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24/10/2018 | FRANCE | N°16/09719

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 24 octobre 2018, 16/09719


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 24 Octobre 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09719 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZJK5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juillet 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 14/01106





APPELANTS



Monsieur [W] [B]

[Adresse 1]

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Société SYNDICAT SUD FPA SOLIDAIRES

[Adresse 2]

[Adr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 24 Octobre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09719 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZJK5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juillet 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 14/01106

APPELANTS

Monsieur [W] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Benoît PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R260 substitué par Me Lol CAUDAN VILA, avocat au barreau de PARIS

Société SYNDICAT SUD FPA SOLIDAIRES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Benoît PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R260 substitué par Me Lol CAUDAN VILA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Association AGENCE NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Florence GUARY, avocat au barreau de PARIS, toque : R271 substitué par Me Aude MARTIN-MEDRINAL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Florence OLLIVIER, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller

Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 10 avril 2018

qui en ont délibéré,

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinnette COLAS, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [W] [B] a été embauché par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 juin 1992, en qualité de formateur.

Par avenant en date du 8 novembre 2010, il a été promu au poste de formateur conseil en maçonnerie.

Les relations de travail étaient régies par l'accord statutaire du 4 juillet 1996, et l'association employait plus de 10 salariés.

Par courrier en date du 10 avril 2014, Monsieur [W] [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 7 mai 2014.

Par courrier en date du 22 mai 2014, il a été convoqué devant la commission paritaire nationale, pour une audition fixée le 4 juin 2014.

La commission paritaire nationale a rendu un avis favorable à son licenciement le 4 juin 2014.

Son licenciement lui a été notifié par lettre du 27 juin 2014.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur [W] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Évry, qui, par jugement en date du 12 juillet 2016, l'a débouté de ses demandes, a débouté le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES de ses demandes, a débouté l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes de sa demande reconventionnelle et a mis les dépens à la charge de Monsieur [W] [B].

Monsieur [W] [B] et le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 19 juillet 2016.

En application de l'ordonnance du 11 novembre 2016 portant création d'un établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes, l'Association est devenue, à compter du 1er janvier 2017, l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Monsieur [W] [B] et le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- dire que le licenciement est nul,

- en conséquence, condamner l'AFPA au paiement des sommes suivantes :

* 68.206 euros de dommages et intérêts à Monsieur [W] [B] pour licenciement nul,

* 15.000 euros de dommages et intérêts à Monsieur [W] [B] pour discrimination syndicale,

* 5.000 euros de dommages et intérêts au syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession,

- subsidiairement, condamner l'AFPA à payer à Monsieur [W] [B] la somme de 68.206 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, condamner l'AFPA à payer à Monsieur [W] [B] et au syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES la somme de 2.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L'AFPA demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de dire l'intervention volontaire du syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES irrecevable et de débouter Monsieur [W] [B] et le syndicat de l'ensemble de leurs prétentions.

Elle sollicite, en outre, la condamnation de Monsieur [W] [B] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Monsieur [W] [B] et le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES font valoir que Monsieur [W] [B] a été licencié en raison de son activité syndicale et que son licenciement est, par conséquent, nul. Ils ajoutent que ni le règlement intérieur ni la Cour de cassation ne sanctionnent le fait de laisser ses collègues de travail se servir dans la benne des matériaux utilisés par les élèves, qui étaient destinés à la déchetterie, et que la sanction est disproportionnée. Ils ajoutent que les éléments justifiant la recevabilité de l'action du syndicat sont versés aux débats.

L'AFPA fait valoir que les statuts du syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES ne sont pas communiqués, que le syndicat n'est pas représenté et en conclut que son intervention volontaire est irrecevable. Elle soutient que le seul motif de la procédure de licenciement, engagée avant que le salarié se porte candidat aux élections de délégués du personnel, réside dans les griefs qui lui sont reprochés, et que le licenciement repose sur des faits objectifs étrangers à toute discrimination. Elle explique que Monsieur [W] [B] a été licencié pour avoir, à l'insu de sa hiérarchie, mis à la disposition personnelle d'autres formateurs du centre des matériaux issus de sa section de formation, que ces matériels pouvaient être utilisés dans le cadre de travaux pédagogiques, et que le règlement intérieur prévoit l'interdiction d'utiliser à des fins personnelles les matériels de l'association.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et développées oralement à l'audience.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'intervention de le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES

Le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES verse aux débats les statuts du syndicat, qui prévoient expressément la possibilité pour celui-ci d'agir en justice pour défendre ses intérêts et ceux de ses membres, ainsi que l'extrait des délibérations du bureau du 4 mars 2015, mentionnant la décision d'intervenir dans la présente instance. Le mandat donné à Monsieur [T] [Y], secrétaire adjoint, pour représenter le syndicat dans la présente procédure est également communiqué.

Dès lors, le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES avait la capacité d'intervenir dans la présente procédure et son intervention sera déclarée recevable.

Sur la discrimination syndicale et la nullité du licenciement

L'article L1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable, dispose qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L1132-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

En application de l'article L1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée dans les termes suivants :

« (')

Il vous est reproché d'avoir, volontairement et à l'insu de votre hiérarchie, laissé à la disposition personnelle d'autres formateurs du centre l'usage de matériaux issus de votre section de formation (planches coupées à dimension, treillis métalliques destinés à la fabrication d'ouvrages de maçonnerie, dalle de béton réalisée sur mesure pour un de vos collègues).

Vous n'avez pas nié les faits tout en estimant n'avoir aucunement failli à vos obligations professionnelles. A cet égard, vous avez notamment argué du fait que les matériaux en question étaient destinés à la déchetterie, et qu'il n'y avait dès lors rien de répréhensible à « autoriser » leur récupération pour un usage autre que professionnel.

Selon vous, la circonstance qu'une telle pratique puisse être autorisée par la direction du centre de [Localité 3] constituerait en outre une circonstance atténuante.

De telles explications ne sauraient remettre en cause le caractère tout à fait anormal de vos agissements. Tout d'abord, en ce qui vous concerne, aucune autorisation ne vous a jamais été donnée de disposer à votre convenance des biens qui vous sont confiés dans le cadre de votre activité professionnelle. Ensuite, pour votre hiérarchie, il ne s'agissait pas de matériaux destinés à la déchetterie mais de matière d''uvre destinée aux travaux pédagogiques des stagiaires.

En tant que salarié, et à plus forte raison en votre qualité de formateur conseil, il vous appartient de veiller à ce que l'usage de ces biens soit conforme aux prescriptions internes, rappelées d'ailleurs expressément par le règlement intérieur, un usage extraprofessionnel pouvant donner lieu à sanction et poursuites pénales, comme cela a été clairement indiqué en réunion des délégués du personnel (séance du 26 mars 2014).

Vous avez agi avec une légèreté extrêmement blâmable et vous ne semblez aucunement avoir conscience de la gravité de vos actes ni vouloir remettre en cause votre comportement.

C'est pourquoi votre licenciement est prononcé.

(...) »

Au soutien de ses allégations relatives à la discrimination, Monsieur [W] [B] invoque les faits suivants :

- l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes a décidé d'engager une procédure disciplinaire à son encontre de Monsieur [W] [B] et à l'encontre de trois autres salariés, tous candidats comme lui aux élections des délégués du personnel, que seule procédure initiée à son encontre a été menée à son terme,

- l'employeur a saisi le tribunal d'instance aux fins de voir annuler sa candidature aux élections des délégués du personnel, qui était une menace pour l'association,

- plusieurs élus sous l'étiquette du syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES ont fait l'objet de discrimination syndicale,

- son licenciement résulte du fait qu'il a été élu délégué du personnel suppléant sous l'étiquette du syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES.

Pour étayer ses affirmations, il produit, notamment, le jugement du tribunal d'instance d'Évry du 4 juin 2014 ayant débouté l'Association de sa demande tendant à l'annulation de sa candidature aux élections de délégué du personnel, le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise ayant constaté la discrimination syndicale subie, et le procès-verbal des élections des délégués du personnel suppléant, daté du 5 juin 2014.

Pour justifier sa décision de licencier Monsieur [W] [B], l'AFPA explique que les trois autres salariés mis en cause ont reconnu les faits reprochés et qu'ils se sont prévalus d'une autorisation donnée par Monsieur [W] [B] de se « servir » sur la plate-forme maçonnerie, ce qui leur a permis d'être sanctionnés moins lourdement.

Elle produit, au soutien de ses affirmations, les attestations de Monsieur [Z], Monsieur [O] et Monsieur [M], qui ont mené les entretiens disciplinaires de Monsieur [W] [B], Monsieur [J], Monsieur [E] et Monsieur [D], et qui mettent en évidence que Monsieur [W] [B] permettait aux trois autres salariés de récupérer des matériaux, qui auraient été destinés à la déchetterie.

Dès lors, la différence de traitement entre Monsieur [W] [B], qui avait la responsabilité des matériaux litigieux, et les trois autres salariés est justifiée par le rôle joué par l'appelant dans les faits reprochés à l'ensemble des salariés.

La matérialité des faits reprochés à Monsieur [W] [B] est établie par les déclarations du salarié, qui a reconnu les faits, et les attestations produites par l'employeur.

Il est au surplus exact que le règlement intérieur de l'Association prévoyait l'interdiction pour les salariés d'utiliser le matériel à des fins personnelles. S'il n'est pas reproché à Monsieur [W] [B] d'avoir utilisé ce matériel pour son propre usage, il est établi qu'il a mis à la disposition d'autres salariés de l'Association du matériel qui était sous sa responsabilité.

Ces faits apparaissent suffisamment graves pour justifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré ayant débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé.

Au surplus, les éléments versés aux débats et précédemment analysés révèlent que le licenciement reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.

Le jugement déféré ayant débouté Monsieur [W] [B] de ses demandes de nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour discrimination syndicale sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession

La cour a retenu que Monsieur [W] [B] n'avait pas été victime de discrimination syndicale et l'existence d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession n'est pas démontré.

Ainsi, le jugement déféré ayant débouté le syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES de sa demande à ce titre sera confirmé.

Sur les frais de procédure

Monsieur [W] [B], succombant à l'instance, sera condamné aux dépens.

Il sera, en outre, condamné à payer à l'AFPA la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'intervention volontaire du syndicat SUD AFPA SOLIDAIRES,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Évry le 12 juillet 2016 en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant,

Condamne Monsieur [W] [B] aux dépens de l'entière procédurre,

Condamne Monsieur [W] [B] à payer à l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/09719
Date de la décision : 24/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/09719 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-24;16.09719 ?
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