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17/10/2018 | FRANCE | N°17/04001

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 17 octobre 2018, 17/04001


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2018



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04001 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B25TG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2017 du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MELUN - RG n° F 13/00772





APPELANTE



SAS ID LOGISTIC

S FRANCE

[...]

RCS Tarascon n° 433 691 862

Représentée par Me Benjamin X..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0107 substitué à l'audience par Me Y... Z... N..., avocat au barreau de P...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2018

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04001 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B25TG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2017 du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MELUN - RG n° F 13/00772

APPELANTE

SAS ID LOGISTICS FRANCE

[...]

RCS Tarascon n° 433 691 862

Représentée par Me Benjamin X..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0107 substitué à l'audience par Me Y... Z... N..., avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur Mohamed A...

[...]

né le [...] à MELUN (77000)

Représenté par Me Isabelle B... de la SCP MALPEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, rédactrice

Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Mme Aline DELIÈRE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Entre le 28 novembre 2001 et le 9 février 2002 Monsieur A... a été mis à la disposition de la société Laflèche Cavaillonnaise, dans le cadre de contrats de mission conclus avec la société Adecco, en qualité d'employé de bureau.

La société Laflèche Cavaillonnaise l'embauchait, à compter du 11 février 2002, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée converti en contrat à durée indéterminée, toujours en qualité d'employé de bureau.

Le 1er décembre 2005 son contrat de travail était transféré à la société ID Logistics France, en application de l'ancien article L 122'12 du code du travail, il avait alors la qualification d'employé expédition et arrivage, statut employé, coefficient 125, et était affecté au site de Servon Presse.

Par avenant contractuel en date du 1er août 2006, à effet immédiat, il se voyait confier le poste de gestionnaire de stocks, catégorie employé, coefficient 125.

À compter du 01 décembre 2008, suite à la fermeture du site de Servon il était affecté à Châtres.

À partir de janvier 2007 il a été élu ou désigné en tant que représentant du personnel. Par arrêté préfectoral en date du 20 août 2012 il était désigné conseiller du salarié.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 avril 2013 MonsieurA... prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 8 août 2013, Monsieur A... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Melun en requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul, en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, pour harcèlement moral, pour discrimination syndicale, en paiement de l'indemnité forfaitaire pour violation de son statut protecteur, et en paiement de diverses créances salariales et indemnitaires.

Par décision en date du 16 février 2017, le Conseil de Prud'hommes, présidé par le juge départiteur, a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 27avril2013 produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, que Monsieur A... a été victime de discrimination syndicale de harcèlement moral et a condamné la SAS ID Logistics France à lui payer les sommes suivantes :

- 25'000 €en réparation du préjudice moral subi pour discrimination syndicale,

- 25'000 € en réparation du préjudice moral subi pour harcèlement moral,

- 8215,66 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 4868,54 €à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 486,85 euros au titre des congés payés afférents,

- 43'816,86 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 29'211,24 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

- 15'000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de prime de bonus annuel

- 500 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation destinée à pôle emploi,

- 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a dit que l'indemnité pour licenciement nul est assujettie à la CSG et à la CRDS pour la partie excédant le minimum légal fixé par l'article L 1253-3 du code du travail et que les indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents sont assujettis à la CSG et à la CRDS, que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du 30septembre 2013 date de l'audience devant le bureau de conciliation les créances de nature indemnitaire portant intérêt au taux légal à compter du jugement.

Il a ordonné à la SAS ID Logistics France de remettre à Monsieur A... un certificat de travail, des bulletins de paie rectifiés de décembre 2009 à avril 2013 sans la mention « autre » et une attestation destinée à pôle emploi, conformes au jugement sous astreinte de 50 € par jour de retard commençant à courir un mois après la notification de la décision, cela pendant 2 mois.

Il a ordonné la capitalisation des intérêts, le remboursement par la SAS ID Logistics France des indemnités de chômage versées à Monsieur A... du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de 6 mois.

Il a débouté les parties de leurs autres demandes.

Le 20 mars 2017, la SAS ID Logistics France a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 juillet 2018 auxquelles il est expressément fait référence, la SAS ID Logistics France conclut à la réformation du jugement entrepris.

Elle demande à la cour de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. A... doit produire les effets d'une démission, de débouter M. A... de l'intégralité de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 2402,91 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 240,29 euros nets au titre des congés payés afférents, celles de 3000 € et de 5000 € à titre d'amende civile et de dommages-intérêts pour procédure outre deux indemnités d'un montant de 3000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel. À titre subsidiaire elle demande à la cour de fixer l'indemnité pour licenciement nul à la somme de 12'578,08 €, à celle de 7028, 51 € le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement et à la somme de 28'834,82 euros le montant de l'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, et à un euro le montant des dommages intérêts pour délivrance tardive de l'attestation destinée à pôle emploi.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 avril 2018, auxquelles il est expressément fait référence, M. A... demande la confirmation du jugement entrepris, sauf à condamner la SAS ID Logistics France à lui payer :

- 8505,79 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5040,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 504,05 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 18'944,64 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de prime de bonus annuel,

- 45'364,50 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

- 85'688,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, subsidiairement 75'670,50 €, encore plus subsidiairement 42'844,25 euros,

- 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite la condamnation de la SAS ID Logistics France à lui remettre les fiches de paie de décembre 2009 à avril 2013 sans la mention « autre » outre les documents légaux rectifiés conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte.

La procédure a été clôturée le 04 juillet 2018.

MOTIVATION

Liminairement il y a lieu de rappeler que la décision de classement sans suite, par le procureur de la république, le 5 avril 2018, de la plainte de Monsieur A... pour des faits de discrimination/exploitation de personnes vulnérables ne lie pas la cour.

Aux termes des dispositions de l'article L 1132-1 du code du travail aucun salarié ne doit faire l'objet d'une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales.

En application de l'article L 1134-1 du même code il incombe au salarié d'établir les éléments de fait qui laissent présumer l'existence d'une discrimination, et dans une telle hypothèse il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. A... invoque plus particulièrement :

- Un refus de formation: cependant l'employeur justifie du suivi de nombreuses formations par l'intéressé, par exemple entre le 01 mars 2010 et le 31 mai 2011 : 210 heures sur la responsabilité pénale et civile de l'employeur, une initiation au management et gestion des ressources humaines, en sociologie des relations professionnelles, et sur les pratiques de communication professionnelle, dans le cadre du droit individuel à la formation, de même l'employeur a donné en juin 2011 un avis favorable à sa demande dans le cadre du CIF à sa participation à une action de formation type Master 1 en droit social ou, à défaut, à la formation 'diplôme d'établissement responsable juridique en droit social'. Ce fait n'est pas établi.

- La non perception de prime de rendement et de prime de bonus : M. A... qui bénéficiait du statut, et de la rémunération, d'un agent de maîtrise ne peut invoquer une rupture d'égalité avec les contrôleurs relevant du statut d'ouvrier et percevant un salaire de base sensiblement inférieur au sien. M. A... ne produit aucune pièce de nature à établir que les agents de maîtrise, de même statut que lui, percevaient des primes sur objectifs ou bonus cependant l'employeur dans ses écritures ne le conteste pas.

- Une différence de traitement salarial avec Ms C..., D... E... et Pfaff. Ce dernier est cadre, pilote de flux, ni son statut ni son emploi ne sont similaires à ceux de M.A..., la comparaison avec lui ne saurait prospérer. S'agissant des deux premiers ils sont responsables de service de gestion des stocks et ont le statut de cadres, au regard des organigrammes produits il apparaît qu'ils ont successivement, sur le site de Châtres, dirigé une équipe de plusieurs salariés, dont M. A... ; leurs fonctions et l'étendue de leurs responsabilités ne sont pas similaires à celles assumées par M. A..., qui n'a eu aucun subordonné, à aucun moment de l'exécution de son contrat de travail. Ce fait ne sera pas retenu.

- La mention 'Autre' sur ses bulletins de salaire révélerait illégalement ses activités syndicales. L'examen des bulletins de salaire produits démontre que certains portent les mentions 'autres charges' 'ACUCH' avec précision d'une somme dans la colonne employeur, montant. Ces références, qui n'ont rien d'explicites, ne révèlent en rien une activité syndicale. D'autre part les bulletins de salaire comportent des colonnes relatives aux 'informations journalières' avec mention des absences en face des jours calendaires figurent plusieurs types de mentions 'Malad', dont on devine qu'il s'agit des absences pour maladie et 'Pater', 'Congp', 'Naiss', 'AUT' ou 'AUTNR' 'ABNAU'. Le sens de ces derniers sigles n'est en rien manifeste, ils sont susceptibles d'englober plusieurs types d'absences (formation...). On ne peut retenir que l'employeur fait état des heures de délégation syndicale sur les bulletins de paie de M. A... ce fait n'est pas établi.

- Un retrait des tâches et une modification de son contrat de travail décidés unilatéralement par l'employeur : il établit par la production de l'avenant à son contrat de travail, par diverses attestations de salariés ayant travaillé avec lui sur le site de Servon(M. F... chef administratif, M. G... cariste, M. F... agent administratif...), sur le site de Châtres (M. H... responsable d'exploitation,) et de lettres émanant de la directrice des ressources humaines du groupe en date des 04 octobre 2006 et 22 mai 2007, qu'il a été promu et a occupé l'emploi de gestionnaire de stocks sur le site de Servon à compter du 01 août 2006, il était en charge de la gestion du stock du client NMPP, client repris depuis le 01 décembre 2005 par la société ID Logistics. En revanche il n'est pas justifié qu'il avait d'autres salariés sous sa subordination.

Suite à la perte de ce client, et à la fermeture du site de Servon, il a été transféré le 01 décembre 2008 sur le site de Châtres, s'il n'a pas été déclassifié il s'est vu affecter sur un emploi de contrôleur, ainsi que le démontrent, notamment, les organigrammes produits et les attestations de Mme I... contrôleuse, M. J... contrôleur. Il a conservé le même coefficient et la même rémunération qu'antérieurement.

L'emploi de gestionnaire des stocks relève, selon la convention collective applicable, du coefficient 157,5 catégorie agent de maîtrise, le poste de contrôleur du coefficient 120 catégorie ouvrier. Aucun avenant contractuel n'a été signé.

M. A... bénéficie du coefficient 165 depuis avril 2009.

- Un blocage de son évolution de carrière : il établit avoir postulé sur un poste de responsable de gestion des stocks à Brie Comte Robert le 15 avril 2010, sur un poste de responsable qualité à Vert Saint-Denis en septembre 2012, demandes de mutations rejetées.

- Alors qu'il bénéficiait d'une qualification relevant d'un statut d'agent de maîtrise tout en étant affecté sur un emploi d'ouvrier depuis décembre 2008, la société qui par exemple a recruté en interne un responsable de gestions des stocks en janvier 2013, ne lui a fait aucune proposition d'affectation sur un poste relevant de son statut d'agent de maîtrise alors même que d'autres salariés étaient promus en interne. Ce fait est établi.

- Il n'a bénéficié d'aucun entretien annuel d'évaluation.

C'est donc par une juste appréciation des éléments du dossier que le premier juge a considéré que Monsieur A... établit des faits qui permettent de présumer qu'il a été victime de discrimination syndicale.

Il incombe donc à la société ID Logistics France de démontrer que ses décisions reposent sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La mutation géographique de Monsieur A... du site de Servon au site de Châtres fait suite à la fermeture du premier et l'employeur produit plusieurs attestations concordantes de salariés attestant que Monsieur A... a accepté cette dernière. L'absence de toute contestation du salarié à cet égard, corrobore ces dernières. L'accord du salarié est clair, non équivoque et il n'y a pas eu de violation de son statut protecteur de ce fait.

Par ailleurs, les documents versés aux débats, en ce compris l'attestation de MonsieurK..., produite par M. A..., outre celles de M. Nicolas L..., directeur du site de Servon, établissent que l'emploi de gestionnaire de stocks qu'il occupait à Servon concernait la société NMPP (dont l'activité relève de la presse), et qu'il s'agissait de stocks en flux tendus, les produits de presse étant destinés à être rediriger dans la foulée, avec un maximum de capacité dans les locaux de 1500 palettes, et utilisation d'une application informatique propre au client, poste très éloigné de l'emploi de responsable de la gestion des stocks à Châtres ou Brie sur Comte.

Pour autant si cette différence objective peut expliquer que dans un premier temps M.A... n'a pas pu être affecté sur un poste correspondant à sa classification et si l'employeur justifie par la production des attestations susdites que M. A... a, dans ces circonstances, accepté d'être affecté sur un emploi de contrôleur avec maintien de sa rémunération d'agent de maîtrise, cela ne saurait expliquer qu'il soit resté sur un emploi d'ouvrier entre décembre 2008 et la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

De nombreux salariés attestent qu'il supportait mal sa déclassification de fait.

Si la société, comme l'a relevé le premier juge justifie par des critères objectifs que les postes sur lesquels M. A... s'est porté candidat ont été attribués à des personnes plus qualifiées, elle est défaillante à justifier avoir, comme M. M... s'y était engagé en 2009, permis à M. A... d'évoluer vers un poste correspondant à son statut, de même niveau que celui qu'il occupait à Servon, alors même que les bilans sociaux de l'entreprise démontrent qu'entre 2009 et 2012 le nombre d'agents de maîtrise a très sensiblement augmenté. Aucune proposition en ce sens n'a été formulée par l'employeur.

En conséquence, au regard de l'engagement syndical du salarié, l'employeur étant défaillant dans son rapport probatoire, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le salarié a été victime de discrimination syndicale.

En revanche, au regard des éléments produits, il convient de réformer le jugement entrepris et de condamner la société ID Logistics France à lui payer la somme de 15000 € à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale avec intérêts courant au taux légal à compter du 16 février 2017 en application de l'article 1231-7 du Code civil.

* Sur le harcèlement moral :

Aux termes des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, il incombe à Monsieur A... d'établir la matérialité de faits précis et répétés qui permettent, pris dans leur ensemble, de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans cette hypothèse, il incombera à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les éléments susvisés relatifs à la discrimination syndicale et les éléments médicaux versés aux débats, rappelés par le premier juge, permettent de présumer l'existence de faits de harcèlement moral.

C'est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que l'employeur était défaillant à démontrer que les décisions de l'employeur reposaient sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que M. A... a été victime de harcèlement moral.

En revanche il convient au vu des éléments produits par le salarié mais également des avis d'aptitude sans réserve du médecin du travail en date des 28 juin 2010,09 mars 2011, 29 février 2012 et 04 mars 2013, de ramener le montant des dommages intérêts alloués à M.A... à ce titre à la somme de 7 000 €.

* Sur la rupture du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il convient par adoption de motifs de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. A... produit les effets d'un licenciement nul et de confirmer le jugement déféré à cet égard, ainsi qu'en ce qu'il a débouté la société ID Logistics France de ses demandes reconventionnelles en paiement d'indemnité de préavis et des congés payés afférents.

* Sur l'indemnisation du préjudice né du licenciement nul :

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, M. A... qui ne sollicite pas sa réintégration dans l'entreprise a droit à une indemnité qui ne peut-être inférieure aux salaires des six derniers mois; au vu de celui-ci, étant observé que l'imputabilité à l'employeur de son état de santé postérieurement au licenciement n'est pas établie, la société ID Logistics France sera condamnée à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de la date du jugement.

La durée du préavis est de deux mois, s'il avait travaillé le salarié aurait perçu son salaire de base, 2204, 28 € bruts par mois, outre sa prime d'ancienneté d'un montant de 163,80€ bruts et une prime dont la moyenne au cours de dernière année d'activité est de 34,83 €.

En conséquence réformant le jugement entrepris il convient de condamner la SAS IDLogistics France à lui payer les sommes de 4805,82 € bruts et de 480,58 € bruts à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2013 date de réception de la convocation de la société IDLogistics France devant le bureau de conciliation, en application de l'article 1231-6 du code civil.

En application des dispositions de la convention collective applicable, telles que rappelées par le premier juge, Monsieur A... est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement en égal à une somme correspondant à 3/10 de mois par année de présence sur la base du salaire effectif qu'il percevait au moment du licenciement. C'est à bon droit que l'employeur peut observer que les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie ordinaire ne sont pas à prendre en considération dans le calcul de l'ancienneté.

Dès lors le décompte par l'employeur de la durée de celles-ci n'étant pas discutée, il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de condamner la société ID Logistics France à payer à Monsieur A... la somme de 7028,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2013.

* Sur la demande indemnitaire pour violation du statut protecteur :

Monsieur A... dont le contrat de travail a été rompu le 27 avril 2013 se prévaut de sa désignation comme délégué syndical le 4 février 2011 et de sa désignation comme conseiller pouvant assister le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement par arrêté préfectoral en date du 20 août 2012.

Monsieur A... du fait de la violation de son statut protecteur de délégué syndical peut prétendre à une indemnité forfaitaire correspondant à 12 mois de salaire, en revanche en qualité de conseiller du salarié il est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité égale aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'à la fin de la période triennale de révision de la liste en cours au jour de son éviction, dans la limite de trente mois, ou pendant une durée qui ne peut-être inférieure à la période de 12 mois prévue par l'article L2411-3.

La période triennale prenant fin le 20 août 2015 il convient de réformer le jugement entrepris et de condamner la société des logis France à payer à Monsieur A... la somme de 69672,71 € {(2520,25 € x 27) + 2520,25 x 20/31} à titre d'indemnité forfaitaire avec intérêts au taux légal de la date du jugement à hauteur de la somme de 29'211,24euros et à compter de la présente décision pour le surplus.

* Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour perte de la prime de bonus annuel :

M. A... se contente de produire un tableau qu'il a élaboré à partir des primes ou éléments de rémunération divers perçus par Ms D... E..., et C... en qualité non pas de gestionnaire des stocks ou de responsable de gestion des stocks, statut agents de maîtrise mais en qualité de cadres responsables de service de gestion des stocks, de plus ces rémunérations ne sont pas similaires, M. A... opérant une moyenne entre intéressement (perçu par M. C...) et primes exceptionnelles de montant très divers perçues par M. D... E..., outre une prime sur objectifs.

Au regard des éléments qu'il produit M. D... E... ne démontre pas que les agents de maîtrise percevaient une prime sur objectif de deux mois de salaire. Dès lors réformant le jugement entrepris il convient de le débouter de ce chef de demande.

* Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation destinée à pôle emploi:

L'employeur a reçu la lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur A... le 29 avril 2013, dans un délai raisonnable elle a adressé à son ancien salarié, le 6 mai 2013, l'attestation destinée à pôle emploi.

Suite aux demandes de Monsieur A... elle lui a envoyé nouvelle attestation le 19juin2013.

Cependant, la société fait justement observer que le salarié était pris en charge par la sécurité sociale en raison de son arrêt maladie.

Or, il incombe au salarié de justifier du préjudice dont il sollicite la réparation.

Monsieur A... est défaillant dans son rapport probatoire.

En conséquence il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de le débouter de ce chef de demande.

* Sur la demande de remise de bulletins de salaire sans mention 'autre' et des documents de fin de contrat :

Pour les raisons sus-évoquées, la mention 'AUT' étant neutre il ya lieu à infirmation et au rejet de la demande du salarié en remise de bulletins de paie rectifiés.

L'employeur sera condamné à remettre à M. A..., un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail, une attestation destinée à pôle emploi conformes à la présente décision dans le délai d'un mois suivant sa signification sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte.

* Sur le remboursement au Pôle Emploi :

Les dispositions de l'article 1235-4 du code du travail sont d'application stricte et ne s'appliquent pas en cas de nullité du licenciement.

* Sur les autres demandes :

La SAS ID Logistics France qui succombe est mal fondée en ses demandes en paiement d'amende civile et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs. Elle conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. A... qui se verra allouer la somme de 1500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

RÉFORME le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. A... produit les effets d'un licenciement nul,

en ce qu'il a débouté la SAS ID Logistics France de ses demandes reconventionnelle et l'a condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

et statuant de nouveau,

CONDAMNE la SAS ID Logistics France à verser à M. A... les sommes de 15000€ et de 7000 € à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices nés de la discrimination et du harcèlement moral avec intérêts courant au taux légal à compter du 16 février 2017 et capitalisation année par année,

CONDAMNE la SAS ID Logistics France à verser à M. A... la somme de 15 000€ à titre de dommages intérêts pour licenciement nul avec intérêts courant au taux légal à compter du 16 février 2017 et capitalisation année par année,

CONDAMNE la SAS ID Logistics France à verser à M. A... les sommes de 4805,82 € bruts et de 480,58 € bruts à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis et celle de 7028,51 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2013 et capitalisation année par année,

CONDAMNE la SAS ID Logistics France à verser à M. A... la somme de 69672,71€ à titre d'indemnité forfaitaire, avec intérêts au taux légal à compter du 16février 2017 à hauteur de la somme de 29'211,24 euros et à compter de la présente décision pour le surplus et capitalisation année par année,

ORDONNE à la SAS ID Logistics France de remettre à M. A... un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail, une attestation destinée à pôle emploi conformes à la présente décision dans le délai d'un mois suivant sa signification,

DÉBOUTE M. A... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour perte de la prime de bonus annuel, pour remise tardive de l'attestation destinée à pôle emploi, en remise de bulletins de paie rectifiés,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS ID Logistics France à verser à M. A... la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS ID Logistics France aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/04001
Date de la décision : 17/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/04001 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-17;17.04001 ?
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