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30/10/2018 | FRANCE | N°16/13010

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 30 octobre 2018, 16/13010


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 30 OCTOBRE 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/13010 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZOL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 12/00357





APPELANT



Monsieur [M] [Z]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Sylvain

ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081





INTIMEE



SA BRASIL TROPICAL

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, to...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 30 OCTOBRE 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/13010 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZOL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 12/00357

APPELANT

Monsieur [M] [Z]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081

INTIMEE

SA BRASIL TROPICAL

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Anne HARTMANN, présidente

M. Christophe BACONNIER, conseiller

M. Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Mme Marine BRUNIE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société Brasil Tropical (SA) a employé Monsieur [M] [Z], né en 1972, par contrats de travail à durée déterminée successifs (contrats dits d'usage) du 23 octobre 2004 au 12 décembre 2010 en qualité de trancheur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (HCR).

Le dernier jour de travail de Monsieur [M] [Z] a été le 12 décembre 2010.

La société Brasil tropical occupait à titre habituel 19 salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Sollicitant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, Monsieur [Z] a saisi, le 09 janvier 2012, le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 16 septembre 2016, a statué comme suit :

- Requalifie la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 23 octobre 2004 ;

- Condamne la société Brasil Tropical à payer à Monsieur [Z] les sommes suivantes :

* indemnité de requalification : 2.000 €,

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6.000 €,

* indemnité de licenciement : 906,78 €,

* indemnité compensatrice de préavis : 1.470,48 €,

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 147,04 €,

*avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2016 et les intérêts

ayant couru sur une année porteront également intérêts,

-Condamne la société défenderesse à délivrer les bulletins de paie, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement ;

-Condamne la société Brasil Tropical à payer à Monsieur [Z] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonne l'exécution provisoire ;

-Condamne la société Brasil Tropical aux entiers dépens ;

-Déboute Monsieur [Z] pour le surplus de ses demandes.

Par déclaration du 11 octobre 2016, Monsieur [Z] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 02/08/2018, Monsieur [Z] demande à la cour de :

- Juger que la rupture des relations contractuelles aux torts et griefs de la société Brasil Tropical s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en date du 12 décembre 2010 ;

En conséquence,

- condamner la SA Brasil Tropical à verser à Monsieur [M] [Z] les sommes suivantes :

* 3.896,14 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 389,61 € de congés payés afférents sur le fondement de l'article 30.2 de la convention collective,

* 2.402,61 € au titre de l'indemnité légale de licenciement sur le fondement de l'article L.1234-9 du code du travail,

* 35.065,26 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

- Fixer son salaire de référence à 1.948,07 € ;

- Requalifier la relation de travail entre Monsieur [M] [Z] et la SA Brasil Tropical en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein depuis le 23 octobre 2004 ;

En conséquence,

- condamner la société Brasil Tropical, à verser à Monsieur [M] [Z] au titre de l'indemnité de requalification de la collaboration du 23/10/2004 au 12/12/2010 sur le fondement de l'article L.1245-2 du code du travail la somme de 5.844,21 € (3 mois) ;

- condamner la SA Brasil Tropical à verser à Monsieur [M] [Z] à titre de rappel de salaire à temps plein sur le fondement des articles 1134 du code civil et L. 1222-1 du code du travail la somme de 37.953,84 € à titre de rappel de salaires et 3.795,38 € au titre des congés payés afférents ;

- condamner la SA Brasil Tropical à verser à Monsieur [M] [Z] à titre de rappel d'indemnité de jours fériés sur le fondement de l'article 11 de la convention collective la somme de 2.104,75 € ;

- condamner la SA Brasil Tropical à verser à Monsieur [M] [Z] à titre de réparation de l'atteinte portée par l'employeur à son droit repos sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code du travail la somme de 5.844,21 € (3 mois) ;

- condamner la SA Brasil Tropical à verser à Monsieur [M] [Z] pour le non-respect de l'employeur de son obligation contractuelle de résultat, de sécurité et de santé et au droit de repos sur le fondement des articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du code du travail la somme de 11.688.42 € (6 mois) ;

- condamner la SA Brasil Tropical à verser à Monsieur [M] [Z] sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail en raison du non-respect par la société Brasil Tropical de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail la somme de 5.844,21 €
(3 mois) ;

- ordonner la remise par la SA Brasil Tropical à Monsieur [M] [Z], sous astreinte de 250 € par document et par jour de retard, la cour se réservant la possibilité de liquider l'astreinte, les documents suivants : une attestation Pôle emploi rectifiée conforme au dispositif du jugement à intervenir, un certificat de travail rectifié conforme au dispositif du jugement à venir et les bulletins de paie afférents au préavis ;

- condamner la SA Brasil Tropical à payer les intérêts au taux légal sur les condamnations à venir ainsi que de l'anatocisme conformément à l'article 1154 du code civil ;

- condamner la SA Brasil Tropical à verser à Monsieur [M] [Z] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SA Brasil Tropical aux entiers dépens, ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 06/07/2018, la société Brasil Tropical demande à la cour de :

- Déclarer Monsieur [M] [Z] mal fondé en son appel et l'en débouter ;

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 16 septembre 2016 en ce qu'il a refusé de requalifier les CDD en un CDI à temps complet et rejeté de ce chef les demandes de rappels de salaires formulées ;

- Déclarer la SA Brasil Tropical recevable et bien fondée en son appel incident ;

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 16 septembre 2016 en ce qu'il a requalifié les CDD d'usage en CDI ;

- et statuant à nouveau, débouter Monsieur [M] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement, si la cour devait confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont requalifié les CDD d'usage à temps partiel en CDI à temps partiel,

- Dire que la requalification est fixée au 1er octobre 2006 et reformé la décision des premiers juges ayant daté la requalification au 23 octobre 2004 ;

- Dire et juger que le salarié a pris l'initiative de la rupture et le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

Très subsidiairement, si la cour devait considérer, par impossible, après avoir requalifié les CDD d'usage à temps partiel en CDI à temps partiel, l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dire que les demandes du salarié ne peuvent excéder les sommes suivantes, sur la base d'un salaire de référence de 735,24 € bruts mensuels :

*indemnité conventionnelle de licenciement: 615,59€;

* indemnité compensatrice de préavis : 1.470,48 € ;

* congés payés sur préavis : 147,48 €;

* indemnités de requalification : 735,24 € ;

dommages et intérêts : 4.411,44 € ;

Toute condamnation devra être versée en deniers ou quittances compte tenu de l'exécution du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire de droit.

.

En tout état de cause, sur les autres demandes,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [Z] de l'intégralité de ses autres demandes ;

- Condamner Monsieur [M] [Z] à payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 août 2018.

La Cour se réfère aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties.

SUR CE, LA COUR :

Sur la requalification des contrat à durée déterminée(CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI)

Pour solliciter la confirmation de la requalification prononcée par le jugement entrepris, Monsieur [M] [Z] invoque d'une part le non-respect par la société Brasil Tropical des conditions de validité formelle des CDD en visant l'absence d'écrit, l'absence de date de certains contrats ou de signature de l'employeur ou encore de motif précis de recours, mais aussi le fait que les CDD d'usage initiés ont pourvu des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

La société Brasil Tropical réplique que les contrats litigieux sont conformes aux règles légales et conventionnelles applicables et que le recours aux CDD successifs est justifié par des raisons objectives liées à son activité et aux conditions de son exercice.

Par application de l'article L1242-1 du code du travail un contrat à durée déterminée quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Dans cette limite, l'article L1242-2-3° permet de recourir à un contrat à durée déterminée pour pourvoir des emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. L'article L1244-1 du même code autorise la conclusion de contrats de travail successifs avec la même personne dans ces hypothèses.

D 'autre part, le contrat à durée déterminée est soumis à un certain formalisme et l'article L. 1242-12 du code du travail, qui précise sa forme et son contenu, dispose qu'à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; aux termes de cet article, le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte notamment la définition précise de son motif.

Enfin, l'article L. 1245-1 du code du travail stipule également qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions L. 1242-1 à L. 1242-4 (...), L. 1242-12 du code du travail.

En l'espèce, il ressort du dossier que Monsieur [Z] sollicite une requalification de ses contrats à durée déterminée à compter du 23 octobre 2004.

La société Brasil Tropical lui oppose la prescription de son action en requalification fondée sur les conditions de forme en faisant valoir qu'en ce cas la prescription de 5 ans en l'espèce court à compter à compter de la conclusion du premier CDD irrégulier.

Sur la prescription

La cour rappelle qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant les délais de prescription, l'action en requalification était soumise au délai de prescription de droit commun de trente ans prévu par l'ancien article 2262 du code civil. Par suite, l'article 2222 du code civil prévoit qu'en cas de réduction du délai de prescription,soit en l'espèce 5 ans, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle,soit le 19 juin 2008 sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En cas d'irrégularité formelle, le délai de prescription court à compter de la signature du premier contrat irrégulier,soit le 23 octobre 2004.

Monsieur [Z] ayant saisi le Conseil de prud'hommes le 9 janvier 2012,soit avant le 19 juin 2013, il convient de constater que sa demande tendant à la requalification de la relation contractuelle n'est pas prescrite.

Sur le fond

Au soutien de l'irrégularité formelle des contrats à durée déterminée, Monsieur [Z] fait valoir tout d'abord que certains contrats ne sont pas datés ou comportent des dates illisibles.

Il est cependant de droit que la date de conclusion du contrat ne figure pas au titre des mentions obligatoires prévues à l'article L. 1242-12 du code du travail et que le défaut de mention de la date de conclusion des contrats à durée déterminée ne saurait entraîner leur requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

De la même façon,Monsieur [Z] invoque notamment que le contrat du 22 juin 2007 n'est pas signé par l'employeur. Il est de droit également que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée sauf lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse. Il doit en être déduit que seul le défaut de signature du salarié est de nature à entrainer la requalification.

C'est en vain, par ailleurs, qu'il soutient que les contrats litigieux ne mentionnent pas le motif du recours puisque ces derniers indiquent expressément qu'il s'agit de contrats d'extra par référence à la convention collective applicable.

En revanche, il ressort de la comparaison des fiches de paye et des contrats de Monsieur [Z] que certains jours travaillés rémunérés n'ont pas fait l'objet d'un contrat de travail, il en va ainsi des contrats conclus à compter de novembre 2006.La requalification sollicitée est par conséquent justifiée en raison d'irrégularités formelles à compter de novembre 2006.

L'appelant dénonce également le recours abusif de l'employeur au contrat à durée déterminée d'usage pour pourvoir des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Monsieur [Z] estime qu'au cours des 489 collaborations entre le 23 octobre 2004 et le 12 décembre 2010 en qualité de trancheur, il a pourvu un poste relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise d'organisation de dîner-spectacles peu important le mode d'organisation de l'entreprise et notamment les variations de la charge d'activité selon le nombre de réservation puisque celles-ci sont connues à l'avance soulignant en outre que la présence de salariés en contrat à durée indéterminée (le chef des trancheurs et le barman) dans son effectif démontre le caractère injustifié du recours au contrat à durée indéterminée. Il en conclut que l'activité du Brasil Tropical est cyclique, régulière et prévisible pour l'employeur.

La société intimée fait valoir qu'elle n'ouvre son restaurant qu'à la condition d'avoir au moins des réservations pour 100 couverts, seuil de viabilité économique pour l'entreprise, étant observé que des annulations sont possibles jusqu'à 48 heures avant l'événement, de sorte que le restaurant n'est ouvert qu'une à deux fois par semaine soit une moyenne entre 64 jours et 110 jours par année entre 2005 et 2011 soit bien en deça de 60 jours par trimestre prévu par la convention collective, au-delà duquel le recours aux CDD est interdit. Elle estime qu'il existe donc deux paramètres aléatoires à savoir la date de l'événement et le nombre de couverts qui établissent le caractère par nature temporaire de l'emploi. Elle ajoute que le recours au contrat à durée indéterminée est exceptionnel et n'est possible que pour un cumul de fonctions lié à l'exploitation en parallèle d'une salle de location sous l'enseigne Red light pour le responsable du bar, le grilladin et le caissier.

L'article D1424-1-4° du code du travail vise l'hôtellerie et la restauration, secteur d'activité de l'employeur, comme secteur dans lequel le recours à des contrats à durée déterminée d'usage est possible; la convention collective Hôtels, Cafés, Restaurants, applicable en l'espèce, précise en son article 14 les conditions d'emplois d'extra et énonce que l'extra dont l'emploi est par nature temporaire, est engagé pour la durée nécessaire à la réalisation de la mission, qu'un contrat est établi pour chaque vacation, que l'extra peut être occupé dans l'établissement quelques heures, une journée entière ou plusieurs journées consécutives, le fait de se voir confier par le même établissement des missions pendant plus de 60 jours dans un trimestre civil permettant au salarié de demander la requalification de son contrat en contrat à durée déterminée.

Il est toutefois de droit que cette seule qualification par la convention collective de ce contrat d'extra ne suffit pas à établir qu'il peut être conclu dans le secteur de l'hôtellerie-restauration des contrats à durée déterminée d'usage successifs pour ce type de contrat pour tout poste et en toute circonstance. Il doit donc être vérifié que pour l'emploi considéré, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée et que le recours à des contrats successifs est justifié par des raison objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Au cas d'espèce, il est constant que Monsieur [Z] a été engagé par la société Brasil Tropical 489 collaborations successives, malgré une interruption de 6 mois en 2010,entre le 23 octobre 2004 et le 12 décembre 2010 en qualité de trancheur, pour des vacations variant entre 1 à 3 ou 4 journées.

S'il est d'usage constant dans la restauration de recourir à des contrats d'extra s'agissant du personnel de salle, il est admis que le contrat d'extra doit en principe permettre de faire face à un surcroît ponctuel d'activité et non être utilisé pour le fonctionnement normal de l'entreprise.

Au cas d'espèce, il ressort des attestations, non contredites, versées au dossier émanant y compris de salariés qui n'ont pas intenté d'action, qu'à trois exceptions près, du grilladin du responsable du bar et du caissier également employés dans le cadre de la salle de location Red Light gérée par la société intimée et salariés dans le cadre de contrats à durée indéterminée, l'ensemble des salariés de salle de la société Brasil Tropical,dont Monsieur [Z], trancheur, étaient employés de contrats à durée déterminée d'extras.

Au demeurant, la société Brasil Tropical reconnaît ouvrir en moyenne son restaurant, hors la période d'été durant les mois de juillet et août, une à deux fois par semaine, (voire plus en fin d'année) de sorte que même si son activité était tributaire du nombre de réservations, celle-ci présentait un caractère répétitif, corroboré par la répétition des contrats conclus avec Monsieur [Z] sur une période conséquente de 6 années.

De surcroît, il convient d'observer que cette activité aléatoire résultait aussi du mode d'organisation choisi par l'employeur et que le recours systématique aux contrats d'extras, imposé aux salariés, aurait pu être évité en recourant à une embauche à durée indéterminée à temps partiel.

C'est par ailleurs, à juste titre que Monsieur [Z] soutient que son emploi de trancheur, par son caractère indispensable car participant à part entière au spectacle, par sa spécificité, relevait de l'activité normale de l'entreprise.

Il convient d'en déduire avec les premiers juges que l'employeur échoue à établir le caractère par nature temporaire de l'emploi salarié de Monsieur [Z] de sorte que le recours au contrat à durée déterminée d'usage était irrégulier et que la requalification en contrat à durée indéterminée depuis le 24 octobre 2008 s'impose. Le jugement mérite d'être confirmé sur ce point.

Sur la requalification du contrat à temps plein

Monsieur [Z] soutient que son contrat de travail doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein au motif essentiel que durant toute la durée de la relation contractuelle, il s'est tenu à la disposition de l'employeur. Il ajoute que l'employeur se devait de fournir pour chaque collaboration un contrat écrit régulier précisant la durée du travail. Il précise que le planning était affiché le samedi soir pour la semaine suivante et que parfois les salariés étaient même contactés par téléphone pour travailler le jour même.

Il sollicite un rappel de salaire pour la période allant d'octobre 2004 à décembre 2010.

La société Brasil Tropical réplique que la requalification de CDD en CDI n'affecte que le terme du contrat réputé être en CDI et n'affecte pas les autres stipulations qui demeurent.Elle ajoute que s'agissant du paiement des périodes interstitielles qu'il appartient au salarié de démontrer qu'il est resté à la disposition de l'employeur.

Il est de droit que la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Au cas présent, il ressort des contrats de travail versés au dossier pour la période concernée que ces derniers étaient conclus pour un ou 4 jours au maximum et que la durée normale du travail était fixée à 7,80 heures par vacation, de sorte qu'il convient d'admettre que ces contrats étaient des contrats à temps plein.

Il est toutefois de droit que le salarié engagé par plusieurs contrats de travail à durée déterminée non successifs et dont les contrats de travail ont été requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

C'est en effet au salarié d'établir qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur pendant les périodes non travaillées et non pas à l'employeur d'apporter la preuve que le salarié n'avait pas à se tenir à sa disposition pendant ces périodes interstitielles.

Or en l'espèce, Monsieur [Z] ne justifie pas s'être tenu à la disposition permanente de la société Brasil Tropical durant la période allant du mois d'octobre 2004 à décembre 2010.

Il ressort des bulletins de paye produits que le nombre de jours travaillés d'une année sur l'autre était variable :

-24 jours travaillés en 2004

-100 jours travaillés en 2005

-22 jours travaillés en 2006

-105,51jours travaillés en 2007

-157 jours travaillés en 2008

De plus, les périodes d'interruptions pouvaient durer plusieurs jours. Outre le fait qu' il est établi qu'en 2006 Monsieur [Z] n'a pas travaillé pendant près de 6 mois , il ressort des contrats versés au dossier que les vacations étaient conclues soit pour 3 à 4 jours d'affilée soit pour des journées espacées de plusieurs jours qui étaient connues selon les attestations produites au dossier au plus tard le samedi pour la semaine d'après, ce jusqu'en décembre 2010 date de l'arrivée du nouveau gérant, de sorte qu'il n'était pas empêché de travailler pour un autre employeur.

Monsieur [Z] ne produit pas aux débats ses avis d'imposition de sorte qu'il n'établit pas qu' il n'a pas travaillé pour un autre employeur.

Dans ces conditions, Monsieur [Z] ne justifie pas s'être tenu en permanence à la disposition de l'employeur durant les périodes interstitielles, ni qu'il était dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler pour la société Brasil Tropical.

C'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande de rappel de salaire. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les rappels d'indemnité au titre des jours fériés

L'appelant fait valoir qu'il n'a pas été en mesure de bénéficier de l'intégralité des jours fériés du fait de son maintien dans un statut à durée déterminée. Il réclame à ce titre une indemnité équivalente à un jour de travail pour chaque jour férié soit en l'espèce 23 jours .

La société intimée réplique que cette demande est établie dans le cadre d'un temps complet non établi et que le régime invoqué s'applique exclusivement aux établissements ouverts plus de 9 mois par an ce qui n'est pas son cas.

La cour rappelle cependant que le salarié a été débouté de sa demande de paiement des salaires durant les périodes interstitielles, il ne peut donc prétendre au paiement des jours fériés afférents à ces périodes, étant précisé que pour les périodes travaillées, il reconnaît avoir été rempli de ses droits . Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la violation du droit au repos

Monsieur [Z] soutient qu'il est régulièrement arrivé qu'il vienne travailler le dimanche à 9 heures alors qu'il avait terminé son service la veille entre 1 heure 20 et 2 heures du matin, sans avoir bénéficié du repos légal entre deux journées de travail . Il réclame par conséquent trois mois de salaire à titre de réparation du préjudice subi.

La société Brasil Tropical qui reconnaît que l'appelant a participé en 4 années de travail à 19 petits déjeuners se borne à affirmer que les déjeuners qui faisaient suite à un dîner étaient systématiquement suivis d'un jour de repos, sans cependant l'établir.

Ce faisant, elle reconnaît ne pas avoir respecté à cette occasion le temps de repos prévu, à l'occasion de l'organisation des petits déjeuners, de sorte que l'appelant est en droit de prétendre à la réparation de son préjudice qui sera justement évalué à un montant de 1800€. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'absence de visites médicales

L'appelant fait valoir que l'employeur n'a pas rempli son obligation de suivi médical imposé par la loi, ce qui lui a causé un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 3 mois de salaire.

La société Brasil Tropical s'oppose à la demande en répliquant que le salarié n'établit pas le préjudice subi.

S'il est avéré que la société employeur n'a pas respecté les obligations qui lui sont imposées par les articles R4624-10 et suivants du code du travail, Monsieur [Z] qui se borne à invqouer des conditions de travail difficiles et pénibles ne justifie pas d'un préjudice, de sorte que c'est à bon droit que les premiers l'ont débouté de cette demande. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le non-respect de l'obligation de bonne foi du contrat de travail

Monsieur [Z] réclame une somme de 5844,21€ de dommages -intérêts sur le fondement de l'article L1222-1 du code du travail en raison du non-respect de l'obligation de bonne foi du contrat par l'employeur.

A hauteur de Cour, à l'appui de sa demande,il fait valoir que l'employeur ne lui a pas fait bénéficier du statut de travailleur de nuit et n'a pas tenu ses engagements au titre des remboursements des frais de transport.

Il soutient de première part que l'employeur ne lui a pas fait bénéficier du statut de travailleur de nuit accordant un pourcentage de repos compensateur, forfaitisé à 2 jours de repos supplémentaire par an pour les salariés à temps plein.

La cour rappelle cependant que le salarié a été débouté de sa demande de paiement des salaires durant les périodes interstitielles, il ne pouvait donc prétendre aux jours de repos forfaitisés supplémentaires accordés aux salariés à temps plein.

Il invoque de seconde part, que l'employeur n'a pas tenu ses engagements au titre des remboursements des frais de transport, en précisant qu'aucune somme n'a été perçue malgré la mention figurant sur la fiche de paye.

L'employeur réplique que les indemnités de transport ont bien été versées au salarié comme l'attestent les bulletins de paye sauf si aucun justificatif n'a été produit.

Ce faisant, ce dernier ne rapporte la preuve ni du paiement dont il se prévaut (la fiche de paie étant insuffisante) ni du respect d'un engagement qu'il ne conteste pas. Il convient d'allouer au salarié un montant de 250€ de dommages-intérêts à ce titre. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la requalification

Sur l'indemnité de requalification

En vertu de l'article L. 1245-2, le salarié dont le contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée peut prétendre au paiement d'une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de requalification est le dernier salaire mensuel perçu avant la saisine du juge.

Au vu des bulletins de paie versés aux débats, le dernier salaire de Monsieur [Z] s'élevait à un montant de 802 €. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 2000 € à titre d'indemnité de requalification .

Sur les conséquences de la rupture

C'est en vain que la société Brasil Tropical invoque d'ailleurs sans l'établir un refus du salarié de poursuivre la relation contractuelle au sein de la société voire une démission au motif qu'il n'aurait saisi le conseil de prud'hommes que 13 mois après la cessation de la relation contractuelle. Il est constant qu'une démission doit être claire et non équivoque et rien ne permet en l'espèce de considérer que Monsieur [Z] aurait démissionné et encore moins qu'il aurait refusé de travailler après le mois de décembre 2010.

En réalité, dès lors que les contrats de travail temporaire de Monsieur [Z] ont été requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de celui-ci par la société Brasil Tropical, qui n'a plus fourni de travail au salarié et qui a mis fin à la relation de travail le 12 décembre 2010 sans respecter les règles du licenciement, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à indemnisation.

Au vu des bulletins de paie des trois derniers mois, dont la moyenne est plus favorable que celle des 12 derniers mois, le salaire moyen brut de référence de Monsieur [Z], s'élève à la somme de 735,24 €. Conformément aux dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, Monsieur [Z] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaires, soit la somme de 1470,48€ outre 147,04 € pour les congés payés afférents.

En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, Monsieur [Z], qui avait une ancienneté de 6 ans et 2 mois (eu égard à une requalification ordonnée à compter du 23 octobre 2004), est fondé à percevoir la somme de 906,78 € à titre d'indemnité légale de licenciement.

Monsieur [Z] qui avait au moins deux ans d'ancienneté dans la société Brasil Tropical qui employait au moins onze salariés au moment de la rupture de son contrat de travail peut prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire calculés sur la rémunération brute.

Considérant le montant de la rémunération du salarié, de son ancienneté au moment de la rupture et de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à son expérience, le préjudice de Monsieur [Z] a été justement évalué à la somme de 6000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 susvisé.

Le jugement déféré sera confirmé sur l'ensemble de ces points sauf en ce qui concerne le cours des intérêts.

Il convient de rappeler qu'en application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit en l'espèce le 23 janvier 2012 et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2 du même code.

Sur l'application de l'article L1235-4 du code du travail

Conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, la société Brasil Tropical devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur la délivrance des documents sociaux

C'est à bon droit qu'il a été ordonné à la société Brasil Tropical de remettre à Monsieur [Z] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés, conformes à la décision rendue sans qu'il y ait lieu de fixer une astreinte.

Sur les dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens

Les dispositions du jugement déféré relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens sont confirmées.

L'équité commande d'allouer à Monsieur [Z] une somme de 2000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de cour, la société Brasil Tropical étant déboutée de sa demande de ce chef.

La société Brasil Tropical qui succombe est condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

-CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le cours des intérêts, l'indemnité pour non-respect des jours de repos et l'indemnité pour non-respect de l'obligation de bonne foi du contrat de travail.

Et statuant à nouveau sur les points infirmés,

-CONDAMNE la SA Brasil Tropical à payer à Monsieur [M] [Z] la somme de 1800€ à titre de dommages -intérêts pour non-respect des jours de repos.

-CONDAMNE la SA Brasil Tropical à payer à Monsieur [M] [Z] la somme de 250€ à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

-RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes soit en l'espèce le 23 janvier 2012 tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

-ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2 du même code.

Et y ajoutant :

-ORDONNE le remboursement par la SA Brasil Tropical à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [M] [Z] , dans la limite de 6 mois d'indemnités.

-CONDAMNE la SA Brasil Tropical à payer à Monsieur [M] [Z] une somme de 2000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.

-DEBOUTE la SA Brasil Tropical de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.

-CONDAMNE la SA Brasil Tropical aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/13010
Date de la décision : 30/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/13010 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-30;16.13010 ?
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