes irrecevable en sa demande en paiement, le confirmant pour le surplus,
Statuant à nouveau sur ce point,
DÉCLARE l'action de la Sarl Cabinet Patrick Desbordes recevable mais mal fondée et la déboute de toutes ses demandes,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Sarl Cabinet Patrick Desbordes aux entiers dépens tant de première instance, y compris les frais de mise à néant de l'ordonnance d'injonction de payer, que d'appel.
La Greffière Le Président
Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU