RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 26 Octobre 2018
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/06623 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWTLP
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Décembre 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 14/00448
APPELANT
Monsieur [R] [N] [J]
Né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] - BENIN
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Segbegnon HOUESSOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0478
INTIMÉE
[Adresse 2]
Division du contentieux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 4]
[Adresse 4]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
M. Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] [J], de nationalité béninoise, a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne (ci-après la CPAM) le rattachement rétroactif de son épouse, Mme [C] [D], à son numéro de sécurité sociale en qualité d'ayant-droit.
Par jugement 11 décembre 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a déclaré le recours de M. [J] irrecevable, l'intéressé n'ayant pas saisi préalablement la commission de recours amiable.
M. [Y] [J] a interjeté appel. La caisse a renoncé à son moyen d'irrecevabilité, compte tenu de la preuve qui lui avait été apportée d'une saisine de la commission par courrier du 4 novembre 2014. Par arrêt rendu le 18 mai 2018 auquel il convient de se référer pour un rappel complet des faits et de la procédure, cette cour a ordonné la réouverture des débats afin que les parties soient entendues et qu'elles présentent des observations concernant les conséquences sur le droit applicable aux ressortissants béninois en matière de regroupement familial de la convention conclue entre la République française et la République du Bénin, relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à [Localité 2], le 21 décembre 1992.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [J] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- ordonner le rattachement rétroactif de son épouse sur son numéro de sécurité sociale à compter du 6 juin 2013, la prise en charge des frais de maternité exposés par elle du 6 au 11 juin 2013,
- condamner la CPAM à lui payer 15.000€ de dommages et intérêts au titre d'une mise en danger délibérée de la vie de son épouse, et du refus de rattachement avec les conséquences pécuniaires y afférentes,
- condamner la CPAM à lui payer une somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
faisant valoir que :
- le droit européen prime le droit français,
- l'accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres d'autre part, signé à [Localité 2] le 23 juin 2000 et notamment l'article 13 relatif aux migrations doit s'appliquer,
- cet article interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, un ressortissant béninois travaillant légalement dans un Etat membre doit donc être traité de la même manière que les nationaux de l'Etat membre d'accueil de sorte que la législation de l'Etat membre ne saurait soumettre l'octroi d'une prestations sociale à un tel ressortissant béninois à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables à ses propres ressortissants,
- M. [J] séjourne légalement en France depuis le 23 octobre 2010, successivement titulaire d'un titre de séjour 'étudiant' de 2010 à 2015, d'une autorisation de séjour en 2015, d'un titre de séjour 'salarié' de 2015 à 2016 et d'un titre de séjour 'vie privée et familiale' depuis 2016,
- l'accord de partenariat exclut l'application des articles D.115-6, et D.115-1 du code de sécurité sociale,
- la caisse a délibérément mis en danger la vie de Mme [J], celle-ci n'ayant pu retirer sa carte AME qu'en janvier 2014, alors qu'elle avait besoin de soins vitaux,
- elle a dû sortir contre avis médical de l'hôpital et le couple a subi un préjudice pécuniaire.
Aux termes de ses conclusions reprises et complétées oralement à l'audience par son représentant, la caisse primaire d'assurance maladie du Val de requiert de la cour de :
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le recours de M. [J] irrecevable,
- dire et juger que Mme [J] ne remplit pas les conditions de droit pour bénéficier de son rattachement rétroactif sur le numéro de sécurité sociale de son époux à compter du 6 juin 2013, ni de la prise en charge des frais de maternité exposés par elle du 6 au 11 juin 2013,
- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes,
expliquant que :
- les articles L.161-14, L.115-6, et D.115-1 du code de sécurité sociale s'appliquent aux faits de l'espèce,
- les ayants-droit majeurs de nationalité étrangère doivent justifier de la régularité de leur séjour en France par l'un des titres de séjour limitativement énumérés par l'article D.115-1,
- Mme [J] est arrivée en France le 31 mai 2013 avec un visa court séjour, non visé par l'article précité,
- ce n'est que le 9 septembre 2013 qu'elle a demandé à bénéficier de l'Aide Médicale d'Etat,
- la convention liant la France et le Bénin du 6 novembre 1979 ne contient aucune disposition de coordination pour la branche maladie,
- compte tenu du caractère irrégulier du séjour de Mme [J], elle ne pouvait être rattachée au régime général de sécurité sociale de son mari,
- la caisse n'a commis aucune faute et M. [J] ne peut évoquer un quelconque préjudice.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
Les parties étant désormais d'accord pour reconnaître que la commission de recours amiable avait bien été saisie, on ne peut qu'infirmer le jugement 11 décembre 2014, dans lequel le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil déclarait le recours de M. [J] irrecevable.
L'article L.115-6 du code de sécurité sociale en sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que les personnes de nationalité étrangère ne peuvent être affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers en France ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour et un décret fixe la liste des titres ou documents attestant la régularité de leur situation.
L'article D.115-1 requiert à ce titre : carte de résident, carte de séjour temporaire, certificat de résidence de ressortissant algérien, récépissé de demande de renouvellement de l'un des titres ci-dessus, récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour,... autorisation provisoire de séjour..., passeport monégasque revêtu d'une mention du consul général de France à [Localité 3] valant autorisation de séjour,contrat de travail saisonnier..., récépissé de demande de titre de séjour portant la mention 'il autorise son titulaire à travailler', carte de frontalier.
Il s'en déduit que ces textes subordonnent ainsi le bénéfice des prestations du régime de sécurité sociale à un justificatif d'un des titres de séjour limitativement énumérés.
Il n'est pas contesté que Mme [J] n'a produit aucun de ces titres lors de sa demande de rattachement sur le compte de sécurité sociale de son mari.
M. [J] invoque le bénéfice de l'accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres d'autre part, signé à [Localité 2] le 23 juin 2000. Si son article 13 relatif aux migrations interdit effectivement toute discrimination fondée notamment sur la nationalité, il précise que les parties sont d'accord pour considérer qu'un partenariat implique à l'égard des migrations, un traitement équitable des ressortissants des pays tiers résidant légalement sur leurs territoires...
Cet accord n'exclut donc nullement l'application cumulative d'autres textes normatifs et non contraires.
Or précisément, la convention conclue entre la République française et la République du Bénin, relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à [Localité 2], le
21 décembre 1992, prévoit en son article 8 que les membres de la famille d'un ressortissant d'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le conjoint régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial et ils reçoivent un titre de séjour de même nature que celui du conjoint qu'ils rejoignent dans le cadre de la législation de l'Etat d'accueil.
Mme [J] étant arrivée en France le 31 mai 2013 avec un visa de court séjour et non au titre d'un regroupement familial, elle ne pouvait donc bénéficier du rattachement comme ayant-droit sur le numéro de sécurité sociale de son mari à compter du 6 juin 2013, ni de la prise en charge de ses frais médicaux.
En conséquence, la caisse a fait une juste application des textes applicables et n'ayant commis aucune faute dans la gestion du dossier de Mme [J], elle ne peut se voir condamner au paiement de dommages et intérêts.
M. [J] sera débouté de l'ensemble de ses demandes, y compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable mais mal fondée l'action engagée,
Déboute M. [J] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne M. [J] au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 331,10€.
Le Greffier, Le Président,