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31/10/2018 | FRANCE | N°16/08572

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 31 octobre 2018, 16/08572


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 31 Octobre 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08572 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZCEY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 15/01495



APPELANTE



Mme [P] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1967
r>comparante en personne, assistée de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355 substitué par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toqu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 31 Octobre 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08572 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZCEY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 15/01495

APPELANTE

Mme [P] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1967

comparante en personne, assistée de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355 substitué par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

INTIMÉES

SYNDICAT CGT DU CREDIT AGRICOLE DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355 substitué par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

Société CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARI S ET D'ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Nadia BOUMRAR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Graziella HAUDUIN, Président

Madame Carole CHEGARAY, Conseiller

Madame Séverine TECHER, Vice-Président Placé

qui en ont délibéré

Greffier : Fanny MARTIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement en date du 3 juin 2016 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, statuant dans le litige opposant Mme [P] [L] à son employeur, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'île de France (CRCAM), en présence du syndicat CGT du crédit agricole de Paris et d'île de France, partie intervenante volontairement à l'instance, a débouté la salarié et le syndicat de l'intégralité de leurs prétentions, rejeté aussi la demande reconventionnelle formé par l'employeur et condamné la salarié aux dépens ;

Vu les appels interjetés le 16 juin 2016 par Mme [L] de cette décision ;

Vu l'ordonnance de jonction du 1er juillet 2016 ;

Vu le calendrier de procédure fixé à l'audience du 11 mai 2017 et le renvoi contradictoire à l'audience collégiale du 5 septembre 2018 ;

Vu les conclusions et les observations orales des parties à l'audience du 5 septembre 2018 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 5 septembre 2018 et soutenues oralement à l'audience, Mme [L], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, soutenant avoir été victime d'une discrimination liée à sa situation de famille, son sexe, ses maternités et sa qualité de salariée à temps partiel dans des conditions l'ayant privée des rémunérations auxquelles elle pouvait prétendre, sollicite principalement et avant dire droit la communication des éléments de rémunération et de la classification de tous les agents embauchés entre 1988 et 1992, diplômés du baccalauréat, exerçant en région parisienne et toujours à l'effectif en janvier 2014, subsidiairement la condamnation de son employeur à fixer à 11 au 1er janvier 2015 sa position et à 2 482,16 euros (équivalent temps plein) son salaire de base , à majorer ce salaire annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par sa catégorie sous déduction des augmentations dont elle a bénéficié, à lui payer le rappel de salaire correspondant avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes sous astreinte, à lui délivrer également sous astreinte les bulletins de salaire rectifiés à partir du mois de janvier 2015 et enfin à lui verser les sommes suivantes :

- 101 913 euros : dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de la discrimination,

- 7 050 euros : dommages-intérêts relatifs aux primes de bilan et de satisfaction client (PSC),

- 10 279 euros : dommages-intérêts relatifs à l'indemnité francilienne de résidence,

- 50 000 euros : réparation du préjudice moral subi du fait de la discrimination,

- 30 000 euros : dommages-intérêts pour violation de l'accord de groupe relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en vigueur dans l'entreprise,

avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- 3 500 euros: indemnité de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- 3 500 euros: indemnité de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

et à supporter les entiers dépens ;

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 5 septembre 2018 et soutenues oralement à l'audience, la CRCAM, réfutant les moyens et l'argumentation de l'appelante, contestant que Mme [L] ait été victime de discrimination liée au sexe et à sa situation familiale, faisant valoir en substance qu'elle n'établit aucun élément laissant supposer l'existence d'une telle discrimination et qu'au contraire son évolution professionnelle est conforme aux collègues placés dans une situation identique, s'opposant à la demande de communication de pièces formulée avant dire droit aux motifs pris de la carence de la salariée à avoir préalablement apporté des éléments laissant présumer l'existence d'une discrimination dans des conditions permettant le recours à des mesures d'instruction ordonnées par le juge, mais aussi de l'absence de nécessité de comparaison de sa situation avec celle d'autres salariés et enfin de l'atteinte à la vie privée de ces derniers que constituerait la communication de données personnelles, soutenant que Mme [L] ne peut sérieusement revendiquer l'attribution de la position 11 et la rémunération afférente à défaut de justifier qu'elle remplissait les conditions pour y parvenir et d'avoir fait acte de candidature à un emploi de ce niveau, qu'elle a été remplie de ses droits au titre de l'indemnité francilienne proratisée en fonction de son temps de travail, de la prime de satisfaction client (PSC) calculée en fonction de sa faible contribution à l'activité commerciale et de la prime de bilan dont le montant a été supérieur à la moyenne de l'agence, faisant valoir que l'intéressée ne justifie d'aucun préjudice en rapport avec la prétendue discrimination qu'il soit financier ou moral, qu'aucune violation de l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes n'est démontrée et enfin que la demande de capitalisation des intérêts formée par la salariée se heurte au temps pris par elle pour se mettre en état, sollicite principalement la confirmation de la décision déférée et la condamnation de Mme [L] à lui payer 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile subsidiairement, demande que la mesure réclamée avant dire droit soit assortie d'une "mesure de précaution en limitant les effets de cette communication directe à la demanderesse, soit en confiant les documents à communiquer au juge chargé de suivre la procédure avec obligation pour le conseil de l'appelante de se rendre au greffe de la juridiction saisie aux fins de consulter les données avec interdiction expresse de les copier et de les remettre à l'appelante, ou en autorisant la société à anonymiser les documents, soit en désignant un expert tenus à la confidentialité, et ce sous un délai raisonnable qui ne saurait être celui exigé par l'appelante, de limiter cette communication aux seuls salariés embauchés entre 1988 et 1992 à un poste identique à Madame [L] en terme de classification, niveau, position et titre de l'emploi et exerçant en région parisienne et encore aux effectifs au 31 mai 2015", que les dommages et intérêts revendiqués soient réduits et que la demande de repositionnement en classe III position 10/11 soit écartée ;

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 5 septembre 2018 et soutenues oralement à l'audience, le syndicat CGT du crédit agricole de Paris et d'Île de France fait valoir qu'il est recevable à intervenir volontairement à la présente procédure et à agir, qu'il y a un intérêt et que son préjudice est constitué par l'atteinte au principe d'égalité hommes-femmes, à la discrimination en raison du sexe et de la situation de famille envers les salariés et au non-respect par l'employeur de l'accord du 26 octobre 2012 réitéré le 8 janvier 2016 sur l'égalité professionnelle, et sollicite donc l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la CRCAM de Paris et d'Île de France à lui verser 10 000 euros de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession par le fait de la discrimination à raison du sexe et de la situation de famille, 10 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'accord collectif sur l'égalité professionnelle, 1 000 euros d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et 1 000 euros d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 5 septembre 2018 et soutenues oralement à l'audience, la CRCAM soutient principalement que l'intervention volontaire en appel du syndicat, déjà intervenant volontaire en première instance, est irrecevable, subsidiairement que son action est irrecevable à défaut de démonstration de la validité du mandatement du représentant de l'organisation syndicale et à titre infiniment subsidiaire que le préjudice dont il est demandé réparation n'est pas établi, si bien que le jugement déféré devra être confirmé, et le syndicat condamné à lui payer 1 500 euros d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

A l'issue des observations orales, la cour a invité les parties à se rapprocher du médiateur présent à l'audience ;

Vu les lettres du 19 septembre 2018 des employeur et salariée par lesquelles ils ont indiqué ne pas vouloir s'engager dans un processus de médiation ;

SUR CE :

Attendu que Mme [P] [L] a été engagée à compter du 1er avril 1990 par la CRCAM de Paris Île de France en qualité d'agent commercial catégorie B coefficient 220 ; qu'elle a été absente à raison de deux maternités du 27 février au 12 octobre 1993, puis du 15 décembre 1996 au 28 juillet 1997 ; qu'elle a occupé selon son désir un emploi à temps partiel à partir du 27 août 1997 jusqu'à ce jour et enfin a bénéficié de divers mandats syndicaux à partir de 2010 et est conseillère prud'homale depuis décembre 2008 ; que son contrat de travail est toujours en cours ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 3 février 2015 de diverses demandes rejetées dans leur intégralité par jugement du 3 juin 2016, dont appel ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte ; qu'en application de l'article L.1134-1 du même code, il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, à charge alors pour la partie adverse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;

Attendu qu'en l'espèce la salariée présente des éléments laissant supposer une telle discrimination directe ou indirecte à raison de sa situation de famille, son sexe et sa qualité de salariée à temps partiel, en ce que notamment :

- étant âgée de 48 ans, elle est classée au même niveau de rémunération conventionnelle qu'une salariée de 34 ans,

- la partie variable de la prime de bilan, calculée en fonction de l'atteinte des objectifs, a été durant la période 1996- 2015 systématiquement minorée par rapport au montant théorique qu'elle aurait dû percevoir en raison de déduction pour absences alors que la convention collective ne prévoit de telles retenues que dans le cas de congé sans solde, de congés exceptionnels pour maladie du conjoint ou d'une enfant et des congés de maladie et qu'elle n'a pas été absente pour l'un de ces motifs durant la période considérée,

-l'entretien annuel d'appréciation de 2015 comporte le commentaire du manager suivant " du fait de ses mandats, [P] est peu présente à l'agence",

- l'indemnité francilienne de résidence prévue par l'accord du 8 avril 2011 entre l'employeur et les syndicats pour tous les salariés inscrits à l'effectif, quelle que soit leur classification, un même niveau d'indemnité correspondant à 270 euros brut par mois et portée à 278,59 euros par un accord du même type du 27 janvier 2014 , a fait l'objet d'une proratisation à raison du temps partiel,

- sa prime satisfaction client (PSC) a été amoindrie et même nulle au titre du deuxième trimestre 2011,

- sa qualité de salariée à temps partiel a été un obstacle à l'évolution professionnelle souhaitée par elle et ce malgré le soutien de ses supérieurs hiérarchiques exprimé à l'occasion des appréciations annuelles et ses candidatures à d'autres postes ont toutes été rejetées,

- les informations collectées par elle auprès de plusieurs collègues de travail entrés à un âge, une date et un poste comparable révèlent un traitement défavorable à raison de son sexe et de sa situation de famille,

- elle a été écartée de formations,

- elle a été mise à l'écart du planning de l'E agence,

- son accès à la boîte aux lettres mail de l'agence lui a été supprimé ;

Que l'accord du 15 septembre 2011 sur le travail à temps partiel entre la fédération nationale du crédit agricole et les organisations syndicales prévoit dans son article 11-3 que les primes et indemnités contractuelles sont versées proportionnellement au temps de travail, légitimant ainsi, comme le soutient l'employeur, que l'indemnité francilienne de résidence qui a été contractualisée doit, en l'absence de dispositions particulières conventionnelles plus favorables, être proratisée en fonction du temps de travail ; qu'en revanche, il y a lieu de constater qu'au delà des pétitions de principe et même des accords avec les organisations syndicales, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, du propre aveu de l'employeur, se résorbe, ce qui démontre la persistance d'une discrimination salariale à raison du sexe amplifiée par le fait que les salariés à temps partiel sont dans l'entreprise très majoritairement des femmes ; que plus particulièrement, les curriculum vitae de salariés produits au débat ne permettent pas de déterminer les raisons objectives pour lesquelles ils devaient être préférés à Mme [L] et ainsi de justifier que les candidatures de cette dernière ont été systématiquement écartées alors qu'au surplus ses supérieurs hiérarchiques successifs (N+1)ont à l'occasion des appréciations annuelles à partir de l'année 2007 acté le souhait d'évolution de Mme [L] vers un autre métier en rapport avec le risque, le recouvrement ou le contrôle général et donné un avis favorable à celui-ci et que le courriel du 9 avril 2010 de M. [K], responsable de clientèle, adressé à M. [S],révèle que la postulation de Mme [L] au surendettement et au SAV moyens de paiement a été rejetée en raison de son seul temps partiel à 80% ; que les explications de l'employeur ne permettent pas non plus de légitimer la privation de la salariée d'une partie de la part variable de la prime de bilan au motif d'absences pourtant sans rapport avec celles prévues par la convention collective, soit les congés sans solde, les congés exceptionnels pour maladie du conjoint ou d'un enfant, ou les congés de maladie ; qu'il en est de même pour l'amoindrissement et même la suppression pour le 2ème trimestre 2011 de la PSC, celle-ci étant destinée selon l'accord éponyme à "[rémunérer] la performance dans le développement d'une relation durable et soutenue avec nos clients, avec le souci particulier de la qualité de la relation de service et de l'approche multicanal" et devant faire l'objet d'une " répartition individuelle [...] par le manager de l'unité qui s'appuie sur un plan d'action satisfaction clients défini par lui en début d'année autour de quelques actions clés en lien direct avec la satisfaction clients, facilement observables...", étant relevé que l'employeur ne peut se retrancher derrière le prétendu refus de l'intéressée de faire des ventes alors qu'il ressort des évaluations annuelles que les item "conquérir de nouveaux clients" et "vendre des produits et services" sont indiqués comme "non attendu" ;

Qu'en définitive, ces éléments établis, pris dans leur ensemble, caractérisent la discrimination à raison du sexe, du statut de salariée à temps partiel et de la situation de famille dont a été victime Mme [L], et ce, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner avant-dire droit la communication par l'employeur des éléments de rémunération et de la classification de tous les agents embauchés entre 1988 et 1992, diplômés du baccalauréat, exerçant en région parisienne et toujours à l'effectif en janvier 2014, si bien que le jugement sera infirmé ce point ;

Attendu qu'il a été démontré ci-dessus que la salariée à temps partiel ne peut prétendre avoir été privée à tort d'une partie de l'indemnité francilienne de résidence, si bien que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande indemnitaire formée de ce chef ;

Attendu qu'en revanche, il ressort de la démonstration faite ci-dessus que Mme [L] a été effectivement privée du fait de la discrimination subie par elle d'une partie des primes (bilan et PSC) auxquelles elle aurait pu prétendre dans des conditions justifiant l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme revendiquée de 7 050 euros,

Que les éléments de comparaison fournis par l'intéressée relatifs à des salariés dont elle soutient, sans être utilement et sérieusement contredite, qu'ils ont été engagés à une période proche de son embauche en 1990 au même poste d'agent commercial qu'elle, révèlent qu'à la fin de l'année 2014, ceux-ci ont atteint une position conventionnelle allant de 8 à 11 alors qu'elle est demeurée depuis 1997 à la position 4 ; que de telles conditions et en considération de la reconnaissance de la discrimination subie par elle justifient qu'il soit fait droit à sa demande d'être positionnée au niveau 11 au 1er janvier 2015, de voir fixer à 2 482,16 euros (équivalent temps plein) son salaire de base , de majorer ce salaire annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par sa catégorie sous déduction des augmentations dont elle a bénéficié, de lui payer le rappel de salaire correspondant avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et à lui délivrer un bulletin de salaire rectifié conformément au présent arrêt,sans qu'il soit toutefois nécessaire d'assortir ces condamnations d'une astreinte ;

Que pour ce qui concerne la période antérieure à 2015, il y a lieu de retenir qu'elle a subi, de fait de la discrimination, un préjudice financier, que la cour, en fonction du salaire illégitimement éludé, de la durée de la discrimination et de l'incidence sur les droits à la retraite, évalue à la somme de 25 000 euros ;

Qu'il sera alloué aussi à Mme [L] des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par elle du fait de la discrimination à hauteur de 5 000 euros ;

Qu'enfin, il a été constaté précédemment que l'employeur, malgré les engagements pris par lui à l'occasion de la signature avec les organisations syndicales des accords en matière d'égalité hommes-femmes, n'a pas, contrairement à ce qu'il prétend, mis en 'uvre l'ensemble des moyens suffisants pour assurer l'effectivité de cette égalité et l'absence d'obstacle à la carrière des salariés à temps partiel et n'a ainsi pas respecté ces accords, toutes circonstances dont Mme [L] a été victime personnellement et qui justifient l'allocation à cet titre de dommages-intérêts à hauteur de 2 000 euros ;

Attendu que les intérêts échus produiront intérêts à compter du jour de la demande expressément présentée en première instance, dés lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Attendu que la déclaration d'appel formée par la salariée fait apparaître le syndicat CGT du crédit agricole de Paris et d'Île de France comme partie intimée, si bien que sa demande de celui-ci de voir le déclarer recevable à intervenir volontairement à la présente procédure est sans objet et par voie de conséquence le moyen soutenu par l'employeur tiré de l'application de l'article 554 du code de procédure civile sera rejeté ;

Qu'il résulte aussi des pièces versées au débat par le syndicat, soit les statuts approuvés par le congrès les 12, 13 et 14 octobre 2005, le dépôt en mairie [Localité 3] le 21 octobre 2014 de la liste des nouveaux membres du bureau et le 21 novembre 2014 de la modification de la composition des instances dirigeantes et enfin le mandatement par la commission exécutive du syndicat CGT CADIF de son secrétaire adjoint pour la représenter en justice et Maître Boussard-Verrecchia, avocat au barreau de Paris pour la représenter à cette audience ainsi qu'à toutes les audiences ultérieures, que cette commission a donné pouvoir à son secrétaire général pour agir devant la cour, si bien que le moyen d'irrecevabilité invoqué par l'employeur tenant au défaut de pouvoir sera aussi écarté ;

Qu'enfin, la discrimination dont a été victime la salariée à raison du sexe, du statut de salarié à temps partiel et de la situation de famille porte atteinte à une liberté fondamentale et s'inscrit dans la défense des droits, tant collectifs qu'individuels, que le syndicat a pour mission de défendre ;

Qu'il lui sera ainsi alloué en réparation du préjudice subi par lui des dommages-intérêts à hauteur de 2 000 euros ;

Que la violation par l'employeur de l'accord sur l'égalité professionnelle hommes-femmes, démontrée ci-dessus, a également causé un préjudice au syndicat qui sera valablement réparé par des dommages-intérêts de 2 000 euros ;

Attendu que la CRCAM, partie intimée qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, sera déboutée de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement à verser à Mme [L] une somme de 3 000 euros et au syndicat CGT du crédit agricole de Paris et d'Ile de France une somme de 3 000 euros ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement entrepris à l'exception de la demande relative à l'indemnité francilienne de résidence ;

Statuant à nouveau dans cette mesure :

Dit que le syndicat CGT du crédit agricole de Paris et d'Île de France est recevable dans son action ;

Rejette la demande formée avant dire droit par Mme [L] de communication des éléments de rémunération et, de la classification de tous les agents embauchés entre 1988 et 1992, diplômés du baccalauréat, exerçant en région parisienne et toujours à l'effectif en janvier 2014 ;

Dit que Mme [P] [L] a été victime de discrimination à raison de son sexe, son statut de salariée à temps partiel et sa situation de famille de la part de son employeur la CRCAM de Paris et d'Île de France ;

En conséquence, condamne la CRCAM de Paris et d'Île de France à lui verser les sommes suivantes :

dommages-intérêts pour préjudice moral du fait de la discrimination : 5 000 euros,

dommages-intérêts pour préjudice financier du fait de la discrimination : 25 000 euros,

dommages-intérêts pour privation d'une partie de ses primes de bilan et de satisfaction clients : 7 050 euros,

dommages-intérêts pour violation de l'accord de groupe relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en vigueur dans l'entreprise : 2 000 euros,

indemnité de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros ;

Dit que Mme [L] devra être positionnée au niveau 11 à compter du 1er janvier 2015, que son salaire de base sera fixé à 2 482,16 euros (équivalent temps plein) et majoré annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par sa catégorie sous déduction des augmentations dont elle a bénéficié ;

Condamne la CRCAM de Paris et d'Île de France à lui payer le rappel de salaire correspondant depuis le 1er janvier 2015 et à lui délivrer un bulletin de salaire rectifié conformément au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à assortir ces condamnations d'une astreinte ;

Rappelle que les créances salariales emportent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, et ce à compter de la demande de capitalisation;

Condamne la CRCAM de Paris et d'Île de France à verser au syndicat CGT du crédit agricole de Paris et d'Ile de France les sommes suivantes :

- dommages-intérêts pour atteinte à la profession en raison de la discrimination : 2 000 euros,

- dommages-intérêts pour violation de l'accord sur l'égalité professionnelle hommes-femmes : 2 000 euros,

- indemnité de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la CRCAM de Paris et d'Île de France aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/08572
Date de la décision : 31/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/08572 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-31;16.08572 ?
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