Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2018
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/22941 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXSCS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 octobre 2015 - Tribunal d'Instance de [...] - RG n° 11-15-128
APPELANTE
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la société BANQUE SOLFEA aux termes d'une cession de créance en date du 28 février 2017
N° SIRET : 542 097 902 04319
[...]
Représentée par Me Anne C... de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me X... Y... du cabinet Edgar VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B496
INTIMÉS
Madame Ghislaine Z... épouse A...
née le [...] à COLOMBIERS SUR SEULLE (14)
[...]
Représentée et assistée de Me Ariane VENNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186
Monsieur André A...
né le [...] à LECOUSSE (35)
[...]
Représenté et assisté de Me Ariane VENNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186
Maître Bertrand B... de la SELARL SARTHE MANDATAIRE, ès-qualités de liquidateur de la Société OUEST ALLIANCE
[...]
DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe DAVID, Président
Mme Agnès LALARDRIE, Conseiller
Mme Fabienne TROUILLER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Philippe DAVID, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 21 février 2013, M. A... a chargé la société OUEST ALLIANCE de la fourniture et de l'installation de douze panneaux photovoltaïques et d'une éolienne producteurs d'électricité sur sa maison située au lieu dit [...], à Coulvain pour le prix de 21 900 euros. Le même jour, la société BANQUE SOLFEA a accordé aux époux A... un prêt d'un montant de 21 900 euros, au TAEG de 6,45 % pour financer cette opération.
Par jugement en date du 24 septembre 2013, la société OUEST ALLIANCE a été placée en liquidation judiciaire.
Les 20 et 21 avril 2015, les époux A..., se prévalant de l'absence de raccordement de l'installation au réseau électrique, ont assigné Me B... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société OUEST ALLIANCE, et la société BANQUE SOLFEA devant le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris, afin d'obtenir la résolution pour inexécution et l'annulation du contrat de vente, et l'annulation en conséquence du contrat de crédit.
Par jugement réputé contradictoire en date du 15 octobre 2015, le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris'a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclaré irrecevable la demande des époux A... tendant à condamner le liquidateur de la société OUEST ALLIANCE à faire déposer l'installation photovoltaïque avec remise en état de la toiture et réparation des dégâts causés par les matériels,
- déclaré nul le contrat de vente conclu le 21 février 2013 entre les époux A... et la société OUEST ALLIANCE,
- déclaré nul de plein droit le contrat de crédit affecté souscrit le 21 février 2013 auprès de la société BANQUE SOLFEA,
- débouté la société BANQUE SOLFEA de sa demande tendant à voir condamner les époux A... au remboursement de la somme de 21 900 euros,
- condamné la société BANQUE SOLFEA à restituer aux époux A... les mensualités déjà versées, soit la somme de 4 536,72 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société BANQUE SOLFEA aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a retenu que la signature d'une attestation de fin de travaux ne rendait pas irrecevable la demande de résolution ou de nullité du contrat de prêt, que le bon de commande ne mentionnait ni la marque, ni les références des produits vendus, et aucune indication relative à la surface et au poids des panneaux, leurs caractéristiques en terme de rendement, de capacité de production et de performance et que la banque a commis une faute en versant les fonds sans procéder aux vérifications nécessaires.
Par déclaration en date du 13 novembre 2015, la société BANQUE SOLFEA a interjeté appel de cette décision.
Aux termes d'une cession de créance intervenue le 28 février 2017, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE est venue aux droits et obligations de la société BANQUE SOLFEA.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 juin 2018, au-delà des demandes de constatation ou de "dire et juger" qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour :
- d'infirmer le jugement rendu,
- à titre principal, de déclarer irrecevables les demandes des intimés,
- à titre subsidiaire, de débouter les intimés de leurs demandes en nullité et en résolution,
- à titre plus subsidiaire, en cas de confirmation ou en cas de résolution des contrats, la condamnation solidaire des époux A... à restituer la somme de 21 900 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2013 et le rejet de leur demande de dispense de restitution et de leur demande de dommage intérêts,
- à titre très subsidiaire, si la cour retient une faute de la banque, la réduction du montant du préjudice qui ne peut être égal au montant du capital emprunté,
- en tout état de cause, la condamnation solidaire des intimés au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir que l'action des intimés a été intentée après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société OUEST ALLIANCE en contradiction avec le principe de l'interdiction des poursuites, que les preuves d'une cause de nullité du contrat de vente et d'une cause de résolution de cette même convention ne sont pas rapportées, que la banque n'a aucune obligation de détenir le bon de commande, que le fait pour les époux A... d'avoir signé l'attestation de fin de travaux, d'avoir réglé le devis de raccordement et d'avoir continué à honorer les échéances de leur prêt jusqu'en octobre 2015, caractérise des actes postérieurs à la connaissance de la nullité venant la confirmer, que l'exécution des contrats doit être poursuivie, que la nullité du contrat de vente interdit de retenir une faute dans l'exécution de ce contrat, que la banque n'a commis aucune faute et que le préjudice des emprunteurs n'est pas caractérisé, qu'il serait tout au plus dans la perte d'une chance de ne pas contracter.
Les époux A..., dans leurs dernières écritures signifiées le 8 avril 2016, sollicitent :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation des deux contrats et dit que les emprunteurs n'étaient pas tenus à rembourser le crédit et que la société BANQUE SOLFEA devait restituer les sommes versées,
- le prononcé de la résolution du contrat de crédit affecté pour faute de la banque,
- le débouté des demandes de la banque,
- la condamnation de l'appelante au paiement d'une de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils ont fait valoir que le rendement de l'installation devait permettre un auto-financement, qu'il s'agit d'une opération commerciale unique, que le vendeur a manqué à ses obligations de délivrance et de conformité, que le bon de commande ne respecte pas l'article L. 121-23 du code de la consommation, que le vendeur a usé de manoeuvres dolosives qui ont vicié le consentement des acheteurs, que l'installation n'a jamais été raccordée, que la banque a commis une faute dans la délivrance des fonds, que la banque n'a pas respecté les articles L. 311-6, L. 311-8 et L. 311-10 du code de la consommation.
Ils n'ont produit à l'appui de leurs demandes que trois pièces (la première page du bon de commande litigieux, une facture de démontage d'une éolienne datée du 17 février 2016 et un courrier du directeur départemental de la protection des populations en date du 14 février 2014).
Me Bertrand B..., SELARL SARTHE MANDATAIRE, ès-qualités de mandataire ad'hoc de la société OUEST ALLIANCE, a été assigné en intervention forcée le 28 mai 2018. Les conclusions lui ont été signifiées. Il a, le 26 juin 2018, adressé un courrier à la cour, précisant qu'en l'absence de fonds, il ne constituera pas avocat et qu'il s'en rapportait à la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juillet 2018.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'action des époux A...
L'appelante a soulevé l'irrecevabilité des demandes et les intimés n'ont fait valoir aucun moyen sur cette prétention dans leurs conclusions.
1- Par jugement en date du 24 septembre 2013, la société OUEST ALLIANCE a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
M. et Mme A... ont introduit une instance à l'encontre de la société OUEST ALLIANCE par assignation en date du 20 avril 2015, soit postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
2- L'article L. 622-21 du code de commerce pose le principe l'interdiction des poursuites à compter de l'ouverture d'une procédure collective et l'interruption des poursuites engagées antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective : « I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ».
A cet égard, les demandes en nullité et en résolution formulées par les époux A... à l'encontre de la société OUEST ALLIANCE affecteront nécessairement le passif de la liquidation, et constituent donc une action prohibée par les articles susvisés, sauf à ce qu'il soit justifié d'une déclaration de créance.
3- L'article L. 622-22 du code de commerce dispose en effet que « Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ».
En l'espèce, les époux A... ne justifient nullement de leur déclaration de créance alors qu'ils ont engagé leur action postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société OUEST ALLIANCE et étaient donc soumis à une interdiction des poursuites.
Ainsi, les époux A... sont irrecevables à agir en résolution ainsi qu'en nullité du contrat principal contre la société OUEST ALLIANCE et, en conséquence, à agir en résolution ainsi qu'en nullité du contrat de prêt contre la BANQUE SOLFEA dès lors que le contrat de crédit en question est un contrat de crédit affecté, et que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit est demandée en conséquence de l'annulation ou la résolution du contrat principal, par application de l'article L. 311-32 du code de la consommation.
4- L'interdiction de l'article L. 622-21 du code de commerce, d'introduire une instance tendant à la condamnation du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective, étant une règle d'ordre publique, les époux A... sont, en application de l'article 122 du code de procédure civile, irrecevables à agir contre le mandataire liquidateur de OUEST ALLIANCE, et, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, contre la BANQUE SOLFEA.
Le jugement sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les époux A... qui succombent en leur appel seront condamnés en tous les dépens.
Il paraît équitable d'allouer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venue au droits de la BANQUE SOLFÉA une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Déclare les époux A... irrecevables à agir en application de l'article 122 du code de procédure civile, contre le mandataire liquidateur de la société OUEST ALLIANCE, et, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, contre la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la BANQUE SOLFEA,
- Condamne in solidum M. André A... et Mme Ghislaine A... à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venue aux droits de la BANQUE SOLFEA une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne in solidum M. André A... et Mme Ghislaine A... en tous les dépens, qui pourront être recouvrés par l'avocat de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Rejette toutes autres demandes.
Le greffier Le président