La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2018 | FRANCE | N°16/19487

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 05 novembre 2018, 16/19487


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2018



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/19487 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZVIV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/10554



APPELANT



Monsieur [Z] [T] dit [P] [T]

demeurant [Adress

e 5]

[Localité 6]



Représenté par Me Michel POMBIA, avocat au barreau de PARIS, toque : D2069

Représenté par M. Jean-Claude GOURVES, avocat au barreau de QUIMPER



INTIMEES



...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2018

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/19487 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZVIV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/10554

APPELANT

Monsieur [Z] [T] dit [P] [T]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Michel POMBIA, avocat au barreau de PARIS, toque : D2069

Représenté par M. Jean-Claude GOURVES, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMEES

SARL ARBOLA

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 488 521 246

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SARL TALA

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 488 316 399

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Représentées par Me Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0032

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [A] [N] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [T] dit [P] [T] exerçait l'activité de conseil en investissement/défiscalisation outre mer et optimisation fiscale sous l'appellation '[T] Consultants'.

M. [G] [R], gérant de la Sarl Arbola et M. [L] [M], gérant de la sarl Tala, ont opéré plusieurs investissements au titre de la loi Girardin sur les conseils de M. [P] [T].

Le 22 décembre 2005, la Sarl Arbola, qui avait acquis 12 véhicules Hyundai les donnait à bail à la Sarl Ideal Rental pour un montant de 98 820 euros soit 48 loyers mensuels de 1 900 euros. Le même jour était signée entre ces mêmes parties une convention dite de 'sortie Loi Girardin' par laquelle, après quitus de l'ensemble des loyers, la Sarl Arbola cédait les 12 véhicules à la Sarl Ideal Rental pour le montant de 12 euros, à l'issue de la période de location.

Le 22 décembre 2005, selon le même schéma, la Sarl Arbola donnait à bail à la sarl Sedimo, 10 véhicules automobiles achetés auprès de la société Motor World pour le montant de 106 550 euros.Le montant total des loyers s'élevait à 97 920 euros. Le même jour les parties signaient une convention de 'sortie Loi Girardin' par laquelle, après quitus de l'ensemble des loyers, la Sarl Arbola cédait les 10 véhicules à la Sarl Sedimo pour le montant de 10 euros.

Suivant convention du même jour, la Sarl Arbola donnait les mêmes véhicules que ceux donnés à bail à la Sarl Sedimo à la Sarl UCR Europcar, moyennant le même montant de loyers et concluait avec cette même société un 'contrat de sortie loi Girardin' selon les mêmes modalités soit la cession des 10 véhicules à la Sarl UCR Europcar moyennant le montant de 10 euros.

Suivant contrat en date du 26 décembre 2006 la Sarl Arbola donnait à bail à la société Blue Ocean deux moteurs Yan Mar acquis auprès de la société Macdo Fr. Le montant des loyers s'élevait à 1 125 euros pendant 60 mois. Suivant 'convention de sortie loi girardin' les deux moteurs étaient cédés par la Sarl Arbola à la Sarl Blue Ocean pour le montant de 1 euro.

Le 22 décembre 2005, la Sarl Tala souscrivait avec la société Justice Car Rental un contrat de location de trois véhicules Hyundai Tucson, Hyundai Terracanet Hyundai Getz moyennant 48 loyers d'un montant de 1 870 euros soit un total de 89 760 euros. Le même jour ces deux sociétés signaient une 'convention de sortie loi Girardin' portant sur la cession des véhicules pour 9 euros au terme du contrat de location. Le 22 décembre 2005, la Sarl Tala souscrivait avec la société Ucr Europcar un contrat de location de neuf véhicules Hyundai moyennant 48 loyers d'un montant de 2 050 euros soit un total de 98 400 euros. Le même jour ces deux sociétés signaient une 'convention de sortie loi Girardin' portant sur la cession des véhicules pour 9 euros au terme du contrat de location.

Le 20 décembre 2006, la Sarl Tala souscrivait avec la société Paradise Water Sport un contrat de location de 7 jet skis avec remorques et accessoires moyennant 60 loyers mensuels d'un montant de 1 271 euros soit un total de 76 260 euros.

Le même jour ces deux sociétés signaient une 'convention de sortie' portant sur la cession des véhicules pour 1 euro au terme du contrat de location.

Le 20 décembre 2006, la Sarl Tala souscrivait avec la société Wake Up un contrat de location d'un navire moyennant 60 loyers mensuels d'un montant de 1 125 euros soit un total de 67 500 euros.

Le 1er décembre 2007, la Sarl Tala souscrivait avec la société Bubble Water Sport un contrat de 2 moteurs et 5 scooters moyennant 60 loyers mensuels d'un montant de 953 euros soit un total de 57 180 euros.

Le 1er décembre 2007, la Sarl Tala souscrivait avec la société [E] [W] un contrat de location d'un moteur moyennant 60 loyers mensuels d'un montant de 142 euros soit un total de 8 094 euros.

Enfin, courant 2007, M. [Z] [T] dit [P] [T] leur proposait une opération d'investissement par le biais de la SEP Batalen qui consistait en l'acquisition d'un bateau dénommé Deep Impact 36 Cuddy 2007 au prix de 298 000 euros.

Les sarl Arbola et Tala investissaient respectivement dans la Sep Batalen à hauteur de 42,10 % et 17,65 %. Suivant facture à en-tête de la société Jenco International en date du 10 octobre 2007, la société Batalen se portait acquéreur d'un bateau nommé 'Deep impact 36' Cuddy 2007". Le 28 décembre 2007 était signé un contrat de location du bateau entre la sep Batalen et la Sarl Aqualoisirs, pour une durée de 60 mois moyennant un loyer mensuel d'un montant de 4 470 euros. Mais en erreur d'une erreur d'affectation des fonds l'opération n'a pu se réaliser comme convenu.

Les sarl Arbola et Tala reprochant à M. [T] des manquements à son obligation d'information et des pertes financières subies par ses fautes, ont par acte d'huissier en date du 28 juin 2013, fait assigner M. [T] devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité pour les manquements commis dans son activité de consultant.

Par jugement du 9 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

- Condamné M. [Z] [T] dit [P] [T] à payer à la Sarl Tala la somme de 273 636 euros avec intérêt au taux légal à compter du 28 juin 2013 ;

- Condamné M. [Z] [T] dit [P] [T] à payer à la Sarl Arbola la somme de 206 282 euros avec intérêt au taux légal à compter du 28 juin 2013 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- Condamné M. [Z] [T] dit [P] [T] aux entiers dépens ;

- Condamné M. [Z] [T] dit [P] [T] à payer aux Sarl Tala et Arbola la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Z] [T] a interjeté appel de cette décision le 28 septembre 2016.

Par conclusions signifiées le 7 juin 2018 , M. [Z] [T] demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- Constater le caractère de clients professionnels de Messieurs Tala [J] et [G] [R], gérants de Arbola et Location Tala ;

- Décharger le concluant de toute responsabilité dans les sinistres ayant affecté les contrats conclus au profit des sociétés Arbola et Location Tala avec toutes conséquences de droit ;

- Donner acte à Monsieur [P] [T] de ce qu'il sera remboursé par les sociétés Arbola et Location Tala de ses frais de gestion et débours occasionnés à l'occasion de ses différentes interventions pour la sauvegarde de leurs intérêts ;

- Donner acte à Monsieur [P] [T] de ce que la remise du bateau appartenant aux associés de la SEP Batelen se fera sur justification et remboursement de l'intégralité des frais de procédure et de gardiennage exposés sur ses deniers propres ;

- Débouter par conséquent les intimées de l'ensemble de leurs demandes,

A titre subsidiaire :

Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,

- Dire et juger que les préjudices revendiqués par les intimées doivent être appréciés à l'aune de l'aléa ;

- Dire et juger que les demandes indemnitaires présentées par les intimées relèvent d'un préjudice invoqué ni actuel ni certain ;

- Les débouter par conséquent de toutes leurs demandes ;

- Condamner les sociétés Arbola et Location Tala à payer solidairement à Monsieur [P] [T] la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Condamner les sociétés Arbola et Tala à payer à Monsieur [Z] [T] dit [P] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner les sociétés Arbola et Tala aux entiers dépens, et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la SELARL Cabinet [U], d'Aboville & Associés, (Maître [X] [U]) pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par conclusions signifiées le 27 août 2018, les sociétés Arbola et Tala demandent à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile :

A titre principal, dire irrecevable les conclusions d'appelant de Monsieur [Z] dit [P] [T].

Vu les dispositions des articles 15 et 16 du Code de procédure civile et celles de l'article 5 : Respect du principe du contradictoire ' 5.5 Communication de pièces du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat, dire la communication de pièces de Monsieur [Z] dit [P] [T] imparfaite, et écarter les pièces imparfaitement communiquées.

Vu les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, écarter la pièce nouvellement communiquée n° 70.

Vu les dispositions des articles 1134 et suivants du code civil, 1147 et suivants du code civil, et 1991 et suivants du code civil, l'article l550-1 du code monétaire et financier, les articles 325-3 à 325-9 du règlement général de l'amf :

- Dire et juger que Monsieur [Z] dit [P] [T] ne pouvait exercer le métier de

conseil en défiscalisation / investissement.

- Confirmer le jugement rendu le 9 septembre 2016 par la 9 ème chambre 3 ème section du tribunal de grande instance de Paris ;

Y ajoutant :

- Condamner Monsieur [Z] dit [P] [T], exerçant son activité sous l'appellation [T] Consultants en tous dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [Z] dit [P] [T], exerçant son activité sous l'appellation [T] Consultants, à payer, à chacune des sociétés Arbola et Tala Location la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

SUR CE,

Sur l'irrecevabilité de l'appel et la demande de rejet des pièces

Les sociétés Arbola et Tala invoquent l'irrecevabilité de l'appel tirée de la violation des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile et demandent de dire la communication de pièces de M. [Z] dit [P] [T] imparfaite, d'écarter les pièces imparfaitement communiquées.

Elles lui font grief de ne pas citer les pièces sur lesquelles il s'est fondé dans ses conclusions.

A titre d'exemple, est mentionné la page 16 où ce dernier après avoir affirmé avoir régulièrement réalisé sa mission mentionne « Voir les dernières correspondances en pièces jointes ». Elles critiquent une communication de pièces anarchique et peu exploitable, le non respect du contradictoire , le non respect des mentions prévues à l'article 202 du code de procédure civile.

Ceci étant exposé, les dernières conclusions et pièces régulièrement signifiées par l'appelant et communiquées, ayant permis aux sociétés Arbola et Tala de répondre à l'ensemble des moyens soulevés, le principe du contradictoire a été respecté. Dès lors l'exception soulevée à ce titre est rejetée et les pièces seront déclarées recevables.

Le grief tiré du non respect des mentions prévues à l'article 202 du code de procédure civile, concernant 'la pièce nouvellement communiquée n° 70" sera examiné, en tant que de besoin, dans le cadre de l'examen au fond. L'exception d'irrecevabilité sera donc écartée.

Sur les devoir d'information et de conseil de Monsieur [T]

Le tribunal a jugé que : ' les opérations proposés par M. [T], toutes bâties sur le même modèle, consistant en l'acquisition puis la mise en location de matériel nautique par les sociétés Tala et Arbola et prévoyant une convention de 'sortie ' moyennant une somme symbolique à l'issue du contrat, lui imposaient un devoir de conseil, d'information sur ces opérations ainsi que sur les risques encourus, notamment en cas de non versement de loyers engageant sa responsabilité contractuelle en qualité ce conseil, concepteur et exécutant des opérations d'investissement souscrites'.

Devant la cour, les sociétés Arbola et Tala prétendent Monsieur [Z] dit [P] [T] ne pouvait exercer le métier de conseil en défiscalisation / investissement , que l'activité de M. [T] relève de l'article 550-1 du code monétaire et financiers et elles recherchent sa responsabilité pour avoir abusivement exercé une activité de conseil en investissement financier.

En réplique M. [T] oppose que ses clients sont des professionnels de la finance, particulièrement avertis, qu'il ont été dûment informés. Il fait valoir en outre que l'investissement proposé bénéficiait des dispositions de la loi Girardin, que l'argent a été investi dans des structures 'ad hoc' constituées pour l'occasion, et la qualité des structures juridiques n'est pas contestée, ainsi que la qualité de l'investissement.

Les sociétés Arbola et Tala réfutent leur qualité de professionnelles et font observer qu'elle n'avaient aucune compétence fiscale; elles soutiennent que le conseil en investissements est débiteur vis-à-vis de ses clients d'une obligation d'information et de conseil, consistant dans la mise en garde sur les risques des opérations proposées. Elles reprochent un défaut d'information sur le risques encourus afin qu'elles puissent appréhender le montage, sa pertinence et les enjeux tant positifs que négatifs des opérations en cause ; le « document d'information » transmis par M. [T] ne peut être assimilé à la délivrance d'une telle information, dès lors qu'il s'agit de la reproduction de l'article 199 Undecies B du code général des impôts.

Ceci exposé,

En l'espèce les contrats ont été conclus entre 2005 et 2007. M. [T] exerçait une acivité d'agent commercial et de conseil en investissements, dans ce cadre, il a conseillé aux sociétés Tala et Arbola des locations financières situés en Outre Mer, avec un objectif de défiscalisation du type 'loi Girardin'.

Les dispositions de l'article 550-1 du code monétaire et financiers dont se prévalent les sociétés intimées, relèvent de loi du 17 mars 2014, or la plupart des opérations a été conclue en 2005, ces dispositions ne sont donc inapplicables aux faits de l'espèce.

Par ailleurs, les dispositions de l'article précité s'appliquent aux opérations de nature purement financière. Or les produits de défiscalisation n'étaient pas des instruments financiers au sens de cet article.

L'ordonnance du 12 avril 2007 qui a introduit une obligation d'information renforcée peut trouver application pour les contrat conlus durant cette période. Les conseillers en défiscalisation sont soumis aux obligations de bonne conduite requises des CIF, qui prévoient notamment l'obligation de soumettre à ses clients une lettre de mission dès qu'il envisage une mission de conseil. Ils doivent notamment s'enquérir des compétences de leur client.

Il est indéniable que les qualités professionnelles des clients doivent donc être préalablement appréciées.

Cela étant posé, dans le cadre des opérations de défiscalisation du type 'loi Girardin', M. [T] devait devait s'enquérir des besoins de ses clients, s'assurer du sérieux du projet, de son éligibilité au dispositif, mais sans pouvoir prémunir le client d'une défaillance ou malversation des opérateurs.

En l'espèce, M. [T] ne justifie pas du respect du formalisme requis , puiqu'il ne verse pas aux débats une lettre de mission ou un rapport formalisant les propositions d'investissement. Les sociétés Arbola et Tala ont reçu un document d'information illustrant les conditions d'application de l'article 199 undecies B concernant les investissements en Outre Mer.

Cet article qui ne constitue pas une information personnalisée, explique cependant que l'économie d'impôt est susceptible d'être remise en cause pendant une période de cinq ans si l'investissement ne répond pas aux critères de la loi Girardin.

Les dispositions indiquent l'objectif poursuivi, le périmètre d'action et les conditions de la réduction d'impôt.

M. [L] [M] et M. [G] [R], qui ont créé les sociétés Arbola et Tala, dont l'objet social était la location et la location bail, ne peuvent dès lors valablement soutenir qu'il ignoraient les risques encourus dans ce type d'opération, au regard de l'article susmentionné.

Les dirigeants des sociétés Arbola et Tala, qui reconnaissent être des financiers dans les marchés obligataires, ont choisi de confier un mandat à M [T] pour le montage d'une dizaine d'opérations, toutes éligibles au dispositif de la loi Girardin, entre 2005 et 2007.

Or, il n'est pas contesté que les investissements litigieux ont été réalisés dans les conditions de l'article précité. Les sociétés Tal et Arbola ne contestent pas avoir bénéficié de la défiscalisation au titre de la loi Girardin. M. [T] indique que les société ont acquis le bénéfice fiscal de l'opération, de sorte que l'investissement de chacun est de 162 822 euros et de 172 302 euros, sans être contredit.

Dans ces conditions, s'il peut être reproché à M. [T] de ne pas avoir respecté le formalisme requis depuis 2007, le manquement à son obligation d'information n'a pas porté grief aux investisseurs puisque le conseil en défiscalisation a abouti à l'objectif poursuivi.

M. [T] est également intervenu en qualité de gestionnaire des contrats de location mis en place.

Sur les fautes et manquements dans le cadre des opérations de location

Les sociétés Arbola et Tala reprochent des fautes commises par M. [T] en sa qualité de mandataire des contrats de location, consistant notamment en un défaut d'information sur l'absence de solvabilité des locataires, sa malhonnêteté dans le cadre de la mise en 'uvre des investissements, engageant sa responsabilité contractuelle.

Elles font valoir que dans le contrat Batelen, M. [T] a adressé par erreur un virement de 61 400 euros au profit de la société Madco au lieu de la société Jenco, la société Madco affirmant avoir livré un navire correspondant à ce paiement et refusant de restituer ce montant; ce qui les a privé des loyers escomptés.

Il est encore reproché à M. [T] divers manquements tels que avoir signé un contrat de location lésionnaire empêchant le versement des loyers ; le refus de répondre aux questions lui étant posées et une absence totale de prise en compte des intérêts des demandeurs. Le prélèvement de commissions de 20 %, qualifiées d' imprévues, sur les loyers payés et encaissés par ce dernier dans le cadre du contrat d'UCR Europcar ; la conclusion d'un contrat avec un gérant qui faisait l'objet d'une interdiction de gérer et diriger dans le contrat Sedimo.

M. [T] répond en substance que l' argent gagné en déficalisation a été investi dans des structures ad hoc constituées pour l'occasion; que dans le cadre du dossier Batalen, il appartient aux gérants des sociétés Tala et Arbola de prendre leurs dispositions et responsabilités au regard des diligences accomplies ; qu'il a déjà engagé près de 80 000 US sur ses propres fonds au titre des frais de stockage et d'honoraires des conseils . De plus, il resterait des procédures de recouvrement à poursuivre ou à engager.

Il demande de lui donner acte de ce qu'il sera remboursé par les sociétés Arbola et Location Tala de ses frais de gestion et débours occasionnés à l'occasion de ses différentes interventions pour la sauvegarde de leurs intérêts et de ce que la remise du bateau appartenant aux associés de la Sep Batelen se fera sur justification et remboursement de l'intégralité des frais de procédure et de gardiennage exposés sur ses deniers propres.

Ceci exposé,

En droit, conformément à l'article 1984 du code civil, le mandat est le contrat par lequel le mandant ( les sociétés Tala et Arbola) charge le mandataire (M. [T]) d'accomplir en son nom et pour son compte un acte juridique.

L'obligation du mandataire est une obligation de moyen. Mais, il répond des fautes qu'il commet dans sa gestion.

En l'espèce, entre 2005 et 2007 les deux sociétés ont confié à M. [T] la gestion des contrats de location. M. [T] reconnaît avoir agi en qualité de mandataire dans ces divers contrat de location. Il est établi qu'il a perçu une rémunération au titre des dossiers qu'il a suivis, mais il n'est produit aucun document exposant l'étendue de la mission qui lui a été confiée par ses mandants.

M. [T] produit les courriers, les redditions de compte, les actes de relances réalisés par actes d huissier, des actions judiciaires qu'il a entreprises contre les locataires défaillants, afin de démontrer qu'il n'a pas refusé de répondre aux questions lui étant posées et de réfuter une absence totale de prise en compte des intérêts des demandeurs.

S'agissant de la Sep Batalen, les sociétés Arbola et Tala reprochent une faute personnelle de M. [T] engageant sa responsabilité. Elles se plaignent d'une errreur qui lui est directement imputable et d'une absence totale de loyers.

M. [T] verse aux débats un jugement du 10 juin 2016 concernant la sep Batalen, et l'arrêt de la cour d'appel de Basse Terre du 30 janvier 2017 faisant droit à ses demandes, ès qualités de mandataire de la sep en condamnant les sociétés Sad à rembourser la somme de 61 400 euros au titre de la réptition de l'indû.

Ces documents attestent de l'action menée par le mandataire, pour réparer son erreur, qui a consisté à reverser les fonds versés par les mandants à un tiers lequel a refusé de restituer la somme, mais ces documents n'attestent pas de la restitution de la somme de 61 400 euros dans les comptes de la sep Batalen. De même, M. [T] ne justifie pas avoir déclaré ce sinistre auprès de sa compagnie d'assurance.

Cette erreur, qui lui est directement imputable engage sa responsabilté et doit donc être réparée à hauteur de la somme qui a été engagée à pure perte, dès lors que, le prix versé par la sep Batalen à hauteur de 298 000 euros a été investi à fonds perdus puisque le montant des loyers estimé à 260 000 euros n'a jamais été perçu. Hormis l'avantage fiscal, la sep Batalen justifie de la mauvaise exécution de ce mandat.

M. [T] produit les autres contrats de location afférents aux différents biens acquis. Il ressort des pièces produites un manque de précision sur les modalités de location des biens des décomptes imprécis, il n'est fourni que des informations succintes sur les capacités des locataires et leur garanties financières, mais de leur côté, les mandants n'ont présenté des doléances qu'à partir de 2012. Ils ne justifient par ailleurs ni d'une révocation de son mandat, ni d'actions entreprises en vue de régulariser les dossiers en litige.

Il résulte des pièces et décomptes produits, que des contrat de location n'ont pas procuré de versement de loyers ou le montant attendu et que le mandataire s'est trouvé confronté à des gérants malhonnêtes, sans pour autant établir la mauvaise foi ou une négligence du mandataire.

M. [T] établi les diligences qu'il a accomplies en engageant des poursuites contre les locataires défaillants, et les frais d'huissier et de conseils qu'il a engagés. Il explique le prélèvement de commissions de 20 % sur les loyers payés et encaissés, par les actions judiciaires qu'il a entreprises au nom des sociétés bailleresses, mais sans justifier d'une demande préalable auprès de ses mandants.

Il s'ensuit que la responsabilité contractuelle de M. [T] n'est que partiellement engagée Le jugement sera donc réformé.

Le préjudice

Monsieur [T] prétend que le préjudice invoqué n'est ni certain ni actuel. Il ne peut être évalué qu'à l'aune de la perte de chance. Par conséquent, seul le dommage certain, sans aléa, doit être compensé.

Les sociétés Arbola et Tala répliquent que leurs pertes sont directement imputables aux fautes et négligences de Monsieur [T]. S'il avait effectué ses missions comme un professionnel diligent, ses pertes n'auraient jamais eu lieu. Leur préjudice est donc certain, et direct

Ceci exposé, il sera relevé à titre préalable que les société intimées ne versent aucun document comptable, concernant les activités litigieuses, permettant de justifier des pertes financières alléguées.

Il résulte des dévelopements qui précèdent que les versements des loyers attendus en contrepartie des contrats conclus constituent des aléas qui ne peuvent être supportés par le mandataire. Seule une perte de chance dont souffrent les investisseurs pourrait constituer un préjudice réparable, mais il n'est pas établi que l'ensemble des contrats de location ait fait l'objet d'une reddition de comptes, il n'est pas démontré que les loyers sont irrémédiablement irrecouvrables.

De son côté , M. [T] ne justifie d'aucun document comptable permettant de faire droit à ses demandes d'indemnités.

Le seul préjudice certain est celui qui résulte de la faute personnelle qu'il a commise dans le cadre du dossier 'sep Batalen'. Il sera condamné à rembourser aux société Tala et Arbola la somme de 61 400 euros avec intérêt légaux à compter du 28 juin 2013, date de l'assignation et il sera ordonné la capitalisation des intérêts à compter de cette date.

S'agissant de la perte des loyers afférente à cette opération, il était attendu des perceptions de loyers sur une durée de 60 mois moyennant un loyer mensuel d'un montant de 4 470 euros. La perte de chance de la réalisation d'un évènement favorable est avérée, il peut être alloué au titre de la perte de chance une somme de 100 000 euros.

Sur les autres demandes

M. [T] et les société intimées parties perdantes, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenus de supporter la charge des dépens d'appel par moitié chacun.

Il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

REJETTE les exceptions d'irrecevabilité ;

DÉCLARE les pièces produites recevables ;

CONDAMNE M. [Z] [T] dit [P] [T] à payer à la sarl Arbola et à la sarl Tala au titre de la sep Batalen la somme de 61 400 euros avec intérêt légaux à compter du 28 juin 2013 date de l'assignation ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter de cette date ;

CONDAMNE M. [Z] [T] dit [P] [T] à payer à la sarl Arbola et Tala la somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE M. [Z] [T] dit [P] [T] et les sociétés Arbola et Tala au partage par moitié des dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/19487
Date de la décision : 05/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°16/19487 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-05;16.19487 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award