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31/10/2018 | FRANCE | N°18/08910

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 31 octobre 2018, 18/08910


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6





ARRÊT SUR LA COMPÉTENCE

DU

31 OCTOBRE 2018





(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 18/08910 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5T3W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er Mars 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016065161





APPELANTE



Société Y

SI CAPITAL prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée sous le numéro 0637 831 913

[Adresse 1]

[Adresse 1] - BELGIQUE



Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barrea...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT SUR LA COMPÉTENCE

DU

31 OCTOBRE 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 18/08910 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5T3W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er Mars 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016065161

APPELANTE

Société YSI CAPITAL prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée sous le numéro 0637 831 913

[Adresse 1]

[Adresse 1] - BELGIQUE

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Loïc HENRIOT de l'AARPI COHEN & GRESSER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0092

INTIMÉS

[N] [S] décédé le [Date décès 1] 2018

Madame [F] [N] veuve [S] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Monsieur [N] [S]

Née le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [Q] [S] agissant en sa qualité d'héritier de Monsieur [N] [S]

Né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [R] [S] agissant en sa qualité d'héritier de Monsieur [N] [S]

Né le [Date naissance 3] 1953 à[Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [V] [S] agissant en sa qualité d'héritier de Monsieur [N] [S]

Né le [Date naissance 4] 1957 à[Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [B] [S] épouse [W] agissant en sa qualité d'héritière de Monsieur [N] [S]

Née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Me Didier MALKA du Cabinet WEIL, GOTSHAL & MANGES LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : L 132

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Octobre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, présidente de chambre

Madame Pascale GUESDON, conseillère

Madame Pascale LIEGEOIS, conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIÈRE, lors des débats : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

Souhaitant, en début d'année 2010, soutenir la reprise de la société Altis Semiconductor, productrice de microprocesseurs, dont la fermeture était envisagée par ses deux actionnaires, les sociétés holdings SDIS 1 et SDIS 2, dont le capital était détenu par les sociétés IBM France et Infineon Technologies France, pour sauvegarder 1300 emplois dans l'Essonne, [N] [S], décédé le [Date décès 1] 2018, et son épouse Madame [F] [N] -le couple ayant opté pour le régime matrimonial de la communauté universelle- ont apporté des fonds dans le cadre du projet de reprise mis en 'uvre par Monsieur [W] [L].

Ce projet consistait à faire acquérir par une société Altis International, dont Monsieur [L] détenait le capital via la société par actions simplifiée [W] [L] Investissements (YSI sur l'extrait Kbis) Capital (ci-après « YSI »), dont il était l'associé unique, ces deux personnes morales étant créées pour les besoins de l'opération, les actions détenues par les sociétés SDIS 1 et SDIS 2.

Sa mise en 'uvre nécessitait le déblocage immédiat d'une somme de 40 millions d'euros, montant de l'indemnité d'immobilisation que les vendeurs souhaitaient voir consigner avant toute négociation.

Cette somme a été prêtée par les époux [S] selon acte notarié du 8 mars 2010 modifié par avenant du 27 janvier 2011.

L'acte initial prévoyait en substance que le prêt dit « mezzanine » serait converti en obligations subordonnées, le prêteur étant informé qu'en l'absence de réalisation de la reprise envisagée, dans un délai expirant le 30 septembre 2010, pour absence de réunion des fonds propres nécessaires, à réunir pour le 15 avril 2010 ou d'obtention des autorisations des autorités de la concurrence à la date du 30 septembre, les vendeurs conserveraient la somme de 5 750 000 €, les 40 millions séquestrés leur étant attribués en cas d'échec de l'opération pour toute autre raison.

La somme prêtée a été débloquée le 8 mars 2010.

Un avenant a été signé d'une part pour associer Madame [S] au contrat, d'autre part pour convertir le prêt par voie de souscription à 4 millions d'obligations d'une valeur nominale unitaire de 10 €, enfin pour préciser que Altis International avait acquis la cible le 12 août 2010.

Monsieur [L] a, au cours de la même période, sollicité [N] [S] pour un autre prêt de 20 millions d'euros estimant qu'au-delà des prévisions du business plan de la société Altis Semiconductor prévoyant que son redressement imposait un investissement de l'ordre de 145 millions d'euros, la consolidation de son modèle économique commandait l'acquisition d'entreprises du même secteur small cap -d'une valeur inférieure à 250 millions d'euros-.

C'est dans ce contexte qu'un second prêt de ce montant était conclu sous seing privé le 15 juillet 2010, [N] [S] portant sa signature :

au pied d'une lettre de Monsieur [W] [L] décrivant le projet financé sus-énoncé, ses conditions suspensives, à savoir l'acquisition de la cible et l'obtention de fonds propres de 50 millions et ses modalités, un versement en deux tranches égales, la première dans les 90 jours de la levée des conditions suspensives et sa conversion en obligations convertibles en actions (ORA),

sur deux annexes, A et B, la première intitulée « Termes et conditions des ORA »

Le 28 septembre 2010 la première tranche de ce prêt a été débloquée.

Un avenant de ce contrat a été signé le 27 janvier 2011 d'une part pour y associer Madame [S], d'autre part pour préciser que le prêt serait convertible non pas en ORA comme envisagé initialement mais en titre super subordonnés (TSS), dont une annexe A précise les caractéristiques.

Le 27 janvier 2011 les ORA et TSS ont été émis par la société YSI et souscrits par les époux [S].

Par décision 28 août 2015, la société YSI a décidé de transférer son siège social en Belgique et de se transformer en société anonyme.

Le 12 novembre 2015, elle a été radiée du greffe du tribunal de commerce de Paris.

C'est dans ce contexte qu'après avoir, le 5 juillet 2016, vainement mis en demeure la société YSI de rembourser le prêt de 20 millions d'euros, estimant, d'une part, sur le fondement des dispositions de l'article L228-65 du code du commerce, qu'elle ne pouvait procéder au changement de forme sociale sans consulter ses obligataires, d'autre part que ce concours n'avait pas été utilisé conformément à la destination prévue dans le contrat, que les époux [S] ont engagé la présente procédure par exploit du 13 septembre 2016.

Le 30 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession de la société Altis Semiconductor au groupe allemand X-Fab.

Le 16 octobre 2017 la société YSI a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit des juridictions bruxelloises.

Par jugement du 1er mars 2018, la juridiction consulaire a rejeté l'exception soulevée au motif que l'obligation serait exécutable en France en application de l'article 1343-4 du code civil.

Par déclaration du 11 mai 2018 la société YSI a fait appel de cette décision.

Autorisée par ordonnance du 22 mai 2018, elle a assigné les époux [S] à comparaître à l'audience du 26 juin 2018, date à laquelle un report de l'affaire a été ordonné en raison du décès de [N] [S].

Le 21 juin 2018 l'appelante a attrait en la cause les héritiers de [N] [S], à savoir, [Q], [R], [V] et [B] épouse [W].

Dans ses dernières conclusions du 4 octobre 2018, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et de lui allouer une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que c'est par suite d'une erreur de droit que le tribunal de commerce a fixé en France le lieu d'exécution du contrat, le texte visé (l'article 1343-4 du code civil issu de la réforme du 10 février 2016) n'étant pas applicable aux faits de l'espèce tandis que le précédent (1247 du même code) prévoyait que le paiement doit, en l'absence de disposition contraire s'effectuer au domicile du débiteur.

S'agissant du moyen principal des consorts [S] aux termes duquel la compétence du tribunal de commerce de Paris résulte du contrat signé, elle souligne que la seconde annexe A issue de l'avenant du 27 janvier 2011 n'a pas repris la clause attributive figurant dans l'annexe A du contrat du 15 juillet 2010.

Elle relève encore que l'article 7.1 B) du règlement de Bruxelles 1 bis n'est pas davantage applicable, un prêt consenti par un particulier ne pouvant s'analyser comme un contrat de fourniture de services au sens de cette disposition.

Dans leurs dernières écritures notifiées le 22 juin 2018, les consorts [S] concluent à la confirmation du jugement et sollicitent une indemnité de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Ils estiment le tribunal de commerce de Paris seul compétent en raison de la clause attributive de compétence, subsidiairement de l'application de l'article 7.1 b) du règlement de Bruxelles 1 bis, très subsidiairement de l'article 7.1 a) du même texte, le fondement juridique de leur demande de remboursement étant l'obligation d'information des obligataires sur le changement de forme sociale, laquelle devait s'exécuter à Paris et à titre infiniment subsidiaire, sur ce même fondement, en raison de l'exécution de l'obligation de restitution au domicile parisien des prêteurs.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

LA COUR

Considérant que l'annexe A du contrat signé le 15 juillet 2010 se présente sous la forme d'un tableau intitulé «Termes et conditions des ORA » découpé en différents cadres précisant successivement :

le nom de l'émetteur,

celui du souscripteur,

celui des valeurs émises,

le nombre d'ORA,

le prix d'émission,

la date de jouissance,

celle du remboursement,

les intérêts,

les conditions de cessibilité,

celles concernant le rachat,

les deux derniers étant réservés l'un au droit applicable, le droit français, le second au tribunal compétent, le tribunal de commerce de Paris ;

Considérant que l'annexe A du contrat signé le 27 janvier 2011 intitulé «Termes et conditions des TSS » est découpé en paragraphes traitant de l'émission (§1), de la souscription et des caractéristiques des titres (§2 décliné de 2.1 à 2.9, le 2.8, concernant les intérêts, étant lui-même subdivisé en quatre sous parties), des dispositions relatives à la masse des porteurs de TSS (§3), de la modification des termes et conditions (§4), de l'effet obligatoire (§5) et des notifications (§6) ;

Qu'il ne comporte aucune disposition sur le droit applicable ni clause attributive de compétence, ce dont l'appelante déduit qu'il n'en existe pas, qualifiant la première annexe A de « projet » et déniant à la seconde la qualification d'avenant ;

Mais considérant outre que la société YSI a elle-même qualifié d'avenant l'accord conclu le 27 janvier 2011 comme le précise l'acte constatant les décisions de l'associé unique daté du même jour en son paragraphe trois précisant que cet avenant avait deux objets, retenir la qualité de prêteur de Madame [S] et prévoir la conversion du prêt non plus en ORA mais en TSS, volonté des parties qui résulte de l'ensemble des pièces produites, que seule une novation pouvait éteindre l'acte initial laquelle ne se présume pas et ne résulte d'aucun élément étant encore observé qu'il avait été partiellement exécuté dès le 28 septembre 2010 par le versement de la première tranche du prêt ;

Et considérant qu'un avenant a, comme le soulignent les intimés pour seul objet de modifier une convention en l'adaptant ou en la complétant par de nouvelles clauses ;

Que toutes les modifications au contrat initial doivent en conséquence être précisées, ce dont il se déduit que la suppression d'une clause doit être expressément mentionnée, aucune conséquence ne pouvant être tirée du fait qu'elle ne soit pas rappelée dans l'avenant, étant encore observé que la deuxième annexe A ne reprend ni les noms des souscripteurs ni celui de l'émetteur confirmant ainsi qu'elle ne vise qu'à préciser les caractéristiques des produits financiers complexes émis en contrepartie du prêt ;

Considérant à titre surabondant que même à supposer qu'il y ait matière à interprétation de la 2ème annexe A, la volonté des parties de soumettre leurs éventuels différends au tribunal de commerce de Paris résulte suffisamment du contexte du litige et des échanges entre les parties ;

Que le second prêt s'inscrit ainsi dans le cadre d'un projet de sauvetage d'une entreprise en grande difficulté et que l'avenant authentique modifiant les termes du premier prêt prend soin de reprendre, exactement dans les mêmes termes, la clause soumettant le litige au droit français et retenant la compétence du tribunal de commerce de Paris, de sorte que les parties ne pouvaient envisager, à l'occasion du second prêt, de dissocier les procédures voire le droit applicable, l'absence de rappel de ces dispositions dans l'avenant sous seing privé résultant ainsi d'une simple maladresse de rédaction ;

Considérant que c'est en conséquence à bon droit que le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence et qu'il sera confirmé ;

Considérant que l'équité commande d'allouer aux consorts [S] une indemnité de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la société YSI Capital au paiement d'une indemnité de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/08910
Date de la décision : 31/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°18/08910 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-31;18.08910 ?
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