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31/10/2018 | FRANCE | N°15/13449

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 31 octobre 2018, 15/13449


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2018



(n° , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/13449 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWT7C



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 09 Juillet 2013 (n° 752 F-D) emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 4) le 1er Février 2012 (RG n° 0

9/02875), sur appel d'un jugement rendu le 30 Janvier 2009 par le tribunal de commerce de PARIS (RG n° [...])





DEMANDERESSE À LA REQUÊTE



SAS E...

Ayan...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2018

(n° , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/13449 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWT7C

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 09 Juillet 2013 (n° 752 F-D) emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 4) le 1er Février 2012 (RG n° 09/02875), sur appel d'un jugement rendu le 30 Janvier 2009 par le tribunal de commerce de PARIS (RG n° [...])

DEMANDERESSE À LA REQUÊTE

SAS E...

Ayant son siège social : [...]

N° SIRET : 672 042 231 (PARIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel X... de la SELARL X... ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant : Me Sébastien BEAUGENDRE du Cabinet BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0262)

DÉFENDERESSE À LA REQUÊTE

CK STORES ITALY S.R.L, venant aux droits de F... D... EUROPE S.R.L, société de droit italien

Ayant son siège social : Via Podgora 2

CAP [...] (ITALIE)

N° d'enregistrement : MI-1996845 (MILAN)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Charles-Hubert Y... de la SCP LAGOURGUE & Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant : Me François BERBINAU de la SCP BUISSON-FIZELLIER PECH DE LACLAUZE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0496

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Faisant fonction de Présidente de chambre, rédacteur

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

M. Philippe JAVELAS, Conseiller, appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du code de l'organisation judiciaire

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

En septembre 2005, la société de droit italien F... D... Europe, aux droits de laquelle vient la société F... G... (la société F...), a engagé des pourparlers avec la société E..., qui était insatisfaite de ses résultats d'exploitation en tant que boutique ' multimarque ', en vue de l'ouverture d'une boutique à enseigne F... Jeans, au [...]. Le 16 novembre 2006, la société Harold a mis fin aux pourparlers et par exploit du 27 novembre 2006, elle a assigné la société F... D... Europe en indemnisation de cette rupture devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 30 janvier 2009, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que les fax contrats datés des 14 et 15 mars 2006, dénommés les contrats de mars, ont été résiliés le 12 décembre 2006,

- condamné la société E... à payer à la société F... D... europe la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société E... à payer à la société F... D... Europe la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire à charge pour la société F... D... Europe de fournir une caution bancaire,

- condamné la société E... aux dépens.

La société Harold a interjeté appel du jugement devant la cour d'appel de Paris laquelle, par arrêt du 1er février 2012, a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a évalué à 12.000 euros le préjudice subi par la société F... D... Europe résultant de la recherche des meubles et à 50.000 euros le préjudice subi par cette société du fait des frais de négociation du contrat outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmé le jugement pour le surplus,

et, statuant à nouveau,

- constaté l'absence de contrat entre les parties par suite de la défaillance de la condition suspensive prévue dans l'accord du 14 mars 2006,

- déclaré partagée la responsabilité dans la rupture des pourparlers,

- condamné la société Harold à payer à la société F... D... Europe la somme de 264.052,66 euros correspondant d'une part, à la somme de 224.052, 66 euros au titre des frais d'aménagement du magasin engagés par la société F..., et d'autre part à la somme de 40.000 euros représentant les frais de planification supportés par cette société,

y ajoutant,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné la société Harold à supporter la charge des dépens exposés en cause d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à payer à la société F... la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Sur pourvoi formé par la société E..., par arrêt du 9 juillet 2013, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 1er février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs,

- vu l'article 700 du code procédure civile, rejeté les demandes.

Par déclaration du 30 juin 2015, la société E... a saisi la cour d'appel de Paris.

Par ordonnance du 7 novembre 2017, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception d'irrecevabilité, soulevée par la société F..., de la déclaration de saisine de la cour d'appel comme étant tardive, pour avoir été effectuée plus de quatre mois après signification de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2013, en violation de l'article 1034 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la cause, en considérant que, compte tenu de l'irrégularité de l'acte de signification du 18 février 2014, le délai de 4 mois n'était pas opposable à la société E....

Sur déféré, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 7 février 2018, a confirmé l'ordonnance du 7 novembre 2017 et dit recevable la déclaration de saisine de la cour d'appel statuant comme juridiction de renvoi.

LA COUR

Vu la déclaration de saisine et les dernières conclusions de la société E..., appelante, déposées et notifiées le 3 septembre 2018 par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1382 du code civil et subsidiairement 1134, 1147, 1174 et 1178 du même code dans sa version applicable à la cause, des anciens articles 1371 et 1376 du code civil applicable à la cause, de l'article L.330-3 du code de commerce ensemble les règles de conflit de lois applicables à la responsabilité civile délictuelle et à la matière contractuelle, de :

sur la recevabilité :

- rappeler que la recevabilité de la déclaration de saisine de la cour en tant que juridiction de renvoi a été tranchée par arrêt du 7 février 2018, RG n° [...]

au fond :

- infirmer la décision entreprise (jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 janvier 2009, n° RG [...]) en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- débouter la société F... stores Italy venant aux droits de la société F... D... Europe de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- constater l'absence d'information précontractuelle à la signature d'un contrat de licence de marque/franchise,

- constater que le respect d'une telle obligation aurait nécessairement arrêté un projet définitif,

- dire que l'échange de fax des 14 et 15 mars 2006 ne constitue qu'un pré-accord conditionnel,

- dire nul ce contrat préparatoire, en application à titre principal, de l'article L.330-3 du code de commerce et à titre subsidiaire, de la loi italienne du 6 mai 2004 relative à la filiation commerciale, pour avoir été conclu par dol du franchiseur F... D... Europe qui a prétendu substituer un mécanisme de remise équivalent à une garantie de marge alors qu'il était infiniment plus défavorable à la société E... ; au surplus, la nullité s'évince aussi, conformément à l'article 1174 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, de ce que l'accord conditionnel a été conclu sous condition potestative du franchiseur F... D... Europe, puisqu'il était en son seul pouvoir de négocier et obtenir de sa société mère américaine un contrat principal l'autorisant à sous-licencier,

- dire que F... D... Europe, aux droits de laquelle vient F... stores Italy, a par sa faute exclusive, fait défaillir la condition suspensive insérée dans l'acte des 14 et 15 mars 2006 en soumettant le 7 juillet 2006 au candidat à la franchise une proposition de contrat substantiellement différente de celle de décembre 2005, contenant des clauses manifestement déséquilibrées, inacceptables pour E...,

- constater qu'en réalisant les travaux sans aucune information précontractuelle, et alors, au surplus, qu'elle avait l'intention de proposer un contrat comportant des éléments nouveaux, la société F... D... Europe, aux droits de laquelle vient la société F... stores Italy, a commis une faute et ne saurait être indemnisée pour de tels travaux qui n'ont servi à rien si ce n'est à démolir totalement les agencements en place qu'il a fallu reconstruire,

- constater qu'aucun accord définitif n'est intervenu entre les parties,

- dire la société F... D... Europe aux droits de laquelle vient la société F... stores Italy entièrement responsable de la rupture des pourparlers,

- dire y avoir lieu de fixer les dommages-intérêts dus par la société F... stores Italy par application des règles de la responsabilité et non par application des règles du quasi-contrat, aucun indu par paiement erroné n'étant caractérisé et aucun enrichissement sans cause n'étant davantage démontré par la société F... stores Italy qui a, à ses risques et périls et volontairement, exposé des frais qui n'ont nullement enrichi la société E..., contrainte au contraire de réaménager à ses frais le magasin en décembre 2006 après rupture des pourparlers et caducité de l'avant-contrat des 14 et 15 mars 2006,

- condamner la société F... D... Europe aux droits de laquelle vient la société F... stores Italy au paiement à la société E... des sommes suivantes :

* 195.476 euros en réparation du préjudice relatif aux indemnités non versées jusqu'au mois de décembre 2006, venant compenser l'impossibilité d'ouvrir et d'exploiter son magasin pendant la période courant des mois d'août à décembre 2006,

* 200.000 euros en réparation du préjudice né de la dévalorisation du fonds de commerce ;

* 910.000 euros en réparation de la perte de chance de réaliser un gain par la conclusion d'un contrat avec F... D... Europe ou avec un tiers,

* condamner la société F... D... Europe, outre aux entiers dépens avec distraction conforme à l'article 699 du code de procédure civile, à payer à la société E... la somme de 70.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société F... G... venant aux droits de la société F... D... Europe, intimée ayant formé appel incident, déposées et notifiées le 18 septembre 2018 par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles L. 330-3 du code de commerce et 1134, 1147, 1178, 1181, 1352 et suivants, 1376 et 1382 du code civil,

à titre principal,

- confirmer le jugement du 30 janvier 2009 en ce qu'il a débouté la société E... de l'essentiel de ses demandes, en ce qu'il a condamné la société E... à 12.000 euros en réparation du préjudice subi par la société F... D... Europe à raison de la résistance abusive opposée pour la récupération de son mobilier, et en ce qu'il l'a condamnée à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à l'intégralité des dépens,

- l'infirmer pour le surplus,

et statuant à nouveau,

- constater la conclusion le 15 mars 2006 par la société E... d'un contrat de franchise avec la société F... D... Europe, sous condition suspensive de la conclusion entre ces sociétés d'un contrat de sous-licence,

- constater l'inapplicabilité de l'article L. 330-3 du code de commerce,

- constater que la société E... a résilié à ses torts exclusifs les contrats qu'elle a conclus le 15 mars 2006 avec la société F... D... Europe alors que la condition suspensive y incluse était pendante,

subsidiairement,

- constater que la société E... a seule empêché l'accomplissement de la condition suspendant l'exécution des contrats qu'elle a conclus le 15 mars 2006 avec la société F... D... Europe,

ce faisant,

- dire accomplie ladite condition suspensive,

- prononcer la résiliation des contrats que la société E... a conclus le 15 mars 2006 avec la société F... D... Europe aux torts exclusifs de la société E...,

en toute hypothèse,

- condamner la société E... à payer à la société F... D... Europe la somme de 919.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis à raison de cette résiliation fautive,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du 30 janvier 2009 en ce qu'il a dit que les fax échangés entre les sociétés E... et F... D... Europe les 14 et 15 mars 2006 constituaient un contrat qui a été résilié, en ce qu'il a débouté la société E... de l'essentiel de ses demandes, en ce qu'il a condamné la société E... à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société F... D... Europe à raison de cette résiliation, en ce qu'il a condamné la société E... à 12.000 euros en réparation du préjudice subi par la société F... D... Europe raison de la résistance abusive opposée pour la récupération de son mobilier, et en ce qu'il l'a condamnée à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à l'intégralité des dépens,

- l'infirmer pour le surplus,

et statuant à nouveau,

- juger que la société E... a rompu de manière abusive les pourparlers qui ont donné lieu à l'élaboration du projet de contrat de sous-licence dont la signature avait été prévue dans les contrats qu'elle a conclus le 15 mars 2006 avec la société F... D... Europe,

- dire que la société E... est seule responsable de la rupture des pourparlers dont elle a pris l'initiative,

en conséquence,

- condamner la société E... à payer à la société F... D... Europe la somme de 860,455.51 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subi du fait de la rupture abusive des pourparlers,

subsidiairement,

- juger que la société E... est un accipiens de mauvaise foi et la condamner à rembourser les sommes indûment perçues outre les intérêts courant à compter de leurs versements,

- juger que l'enrichissement de la société E... est de 860,455.51 euros et l'appauvrissement de la société F... D... Europe est également de 860,455.51 euros et ordonner le remboursement de cette somme à F... D... Europe,

en tout état de cause

- débouter la société E... de l'ensemble de ses demandes, les jugeant mal fondées et constatant au surplus qu'elle ne rapporte la preuve d'aucun préjudice quel qu'il soit,

- condamner la société E... à payer à la société F... D... Europe la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral subi par cette dernière,

- condamner la société E... à payer à la société F... D... Europe la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société E... à payer à la société F... D... Europe la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société E... aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Charles-Hubert Y... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE

La cour se réfère expressément, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Il résulte de l'instruction du dossier les éléments suivants :

En octobre 2005, la société F... est entrée en pourparlers avec la société E... qui fait partie d'un groupe familial animé par MM. Marc et Laurent Z... et dont le siège social est situé au lieu d'exploitation d'une boutique de vêtements multimarque, [...], en vue de l'ouverture d'une boutique monomarque à enseigne F....

Par télécopie du 25 novembre 2005, la société F... a confirmé son accord de principe pour « la réalisation d'un mono marque à enseigne F... Jeans en franchising » dans la boutique du [...], ' l'ouverture (étant) prévue pour fin Janvier/Février 2006 ', sous réserve de l'autorisation des autres sociétés du groupe F....

Le 29 novembre 2005, la société F... a adressé à la société E... une proposition de contrat de distribution reprenant les points sur lesquels les parties s'étaient accordées prévoyant notamment un mécanisme de garantie de chiffre d'affaires par émission d'avoirs (« notes de crédit »), exigé par la société E..., ainsi que la conclusion d'un contrat de sous-licence (« Sublicence Retail »).

L'ensemble de ces propositions a fait l'objet d'un projet de contrat global (Projet de Sous-Licence 2005) soumis à la signature de la société E..., en décembre 2005 qui l'a renvoyé, dans un mail du 14 décembre 2005, en précisant qu'elle avait simplement ajouté une annexe F dans les termes suivants : « je t'envoie la version définitive du contrat CKJE. Comme tu pourras le lire nous avons simplement rajouté une annexe F « conditions particulières » (garantie de marge brute) ». L'annexe F contenait la disposition suivante : « CKJE garantit à E... que le chiffre d'affaires réalisé dans le magasin s'élèvera au moins à 1 300 000 euros TTC en produits sous licence F... ('). Ainsi, CKJE garantit à E... le chiffre d'affaires prévisionnel tel qu'il figure sur le tableau annexé aux présentes. Pour le cas où ces prévisions de chiffre d'affaires ne seraient pas atteintes, CKJE devra créditer E... de 35 % de la différence entre le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires effectivement réalisé, si celui-ci est inférieur ». Le 11 janvier 2006, la société E... a demandé que lui soit adressée « une lettre d'engagement irrévocable sur la signature prochaine du contrat définitif selon les entières clauses des courriers des 14 et 20 décembre 2005 » (pièce appelante n°7). Le contrat n'a finalement jamais été signé par les parties, la société E... prétendant dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 9 août 2006 (pièce appelante n°22), n'avoir « jamais approuvé votre ' projet de sous-licence 2005 ' » et en avoir, au contraire, « contesté plusieurs éléments » et avoir « d'ailleurs refusé de le signer ».

Les pourparlers ont continué au cours des mois suivants, les parties échangeant sur les conditions du contrat projeté ainsi que sur les projets d'aménagement de la boutique du [...]. Par courriel du 3 mars 2006, complété par télécopie du 6 mars, la société F... Jeans a soumis à la société E... une modification du système de garantie, envisagé dans l'annexe F, en un système de remise sur les achats de marchandises (15 %), cette modification résultant des instructions du Groupe F... dont la structure actionnariale avait changé. Le 8 mars 2006, la société F... Jeans a repris les points sur lesquels les parties venaient de s'accorder et le 13 mars 2006, elle a adressé à la société E... une lettre pour accord. En réponse, par courriel du même jour, M. Laurent Z... a accepté le remplacement du système de garantie de chiffres d'affaires par le système de remises, reprenant en détail le nouveau mécanisme en y apportant quelques précisions, afin que le courrier reçu qui définit bien « l'esprit de nos accords », « soit encore plus précis sur nos engagements réciproques ». Dans deux télécopies du 14 mars 2006, la société F... a repris les conditions essentielles du contrat sur lesquelles les parties étaient d'accord, et ces télécopies ont été signées par la société E... sous la mention « bon pour accord, le 15 mars 2006 ».

Le premier document fixait la durée des relations contractuelles entre les parties à cinq ans. Il contenait des dispositions relatives à l'aménagement du magasin, mis à la charge de la société F..., un engagement d'achat minimum annuel de la société E... auprès de celle-ci (700.000 euros), ainsi qu'une obligation de contribuer à la publicité. Le système de remises sur factures était repris, ainsi qu'à la demande de la société E... formulée dans la télécopie du 13 mars 2006, le retour de 100 % des stocks résiduels en cas de réalisation d'un chiffre d'affaires inférieur à 1.000.000 euros, ainsi qu'en atteste la seconde télécopie datée du même jour. Mais l'exécution du contrat était suspendue à la conclusion d'un accord de « sous-licence » dans les termes suivants : « Cet accord deviendra exécutif de la signature du contrat officiel de subsidiaire-licence retail agreement ».

Alors que la société F... avertissait la société E... qu'elle ne pouvait pas entamer les travaux d'aménagement du magasin avant que les plans ne soient approuvés par elle, cette dernière exigeait que les travaux commencent dès mars 2006. C'est ainsi que la société E... exprimait, dans le courrier du 13 mars précité dans lequel elle posait ses conditions à l'approbation de l'accord signé le 14 mars : « il est absolument impératif que les travaux débutent au plus tard le jeudi 23 mars». La société E... exerçait des pressions sur le maître d'oeuvre, la société Espace Agencement, pour la contraindre à entamer les travaux de démolition, avant même que les plans d'agencement aient pu être finalisés. Le maître d'oeuvre signalait à la société F..., dans un fax du 7 juin 2006 (pièce intimée n°58): « M. Z... me téléphone tous les jours (...). Sous la pression de MM. Marc et Laurent Z... nous sommes intervenus à nouveau pour le démontage et l'évacuation de l'escalier existant ainsi que le rebouchage en béton de la trémie ». Les travaux d'aménagement du magasin, pris en charge par la société F..., se sont poursuivis de façon irrégulière pendant que les parties continuaient à négocier le contrat de sous-licence. La société F... a dédommagé la société E... du retard pris dans les travaux, les parties s'étant mises d'accord pour une indemnisation globale et forfaitaire de 110. 000 euros (pièce appelante n°13), calculée sur la base de la perte de marge de la société E... pendant les mois d'avril, mai et juin, cette marge étant elle-même calculée sur la base d'un chiffre d'affaires annuel moyen déclaré par la société E... de 1,3 million d'euros qui s'est révélé en réalité erroné.

Le 7 juillet 2006, un projet de contrat de sous-licence a été transmis par mail à la société E.... Dans un courrier du 25 juillet 2006, celle-ci soulignait que le projet était « incroyablement différent » des accords passés entre les deux sociétés et énumérait une liste de 13 points lui posant problème.

Après de nombreux incidents sur le chantier et de multiples demandes de modification du contrat de sous-licence par la société E..., M. Z... a exigé de M. A..., l'entrepreneur, la restitution des clés de la boutique, le 3 novembre 2006, mettant ainsi un terme aux travaux engagés, puis la société E... a rompu les négociations, le 16 novembre 2006, en invoquant la disparition de la clause de garantie de chiffre d'affaires.

Désigné par ordonnance du 21 novembre 2006 rendue par le Président du tribunal de commerce de Paris à la requête de la société F..., afin de constater, sur place, l'état d'avancement des travaux et des meubles entreposés, Maître H..., huissier de justice, constatait, le 24 novembre 2006, le refus de M. Z... de lui remettre les clés de la boutique et reprenait les déclarations de celui-ci : « nous sommes les victimes des escrocs F.... Je n'ai pas les clés » ; « les serrures ont été changées par F... et les travaux sont faits par F.... L'entrepreneur a disparu. Les travaux ont été arrêtés par F.... Je n'ai pas de contact avec l'entrepreneur». Le 28 novembre 2006, l'huissier constatait que la société E... avait déménagé les meubles F... dans un entrepôt de La Courneuve et, le 8 décembre, qu'elle avait repris l'exploitation de la boutique sous l'enseigne « Eretz ». Il constatait que, le 12 décembre, de nombreux clients remplissaient le magasin. La société F... a saisi le juge des référés qui a enjoint à la société E... de donner les clés afin que l'huissier puisse procéder à son constat sur les meubles appartenant à la société F.... L'ordonnance de référé a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris le 29 juin 2007, qui a condamné la société E... pour procédure abusive.

Par le jugement entrepris, le tribunal de commerce a considéré qu'il n'y avait pas eu d'accord entre les parties avant les deux télécopies des 14 et 15 mars 2006, que l'accord contenu dans ces télécopies, qui ne constituait pas un contrat de franchise, avait été souscrit sous la condition suspensive de la conclusion d'un contrat de sous-licence, lequel n'a pas été conclu de sorte qu'il convenait d'en prononcer la résiliation judiciaire au 12 décembre 2016. Il a estimé que la responsabilité de l'échec des négociations était largement partagée par les parties et a condamné la société F... à payer à la société E... la somme globale de 300.000 euros.

Sur le contrat des 14 et 15 mars 2006

En suite de l'accord de principe du 25 novembre 2005 pour « la réalisation d'un mono marque à enseigne F... Jeans en franchising » dans la boutique du [...], les télécopies du 14 mars 2006 de la société F..., qui récapitulent les principales lignes de l'accord des parties et sur lesquelles la société E... a apposé sa signature, sous la mention ' Bon pour accord ', le 15 mars 2006, formalisent l'accord des parties et constituent un contrat, et non un avant-contrat ou un contrat préparatoire comme soutenu à tort par la société E..., dès lors qu'il y a eu rencontre de volontés sur les conditions essentielles du contrat de distribution envisagé. M. Z... a d'ailleurs précisé par lettre du 12 juin 2006 : ' je vous confirme que nous sommes contractuellement liés par nos accords du 14 mars signés le 15 mars 2006. Cette confirmation vous est adressée à votre demande. ' (pièce intimée n°60).

La société E... soutient que ce contrat, qu'il qualifie, à tort, alternativement de ' préparatoire ', de ' pré-accord d'étape ' ou de ' pré-accord conditionnel ', est nul pour défaut de délivrance de la moindre information précontractuelle, par application à titre principal, de l'article L. 330-3 du code de commerce et à titre subsidiaire, de la loi italienne.

Mais, étant rappelé que le manquement à une obligation d'information précontractuelle, que celle-ci relève de l'article L. 330-1 du code de commerce ou de la loi italienne, n'est susceptible d'entraîner la nullité du contrat que s'il est démontré que ce manquement est constitutif d'un dol, d'une réticence dolosive ou d'une erreur de nature à vicier le consentement de celui qui s'en prétend victime, et que le dol ne se présume pas et doit être prouvé, la cour constate que la société E... se garde de caractériser ni la ou les manoeuvres dolosives auxquelles se serait livrée la société F... Jeans, ni l'erreur déterminante qu'elles auraient provoquées et qui auraient vicié son consentement. Par suite, elle sera déboutée de sa demande en nullité du ' pré-accord conditionnel ' pour dol.

Le contrat a été conclu sous la condition suspensive de la signature, par les parties, d'un contrat de sous-licence (Subsidiaire-licence Retail Agreement) permettant à la société E... d'exploiter dans son magasin la marque F....

Cette condition n'est pas potestative en ce que la souscription du contrat de sous-licence n'était pas un événement qu'il était au seul pouvoir de la société F... de faire survenir ou d'empêcher, comme le prétend à tort, la société E..., mais dépendait bien d'un accord des deux sociétés E... et F... sur ses conditions essentielles, accord qui, malgré de longues négociations, n'est pas intervenu. La société E... sera donc également déboutée de sa demande en nullité pour condition potestative.

La condition suspensive a défailli lorsque la société Harold a adressé un courrier de rupture le 16 novembre 2006 (' nous arrêtons là '), rendant impossible la réalisation de cette condition.

La société E... soutient que cette condition n'a défailli que par la faute du franchiseur et la mouvance de ses projets. Elle fait valoir que des changements et compléments substantiels sont intervenus dans le projet, tous en sa défaveur, que ces modifications affectaient les conditions même d'existence du contrat (cf. retrait de la sous-licence) ou portaient sur des aspects essentiels de la relation de franchise (zone de chalandise / création d'un droit de préférence au profit du franchiseur).

La société F... réplique que c'est bien la société E... qui, par son comportement, a délibérément empêché la réalisation de la condition suspensive des contrats de mars, en repoussant indéfiniment la signature du Projet de Sous-Licence 2006 par des prétentions déraisonnables, notamment en contradiction avec ces contrats.

Or, il ressort des pièces produites aux débats que les deux sociétés sont responsables à part égale de l'absence de souscription d'un contrat de sous-licence. Si dans sa lettre de rupture du 16 novembre 2006, la société E... a prétexté de la disparition de la clause de garantie de chiffres d'affaires minimum dont elle avait déjà accepté la suppression (cf courriel du 13 mars 2006' Tout le reste sans changement. '), la société F... a transmis, le 7 juillet 2006, un ' Projet de Sous-Licence 2006 ' qui comportait des modifications substantielles (option d'achat, la faculté d'ouvrir d'autres magasins dans la zone de chalandise, conditions de résiliation, clause de compétence juridictionnelle...), par rapport à celui qu'elle avait adressé en décembre 2005, et qui comme l'ont relevé à raison les premiers juges, étaient inhabituelles en la matière.

La défaillance de la condition suspensive a entraîné la disparition du contrat, les parties n'étant alors plus liées par des relations contractuelles mais engagées dans de simples pourparlers. Par suite, d'une part, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat au 12 décembre 2006 et d'autre part, la société F... sera déboutée de sa demande principale en dommages et intérêts à hauteur de 919.000 euros pour résiliation fautive des contrats.

Sur la rupture des pourparlers

A titre liminaire, il sera rappelé que la liberté contractuelle implique celle de ne pas contracter, notamment en interrompant les négociations préalables à la conclusion d'un contrat, sans toutefois que les partenaires pressentis ne soient dispensés de participer loyalement aux négociations et de coopérer de bonne foi à l'élaboration d'un projet, ce dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute pouvant donner lieu à réparation.

Il convient, pour apprécier le caractère fautif de la rupture de pourparlers contractuels, de prendre en considération notamment la durée et l'état d'avancement des pourparlers, le caractère soudain de la rupture, l'existence ou non d'un motif légitime de rupture, le fait pour l'auteur de la rupture d'avoir suscité chez son partenaire la confiance dans la conclusion du contrat envisagé ou encore le niveau d'expérience professionnelle des participants.

En l'espèce, les pourparlers débutés en septembre 2005 ont duré environ 14 mois (septembre 2005 - novembre 2006) et ont été rompus par la société E... suivant lettre du 16 novembre 2006. C'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont considéré que la responsabilité de l'échec des négociations était largement partagée par les parties. En effet, comme il a été vu ci-dessus, d'une part, le projet de sous-licence 2006 proposé en juillet 2006 par la société F... comportait des modifications substantielles par rapport à celui qu'elle avait proposé en décembre 2005, et d'autre part, la société E... a prolongé indûment les négociations. Après avoir pressé la société F... d'entreprendre les travaux dans le magasin (cf courriel du 13 mars 2006), elle a multiplié les causes de retard, en interdisant à plusieurs reprises l'accès du magasin à l'entreprise chargée de réaliser les travaux et en émettant des contestations sur les plans des locaux dans l'objectif qu'elle lui consente des conditions commerciales plus avantageuses, puis elle a mis un terme aux travaux en exigeant la remise des clés de la boutique le 3 novembre 2006. Les pourparlers avaient avancé de façon suffisamment significative pour qu'un accord se soit fait sur une base qui a été largement modifiée plus de 7 mois après, alors que les pourparlers portaient sur d'autres points. Cette faute de la société E... ainsi que celle de la société F... sont toutes deux à l'origine de la rupture.

Sur les demandes d'indemnisation

Sur les demandes en paiement de la société E...

Soutenant que la société F... doit ' répondre des conséquences dommageables de l'échec des pourparlers ', la société E... sollicite sa condamnation, sur le fondement de ' la responsabilité ', à lui payer les sommes suivantes:

- 195.476 euros en réparation du préjudice relatif aux indemnités non versées jusqu'au mois de décembre 2006, venant compenser l'impossibilité d'ouvrir et d'exploiter son magasin pendant la période courant des mois d'août à décembre 2006,

- 200.000 euros en réparation du préjudice né de la dévalorisation du fonds de commerce,

- 910.000 euros en réparation de la perte de chance de réaliser un gain par la conclusion d'un contrat avec un cocontractant plus sérieux que la société F....

Les indemnités de retard

Il résulte de l'instruction du dossier que :

- les parties ont décidé d'entreprendre l'exécution du contrat des 14 et 15 mars 2006 sans attendre la réalisation de la condition suspensive, en faisant procéder à la réalisation de travaux d'aménagement de la boutique, M. Z... insistant pour que « les travaux débutent au plus tard le jeudi 23 mars (cf courriel du 13 mars 2006),

- par courrier du 2 juin 2006, la société E... a sollicité le paiement d'une somme de 42.623 euros pour le retard dans l'ouverture de la boutique jusqu'au 31 juillet 2006,

- par courrier du 20 juin 2006, la société F... a accepté de verser cette somme de 42.623 euros ' pour retard à partir de fin juin 2006 à l'ouverture du magasin ' (souligné par la cour), portant ainsi à la somme totale de 152.623 euros l'indemnisation de la société E... pour le retard relatif à l'ouverture du magasin,

- à réception de la lettre et du chèque de 42.623 euros qui l'accompagnait, la société E... n'a émis aucune contestation et a procédé à l'encaissement du chèque,

- il n'est pas contesté que par courrier du 11 août 2006, au demeurant non produit, la société E... a sollicité, dans le cadre des négociations en vue de finaliser l'accord de sous-licence, une indemnisation complémentaire pour le retard survenu dans l'ouverture de la boutique,

- si, suivant courriers des 3 octobre et 14 novembre 2006, la société F... a proposé une indemnisation complémentaire, ' comme une nouvelle manifestation des efforts que nous faisions pour parvenir à un accord de sous-licence ', elle en conditionnait toutefois le versement à la signature de ce contrat.

- il n'existait donc aucun accord des parties pour une indemnisation complémentaire au titre du retard postérieur au 31 juillet 2006.

La société Harold B...-C... sollicite la condamnation de la société F... sur le fondement de ' la responsabilité ' pour la période courant des mois d'août à décembre 2006.

Mais il y a lieu d'observer que le 3 novembre 2006, M. Z... a mis un terme aux travaux engagés, en exigeant ce jour là la restitution des clés par M. A..., l'entrepreneur, de sorte qu'à supposer que la société E... soit fondée à solliciter un complément d'indemnités de retard, il ne pourrait être fait droit à sa demande pour la période de novembre à décembre 2006, étant de surcroît relevé qu'il ressort des opérations de constat du 12 décembre 2006 (pièce intimée n°23) que la société E... a repris l'exploitation de la boutique, à tout le moins, à compter du 8 décembre 2006, M. Z... ayant déclaré à l'huissier que ' le magasin est ouvert depuis vendredi dernier '.

S'agissant de la période du mois d'août au mois d'octobre 2006 compris, il apparaît que la société E... est responsable du retard apporté. En effet, alors même que deux jours auparavant, par lettre du 11 juillet 2006 (pièce intimée n°62), la société B... C... n'avait sollicité que des modifications mineures aux travaux en cours (doublage des murs, protection par alarme de la cave et par vidéo surveillance du sous-sol, remplacement de l'éclairage extérieur), il ressort de la lettre, circonstanciée et vainement contestée, de la société Espace Agencement (pièce intimée n°11) que le 13 juillet 2006, à 14H30, M. Z... lui a demandé de mettre un terme à la poursuite du chantier au motif que les travaux entrepris ne lui convenant pas, il souhaitait faire appel à une autre entreprise pour obtenir de nouveaux devis et faire changer la serrure d'entrée pour interdire l'accès au chantier, autorisant l'entreprise à conserver la clé jusqu'au 17 juillet pour lui permettre de récupérer le matériel, et qu'elle a donc été contrainte de quitter le chantier à 16 H. Le 25 juillet 2006, remettant en cause ' le concept CKJ ' la société E... a prétendu que les travaux en cours ne permettaient pas la mise en vente des marchandises achetées (pièce appelante n°18) alors même qu'elle avait été destinataire des plans plusieurs mois auparavant et n'avait émis aucune contestation. Le 7 septembre 2006, invoquant une rupture définitive de la relation, elle a demandé l'arrêt immédiat de tous les travaux (pièce intimée n°64). Le 13 septembre 2006, elle a sommé la société F... de reprendre l'ensemble des éléments lui appartenant (matériel et agencement) avant le 30 septembre 2006, à défaut de quoi elle les ferait enlever (pièce appelante n°27) et a demandé à la société Espace Aménagement de lui rendre les clés. Puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2006, rappelant que 'Les travaux avaient été arrêtés suite à mon précédent courrier. ' elle a demandé de nouveau l'arrêt des travaux en indiquant : ' Je croyais que vous aviez demandé aux entrepreneurs de cesser. Or, à ce jour les travaux reprennent!!!Je vous remercie en conséquence de leur demander d'arrêter sans délai les travaux'. Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 21 septembre 2006, (pièce appelante n°31) la société E... a présenté des plans modifiés de la boutique puis subitement, le 13 octobre 2006, elle a définitivement expulsé les ouvriers du chantier qui n'était plus éclairé du fait d'un défaut de paiement de factures d'électricité (pièce appelante n°32) et ce, alors même que les meubles de la société F... allaient être livrés. Le 25 octobre 2006, elle a demandé à l'entreprise de ne pas installer les nouvelles enseignes F... (pièce intimée n°66). Le 1er novembre 2006, la société F... lui a écrit qu'elle n'entendait pas accepter que des demandes de travaux additionnels puissent décaler l'ouverture du magasin (pièce intimé n°69).

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société E... est mal fondée à solliciter le paiement d'indemnités de retard complémentaires d'août à décembre 2006. Elle sera donc déboutée de sa demande en paiement formée à ce titre.

La dévalorisation du fonds de commerce de mars 2006 à janvier 2007

Selon la société E..., le fonds de commerce a été immobilisé pendant un an sans fonctionner du fait de la désinformation, de la précipitation et de la carence de la société F....

C'est par de justes motifs que la cour adopte, aucun élément de fait ou de droit de nature à les remettre en cause n'étant produits en appel, que les premiers juges ont débouté la société E... de la demande d'indemnisation formée à ce titre. En effet, relevant que les travaux prévus devant durer jusqu'au 31 mai 2006, la saison printemps-été était largement handicapée, et que le retard apporté par la société F..., évalué à deux mois et demi, aurait conduit à retarder l'ouverture de la boutique jusqu'au 15 août avant le réel démarrage de la saison automne-hiver, ils en ont concluent à raison que ces faits ne justifiaient pas une dépréciation appréciable du fonds de commerce dans la zone de chalandise où est situé le magasin, d'autant plus que la société E... continuait à exploiter en face un magasin similaire. La cour ajoute qu'il a été vu ci-dessus que la société E... était responsable de l'allongement des travaux à compter du mois d'août 2006. Par suite de l'ensemble de ces éléments, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnité pour dévalorisation du fonds de commerce.

La perte de chance de réaliser un gain par la conclusion d'un nouveau contrat

Le préjudice subi du fait d'une rupture fautive des pourparlers n'incluant que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables mais non les gains dont les parties pouvaient espérer tirer profit de l'exploitation du fonds, ni la perte de chance d'obtenir ces gains, notamment en contractant avec un tiers, la société E... sera déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 910.000 euros pour perte de chance de réaliser un gain par la conclusion d'un nouveau contrat.

En définitive, la société E... sera déboutée de l'intégralité de ses demandes. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.

Sur les demandes en paiement de la société F...

A titre subsidiaire si la cour rejetait ses demandes de dédommagement formées sur le terrain contractuel de la résiliation des contrats de mars 2006, la société F... demande la condamnation de la société E... à lui verser la somme de 860.455,51 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers et plus subsidiairement, pour enrichissement sans cause. Elle sollicite en outre la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société E... à lui payer la somme de 12.000 euros en raison de la résistance abusive opposée pour la récupération de son mobilier ainsi que le paiement d'une somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral subi.

La société E... se contente de répliquer que toute les sommes réclamées ne correspondent pas un enrichissement pour elle de sorte qu'elles doivent être rejetées.

La somme de 860.455,51 euros, dont le paiement est sollicité, se décompose de la manière suivante

- Poste 1 : la somme de 152.623 euros à titre de restitution des indemnités de retard versées par la société F... jusqu'au 31 juillet 2006. La société F... soutient qu'il s'agit de dépenses que la société E... l'a incitée à faire en lui faisant croire qu'elle allait conclure le contrat de sous-licence et que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de commerce, c'est l'intégralité de la somme qui doit lui être remboursée dès lors que la société E... est pleinement responsable de la rupture des pourparlers et de surcroît, responsable des retards intervenus dans les travaux.

Mais pour la période de mars au 31 juillet 2006, la société F... a reconnu être responsable du retard des travaux en versant la somme totale de 152.623 euros et il ressort d'ailleurs des pièces produites (cf pièces appelante n°14 et 15) que notamment l'entreprise était en attente de l'approbation des plans d'agencement par la maison mère de F... aux Etats-Unis. Il a été vu ci-dessus que la société E... n'a été reconnue responsable des retards que pour la période postérieure de sorte qu'elle a été déboutée de sa demande en paiement d'une somme complémentaire à ce titre. Par suite, la société F... n'est pas fondée à solliciter le remboursement des indemnités de retard qu'elle a versées. Elle sera déboutée de la demande formée à ce titre.

- Poste 2 : la somme de 224.052,66 euros en règlement du prix des travaux de rénovation et de transformation de la boutique. Cette somme correspondant aux frais engagés par la société F... pour l'aménagement du magasin afin d'exécution du contrat de distribution. Le contrat étant censé n'avoir jamais existé, cette somme doit lui être restituée, étant observé qu'en appel la société E... ne sollicite plus la somme de 61.081,68 euros au titre de la remise en état des locaux pour une distribution multimarque.

- Poste 3, 6 et 7 : la somme de 177.479,85 euros au titre des frais de conception, fabrication et transport des meubles pour la boutique, la somme de 55.000 euros au titre de la dépréciation des marchandises destinées à la boutique et celle de 2.000 euros au titre des frais engagés pour le transport des marchandises

La somme de 177.479,85 euros est justifiée par la production des factures (pièces intimée n°73 à 76 et 86). Elle correspond à l'achat de meubles conçus sur mesure pour s'intégrer dans la boutique de la société E... ainsi qu'à des enseignes F.... Toutefois, la société F... ne justifie pas que ces meubles, qu'elle a récupérés, n'aient plus aucune valeur résiduelle et qu'une partie d'entre eux ne puissent pas être réutilisés. En conséquence, au vu des éléments du dossier, il y a lieu de lui allouer la somme de 100.000 euros à ce titre.

S'agissant de la dépréciation des marchandises et de leur transport, aucune pièce n'en atteste et d'ailleurs, il y a lieu d'observer que la société F... n'en invoque aucune dans ses dernières écritures. Par suite, la société F... sera déboutée des demandes formées à ce titre.

- Postes 4,5, 8 et 9 : la somme de 141.000 euros (69.000 + 40.000 + 32.000) pour frais de personnel pour la négociation des contrats, l'élaboration des plans et le suivi du chantier, celle de 108.000 euros au titre des frais d'avocat pour la négociation des projets de sous-licence, celle de 200 euros au titre de frais de communications téléphoniques et de 100 euros au titre des frais de traduction. Faute pour la société F... de justifier son évaluation de l'ensemble de ces frais occasionnés par la négociation du contrat, c'est à juste titre que, compte tenu des éléments produits, les premiers juges les ont évalués à 100.000 euros. Par suite, la responsabilité de la rupture des pourparlers étant partagée par moitié, il sera alloué à la société F... la somme de 50.000 euros à ce titre, celle-ci exposant vainement qu'en cas de responsabilité partagée, chaque partie est en droit de se voir rembourser l'intégralité de ses dépenses. Le jugement entrepris sera confirmé pour ces postes.

Le paiement de la somme de 12.000 euros au titre de l'opposition abusive à la restitution des meubles

Les premiers juges ont justement évalué le préjudice subi par la société F... du fait de l'opposition abusive de la société E... à restituer les meubles (cf pièces intimée n°25 à 35 et 38) à la somme de 12.000 euros. Le jugement entrepris sera confirmé pour ce poste.

Le paiement de la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral

La société F... ne justifiant d'aucun préjudice moral caractérisé, elle sera déboutée de la demande formée à ce titre.

En définitive, la société E... sera condamnée à verser à la société F... la somme totale de 386.052,66 euros (224.052,66 + 100.000 + 50.000 + 12.000). Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a limité la condamnation de la société E... à 300.000 euros.

Le paiement d'une somme de 80.000 euros pour procédure abusive

Cette demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ne peut prospérer dans la mesure où l'exercice d'un droit ne peut à lui seul justifier une telle condamnation et où l'abus de ce droit n'est, au cas particulier, pas démontré.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société E... qui succombait essentiellement, aux dépens et à verser à la société F... la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société E... qui succombe principalement en appel, en supportera les dépens et devra verser à la société F... la somme supplémentaire de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société E... de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et à verser à la société F... G..., venant aux droits de la société F... D... Europe, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

CONDAMNE la société E... à verser à la société F... G..., venant aux droits de la société F... D... Europe la somme totale de 386.052,66 euros ;

DÉBOUTE la société F... G..., venant aux droits de la société F... D... Europe du surplus de ses demandes en dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société E... aux dépens de l'appel ;

AUTORISE Maître Charles-Hubert Y..., avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société E... à verser à la société F... G..., venant aux droits de la société F... D... Europe, la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Dominique MOUTHON VIDILLES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/13449
Date de la décision : 31/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°15/13449 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-31;15.13449 ?
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