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07/11/2018 | FRANCE | N°16/11247

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 07 novembre 2018, 16/11247


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 07 Novembre 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/11247 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZRSN



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/05587





APPELANTE



Madame [G] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1

983 à [Localité 1]



représentée par Me Céline PARES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0568





INTIMEES



Me [S] [S] - Commissaire à l'exécution du plan de la SASU KEYRIA

[Adres...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 07 Novembre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/11247 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZRSN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/05587

APPELANTE

Madame [G] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]

représentée par Me Céline PARES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0568

INTIMEES

Me [S] [S] - Commissaire à l'exécution du plan de la SASU KEYRIA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

n'ayant pas constitué avocat ou délégué syndical

Me [N] [N] (SAS DUONS MCO) - Commissaire à l'exécution du plan de la SASU KEYRIA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

n'ayant pas constitué avocat ou délégué syndical

SASU KEYRIA

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 444 527 667

représentée par Me Guillaume BORDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Louis RICHARD, avocat au barreau de PARIS

Société LEGRIS INDUSTRIES SE disposant d'un établissement à [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 4]

[Adresse 4]s/Belgique

N° SIRET : 444 52 7 6 344

représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Maxime REDON, avocat au barreau de PARIS, toque : T0003

Société LEGRIS INDUSTRIES FE (LIFE) prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 4]

[Adresse 4]s/Belgique

représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Maxime REDON, avocat au barreau de PARIS, toque : T0003

PARTIE INTERVENANTE :

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représenté par Me Arnaud CLERC de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substituée par Me Sabine NIVOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller

Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 10 avril 2018

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- réputé Contradictoire

- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Au 1er janvier 2009, le groupe Legris était organisé en 3 divisions industrielles, dont la division Keyria regroupant 31 sociétés ayant pour activité la conception et l'installation d'usines et d'équipements de production de matériaux de construction. La société Keyria, elle-même détenue par la société Legris industries par l'intermédiaire des sociétés Legris industries Partner 1 et Legris industries FE, était la société holding de la division Keyria et avait pour activité l'accomplissement de prestations de services au profit de l'ensemble des sociétés de la division dans différents domaines (comptabilité, fiscalité, communication, juridique... ) Par jugement du 28 octobre 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Keyria, puis, par jugement du 9 juin 2010, a arrêté le plan de sauvegarde de la société. Dans le même temps, la plupart des filiales françaises de la division Keyria ont été mises en liquidation judiciaire.

Mlle [H], au service de la société Keyria depuis le 19 mai 2008, en qualité d'administratrice systèmes et réseaux, a été licenciée pour motif économique par lettre du 30 avril 2010, dans le cadre d'un licenciement collectif de 30 salariés.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir, à titre principal constater que la société Legris industries était co-employeur des salariés, qu'elle n'avait pas élaboré de plan de sauvegarde en violation des dispositions légales, juger le plan de sauvegarde nul et le licenciement nul, à titre subsidiaire, juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société Keyria à lui régler des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour n'avoir pas respecté l'obligation de reclassement. Par jugement du 4 juin 2015, le conseil de prud'hommes a mis hors de cause les sociétés Fregate, LIP 1 Legris industries Partners 1, Life Legris industries FE, Legris industries SA et l'AGS, et débouté Mlle [H] de ses demandes.

Mlle [H] a interjeté appel par voie électronique. Elle n'a pas assigné l'ensemble des intimés en méconnaissance de l'ordonnance de fixation de calendrier avec assignation et de clôture différée rectificative du 1er décembre 2016, certains de ceux-ci ne s'étant pas constitués.

L'ordonnance de clôture a été révoquée le 11 septembre 2018 et une nouvelle clôture a été fixée à cette date.

Mlle [H] sollicite de voir :

'prendre acte de son désistement d'instance et d'action à l'encontre des sociétés Legris industries, Life, LIP1 et Frégate ;

'confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS'CGEA ;

'constater que le motif économique du licenciement collectif résulte d'agissements fautifs de la société Keyria ;

'condamner cette société à lui verser à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 85 670 €,

'à titre subsidiaire, constater que la société n'a pas respecté son obligation de reclassement et la condamner à lui verser la même somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'en tout état de cause, condamner la société Keyria à lui régler une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Keyria sollicite de voir :

'mettre hors de cause Me [S], [N] et [X], ès qualités de commissaires à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire, en raison de la fin de la période de sauvegarde ;

'constater qu'elle n'a commis aucune faute de gestion ayant conduit aux difficultés économiques qu'elle a rencontrées,

'dire que le licenciement de la salariée repose sur une cause réelle et sérieuse,

'débouter celle-ci de ses demandes ;

'à titre subsidiaire, constater que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, dire qu'elle n'est redevable à aucun titre des sommes au titre de l'exécution de la rupture du contrat de travail, débouter la salariée de ses demandes,

' la condamner à lui payer 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Unedic délégation AGS'CGEA Île-de-France Ouest sollicite de voir prononcer sa mise hors de cause et prendre acte de l'absence de demandes formulées à son encontre.

MOTIFS

Il convient de donner acte à Mlle [H] de son désistement d'instance et d'action à l'égard des sociétés Legris industries, Life, LIP 1 et Frégate.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS'CGEA, aucune disposition légale n'imposant la mise en cause de l'AGS devant le conseil de prud'hommes à l'occasion d'une procédure de sauvegarde. Au surplus, la clôture du plan de sauvegarde a été prononcée le 12 juin 2017.

La clôture du plan de sauvegarde a par ailleurs mis fin à la mission de Me [S], [N] et [X], ès qualités de commissaires à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire de cette société, lesquels seront mis hors de cause, l'appelante ne dirigeant plus ses demandes que contre la société Keyria.

****

Mlle [H] fait valoir que :

'les licenciements économiques collectifs, à savoir les cessations d'activité des filiales françaises de la division Keyria, résultent des agissements fautifs de cette société, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;

'l'acquisition du groupe Ceric d'un montant de 45 millions d'euros a été réalisé via un LBO (leverage buy out) ou acquisition par effet de levier, cette opération financière consistant à acheter une société en recourant à des emprunts importants ;

'le montage financier du rachat est décrit dans un document interne de la société Legris industries du 10 avril 2007 : l'objectif était de faire rembourser les emprunts contractés par Legris industries ayant servi à racheter le groupe Ceric et de sortir, sans contrepartie financière et par des opérations comptables, les sociétés étrangères de la propriété du groupe Ceric ; les titres des filiales étrangères ne devaient rien « coûter » à Legris, actionnaire de Keyria, puisqu'il était prévu qu'elle compense sa dette avec les remontées financières des filiales françaises ;

'ce scénario a été mis en place en ce qui concerne les remontées de dividendes des filiales puisque, le 14 avril 2008, le directeur financier Legris industries, a demandé au département juridique du Comex, d'organiser la remontée de dividendes dans toutes les filiales françaises pour un montant total de 38,6 millions d'euros ; c'est cette décision qui les a les a démunies face à une crise cyclique inhérente au secteur d'activité ;

'le projet le moins onéreux conduisait à une faillite des sociétés françaises après transfert des activités vers les filiales allemandes, le licenciement des salariés étant pris en charge par l'AGS.

La société Keyria réplique que ses difficultés économiques résultent de l'effondrement du marché des équipements de production de matériaux de construction, de l'impact de la crise financière, du déplacement structurel des marchés, de l'effondrement de l'activité et des résultats, qu'elle a pris des initiatives pour tenter de résoudre ses difficultés économiques, que la Cour de cassation n'a pas vérifié la réalité des constatations faites par la cour d'appel de Paris, que plusieurs cours d'appel se sont prononcées sur les mêmes faits et ont estimé que la société n'avait commis aucun agissement fautif et que ses versements de dividende étaient réguliers.

Par courriel du 14 avril 2008, Monsieur [W], directeur financier de la société Keyria, a demandé aux entités de la division Keyria d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, les propositions de distribution de dividendes suivantes :

«'Ceric SA : 3142 K€

'Ceric Auto : 3020 K€

'Fimec : 8965 K€

'Adler : 1610 K€

'Pelerin : 1700 K€

'Tecauma : 2459 K€

'Hallumeca : 800 K€

'Keller : 7656 K€

'Novoceric : 1150 K€

'Ceric Australie : 2145K€

'Equipceramic : 5741K€

'.

Dans un deuxième temps, il sera procédé... au paiement d'acompte sur dividendes en juillet 2008, a priori :

'Ceric : 26 481 K€

Keyria GmbH : 7200 K € »

Il était précisé : « Les distributions sont destinées à « alimenter » Keyria afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria ».

Les filiales françaises dont la situation financière permettait de faire face à une prochaine crise cyclique, ont toutes, en un peu plus de deux ans, déposé une déclaration de cessation de paiements.

Si les différents rapports des administrateurs, mandataires et liquidateurs judiciaires versés au dossier expliquent les difficultés des sociétés de la division Keyria par la crise 2008, force est de constater que les remontées de dividendes des filiales vers la société mère ont fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, réduit considérablement leur capacité d'autofinancement et fragilisé ces entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles ainsi que ces rapports l'indiquent.

Ces remontées importantes de dividendes opérées par l'actionnaire ont ainsi provoqué leurs difficultés financières et par voie de conséquence celle de la société Keyria dont l'activité était exclusivement orientée vers les filiales.

Il s'ensuit que les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement résultaient d'agissements fautifs de l'employeur allant au-delà des seules erreurs de gestion. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée, de sa rémunération et des circonstances de la rupture, il convient de lui accorder une somme de 20 000 euros.

Il est équitable d'accorder à l'appelante 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Donne acte à Mlle [H] de son désistement d'instance et d'action à l'égard des sociétés Legris industries, Life, LIP 1 et Frégate ;

Met hors de cause Me [S] et [N], ès qualités de commissaires à l'exécution du plan de la société Keyria, et Me [X], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Keyria ;

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS'CGE A Île-de-France Ouest ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mlle [H] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Keyria à payer à Mlle [H] les sommes de :

'20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Keyria aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/11247
Date de la décision : 07/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/11247 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-07;16.11247 ?
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