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18/10/2018 | FRANCE | N°18/03759

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 18 octobre 2018, 18/03759


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 18 OCTOBRE 2018



(n°511, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03759 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5CRB



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/10938





APPELANTS



Monsieur François X... pris en sa quali

té de Président du SYNDICAT DES BIOLOGISTES (SDB)



[...]



Syndicat SYNDICAT DES BIOLOGISTES (SDB) agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domicil...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 18 OCTOBRE 2018

(n°511, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03759 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5CRB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/10938

APPELANTS

Monsieur François X... pris en sa qualité de Président du SYNDICAT DES BIOLOGISTES (SDB)

[...]

Syndicat SYNDICAT DES BIOLOGISTES (SDB) agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentés par Me Stéphane Y... E... D... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistés par Me Xavier Z... de la SCP LUSSAN , avocat au barreau de PARIS, toque : P077

INTIMEE

SAS CERBA HEALTHCARE Société par action simplifiée à associé unique, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domciliés en cette qualité audit siège

[...]

[...]

N° SIRET : 522 942 192

Représentée par Me François A... de l'AARPI A..., avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée par Me Jean-Daniel B... E... C... PRAT , avocat au barreau de PARIS, toque : T12

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Qui ont en délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Anaïs SCHOEPFER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Sonia DAIRAIN, Greffier.

La société Cerba Healthcare est une société holding française qui opère sur le marché de la biologie médicale, notamment en France, via des filiales et un réseau de 320 laboratoires. Depuis les années 2000, elle a mis en place une stratégie d'expansion et intègre à son groupe de nouveaux laboratoires.

Le Syndicat des Biologistes expose être reconnu par les pouvoirs publics comme le premier des syndicats représentatifs de la profession des biologistes médicaux libéraux et défendre, dans une logique sanitaire et non financière, l'objectif de maintien du contrôle des biologistes sur les structures dans lesquelles ils exercent, dans le contexte de l'assouplissement des règles de détention et de contrôle, par les biologistes y exerçant, du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) de biologistes médicaux . Ils entendent, en conséquence, s'opposer à la financiarisation progressive de la biologie médicale française, l'une des meilleures au monde et, à travers elle, de tout le système de santé.

Dénonçant la stratégie de contournement des modifications législatives intervenues depuis la loi du 30 mai 2013 pour contrecarrer l'expansion continue des réseaux de SEL de biologistes libéraux dominés par des investisseurs tiers à la profession, le Syndicat des Biologistes et deux autres syndicats professionnels ont assigné par acte du 29 mars 2017 la société Cerba Healthcare devant le tribunal de grande instance de Pontoise, afin d'obtenir, sur le fondement de la concurrence déloyale et d'une fraude à la loi consistant à contourner les règles garantissant l'indépendance des biologistes médicaux dans les laboratoires, l'annulation de stipulations insérées dans des statuts et dans des pactes d'actionnaires ainsi que des dommages et intérêts.

Soutenant alors être la cible d'actions concertée de ces syndicats en vue de faire échec au développement de sa stratégie de développement, la société Cerba Healthcare a obtenu notamment deux ordonnances sur requête n° 17/1306 et 17/1550 rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris les 26 avril 2017 et 12 mai 2017 désignant un huissier de justice, avec mission de rechercher et prendre copie de fichiers et correspondances électroniques, depuis janvier 2015, appartenant au président du Syndicat des Biologistes, M. X..., à son secrétaire général et à leurs assistantes respectives suivant divers mots-clés.

Le Syndicat des Biologistes et M. X... ont fait assigner, par acte du 26 juillet 2017, la société Cerba Healthcare en référé rétractation de ces ordonnances sur requête devant le président du tribunal de grande instance de Paris.

Par ordonnance de référé contradictoire rendue le 2 février 2018, cette juridiction a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Cerba Healthcare ainsi que leur demande de rétractation et les a condamnés aux dépens.

Une instance en main levée du séquestre des pièces saisies au visa des ordonnances sur requête précitées a été initiée le 11 mars 2018 devant le président du tribunal de grande instance de Paris.

Le Syndicat des Biologistes et M. X... ont fait appel de l'ordonnance de référé du 2 février 2018 suivant déclaration du 16 février 2018 et, par conclusions communiquées par voie électronique le 23 avril 2018, ils demandent à la cour de la réformer et de :

- déclarer la société Cerba Healthcare irrecevable en ses requêtes n°17/1306 et 17/1550 des 26 avril et 12 mai 2017;

- rétracter ces ordonnances sur requête;

- dire que les huissiers instrumentaires devront détruire l'ensemble des éléments recueillis par eux lors de leurs procès verbaux d'intervention ;

- condamner la société Cerba Healthcare à leur verser, chacun, la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Cerba Healthcare, intimée, par conclusions transmises par voie électronique le 22 mai 2018, demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions, rejeter les demandes du Syndicat des Biologistes et de son président et les condamner à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR,

Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il en résulte que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer les responsabilités des désordres qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir et qu'il doit seulement justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions.

Au vu des requêtes précitées, la nécessité de déroger au contradictoire a été dûment étayée ce qui n'est d'ailleurs pas contesté non plus que le respect des dispositions de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile.

Sur l'intérêt à agir de la société Cerba Healthcare

Le Syndicat des Biologistes et M. X... soutiennent en vain que la société Cerba HealthCare dont l'objet social est purement financier, n'est pas un « intéressé » au sens de l'article 145 ou 31 du code de procédure civile, n'étant pas un laboratoire de biologie médicale ayant intérêt à agir du fait de prétendus actes de concurrence déloyale ou d'entente commis sur le marché de la biologie médicale, activité réglementée dont elle ne satisfait pas les critères.

En effet, la société Cerba Healthcare a manifestement un intérêt légitime dès lors que les pratiques délictuelles suspectées sont prétendument constitutives d'ententes anticoncurrentielles, à tout le moins d'actes de concurrence déloyale et de dénigrement des mécanismes qu'elle utilise pour mener les opérations de croissance qu'elle conçoit et met en oeuvre personnellement dans le cadre de son activité opérationnelle centrale et sont prétendument destinées à les paralyser. En conséquence, elles lui porteraient préjudice directement si elles étaient établies, peu important qu'elle soit une société holding qui n'opère pas, le cas échéant, sur le marché de la biologie médicale.

Le Syndicat des Biologistes et M. X... en conviennent au demeurant expressément, qui affirment au point 3 de leur assignation au fond précitée que la société Cerba Healthcare est " le centre névralgique du groupe Cerba (...) qui définit la stratégie (...) identifie et négocie les laboratoires cibles à acquérir (...) .

Les parties reconnaissent par ailleurs que le grief de déloyauté de la société Cerba Healthcare qui aurait masqué dans la présentation de sa requête qu'elle n'est pas un professionnel réglementé de la biologie médicale est, en soi, inopérant.

Sur l'absence de procès en cours

Le Syndicat des Biologistes et M. X... soutiennent, d'une part, que les requêtes ne sont qu'une contre-attaque à l'assignation délivrée le 29 mars 2017 aux "trois structures de tête de la nébuleuse CERBA à savoir la SELAFA Cerba, CEFID et Cerba Healthcare" et placée le 19 avril suivant, soit antérieurement à la première requête, et, d'autre part, que dans un article de La Tribune du 9 juin 2017, comme dans la lettre de sa présidente adressée au Syndicat des Biologistes le 4 juillet 2017, la société Cerba Healthcare a elle-même fait le lien entre les deux actions, au fond et sur requête, le débat de la seconde n'ayant aucune autonomie par rapport à

celui de la première.

La société Cerba Healthcare prétend au contraire que le procès futur à l'appui de sa requête est distinct de celui pendant devant le tribunal de grande instance de Pontoise, aucune des questions soumises au tribunal de grande instance de Pontoise n'ayant trait à l'existence d'une entente anticoncurrentielle, distincte de la concurrence déloyale que lui reproche le Syndicat des Biologistes devant le tribunal de grande instance de Pontoise. Elle fait valoir à cet égard que cette juridiction, qui n'est d'ailleurs pas saisie de demandes reconventionnelles, n'est pas spécialement habilitée à connaître du contentieux des ententes en vertu de l'article R420-3 du code de commerce de sorte que la crainte adverse d'un usage dans la procédure au fond des pièces saisies au visa de l'ordonnance sur requête relève de la "crainte spéculative (et gratuite)" et aboutirait, qui plus est, à restreindre inutilement le champ d'application de l'article 145 du code de procédure civile au mépris du droit fondamental à la preuve.

Au vu des pièces produites, on ne peut à l'évidence retenir que le procès au fond est relatif au même litige que celui qu'envisage la société Cerba Healthcare si la mesure d'instruction litigieuse conforte ses soupçons d'entente, concurrence déloyale et dénigrement des syndicats de biologistes concernés, entre eux et avec leurs adhérents.

En effet, ce procès initié par le Syndicat des Biologistes dont M. X... est le président a certes pour but de dénoncer comme frauduleuse la stratégie que la société Cerba Healthcare met en oeuvre et dont elle prétend qu'elle est paralysée et en tout état de cause dénigrée.

En outre, les thématiques en débat sinon les prétentions de cette instance au fond, d'une part et de l'action en concurrence déloyale envisagée par la société Cerba Healthcare, d'autre part, sont similaires, notamment en ce qu'elles interrogent la licéité de cette stratégie de fusion, fusion acquisition, fusion absorption, arguée de fraude notamment au regard des articles L 6223-5 et 6223-8 du code de la santé publique dans le procès au fond, et de la réaction du Syndicat des Biologistes et de M. X... qu'elle suscite, objet du procès futur envisagé par la société Cerba Healthcare.

Enfin, cette similitude ressort clairement de certains mots-clés de la mesure d'instruction choisis par la société Cerba Healthcare, tels que Cerba, fusion, fusion-acquisition, fusion-absorption, lexobio, 6223-5, 6223-8, présents dans des proportions non négligeables dans l'assignation. Elle témoigne de l'absence d'autonomie juridique et factuelle effective et totale des requêtes par rapport à l'action des syndicats, que confirme la chronologie concomitante des procédures au fond puis sur requête.

Néanmoins, la stratégie de la société Cerba Healthcare, incriminée au fond et la réaction contestée du Syndicat des Biologistes et de M. X..., objet de la mesure d'instruction sont des faits distincts, distinctement qualifiés dans ces deux procès, et relèvent d'ailleurs de juridictions distinctes concernant l'entente alléguée.

Par suite, peu importe qu'il s'infère manifestement de la lettre précitée du 4 juillet 2017 adressée au Syndicat des Biologistes et de l'article susmentionné de la Tribune du 9 juin 2017 que la société Cerba Healthcare, entende expressément assurer sa défense à ce procès par ses requêtes, notamment en ce qu'elles sont susceptibles, s'il y est fait droit et dans cette limite, de lui donner accès à des informations relatives à la mise en oeuvre par le Syndicat des Biologistes et son président dans leur lutte contre sa stratégie de développement.

Sur le motif légitime

La société Cerba Healthcare allègue dans ses requêtes comme en appel un soupçon de double entente, entre les trois syndicats en cause comme au sein de ceux-ci, consistant à fausser le jeu de la concurrence par des actions nocives - dont elle a besoin d'établir l'ampleur - d'obstruction aux opérations de croissance externe du groupe Cerba auprès des Agences Régionales de Santé (ARS) auxquelles elle doit notifier ses opérations de fusions absorptions et auprès des greffiers de plusieurs tribunaux de commerce chargés de délivrer les attestations de conformité de certaines de ses opérations de fusion.

Pour étayer cette allégation, elle invoque diverses condamnations de syndicats pour de tels faits et une consultation du professeur Hervé G... concluant à la licéité de ses opérations. Elle soutient qu'aucun rapport de concurrence avec la victime, qui peut être un consommateur, n'est requis et que le Syndicat des Biologistes et M. X... sont sortis de leur rôle d'information en soutenant une thèse péremptoire fausse qu'aucune juridiction ni autorité n'a jamais approuvée. Elle invoque également la campagne de déstabilisation menée dans la presse spécialisée à l'occasion du procès au fond devant le tribunal de grande instance de Pontoise, de nature à nuire à son groupe dont deux fonds d'investissement, l'un canadien, PSP, l'autre Suisse, Partners Group, viennent de prendre le contrôle et ont décidé d'acquérir son capital pour une somme de 1,8 milliards d'euros.

Le Syndicat des Biologistes et M. X... soutiennent que les faits prétendus d'entente, concurrence déloyale et dénigrement relèvent de leur rôle d'information et de conseil si bien que la société Cerba Healthcare qui n'est pas citée dans les courriers invoqués et qui, faute d'être un acteur du marché de la biologie médicale, n'est pas en concurrence avec les SEL de biologie médicale concernées par ses opérations de croissance externe ne justifie d'aucun procès futur.

Pour conforter la justesse de leur analyse de l'illicéité de la stratégie de la société Cerba Healthcare, ils invoquent un jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2018 qui annule une série de décisions prises par l'ARS de PACA en 2015 et 2016 concernant 7 opérations successives de fusion menées par une filiale de la SELAFA Cerba.

Ils soutiennent encore qu'en tout état de cause, les faits allégués n'ont aucune réalité, la société Cerba Healthcare se plaçant dans la position "schizophrène" tantôt d'un quasi consommateur tantôt d'un opérateur qu'elle ne peut sérieusement prétendre être et la procédure d'enquête étant à l'évidence instrumentalisée en vue du procès au fond qu'ils ont engagé, comme en témoigne le choix des mots clés.

Ils indiquent enfin que le juge des référés se trompe en retenant à son encontre, à l'appui de sa démonstration de la vraisemblance d'une entente, un courrier dont elle n'est pas l'auteur.

Du tout, la cour retient que la société Cerba Healthcare ne dispose pas d'un motif légitime à la mesure d'instruction sollicitée, pour les motifs suivants.

Un syndicat professionnel qui a des prérogatives d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels qu'il représente, n'est pas un acteur économique ou un concurrent. Cependant, il n'est pas exclu par principe du champ d'application des règles garantissant une concurrence libre et non faussée dans l'hypothèse où il sort de sa mission en adoptant un comportement de nature à influer directement ou indirectement celle-ci, notamment par l'incitation de ses adhérents à faire obstacle à la concurrence sur un marché donné en agissant sur les tarifs, les volumes, les acteurs, etc...

En l'espèce, les écrits produits en pièces 9 et 22 de son dossier d'appel par la société Cerba Healthcare, pour étayer ses soupçons d'action concertée menée à son encontre, n'émanent pas du Syndicat des Biologistes ni de M. X... et, au demeurant, les extraits qu'elle cite en page 23 de ses conclusions ne renseignent pas sur la participation du Syndicat des Biologistes au "front uni contre toutes ces dérives" qui y est évoqué.

De même, l'article de la Tribune du 13 mars 2017 produit en pièce 14 n'émane pas du Syndicat des Biologistes et aucun indice en débat ne permet d'associer manifestement ce syndicat au propos de cet article qu'elle dénonce.

En revanche, une lettre à ses adhérents du 20 avril 2017, une lettre adressée à l'ARS d'Ile de France le 4 octobre 2016 et deux communiqués de presse, des 14 octobre 2016 et 21 février 2017 émanent du Syndicat des Biologistes.

La société Cerba Healthcare tire argument du premier de ces documents pour étayer ses soupçons d'action concertée d'entrave, en ce qu'il y est indiqué "dans un document commun, le SDB et le SLBC ont produit leurs observations détaillées...".

Elle invoque le communiqué du 14 octobre 2016 intitulé "achats et fusions : le SDB alerte les tribunaux de commerce et les ARS ", pour étayer la dénonciation de ses opérations auprès des greffes des tribunaux de commerce.

Enfin, elle reproduit comme suit les termes querellés des deux autres documents:

'pour la lettre du 4 octobre 2016 :

« [L]a fusion d'une SEL dérogatoire (en général absorbante) et d'une SEL non dérogatoire (la SEL ' cible), qui aboutit à faire perdre aux biologistes de la SEL non dérogatoire la détention de la majorité du capital, viole le régime législatif exposé plus haut, et est illicite.

Dans ces conditions lorsqu'une opération de fusion entre une SEL dérogatoire et une SEL non dérogatoire est soumise à un greffier de tribunal de commerce, ce dernier ne peut pas délivrer l'attestation de conformité prévue à l'article L. 236-29 du même code, et doit refuser de procéder à l'enregistrement de la fusion.

['] sous couvert d'une prétendue fusion, les acteurs de cette opération ne font que procéder, de façon déguisée, à la vente pure et simple des droits détenus par les associés de la société-cible sur leur laboratoire.

['].

L'opération de fusion est donc constitutive d'une fraude à la loi.

[']

Aussi m'apparaît-il impératif de vous alerter sur l'illicéité absolue ['] d'opérations de fusion de SEL de biologistes médicaux au titre desquelles vous êtes, ou serez peut-être très prochainement, saisi(e), afin que vous ne donniez pas suite à la demande d'enregistrement qui vous est présentée. »

'pour le communiqué du 21 février 2017 :

« Lassés par l'inaction des pouvoirs publics pour faire respecter l'article L. 6223-8 du Code de santé publique, adopté en 2013 par le législateur avec l'appui du Gouvernement pour stopper l'expansion des réseaux financiers dans le secteur de la biologie médicale privée, nous avons entrepris, il y a plus de deux ans, de mener une véritable guérilla juridique.

Et ce, avec deux objectifs :

'obliger les autorités concernées (ARS, ordres, tribunaux de commerce) à prendre connaissance de la loi et surtout à l'appliquer, chacun pour la part qui lui revient.

'Avertir les groupes qui persistent à ignorer la loi que la profession reste vigilante et fera tout pour la faire respecter.

[']

Depuis deux ans, sans relâche, nous avons donc soutenu ou exercé des actions contre des opérations d'acquisition de laboratoires qui ne respectent manifestement pas la loi. [']"

Force est toutefois de constater que les deux derniers documents ainsi querellés sont rédigés en termes juridiques et généraux qui ne visent pas la société Cerba Healthcare. Au demeurant, celle-ci ne prétend pas qu'une de ses opérations en particulier ait été entravée. Dès lors, ces communiqués peuvent à l'évidence se rattacher à la mission d'information, de conseil et de défense de la profession d'un syndicat professionnel de la biologie médicale, fussent-ils pour la société Cerba Healthcare emprunts d'un parti pris militant contestable et relayés dans la presse dans le contexte du procès au fond appelé à trancher la question. Le Syndicat des Biologistes n'étant pas doté de pouvoir normatif ne peut rien imposer aux instances publiques auxquelles il s'adresse et en tout état de cause, compte tenu du caractère public d'un article de presse et de ses éventuels reprises par d'autres organes de presse, un référé probatoire n'apparaît pas utile à la préservation des droits de la société Cerba Healthcare à cet égard.

De même, s'agissant de la lettre aux adhérents précitée du 20 avril 2017, alléguée pour étayer l'existence d'une concertation, la seule référence à un document commun à deux syndicats professionnels partageant la même opinion juridique quant aux opérations telles que celles que mène la société Cerba Healthcare n'est pas de nature à étayer, en soi, la vraisemblance de l'entente alléguée en vue d'y faire obstruction.

En tout état de cause, la société Cerba Healthcare n'explique pas précisément en quoi cette lettre conforte la vraisemblance d'une entrave à ses opérations de croissance externe, subsidiairement, d'actes de concurrence déloyale et de dénigrement, alors même que le Syndicat des Biologistes y rend compte d'un rendez vous du 14 avril précédent à la DGOS pour discuter d'une future circulaire sur la réforme de la biologie médicale destinée aux ARS, réunion au cours de laquelle elle a exposé son opinion ci-dessus rappelée, en terme juridiques et généraux.

De même encore, s'agissant du communiqué du 14 octobre 2016, qui est manifestement destiné à informer les adhérents de l'envoi d'une lettre circulaire par le Syndicat des Biologistes à l'ensemble des ARS et des tribunaux de commerce, afin de leur faire connaître son opinion sur le caractère illégal d'un certain nombre de fusions de SEL de biologistes médicaux, ainsi que sur les conditions de la légalité. En ce qu'elle est adressée par un syndicat professionnel à ses interlocuteurs institutionnels, en vue de la défense des intérêts de la profession concernée, cette initiative n'étaye pas utilement la vraisemblance des soupçons de la société Cerba Healthcare dont il faudrait déterminer l'ampleur.

En définitive, la société Cerba Healthcare ne peut se prévaloir d'un faisceau d'indices graves et concordants suffisant pour rendre ses soupçons vraisemblables, étant observé que la mesure d'instruction sollicitée n'apparaît pas utile au procès que la société Cerba Healthcare envisage d'engager contre le Syndicat des biologistes à qui elle reproche des faits connus, voire même ouvertement revendiqués par ce dernier comme relevant de sa mission syndicale.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions et les ordonnances sur requête n° 17/1306 et 17/1550 en examen rétractées.

Il y a lieu, en conséquence, d'annuler les procès verbaux établis en exécution de ces ordonnances sur requête et d'ordonner la destruction sollicitée de l'intégralité des éléments saisis en exécution de celles-ci.

Conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Cerba Healthcare, partie perdante, doit supporter la charge des dépens et ne peut prétendre à une indemnité de procédure mais doit payer à ce titre au Syndicat des Biologistes et à M. X... la somme indiquée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;

statuant à nouveau et y ajoutant,

RÉTRACTE les ordonnances sur requête n° 17/1306 et 17/1550 rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris les 26 avril et 12 mai 2017;

en conséquence,

ANNULE les procès verbaux établis en exécution de celles-ci et ordonne la destruction de l'intégralité des éléments saisis en exécution de celles-ci;

CONDAMNE la société Cerba Healthcare aux dépens et à payer au Syndicat des Biologistes et à M. X..., chacun la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/03759
Date de la décision : 18/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°18/03759 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-18;18.03759 ?
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