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18/10/2018 | FRANCE | N°17/02214

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 18 octobre 2018, 17/02214


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2018



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02214 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2TM6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/00450





APPELANT

Monsieur C... A...

[...]

Repr

ésenté par Me Thibaut X..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0726



INTIMÉE

SAS SIMONE TEINTURERIE DE LUXE

[...]

Représentée par Me Raphaël Y..., avocat au barreau de PARIS, toque ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02214 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2TM6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/00450

APPELANT

Monsieur C... A...

[...]

Représenté par Me Thibaut X..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0726

INTIMÉE

SAS SIMONE TEINTURERIE DE LUXE

[...]

Représentée par Me Raphaël Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0519

Substitué par Me Angéline Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0519

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseiller

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur A... a été embauché par la SARL Simone Teinturerie de Luxe par contrat à durée indéterminée à compter du 21 juin 2006, en qualité de chauffeur livreur préparateur.

Le 18 juillet 2012, M. A... a été victime d'un accident de travail et a été arrêté jusqu'au 11 octobre 2013.

En raison d'un conflit au sujet du paiement des heures supplémentaires et des congés payés, M. A... a saisi le conseil des Prud'hommes le 22 janvier 2015, pour solliciter le paiement de la somme de 5 129,83 € au titre des salaires de janvier 2012 à janvier 2015, la somme de 512,98 € au titre des congés payés y afférents, la somme de 1 412 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, et celle de 4 402,86 € au titre du paiement de 66 jours de congés non pris.

Arguant de difficultés de pointage, la société Simone Teinturerie de Luxe a convoqué M. A... par courrier remis en main propre en date du 30 mars 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par courrier en date du 16 avril 2015, il a été licencié pour faute grave au motif de «non respect de l'obligation de pointage ».

Un accord transactionnel est intervenu entre les parties et M. A... s'est désisté de son instance introduite le 22 janvier 2015, contre le versement d'une somme de 7 992 € net incluant ses 66 jours de CP, son préavis, son indemnité de licenciement et son rappel de salaire.

M. A... a contesté la validité de cet accord par courrier du 15 décembre 2015, et a saisi le 15 janvier 2016 le Conseil des prud'hommes de Paris, qui par jugement en date du 21 décembre 2016, a constaté la validité de la transaction conclue entre les parties et condamné la société Simone Teinturerie de Luxe à verser à M. A..., les sommes suivantes :

- au titre de rappel de salaires sur minimum conventionnel à compter de janvier 2013 : 843,66 €

- au titre des congés payés afférents : 84,36 €

- outre la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Le jugement lui a été notifié le 2 février 2017, et M. A... a interjeté appel par déclaration transmise le 2 février 2017.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions transmises le 14 juillet 2018, M. A... demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a attribué un rappel de salaires sur minimum conventionnel à compter de janvier 2013, de l'infirmer pour le surplus, et statuant de nouveau, de prononcer la nullité du protocole transactionnel entre les parties, et de condamner, à titre principal, la SAS Simone ' TEINTURERIE DE LUXE à lui payer les sommes suivantes :

- 4 525.24 € au titre du paiement de 66 jours de congés payés non pris

- 1 952.88 € au titre de rappel de salaires d'octobre 2013 et novembre 2013

- 195.28 € au titre des congés payés afférents

- 709 € au titre des congés payés déduits en octobre 2013

- 843.66€ au titre de rappel de salaires sur minimum conventionnel à compter de janvier 2013

- 84.36 € au titre des congés payés afférents :

- 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat de travail

- 3 060 € à l'indemnité légale de licenciement

- 3 400 € à l'indemnité de préavis (2 mois)

- 340 € à l'indemnité de congés payés afférents

- 23 800 € à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (14 mois)

Et à titre subsidiaire de condamner la société Simone Teinturerie de Luxe à verser à M. A..., les sommes suivantes :

- 843.66€ au titre de rappel de salaires sur minimum conventionnel à compter de janvier 2013

- 84.36 € au titre des congés payés afférents

- 10 000€ au titre de dommages et intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat de travail :

Et en tout état de cause :

- Octroyer 1 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure CPH

- Octroyer 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure en appel.

- Ordonner la remise des bulletins de paie et les documents de rupture rectifiés sous astreinte de 20 € par jour de retard.

M. A... soulève la nullité du protocole pour défaut de date, et pour défaut de concessions réciproques réelles.

Il expose qu'aucun élément certain ne permet de déterminer la date de signature du protocole, et qu'en l'absence de date certaine, l'accord ne pourra qu'être annulé ; que par ailleurs, la société s'est bornée à régulariser uniquement de ses droits, et à lui verser des sommes qu'elle lui devait incontestablement, ce qui ne constitue pas une concession au sens de la jurisprudence de la cour de cassation.

M. A... sollicite le paiement des jours de congés non pris suite à son arrêt de travail du 18 juillet 2012 au 11 octobre 2013,soit 66 jours de congés payés à hauteur de

4 525.24 € .

Quant aux salaires et congés payés d'octobre 2013 et novembre 2013, le salarié indique que la société a déduit illégalement des heures et des congés payés parce qu'elle n'avait pas anticipé son retour et n'avait pas prévu de visite médicale de reprise, et qu'elle ne peut lui imputer ce manquement, ce qui justifie le remboursement de la somme de 709 € de congés payés et de 1 952.88 € de rappel de salaire.

S'agissant du rappel de salaire sur minimum conventionnel, M. A... indique qu'il était chauffeur, livreur, préparateur aux termes de ses bulletins de paie et contrat de travail, et qu'au regard de l'avenant 42 à l'annexe I de la convention collective applicable depuis le 1er juillet 1989, la qualification de chauffeur livreur VL correspond à un coefficient 150. ; qu'avec l'entrée en vigueur de la nouvelle classification, il aurait dû se voir appliquer le coefficient 3.1 correspondant dans la grille au poste d'agent de distribution ou agent de service VL.

M. A... expose que la société apparaît de mauvaise foi dans la gestion de son dossier, comportement qui a entraîné un préjudice non négligeable, notamment au vu des retards de plusieurs mois ou années de paiement d'éléments de salaire et de congés payés, et il sollicite des dommages intérêts de ce chef à hauteur de 10 000 €.

M. A... conteste la cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave par courrier du 16 avril 2015 au motif du « non respect de l'obligation de pointage », alors que ces faits ne sont pas clairement démontrés, aucun jour n'étant précisé, ce qui empêche tout contrôle sérieux sur le motif du licenciement. Il ajoute ces faits ne pouvant en tout état de cause lui être reprochés lorsque l'on sait qu'il terminait à un horaire où il ne pouvait plus pointer, l'usine étant fermée ; qu'en tout état de cause, il existe clairement un doute sur la réalité du motif, doute qui doit lui profiter.

Il sollicite de ce chef une indemnité de licenciement égale à 14 mois de salaire, au vu de son âge et de ses difficultés pour retrouver un emploi.

A titre subsidiaire, si la nullité du protocole n'était pas prononcée, M. A... rappelle que le désistement ne peut viser que les sommes prévues dans la transaction, et que ne sont pas mentionnées dans celle-ci :

- Le rappel de salaire sur minimum conventionnel

- Les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Dans ses conclusions transmises le 30 mai 2018, la société Simone Teinturerie de Luxe demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Monsieur A..., et à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la validité de la transaction conclue entre les parties et d'infirmer le jugement en ce qu'elle a été condamnée à verser à Monsieur C... A... certaines sommes, et en tout état de cause, de condamner celui-ci à régler la somme de

3.000 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.

La société Simone Teinturerie de Luxe expose que Monsieur A... n'a cessé de contester l'autorité de son employeur, notamment en ne respectant pas les consignes de pointage ; que dans ce contexte, elle a engagé une procédure de licenciement à l'encontre de Monsieur A... ; que le 30 mars 2015, elle a convoqué Monsieur A... à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement ; que le 16 avril 2015, elle a notifié un licenciement pour faute grave à Monsieur A... ; que dans le cadre de la procédure pendante devant le conseil de prud'hommes de PARIS, les parties se sont rapprochées et un protocole d'accord a été régularisé le 5 mai 2015 ; que l'indemnité transactionnelle d'un montant de 7.992 € a été versée le jour de la signature de l'accord, et que le 15 octobre 2015, Monsieur A... s'est désisté de toute instance et action devant le conseil de prud'hommes de PARIS ; qu'aucun appel n'a été interjeté à l'encontre de cette décision, qui a été notifiée le 10 novembre 2015 à Monsieur A... ; que le 15 décembre 2015, il a contesté, par le biais de son nouveau conseil, la validité du protocole d'accord.

L'intimée indique que les demandes sont irrecevables, du fait de l'existence d'un protocole d'accord valable, l'exemplaire en sa possession étant signé par Monsieur A..., et daté du 5 mai 2015, soit postérieurement à la notification du licenciement intervenu le 16 avril 2015, et chacune des prétentions formulées par Monsieur A... avant la signature du protocole étant contestée par la concluante, de sorte que l'indemnité

transactionnelle de 7.992 € a été versée à titre d'indemnité forfaitaire et globale.

La société intimée conteste à titre infiniment subsidiaire toutes les autres demandes formulées, en soutenant que les congés payés ont été pris par M. A..., et que celui-ci relevait de la convention collective de la filière pressing, laverie et non celle de la location de linge, blanchisserie, et que le coefficient applicable en sa qualité de chauffeur, était le coefficient 2.2. ; qu'il était donc rémunéré au-delà du plancher conventionnel.

Elle conteste l'ensemble des griefs soulevés pour justifier les dommages intérêts demandés, et soutient que les motifs du licenciement sont justifiés, les chauffeurs devant pointer avant de partir faire la tournée du soir. Elle conteste en tout état de cause le quantum demandé à hauteur de 14 mois, sans aucune justification.

Le dossier a été clôturé par ordonnance du 8 août 2018.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes et la validité du protocole transactionnel :

L'irrecevabilité des demandes soulevées par la société SIMONE, et fondée sur le désistement d'instance et d'action, nécessite d'examiner tout d'abord la validité de la transaction du 5 mai 2015, le désistement étant la contrepartie mise à la charge de M. A... aux termes de la transaction.

L'article 2044 du code civil prévoit que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

L'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; s'il en résulte que le juge ne peut, pour se prononcer sur la validité d'une transaction, rechercher, en se livrant à l'examen des preuves, si ces prétentions étaient justifiées, il peut néanmoins se fonder sur les faits invoqués lors de la signature de l'acte, indépendamment de la qualification juridique qui leur a été donnée.

En l'espèce, la transaction conclue entre la société Simone et M. A... indique notamment:

«M. A... prend acte de son licenciement pour faute qui lui a été notifié, de manière régulière, le 16 avril 2015. M. A... renonce à contester tant le principe de son licenciement que le motif ou encore la procédure suivie par la société en tant que concession consentie dans le cadre de la présente transaction, et ce , sans reconnaître le bien fondé de cette mesure. (...) M. A... reconnaît avoir perçu toutes les sommes qui lui étaient dues au titre de l'exécution et la rupture de son contrat de travail en vertu de la loi, de la convention collective et de son contrat de travail, et renonce à toute réclamation à cet égard.

Pour mettre fin à tout litige lié à l'exécution et/ou à la cessation du contrat de travail de M. A..., la société accepte de régler à titre de règlement global et forfaitaire de toutes sommes quelles qu'elles soient, y compris celles qui auraient pu être omises, de verser à M. A... à titre de dommages intérêts, une indemnité transactionnelle forfaitaire et définitive d'un montant net de CSG/CRDS et de charges sociales de 7 992 € en tant que concession consentie dans le cadre de la présente transaction, et ce sans reconnaître le bien fondé des demandes et prétentions de M. A.... Il est entendu que le versement de la somme mentionnée ci-dessus est destinée à réparer l'ensemble des préjudices invoqués par M. A..., toutes causes confondues, à savoir notamment l'entier préjudice moral lié à la rupture de son contrat de travail, tout préjudice de carrière, tout préjudice lié à la perte de son emploi et à l'ensemble des avantages liés à l'exécution de son contrat de travail, sans que cela puisse constituer de quelque manière que ce soit une reconnaissance par la société du caractère infondé de la rupture du contrat de travail de M. A....(...)

M. A... renonce de manière définitive et irrévocable à toute instance ou action à quelque titre que ce soit, liée à l'exécution ou à la cessation de son contrat de travail, à l'encontre de la société Simone ou de toute entité qui pourrait venir aux droits de la société.»


Sur la date :

M. A... conteste tout d'abord la validité de la transaction signée avec son ancien employeur, la société Simone, au motif qu'aucune date n'est mentionnée sur le protocole transactionnel.

Toutefois, si aucune date n'est mentionnée sur l'exemplaire du protocole de M. A..., la date du 5 mai 2015 apparaît sur l'exemplaire en possession de la société Simone.

Cette date est corroborée par celle du chèque de 7 992 € remis lors de la transaction, qui indique '05/05/2015", et par le fait que cette transaction s'est tenue postérieurement au licenciement pour faute de M. A... du 16 avril 2015, auquel le protocole fait référence.

L'absence de mention de la date sur l'exemplaire du protocole n'a donc pas d'incidence sur sa validité, celui-ci ayant eu lieu en tout état de cause postérieurement à la rupture du contrat de travail entre les parties, ce qui n'est pas contesté par M. A....

Sur l'absence de concessions réciproques :

M. A... conteste également la validité de la transaction signée au motif d'une absence de concessions réciproques.

La transaction litigieuse a été conclue entre les parties, alors que la première procédure initiée par M. A..., afin de solliciter le paiement de ses congés et de rappels de salaires, était pendante devant le conseil de Prud'hommes, et alors que M. A... avait été licencié pour faute.

Aux termes du protocole d'accord transactionnel signé entre la société Simone et M. A..., les concessions faites par M. A... étaient la renonciation à contester tant le principe de son licenciement que le motif de celui-ci, et le désistement de la procédure engagée devant le conseil de prud'hommes pour rappel de salaires et paiement de congés payés, ce qu'il a fait par courrier du 20 juillet 2015.

La concession de la société Simone consistait à verser à titre forfaitaire la somme de 7 992 € à M. A..., représentant l'ensemble des préjudices invoqués par celui-ci toutes causes confondues, en paiement de tout préjudice lié à la perte de son emploi et de l'ensemble des avantages liés à l'exécution de son contrat de travail.

Or, les demandes présentées par M. A... lors de la saisine du conseil de prud'hommes le 22 janvier 2015, s'élevaient déjà à la somme totale de 11 461 €, alors que ces prétentions ne comprenaient pas les demandes relatives à son licenciement pour faute, qui s'est produit postérieurement à cette saisine.

Au regard des sommes sollicitées devant le conseil de prud'hommes par M. A... au titre des rappels de salaires et des 66 jours de congés non pris, et du fait que le licenciement du salarié pour faute grave reposait sur une absence de pointage, alors même que ces difficultés de pointage étaient soulevées par M. A... lui-même avant sa procédure de licenciement, et qu'un courrier de l'inspection du travail avait été adressé à ce sujet à l'employeur le 19 mars 2015, soit 10 jours avant la convocation à l'entretien préalable, il apparaît que l'attribution au salarié d'une somme inférieure à celle à laquelle il aurait pu prétendre au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux jours de congés payés non pris, ne peut en toute hypothèse constituer de la part de l'employeur les concessions réelles et appréciables subordonnant la validité de l'accord transactionnel.

Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer nul et de nul effet le protocole transactionnel du 5 mai 2015, de le déclarer inopposable à M. A..., et de ce fait, de déclarer recevables les demandes de celui-ci formées devant la cour.

Sur l'obligation de loyauté :

M. A... sollicite des dommages intérêts à l'encontre de son employeur, pour manquement à l'obligation de loyauté, au vu du déroulement de son contrat de travail depuis l'année 2012, date de l'arrivée du nouveau gérant, et des nombreux courriers envoyés à son employeur pour faire respecter ses droits.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. A... a envoyé de très nombreux courriers recommandés à son employeur pour demander le respect de ses droits à congés, les raisons des retenues sur salaires et faire part des problèmes de pointage, et qu'en réponse au courrier de l'inspection du travail du 19 mars 2015 sollicitant l'employeur pour les difficultés rencontrées par M. A..., celui-ci a été convoqué par courrier du 30 mars 2015 à un entretien préalable au licenciement pour non respect du pointage.

Il apparaît donc que la société Simone n'a pas réagi aux demandes répétées de son salarié, celui-ci ayant dû solliciter à de très nombreuses reprises son employeur pour l'exécution de ses droits, notamment à congés.

Il y a donc lieu de lui accorder la somme de 1 500 € à titre de dommages intérêts pour défaut d'exécution loyale de son contrat de travail.

Sur le paiement des congés payés :

L'article L3141-5 rappelle que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé : 5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle

M. A... sollicite le paiement de 66 jours de congés au titre de la période de son accident du travail du 18 juillet 2012 au 11 octobre 2013.

Il verse aux débats de nombreux courriers adressés au cours de l'année 2013 et 2014 à son employeur pour lui demander la prise de ces jours de congés, et le refus de l'employeur par courrier du 24 juillet 2014 de la prise de ces congés au cours du mois d'août 2014.

La société Simone indique que M. A... aurait pris ses jours de congés en octobre et décembre 2013, lors de son retour.

Toutefois, il résulte d'un courrier du 11 octobre 2013, et d'un courrier du 16 septembre 2014, adressés par M. A... à son employeur, que le salarié s'est présenté le 11 octobre 2013 dans l'entreprise, à la fin de son congé maladie, et qu'aucune visite médicale de reprise ne lui a été proposée. Il a alors refusé de prendre des congés payés dans l'attente de cette visite, son contrat de travail était toujours suspendu.

La société Simone ne verse par ailleurs aucun décompte des jours de congés payés qu'aurait pris M. A... sur la période d'octobre 2013 à octobre 2014, malgré les demandes du conseil de M. A... par courrier du 10 octobre 2014.

L'employeur ne démontrant pas que M. A... a effectivement bénéficié de ses jours de congés, il y a lieu de condamner la société Simone à lui verser la somme de 4 525,24 € au titre des 66 jours de congés payés acquis durant son arrêt de travail lié à son accident de travail du 18 juillet 2012 au mois de juillet 2013.

Sur les salaires d'octobre et novembre 2013 :

M. A... sollicite le paiement des congés payés déduits par l'employeur sur les mois d'octobre et novembre 2013, en indiquant que la société Simone, qui connaissait la date de son retour d'arrêt de travail, n'a pas prévu de visite médicale de reprise, et l'a placé en congés dans l'attente de cette visite, alors que la carence dans la prise de rendez vous ne peut lui être imputée.

La société Simone soutient que M. A... était d'accord pour la prise de ces 30 jours de congés en octobre et novembre 2013.

Toutefois, cet accord est démenti par les courriers adressés par M. A... à son employeur les 11 octobre 2013 et 16 septembre 2014, et rappelés ci-dessus.

Quant aux retenues sur salaire, la société indique qu'il s'agit d'heures non travaillées par le salarié, sans en justifier, malgré les courriers de M. A... du 16 septembre 2014, et de son conseil du 10 octobre 2014, contestant ces retenues.

Il y a donc lieu de condamner la société Simone à lui verser la somme de 709 € au titre des congés payés imposés, et la somme de 1 952,88 € au titre du rappel de salaires sur les mois d'octobre et novembre 2013, outre la somme de 195,28 € au titre des congés payés y afférents.

Sur le rappel de salaire minimum conventionnel :

M. A... sollicite l'application du salaire minimum en vertu de l'avenant 42 à l'annexe 1 de la convention collective, sa qualification de chauffeur livreur VL correspondant à un coefficient 150, alors que son contrat de travail mentionne un coefficient de 130.

La société Simone soutient que la convention collective applicable est celle de la filière «pressing, laverie» et non celle de «la location de linge, blanchisserie», sans en justifier par aucune pièce.

Toutefois, le contrat de travail de M. A... mentionne la convention collective de la blanchisserie, et ses bulletins de paie celle de «la blanchisserie, laverie, nettoyage à sec, pressing», qui correspond en outre à l'activité principale de la société Simone.

Or, cette convention collective comporte un avenant 42 qui mentionne que les chauffeurs livreurs VL se voient appliquer un coefficient de 150, et que ce poste est de niveau III, coefficient 3.1 pour les agents de distribution ou de service VL.

Il n'est pas contestable que M. A..., dont le contrat de travail indique un coefficient de 130, s'est vu attribuer un salaire inférieur au salaire conventionnel minimum de sa catégorie.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes sur ce point, et de condamner la société Simone à lui verser la somme de 843,66 € de ce chef, outre les congés payés y afférents à hauteur de 84,36 €.

Sur le bien-fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 16 avril 2015 notifie à M. A... son licenciement pour faute grave au motif du non respect de l'obligation de pointage.

Cette lettre précise : 'en dépit de nos multiples rappels, vous avez persisté à ne pas pointer chaque matin, au moment de votre arrivée et chaque soir lors de votre départ. Cette procédure a été établie afin de permettre le bon fonctionnement de notre entreprise. Malgré l'avertissement que nous vous avons notifié le 25 février 2015 pour vous rappeler cette procédure, vous avez persisté à ne pas pointer'.

M. A... conteste son licenciement pour faute grave fondé sur le non respect de l'obligation de pointage.

Il résulte des pièces versées aux débats que la société Simone a adressé à l'inspection du travail un courrier daté du 26 février 2015, qui indique que M. A... n'effectue qu'un seul pointage lors de son arrivée à l'atelier, mais aucun pointage le soir.

Ces propos sont en contradiction avec la lettre de licenciement, qui mentionne que M. A... ne pointe ni le matin, ni le soir.

Le courrier de M. A... du 9 mars 2015, adressé à son employeur, précise qu'il conteste l'avertissement donné le 26 février 2015, car il ne peut pointer le soir avant de quitter l'établissement pour partir en tournée, sinon ces heures ne seront pas payées, et parce que son collègue de tournée le dépose chez lui en fin de journée, sans repasser à l'atelier.

La société Simone lui a répondu dans un courrier du 18 mars 2015, que les heures seraient comptées jusqu'à la livraison du dernier hôtel en se basant sur l'heure de départ plus 2h00, et qu'ensuite, il s'agit de temps de trajet.

Par courrier du 19 mars 2015, l'inspection du travail a indiqué à la société Simone que 'la simple prise en compte des heures badgées entre l'arrivée à l'atelier et le départ en tournée ne refléterait pas la totalité des heures travaillées dans la journée, puisqu'une partie importante des heures est réalisée à l'extérieur de l'établissement. De plus, certains salariés ne reviennent pas à l'atelier après leur tournée. M. A... déclare pour son cas, que le collègue avec qui il effectue la tournée, le dépose à son domicile à la fin de la tournée, avant de rentrer chez lui avec le véhicule de l'entreprise. Enfin, l'heure de la fin de la tournée n'est pas forcément compatible avec les horaires d'ouverture de l'atelier. Ainsi le salarié ne peut pas badger si sa tournée se termine après l'heure de fermeture de l'atelier. Vous voudrez bien répondre de manière précise à ces remarques'.

Sans répondre à l'inspection du travail, la société Simone a convoqué M. A... à un entretien préalable par courrier du 30 mars 2015, soit 10 jours après réception du courrier de l'inspection du travail.

Par ailleurs, la société A... ne justifie d'aucune pièce à l'appui de l'absence de pointage de son salarié, en terme de fréquences notamment.

Enfin, M. A... fournit une attestation de M. Mohamed B..., salarié de la société Simone, en date du 9 décembre 2015, indiquant que le gérant de la société Simone exige que les salariés pointent à la sortie à 18h30 - 19h00 avant le départ pour faire la livraison du soir, sans tenir compte du nombre d'heures qu'il fallait pour effectuer et terminer cette tournée, ce qui amenait à terminer la tournée vers 21h30, voir plus.

Il y a donc lieu, au vu de l'ensemble de ces éléments, de constater que la faute grave invoquée n'est pas justifiée.

Par ailleurs, le motif du licenciement, soit l'absence de pointage, faisant l'objet d'une demande d'explication très récente par l'inspection du travail, et étant liée à l'organisation du travail mise en place par l'employeur, qui aboutissait à ne pas décompter l'ensemble des heures effectuées par les salariés, en leur demandant de pointer avant de faire la tournée du soir, il y a lieu de constater que le licenciement de M. A... est également sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires :

Au vu de l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, il y a lieu d'accorder à M. A... les sommes suivantes :

- indemnité de préavis de 2 mois : 3 178,50 €

- congés payés y afférents : 317,85 € ;

- indemnité légale de licenciement : 2 807,67 € au vu de l'ancienneté de 8,8 années.

Par ailleurs, M. A... justifie qu'il était à l'ARE du 19 mai 2015 au 15 juin 2016 au moins, et qu'il n'a pu retrouver un emploi du fait de son âge (56 ans lors du licenciement), alors qu'il a 5 enfants, dont un mineur.

Il y a donc lieu de lui accorder une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 15 800 €.

Il y aura lieu de condamner M. A... à rembourser la somme de 7 992 € versée lors du protocole transactionnel par la société Simone, et d'ordonner la compensation entre ces sommes.

Une somme de 1 500 € sera allouée à M. C... A... au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Simone Teinturerie de Luxe à payer à M. C... A... la somme de 843,66 € à titre de rappel de salaire sur minimum conventionnel, celle de 84,36 € au titre des congés payés y afférents, et la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la remise d'un bulletin de paie conforme ;

Infirme les autres dispositions ;

Déclare recevables les demandes de M. A... ;

Et statuant à nouveau ;

Prononce la nullité du protocole transactionnel du 5 mai 2015 pour défaut de concessions réciproques ;

Condamne la société Simone Teinturerie de Luxe à payer à M. C... A..., les sommes suivantes :

- la somme de 4 525,24 € au titre des 66 jours de congés payés ;

- la somme de 1 952,88 € au titre du rappel de salaires sur les mois d'octobre et novembre 2013 ;

- la somme de 195,28 € au titre des congés payés y afférents ;

- la somme de 709 € au titre des congés payés déduits en octobre 2013 ;

- la somme de 1 500 € à titre de dommages intérêts pour défaut d'exécution loyale du contrat de travail ;

- la somme de 3 178,50 € au titre de l' indemnité de préavis ;

- la somme de 317,85 € au titre des congés payés y afférents ;

- la somme de 2 807,67 € au titre de l' indemnité légale de licenciement ;

- la somme de 15 800 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. A... à rembourser à la société Simone Teinturerie de Luxe la somme de 7 992 € versée lors du protocole transactionnel du 5 mai 2015, et ordonne la compensation entre ces condamnations ;

Ordonne à la société Simone Teinturerie de Luxe la remise des bulletins de paie et des documents de rupture rectifiés à M. A... ;

Condamne la société Simone Teinturerie de Luxe à rembourser aux organismes sociaux les indemnités de chômage versées à M. A..., dans la limite de quatre mois ;

Condamne la société Simone Teinturerie de Luxe au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/02214
Date de la décision : 18/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°17/02214 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-18;17.02214 ?
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