La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2018 | FRANCE | N°17/08478

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 23 octobre 2018, 17/08478


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 23 OCTOBRE 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08478 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3F2A



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 14/17487





APPELANT



Monsieur Mohamed ou Mohammed C... Z... né le [...] à Oran

(Algérie)



[...]



représenté par Me Sohil X..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0058







INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCURE...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 23 OCTOBRE 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08478 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3F2A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 14/17487

APPELANT

Monsieur Mohamed ou Mohammed C... Z... né le [...] à Oran (Algérie)

[...]

représenté par Me Sohil X..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0058

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[...]

représenté à l'audience par Monsieur AUFERIL, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2018, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposé, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Dominique GUIHAL, présidente et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.

Par acte d'huissier de justice du 8 janvier 2014, M. Mohamed C... Z... se disant né le [...] en Algérie de Robert Y... lui-même né le [...] à Tiaret de parents inconnus, celui-ci devenu Toufik Z... par jugement de légitimation adoptive rendu le 15 juin 1960 par le tribunal civil de première instance d'Oran, a fait assigner le procureur de la République de Paris pour se voir déclarer français en vertu des articles 18 du code civil et 21 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 janvier 1945.

Par jugement rendu le 25 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré M. Mohamed C... Z... irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, constaté qu'il est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012 et ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil, laissé les dépens à la charge du demandeur.

M. Mohamed C... Z... a interjeté appel de ce jugement le 11 janvier 2017. Le 18 avril 2017, cette procédure a été radiée puis rétablie le 19 avril 2017.

Par conclusions déposées au greffe de la cour le 21 avril 2017, M. Mohamed C... Z... demande à la cour, au visa de l'article 21 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, d'annuler le jugement et de dire qu'il est français.

L'appelant soutient que la nationalité française de Toufik Z... n'est pas contestée et qu'elle est établie par le jugement définitif rendu le 25 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris, que les premiers juges ont considéré à tort qu'il ne serait pas recevable à faire la preuve de ce qu'il a la nationalité française en application de l'article 30-3 du code civil, qu'en effet il n'est pas demeuré fixé à l'étranger pendant plus de 50 ans, que l'emploi des termes 'demeuré fixé' implique clairement que la résidence à l'étranger est continue, ininterrompue pendant plus d'un demi-siècle, qu'il vit en France depuis plus de 15 ans, s'y étant établi en 1999, qu'il produit une carte de séjour valable du 2 novembre 2005 au 1er novembre 2015, que ses enfants sont nés en France. Il ajoute que la notion de fixation à l'étranger diffère de celle de possession d'état de Français de sorte qu'il ne peut être soutenu que cette résidence en France ne ferait pas obstacle au jeu de l'article 30-3 du code civil, que les conditions de cet article sont cumulatives et que le défaut de l'une d'entre elles est de nature à faire échec au jeu de cette disposition, que la fin de non-recevoir ne saurait prospérer et qu'il y a lieu d'annuler le jugement.

Le ministère public a conclu le 4 juillet 2017 à la confirmation du jugement, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait injonction à l'intéressé, en application de l'article 11 du code de procédure civile, de produire ses avis d'imposition justifiant de sa qualité de contribuable entre 1999 et 2017, de confirmer de jugement, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de statuer sur les dépens.

Le ministère public fait valoir que l'appelant ne justifie pas de la possession d'état de Français, qu'il n'établit ni n'allègue que Toufik Z... ait eu la possession d'état de Français postérieurement à l'indépendance de l'Algérie, que le jugement rendu le 25 novembre 2016 qui a déclaré français Robert Y..., devenu Toufik Z..., ne constitue pas un élément utile de possession d'état de Français puisque postérieur au 4 juillet 2012 alors que l'appelant n'a formé sa demande que le 8 janvier 2014.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 juin 2018.

SUR QUOI :

Considérant que l'article 30-3 alinéa 1er du code civil établit une fin de non-recevoir à la preuve de la nationalité française par filiation en cas d'absence de possession d'état de l'intéressé lui-même et de son auteur pendant cinquante ans, que selon l'article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée, qu'il résulte du second de ces textes que le juge doit apprécier les conditions d'application de la fin de non-recevoir au jour où il statue ;

Considérant dès lors que le jugement définitif rendu le 25 novembre 2016 qui a fait droit à l'action déclaratoire de Robert Y..., devenu Toufik Z..., et dit qu'il était français en application de l'article 21 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance de 1945, comme enfant né de parents inconnus, dont il résulte que Toufik Z... doit être considéré comme français depuis sa naissance, caractérise la possession d'état de Français de celui-ci, peu important que ce jugement soit intervenu postérieurement au 4 juillet 2012 et que l'appelant ait engagé son action déclaratoire postérieurement à cette date ;

Considérant que cette possession d'état de Français établie à l'égard de l'ascendant revendiqué de M. Mohamed Z... suffit à écarter l'application de l'article 30-3 du code civil dont les conditions ne sont en conséquence pas réunies ; que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a dit l'appelant non recevable à apporter la preuve de sa nationalité française, l'appelant n'invoquant aucun moyen susceptible de constituer une cause d'annulation du jugement ;

Considérant cependant qu'en application de l'article 30 du code civil, il appartient à M.Mohamed Z... qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité françaisesont remplies ;

Considérant que conformément à l'article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » ; que nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article ;

Considérant que M.Mohamed Z... soutient qu'il est français par filiation paternelle, pour être né le [...] à Oran (Algérie) de Robert Y..., devenu Toufik Z..., de nationalité française et de son épouse Houria A..., née à Oran le [...] ;

Qu'à l'appui de sa demande, l'appelant verse aux débats la copie intégrale, délivrée le 2décembre 2013, de l'acte de naissance de Mohammed C... Z... dressé le 5 avril 1983 à Oran, comportant le nom du déclarant qui serait ' Hamid B...fonctionnaire ' ;

Considérant qu'il résulte de l'article 36 du Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 que les actes d'état civil algérien sont dispensés de la formalité de la légalisation à la condition d'être revêtus du sceau et de la signature de l'autorité qui les a délivrés afin de garantir l'authenticité desdits actes, que selon l'article 30 de l'ordonnance n°70-20 du 19 février 1970 relative à l'état civil en Algérie, « les actes d'état civil énoncent l'année, le jour et l'heure où ils sont reçus, les prénoms, nom et qualité de l'officier d'état civil, les prénoms, noms, professions de tous ceux qui y sont dénommés», que l'article 62 précise la liste des seules personnes habilitées à déclarer une naissance ;

Qu'en l'espèce, l'acte de naissance produit par M.Mohamed ou Mohammed Z... ne comporte pas les prénoms et nom de l'officier d'état civil qui l'a dressé, qu'à supposer que cet acte aurait été dressé par ' Hamid B... fonctionnaire ', il n'est pas précisé que celui-ci aurait la qualité d'officier d'état civil, et que manquent alors les nom, prénoms et qualité du déclarant ; que cet acte de naissance n'est donc pas conforme aux dispositions des articles 30 et 62 de l'ordonnance précitée ;

Considérant que les irrégularités dont l'acte de naissance de l'appelant est affecté prive cet acte de toute force probante, que l'appelant échouant à établir la preuve d'un état civil fiable et certain au sens de l'article 47 du code civil et de son lien de filiation avec Robert Y..., devenu Toufik Z..., et ne prétendant à la nationalité française à aucun autre titre, il doit être débouté de sa demande ;

Considérant que M.Mohamed ou Mohammed Z... succombant en sa prétention conservera la charge des dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement qui a déclaré M.Mohamed ou Mohammed Z... irrecevable à faire la preuve de sa nationalité française.

Statuant à nouveau :

Dit que M.Mohamed ou Mohammed Z... est recevable à apporter la preuve de sa nationalité française.

Dit que M.Mohamed ou Mohammed C... Z..., se disant né le [...] à Oran (Algérie), n'est pas de nationalité française.

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M.Mohamed ou Mohammed C... Z... aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/08478
Date de la décision : 23/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°17/08478 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-23;17.08478 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award