Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2018
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00696 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2LXK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 16/03328
APPELANTE
SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU PRACTICE DE VILLIERS SUR MARNE - SEPV SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITE inscrite au RCS de CRETEIL sous le n° 453.362.311. Représentée par son Gérant en exercice et tous représentants légaux, domiciliés [...]
[...]
N° SIRET : 453 362 311 00020
Représentée par Me Laurence B... , avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Ayant pour avocat plaidant Philippe Georges X..., du CABINET GENESIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque: P 225
INTIMEE
Etablissement Public E.P.A. MARNE ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE MARNE LA VALLEE, Etablissement public à caractère industriel et commercial agissant poursuites et diligences de son Directeur général en exercice domicilié [...]
[...]
N° SIRET : 308 213 768 00010
Représentée par Me Frédéric Y... de la SELARL Y... & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume Z..., avocat au barreau de PARIS, toque J 067
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
M. Claude CRETON, Président
M. Dominique GILLES, Conseiller
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Dominique GILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Amédée TOUKO-TOMTA
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Le Directeur départemental de l'équipement à Créteil, par note du 5 juin 2003 adressée au Directeur des services fiscaux du Val-de-Marne, a écrit que le projet de liaison entre la RN 4 et l'autoroute A4 à Champigny-sur-Marne et Villiers-sur Marne figurait au schéma directeur de la Région Île-de-France et justifiait l'acquisition de terrains par l'Etat mais que, puisque ces travaux ne devaient pas être engagés avant une décennie, il consentait à la mise à disposition de ces terrains pour une durée de dix ans.
Par acte du 21 septembre 2004 annexant cette note, le Directeur des services fiscaux à Créteil, pour mettre en oeuvre la décision du Directeur départemental de l'équipement, a approuvé la soumission de la SARL Société d'exploitation du practice de Villiers-sur-Marne (SARL SEPV), en vue de l'occupation précaire, pour la durée de 10 années à compter du 30 septembre 2004 et moyennant une indemnité d'occupation de 2000€ par an, de terrains nus domaniaux situés à Villiers-sur-Marne et appartenant déjà à l'Etat pour 37723 m², ainsi qu'en vue de l'occupation précaire, dans des conditions à modifier par avenant, de certaines parcelles supplémentaires et autres emprises d'anciens chemins ruraux que l'Etat devait encore acquérir, dans la même commune.
La SARL SEPV s'est engagée dans cette soumission à utiliser les terrains pour la réalisation d'un practice de golf, à l'exclusion de toute autre destination.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 juin 2014, l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (EPAMARNE), en sa qualité de nouveau propriétaire des terrains à la suite d'une attribution par l'Etat, a informé cette société de sa décision de ne pas reconduire la convention d'occupation précaire à son échéance du 30 septembre 2014.
Cette lettre a mis la SARL SEPV en demeure de restituer les terrains et de réaliser un relevé topographique des lieux, comme prévu par les termes de la soumission.
Néanmoins, par acte sous seing privé du 24 novembre 2014, EPAMARNE a consenti une convention d'occupation précaire à la SARL SEPV, pour un ensemble de terrains d'une superficie de 35200 m² environ, moyennant une redevance de 2000€ par an, pour la durée maximum de 2 ans avec rétroactivité à la date du 1er octobre 2014.
Cette convention exprime expressément être placée sous le régime juridique de l'article L 221-2 du code de l'urbanisme et indique exclure l'application du régime des baux commerciaux.
Elle précise qu'EPAMARNE, hors toute faute de l'occupant, pourra révoquer l'autorisation d'occupation précaire en donnant un préavis de trois mois par lettre recommandée avec accusé de réception, l'indemnité d'occupation restant acquise au propriétaire.
Par lettre recommandée datée du 8 décembre 2015, EPAMARNE a notifié à la SARL SEPV la révocation de cette convention, à effet au 1er octobre 2016, exposant qu'il avait besoin de recouvrer l'usage des terrains pour procéder aux travaux préparatoires nécessaires à la mise en oeuvre de la ZAC Marne Europe, travaux liés notamment aux diagnostics archéologiques. La SARL SEPV ayant marqué sa résistance à quitter les lieux sans recevoir d'indemnité, EPAMARNE, autorisé par ordonnance sur requête, l'a assignée à jour fixe, par acte extrajudiciaire du 9 août 2016, pour voir ordonner son expulsion.
C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Meaux, par jugement du 22 décembre 2016, a :
- débouté la SARL SEPV de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- dit que cette société n'était pas prescrite, en vertu de l'article L 145-60 du code de commerce, en sa demande de requalification de la convention d'occupation précaire du 21 septembre 2004,
- débouté cette société de toutes ses demandes,
- ordonné son expulsion, au besoin avec le concours de la force publique, desdes parcelles cadastrées section AX n°s [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] à Villiers-sur-Marne ;
- autorisé l'établissement public EPAMARNE à faire enlever tous meubles et objets se trouvant sur les lieux, aux frais et risques de l'expulsée,
- débouté l'établissement public de ses autres demandes,
- condamné la SARL SEPV à payer à l'établissement public une somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le jugement a été exécuté avec le concours de la force publique le 23 février 2017.
Par dernières conclusions du 13 septembre 2018, la SARL SEPV demande à la Cour de:
- vu l'adage 'fraus omnia corrumpit';
- vu les articles L 145-5-1 et L 145-1 'et suivants' du code de commerce ;
- vu les articles 1104, 1108, 1112-1 et 1131 du code civil ;
-vu les articles263 et 565 du code de procédure civile ;
- vu les articles L 221-1 et L 221-2 et L 300-1 du code de l'urbanisme ;
- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que sa demande de requalification de la convention précaire du 21 septembre 2004 n'était pas prescrite et en ce qu'il a débouté EPAMARNE de ses demandes ;
- statuant à nouveau :
- débouter EPAMARNE des moyens d'irrecevabilité contre elle dirigée ;
- dire qu'elle est recevable en ses demandes indemnitaires formées en appel du fait de la survenance de faits nouveaux;
- dire recevable sa demande d'expertise judiciaire pour le cas où les pièces produites seraient insuffisantes à éclairer la Cour;
- dire que la convention du 24 novembre 2014 est nulle pour vice de violence et qu'elle ne pouvait être conclue en raison de l'existence du bail commercial qui rendait les parcelles indisponibles ;
- en conséquence :
* sur le principe de l'indemnité d'éviction :
- dire que la convention d'occupation précaire de 2004 est nulle de nullité absolue à compter de la disparition de son motif légitime de précarité de la soumission à savoir le 18 décembre 2007 au plus tard 'et que ledit bail commercial n'a jamais été dénoncé dans les formes et qu'il produit toujours ses effets' ;
- dire que la convention d'occupation précaire du 24 novembre 2014 est nulle ainsi que l'acte de résiliation par EPAMARNE du 8 décembre 2015 ;
- dire, si la Cour retenait la validité de la convention d'occupation précaire du 24 novembre 2014 que l'indemnité d'éviction lui reste due ;
* sur le montant de l'indemnité d'éviction :
- à titre principal :
- condamner EPAMARNE à lui verser une indemnité d'éviction
d'un montant total de 2837520€ selon détails précisés par l'attestation du 3 avril 2017 de son expert comptable ;
- à titre subsidiaire :
- ordonner une expertise judiciaire pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction;
* en tout état de cause :
- dire qu'EPAMARNE est irrecevable dans le cadre de la présente instance à demander qu'elle soit condamnée à lui verser une somme de 105900€ au titre des frais d'expulsion;
- débouter EPAMARNE de toutes ses demandes ;
- condamner l'établissement public à lui payer une somme de 10000€ de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
- le condamner à lui payer une somme de 30000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.
Par dernières conclusions du 12 septembre 2018, EPAMARNE prie la Cour de :
- à titre principal :
- dire irrecevables les demandes nouvelles en appel de la SARL SEPV ;
- dire irrecevables les demandes méconnaissant la compétence exclusive du conseiller de la mise en état ;
- en tout état de cause :
- débouter la SARL SEPV de toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- condamner la SARL SEPV à lui verser une somme de 105900€ en remboursement des frais exposés dans le cadre de l'expulsion et non compris dans les dépens ;
- condamner la SARL SEPV à lui payer une somme de 10000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
- Sur la demande d'application du statut des baux commerciaux
Les moyens soutenus par la SARL SEPV au soutien de son appel pour demander la qualification en bail commercial de la relation contractuelle avec EPAMARNE, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
A ces justes motifs il sera ajouté la SARL SEPV soutient essentiellement que l'abandon du projet autoroutier, au plus tard le 18 décembre 2007, a fait disparaître le motif de précarité invoqué pour justifier la convention d'occupation précaire initiale, entraînant dès lors, de plein droit, par suite de la 'nullité' de cette convention, l'application du statut d'ordre public des baux commerciaux. Selon la SARL SEPV, un bail commercial de neuf années s'est ainsi appliqué du 18 décembre 2007 au 18 décembre 2016. La SARL SEPV soutient que ce bail commercial n'ayant jamais été dénoncé dans les formes requises par la loi, il a été renouvelé pour trois années supplémentaires, jusqu'au 18 décembre 2019, de sorte qu'il continue de régir les relations contractuelles entre les parties.
Toutefois, l'article L 145-5-1 du code de commerce pose le principe d'une dérogation à l'application du statut des baux commerciaux pour 'la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances indépendantes de la seule volonté des parties'.
Or, l'article L221-1 du code de l'urbanisme dispose que l'État, les collectivités locales ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes, et les établissements publics fonciers de l'Etat ou locaux sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement foncier répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du même code.
Et l'article L221-2 du même code impose à la personne publique qui s'est rendue acquéreur d'une réserve foncière et qui doit en assurer la gestion, les limites suivantes :
- avant leur utilisation définitive, les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières ne peuvent faire l'objet d'aucune cession en pleine propriété en dehors des cessions que les personnes publiques pourraient se consentir entre elles et celles faites en vue de la réalisation d'opérations pour lesquelles la réserve a été constituée ;
- ces immeubles ne peuvent faire l'objet que de concessions temporaires qui ne confèrent au preneur aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux lorsque l'immeuble est repris en vue de son utilisation définitive.
Il résulte de ces dispositions légales que le statut des baux commerciaux ne s'applique pas aux conventions conclues en application de dispositions législatives particulières, telles les concessions temporaires consenties par les personnes publiques sur leurs réserves foncières.
Il découle de ce principe que l'ordre public attaché au statut des baux commerciaux ne s'oppose pas, en cas de changement de destination d'une réserve foncière survenu en cours d'exécution d'une convention d'occupation temporaire conclue pour sa gestion, à la conclusion d'une nouvelle convention d'occupation temporaire portant sur les mêmes terrains dépendant toujours d'une réserve foncière et qui ne pourra conférer au preneur aucun droit au renouvellement ou au maintien dans les lieux, en cas de reprise en vue de l'utilisation définitive des terrains.
La SARL SEPV soutient que les conditions de validité de la convention d'occupation précaire de 2004 étaient 'vraisemblablement réunies au moment de sa conclusion' (p.13 n°42), tout en formant des critiques à l'égard des conditions de la formation de cet acte. La Cour retiendra que la nullité de la convention de 2004 au moment de sa formation n'est pas caractérisée.
En particulier, la circonstance que la soumission de 2004 n'ait pas mentionné littéralement que l'Etat avait entendu constituer une réserve foncière en vue du projet autoroutier, ou celle que cet acte n'ait visé ni l'article L 221-2 du code de l'urbanisme ni l'article L 300-1 du même code, se trouve sans conséquence sur l'efficacité de cette première convention d'occupation précaire, dans la mesure où la lettre du 5 juin 2003 du Directeur départemental de l'équipement, qui est annexée expressément à la soumission régularisée par M. A... pour la SARL SEPV en cours de formation, précise que c'est le projet autoroutier qui justifie l'acquisition des terrains par l'Etat et que les travaux ne seront pas engagés avant un décennie.
En outre, la soumission rappelle expressément le caractère progressif des acquisitions de terrain en vue de cet objectif d'aménagement, puisque l'Etat s'est engagé à en permettre également l'occupation à titre temporaire, par voie d'avenants. Il résulte de ces éléments que la SARL SEPV ne peut soutenir qu'à l'occasion de la convention de 2004 elle n'aurait pas été informée de la constitution d'une réserve foncière ni que l'Etat aurait été de mauvaise foi en lui consentant l'occupation temporaire des terrains litigieux. Il n'est pas démontré en quoi cette soumission serait irrégulière faute de ne pas viser les articles ci-dessus du code de l'urbanisme et la SARL SEPV ne démontre pas non plus que la constitution d'une réserve foncière n'est pas entrée dans le champ contractuel à l'occasion de cette première convention d'occupation précaire.
Il est établi en l'espèce, par les décisions ci-dessus du Directeur départemental de l'équipement à Créteil et du Directeur des services fiscaux du Val-de-Marne, puis par la décision du ministre de l'égalité des territoires et du logement du 10 janvier 2014 attribuant les terrains à EPAMARNE, laquelle décision vise l'arrêté préfectoral n°2008/459 du 24 janvier 2008 portant changement d'utilisation d'un ensemble immobilier sis à Villiers-sur-Marne, que les terrains litigieux dépendent d'un ensemble immobilier qui avait été acquis par l'Etat en vue de la réalisation d'un projet routier de liaison entre la RN4 et l'autoroute A4 à Champigny-sur-Marne et Villiers-sur-Marne, mais que l'Etat a renoncé à ce projet routier et a transféré les terrains à EPAMARNE en vue de l'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée.
Il est également établi que par acte de vente enregistré le 11 juin 2014, l'Etat a vendu à EPAMARNE les parcelles litigieuses, précisant que la SARL SEPV occupait en totalité les parcelles cadastrées section AX n°s [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], , [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] et qu'elle occupait en partie les parcelles cadastrées AX n°s [...], [...], [...], [...] et [...]. Cet acte de vente précise que la cession s'est effectuée conformément aux dispositions des articles L 21-1 à 4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et de l'article R 3211-28 du code général de la propriété des personnes publiques, en vertu desquelles l'Etat peut céder ces terrains après équipement ou selon convention d'équipement à intervenir, à des personnes publiques ou privées qui s'engageront à les utiliser dans les conditions qui leur seront fixées par un cahier des charge annexé à l'acte de vente, l'immeuble étant cédé en l'espèce en vue de la poursuite de l'aménagement de la ville nouvelle de Marne-le Vallée.
Pour l'application des dispositions de l'article L 221-1 et en premier lieu, il n'est pas établi en l'espèce que la cession en pleine propriété entre l'Etat et EPAMARNE ne soit pas rentrée dans le cadre de celles que les personnes publiques peuvent se consentir entre elles. En second lieu, la connaissance par la SARL SEPV de la disparition du motif de précarité qui avait justifié la première convention, le projet autoroutier, et la connaissance du nouveau motif de précarité invoqué par le nouveau propriétaire, la ZAC 'Marne Europe', est intervenue au plus tard, selon une lettre recommandée d'EPAMARNE à la SARL SEPV du 26 septembre 2014, oralement, le 30 juillet 2014 et, par écrit, à la réception de cette lettre recommandée du 26 septembre 2014 adressant le projet de nouvelle convention d'occupation précaire.
Alors que la convention de 2014 a été signée le 24 novembre 2014, c'est manifestement par erreur que la SARL SEPV soutient dans ses conclusions n'avoir eu connaissance de la disparition de la cause de précarité inhérente à la première convention et de la cause de précarité de la seconde convention à la date du 26 novembre 2014 seulement (p.19 n°81). Il doit être rappelé que la SARL SEPV était mise en demeure de quitter les lieux depuis une lettre du 17 juin 2014.
Par conséquent, il n'est pas prouvé que la SARL SEPV ait été contrainte de signer cette seconde convention sans avoir pu prendre le temps du conseil ni sans avoir pu se prévaloir, avant de signer la seconde convention, du droit du preneur à bail commercial qu'elle affirme avoir détenu depuis la disparition du projet autoroutier.
La circonstance que la SARL SEPV n'aurait pas pu négocier les termes de la convention de 2014, pur contrat d'adhésion, non seulement n'est pas établie, mais encore, quand bien même elle le serait, cela serait dépourvu de conséquence pour l'application du statut des baux commerciaux, puisque c'est le changement de destination de la réserve foncière qui, selon l'appelante, fonde son droit au maintien dans les lieux et qu'elle en était valablement informée dès avant de signer la convention de 2014.
Or, c'est bien parce que la seconde convention a été signée alors qu'existait bel et bien un motif de précarité prévu par la loi, que les dispositions de l'article L 221-2 du code de l'urbanisme rendent radicalement inapplicable le statut des baux commerciaux, sauf à démontrer la nullité de cette seconde convention, preuve que la SARL SEPV ne parvient pas à rapporter.
En effet, s'agissant de cette dernière convention, la SARL SEPV soutient qu'EPAMARNE aurait manqué à son obligation de bonne foi au stade précontractuel, faute de lui avoir jamais fait connaître le motif de constitution d'une réserve foncière ; pourtant cette affirmation est manifestement erronée, puisque la convention de 2014 énonce clairement que les parcelles litigieuses se situent 'au sein de la future ZAC dite 'Marne Europe' et rappelle que la convention est consentie en application 'des dispositions de l'article L 221-2 du code de l'urbanisme', texte qui est propre au régime de gestion des réserves foncières.
La SARL SEPV ne démontre nullement que le motif de constitution d'une réserve foncière incluant les terrains litigieux, en vue de la création de la ZAC, ne serait pas réel ni sérieux. La réalité et le sérieux de ce motif sont au contraire parfaitement caractérisés.
Il n'est pas non plus établi que si la SARL SEPV a renoncé à se prévaloir de la disparition du projet autoroutier et si elle a signé la convention de 2014, ce fut par suite d'une erreur de droit déterminante de sa part, d'une manoeuvre déloyale d'EPAMARNE, d'un dol, d'une violence, d'un abus de dépendance économique ou d'une fraude à ses droits imputable à son cocontractant.
La seule attitude d'EPAMARNE ayant consisté à affirmer à la SARL SEPV, après l'abandon du projet autoroutier, qu'elle serait sans droit ni titre au terme de la convention d'occupation précaire de 2004, ne pourrait suffire à caractériser l'erreur déterminante de l'occupant sur ses droits, ni un vice de son consentement imputable au propriétaire, une faute intentionnelle de celui-ci, son abus de droit ou une fraude au préjudice de l'occupant.
A cet égard, la SARL SEPV, qui expose avoir réalisé des investissements considérables pour exploiter les terrains dans le cadre de la première convention d'occupation précaire, tout en ayant su qu'elle prenait alors le risque de ne pas pouvoir exploiter plus de dix années, ne justifie pas davantage avoir été abusée par EPAMARNE lorsqu'elle a conclu, selon la proposition de l'établissement public, une seconde convention d'occupation précaire de deux années, non renouvelable et expressément révocable avant ce terme, l'acte précisant que les parties étaient d'ores et déjà convenues que la nécessité d'un diagnostic archéologique pourrait remettre en question la durée de la mise à disposition des terrains.
Au total, en 2004 comme en 2014, il est établi que la SARL SEPV a souscrit en connaissance de cause des conventions d'occupation précaire. Elle a délibérément pris le risque d'un défaut de renouvellement à l'échéance décennale de la première, de sorte qu'elle a fait son affaire de l'amortissement de ses investissements sur cette période et, s'agissant de la seconde convention de 2014, elle a délibérément pris le risque d'une fin de la mise à disposition à l'expiration de cette convention à la durée réduite, afin de profiter d'une courte poursuite de l'exploitation qui lui est apparue profitable.
Ce n'est qu'après la mise en demeure de libérer les lieux que la SARL SEPV a prétendu occuper, non au titre d'une convention d'occupation précaire, mais à titre de preneur à bail commercial, alors qu'elle avait pourtant valablement renoncé à cette éventualité en connaissance de cause, en 2014, les conditions d'une nouvelle convention dérogatoire aux statut des baux commerciaux étant réunies, pour la gestion de la réserve foncière en vue de la ZAC 'Marne Europe'.
Il ne peut être retenu qu'EPAMARNE devait à la SARL SEPV l'information selon laquelle celle-ci aurait pu se dispenser de signer la convention d'occupation précaire de 2014 et, à la place, aurait pu le contraindre en justice à subir son occupation dans les termes d'un bail commercial, comme suite à l'abandon du projet autoroutier qui avait permis la première convention d'occupation précaire.
Par conséquent, la convention de 2014 a été valablement conclue par la SARL SEPV qui ne peut plus se prévaloir, dans le cadre de la présente instance, de la nullité de la convention de 2004 qui serait survenue au cours de l'exécution de celle-ci, par suite de l'abandon du projet autoroutier. L'ordre public attaché au statut des baux commerciaux n'a pas empêché en l'espèce la SARL SEPV d'accepter de signer une nouvelle convention d'occupation précaire en présence d'un nouvel objectif assigné à la réserve foncière, lequel a suffi a justifier la conclusion d'une convention dérogatoire au statut des baux commerciaux.
Il n'est pas davantage démontré qu'ait été fallacieux ou frauduleux le motif de reprise en vue de l'objectif de création de la ZAC, tel qu'invoqué dans la lettre du 8 décembre 2015, qui vise la nécessité de permettre le diagnostic archéologique et qui a révoqué la convention de 2014. Il n'est pas établi non plus qu'EPAMARNE ait entretenu indûment, en vue de tromper son cocontractant, un amalgame entre le chantier de la ZAC et celui de la future gare du Grand Paris Express de Bry-Villiers-Champigny.
Il suffit de rappeler, à cet égard, que la convention de 2014 énonce : 'Dans le cadre de la réalisation du futur métro automatique dit 'Grand Paris Express' et de la future gare du Grand Paris Express dénommée Bry/Villiers/Champigny de la ligne 15 Sud, l'EPAMARNE a aujourd'hui le projet de créer en accord avec la commune de Villiers-sur-Marne une ZAC sur ce secteur, dite 'Marne Europe', en cours de concertation.'
Dès lors que la SARL SEPV reconnaît dans ses conclusions que le projet de ZAC et celui de la gare présentent une connexion physique, EPAMARNE n'apparaît pas fautif d'avoir invoqué les nécessités des travaux de la gare, conçue en lien avec la ZAC, s'agissant notamment du diagnostic archéologique concernant l'un et l'autre projets, pour mettre fin à l'occupation précaire litigieuse. Il ne peut être soutenu que la connexité physique des projets serait dépourvue d'opposabilité juridique à la SARL SEPV, dès lors qu'un lien suffisant est établi entre le motif invoqué pour reprendre les terrains, celui du diagnostic archéologique et le projet d'aménagement de la ZAC Marne Europe. Il est établi que le projet de ZAC est, dans la perspective d'aménagement de celle-ci, indissociable de la construction de la gare.
Par conséquent, la SARL SEPV ne peut soutenir avoir été illégalement évincée des parcelles litigieuses, en présence de la convention d'occupation temporaire qu'EPAMARNE a voulu consentir à la Société du Grand Paris (SGP), pour ces même parcelles, afin de permettre les travaux de la gare objet du chantier de SGP. Il n'est pas établi que les nécessités de travaux invoquées par EPAMARNE soient fallacieuses ou caractérisent sa mauvaise foi. Faute d'indication des limites des parcelles litigieuses sur le plan établi par la société Systra invoqué par la SARL SEPV, celle-ci ne justifie pas que la piste de chantier nécessaire à la construction de la gare n'emprunte pas les emprises, objet de la convention de 2014. Les photographies produites ne prouvent pas non plus la mauvaise foi d'EPAMARNE.
Il n'est pas davantage établi que la nature de remblais des parcelles qui supportaient le practice de golf ait rendu inopérant le motif d'urgence invoqué pour le diagnostic archéologique. La mauvaise foi d'EPAMARNE n'est pas non plus démontrée par les clauses de l'avenant à la convention d'occupation temporaire du domaine d'EPAMARNE par la SGP du 24 avril 2017. Ce n'est pas parce qu'EPAMARNE a fait savoir par voie de presse qu'une piste allait être crée au lieu de l'ancien pratice de golf, pour évacuer les déblais, qu'elle est de mauvaise foi au motif qu'un autre tracé a été envisagé par la suite.
Il est établi que c'est SGP qui a officiellement demandé de pouvoir passer sur l'emprise foncière des terrains libérés de toute occupation pour le 1er février 2017, par lettre du 16 juillet 2016 adressée à EPAMARNE. La convention d'occupation précaire de 2014 devait de toutes manières prendre fin au mois d'octobre 2016. EPAMARNE n'est pas fautif non plus d'avoir annoncé par voie de presse qu'elle allait réaliser des investigations géologiques en mars 2017, soit après expiration de la convention d'occupation précaire. La SARL SEPV ne reproche pas valablement à EPAMARNE les retards dans l'avancement effectif des travaux de la ZAC qui, selon elle, lui auraient permis de poursuivre plus longtemps son exploitation. Il convient de relever qu'EPAMARNE ne réalise pas lui-même les travaux en cause et de souligner une nouvelle fois que la convention d'occupation précaire avait prévu de s'achever en octobre 2016.
L'abus de droit et la négligence fautive alléguée d'EPAMARNE dans la mise en oeuvre des conventions de 2004 et de 2014 ne sont pas démontrés. Rien ne prouve que M. A... ait jamais reçu la promesse de l'Etat de devenir cessionnaire des terrains. Si M. A... a installé son domicile dans le logement de fonction du practice de golf, cela n'a rien changé à la nature précaire de l'occupation consentie par l'Etat puis par EPAMARNE.
L'ensemble des moyens de la SARL SEPV apparaissent impropres à fonder la qualification de bail commercial relativement aux conventions d'occupation précaires en cause.
En outre à défaut de tout droit au maintien dans les lieux, nulle indemnité d'éviction ni aucune autre indemnité ne peut être due par le preneur qui s'est maintenu fautivement dans les lieux sans droit ni titre, d'autant que EPAMARNE a laissé à la SARL SEPV, en application de la convention litigieuse, un délai raisonnable et suffisant pour quitter les lieux.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions. Par voie de conséquence les demandes indemnitaires et en expertise de la SARL SEPV seront rejetées.
- Sur la demande d'EPAMARNE en remboursement de frais pour 105900€
Si le jugement entrepris a statué sur les meubles et objets se trouvant sur les parcelles concernées par l'expulsion qu'il a ordonnée, il convient de rappeler que le détail des droits des parties est réglé par le code des procédures civiles d'exécution, sous le contrôle du juge de l'exécution, alors que la Cour n'est en l'espèce nullement saisie en tant que juge de l'exécution et alors qu'une instance en matière d'exécution est pendante devant une autre chambre de la Cour à la suite d'un jugement du juge de l'exécution de Créteil rendu entre les parties relativement à l'expulsion litigieuse.
Les frais d'huissier, dont EPAMARNE réclame que la SARL SEPV soit condamnée à le rembourser à hauteur de 8887,05€, sont demandés sur le fondement d'une liste d'actes qui mélange des frais de signification et autres dépens comprenant ceux de la procédure d'expulsion postérieure au jugement entrepris, des frais de constat sans rapport établi avec la présente procédure, des frais de copie, de vacation d'urgence, des honoraires de correspondance et des frais de placement à l'audience devant le juge de l'exécution, tous frais parmi lesquels la Cour ne peut isoler quelque poste que ce soit qui relèverait de sa compétence plutôt que de celle du juge de l'exécution, étant observé que l'établissement public fonde exclusivement sa demande sur l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution qui ne ressortit pas à la compétence de la Cour au titre de la présente instance.
Les demandes au titre du gardiennage du terrain, pour 15321,44€ et au titre des frais de déménagement, pour 50400€, à supposer qu'il ne s'agisse pas encore de frais relatifs aux difficulté d'exécution de la mesure d'expulsion, ne font l'objet que de devis qui ne prouvent pas la réalité de la dépense alléguée. Les frais de garde-meubles réclamés pour 3120€ sont insuffisamment justifiés par un devis qui ne prouve pas la réalité de la dépense alléguée.
Enfin, EPAMARNE réclame 22850€ au titre des frais de démolition de bâtiments, sans toutefois justifier pour autant de la réalité de la dépense alléguée, à supposer que celle-ci fût en relation avec un manquement contractuel de la SARL SEPV.
La demande d'indemnité d'EPAMARNE à hauteur de 109900€ sera donc rejetée en intégralité.
La SARL SEPV supportera la charge des dépens d'appel et, en équité, versera 2000€ d'indemnité de procédure à EPAMARNE.
PAR CES MOTIFS
Déboute la SARL SEPV de toutes ses demandes indemnitaires et, par voie de conséquence, en expertise
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Rejette en totalité la demande indemnitaire d'EPAMARNE formée à hauteur de 109900€
Condamne la SARL SEPV à payer à EPAMARNE une somme complémentaire de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL SEPV aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT