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10/10/2018 | FRANCE | N°13/11974

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 octobre 2018, 13/11974


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 10 Octobre 2018

(N° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/11974



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 11/10327





APPELANT

Monsieur François X...

[...]

né le [...] à ORAN (ALGÉRIE)

comparant en personne, assisté de

Me Sylvain Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C2081 substitué par Me Benjamin Z..., avocat au barreau de PARIS, toque:C2081





INTIMÉE

SAS PRESSTALIS venant aux droits de la...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 10 Octobre 2018

(N° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/11974

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 11/10327

APPELANT

Monsieur François X...

[...]

né le [...] à ORAN (ALGÉRIE)

comparant en personne, assisté de Me Sylvain Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C2081 substitué par Me Benjamin Z..., avocat au barreau de PARIS, toque:C2081

INTIMÉE

SAS PRESSTALIS venant aux droits de la société SNC SOCIÉTÉ PRESSE PARIS SERVICES

[...]

RCS de Paris n° 529 326 050

représentée par Me David A..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0107 substitué par Me Mathilde C..., avocat au barreau de PARIS, toque : P 107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Madame Séverine TECHER, Vice-présidente placée

Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, greffier lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. François X... a été engagé par la société Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), devenue en décembre 2009 la SARL Presstalis, puis, à compter dejuillet 2011, la SAS Presstalis, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9février 1983, en qualité de commis annexe affecté au sein de l'[...] pour exercer l'activité Paris diffusion presse (PDP).

À compter du 1er juillet 2004, l'activité PDP a été reprise par la société Paris presse service (SPPS), filiale de la société NMPP.

M. X... a, dans ce cadre, signé, le 19juillet 2004, un nouveau contrat de travail au service de la société SPPS et été affecté au sein de l'[...].

Au cours des années 2010 et 2011, une réorganisation de la structure de distribution au sein de la société SPPS a été mise en place.

Revendiquant un droit à réintégration au sein de la société Presstalis, ancienne NMPP, et se plaignant d'un manquement de la société SPPS à ses obligations contractuelles, M.X... a saisi, le 22juillet 2011, le conseil de prud'hommes de Paris.

Par décision rendue le 15 septembre 2011, le bureau de conciliation a:

- ordonné la communication, par transmission ou mise à disposition, du livre d'entrée et de sortie du personnel pour les années 2010-2011 des établissements de Gonesse, Roissy et Clichy des sociétés SPPS et Presstalis,

- rejeté le surplus des demandes,

- et réservé les dépens.

Par jugement rendu le 4novembre 2013, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes statuant au fond en formation de départage a:

- condamné la société SPPS à réintégrer M. X... au sein de la société NMPP devenue Presstalis et à lui faire bénéficier du statut attaché,

- débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- et condamné la société NMPP aux dépens.

Le 16 décembre 2013, M. X... a interjeté appel du jugement.

Par conclusions déposées le 4 juillet 2018, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, M. X... demande à la cour de:

- condamner la société Presstalis à lui payer les sommes suivantes:

* 66 958,08 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et 6695,80 euros au titre des congés payés afférents,

* 23 595,60 euros à titre de rappel de prime de fonction et 2359,56 euros au titre des congés payés afférents,

* 35 638 euros à titre de rappel de 14ème mois et 3 563,80 euros au titre des congés payés afférents,

* 4 163,60 euros à titre de rappel de prime semestrielle hiver et 416,36 euros au titre des congés payés afférents,

* 4 375,60 euros à titre de rappel de prime semestrielle été et 437,56 euros au titre des congés payés afférents,

- subsidiairement, si la cour opérait une compensation entre les rappels de salaire et la prime forfaitaire perçue en 2004, condamner la société Presstalis à lui payer la somme de 72203,96 euros à titre de rappel de salaire,

- infiniment subsidiairement, condamner la société Presstalis à lui payer la somme de 72203,96 euros à titre de dommages et intérêts par suite de l'absence de maintien du statut collectif pendant dix ans contrairement aux salariés du groupe fermé,

- condamner la société Presstalis à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts par suite de la violation de son droit contractuel au retour au sein de la société NMPP dans le contexte des difficultés économiques rencontrées par la société SPPS mais également d'une exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner la société Presstalis à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux (URSSAF, caisse d'assurance vieillesse, caisse de retraite complémentaire) et à lui fournir le justificatif de cette régularisation dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document, avec réserve à la cour de la faculté de liquider cette astreinte,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et ordonner la capitalisation de ces derniers,

- condamner la société Presstalis à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et éventuels frais d'exécution.

Par conclusions déposées le 4 juillet 2018, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la société Presstalis, venant aux droits de la société SPPS, sollicite:

- à titre principal, la réformation du jugement en ce qu'il a ordonné la réintégration de M.X... au sein de la société NMPP et le rejet de toutes les demandes de ce dernier,

- à titre subsidiaire, en cas de confirmation de la décision de réintégration, le rejet de toutes les demandes, en ce compris la demande de dommages et intérêts,

- en tout état de cause, la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

MOTIFS

Sur les conditions de transfert du contrat de travail

L'article L. 122-12 alinéa 2, devenu L. 1224-1, du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Cette disposition s'applique à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

Dès lors que les conditions de l'article L. 122-12 alinéa 2 (L.1224-1), qui est d'ordre public et s'impose aux parties, sont remplies, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit avec le nouvel employeur.

En l'espèce, même si le protocole d'accord d'entreprise sur la modernisation de l'activité Paris diffusion presse (PDP) signé le 2décembre 2003, par la société NMPP et les organisations syndicales, le plan de modernisation qui s'en est suivi, ainsi que le contrat de travail qui a été signé par M. X... à compter du 1er juillet 2004 indiquent:

- le premier, en page 12, 'Conformément aux dispositions légales, à cette date du 1erjanvier 2004, le transfert de l'activité de PDP devrait entraîner le transfert corrélatif des contrats de travail',

- le deuxième, en page 3, 'Ce transfert de l'activité aurait dû entraîner le transfert corrélatif des contrats de travail en vertu des dispositions légales',

- le troisième, en page 1, 'En application des dispositions légales, son contrat de travail devrait donc être transféré en l'état au sein de SPPS',

il ne peut être utilement soutenu que les sociétés NMPP et SPPS se sont délibérément affranchies des dispositions impératives de l'article L.1224-1 du code du travail, en l'absence de démonstration de ce que l'activité transférée, PDP, constituait, avant transfert, une activité économique autonome, les documents susvisés faisant ressortir, au contraire, que, dans le cadre de la création de la filiale SPPS, auprès de laquelle l'activité a été transférée, une nouvelle organisation de travail était envisagée, avec, notamment:

- une nouvelle zone géographique de compétence, aucun élément n'établissant que la zone géographique de l'activité transférée a été reprise,

- de nouvelles structures, soit une unité de coordination, quatre structures de diffusion et un centre de contrôle des invendus,

- et de nouveaux moyens matériels, avec la mécanisation du traitement des flux aller et retour, aucune pièce n'établissant que les moyens corporels et incorporels existants, à l'exclusion du personnel, étaient parallèlement transférés.

Au regard de ces éléments, la cour considère que M. X... ne justifie pas de l'application de l'article L.1224-1 au transfert dont il a fait l'objet à compter du 1er juillet 2004 ni, en conséquence, du droit qu'il revendique au transfert de plein droit de son contrat de travail à cette date.

Il est, dans ces conditions, sans objet d'examiner l'ensemble des man'uvres frauduleuses qui auraient eu pour objet de faire échec à l'application de cette disposition que M. X... invoque.

Les demandes de rappel formulées, nouvellement en cause d'appel, à titre principal et subsidiaire, ainsi que la demande de dommages et intérêts présentée notamment de ce chef à titre infiniment subsidiaire étant fondées sur le droit au transfert intégral du contrat de travail, qui n'est pas reconnu, M. X... doit donc en être débouté.

Sur la mise en 'uvre du droit au retour

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Le protocole d'accord d'entreprise sur la modernisation de l'activité PDP signé le 2décembre 2003, en son article 3.2.4, et le plan de modernisation qui s'en est suivi prévoient une réintégration de droit au sein de la société NMPP des salariés transférés dans la filiale 'au cas où la filiale connaîtrait des difficultés économiques qui la contraindraient à se restructurer ou à réduire ses effectifs', ce qui est repris dans le contrat de travail signé par M. B... à compter du 1er juillet 2004, qui vise des 'difficultés particulières' aux lieu et place des 'difficultés économiques'.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, il ne résulte pas d'une lecture combinée des articles 3.1, qui évoque l'hypothèse d'un droit de retour automatique pour les salariés détachés pendant la période transitoire, soit jusqu'au 31décembre 2005, ce qui n'était pas la situation de M. X..., et 3.2.4 susvisé du protocole d'accord d'entreprise sur la modernisation de l'activité PDP signé le 2décembre 2003, que le droit à réintégration n'avait vocation à s'appliquer qu'en cas de menace sur l'emploi.

Les difficultés économiques rencontrées par la société SPPS, qui l'ont contrainte à se restructurer, notamment en fermant le site de Clichy, sur lequel travaillait M. X..., et qui ont eu des incidences sur le poste de travail de ce dernier dès lors que, par lettre du 25mars2011, l'employeur a informé le salarié de sa réaffectation sur un nouveau site en son sein, situé à Bobigny, constituent donc une hypothèse dans laquelle l'intéressé pouvait revendiquer un droit à réintégration, étant observé que l'intimée ne rapporte aucune preuve de l'absence de postes disponibles au sein de la société NMPP devenue Presstalis qu'elle allègue, faute de produire un registre du personnel, le tableau des embauches qu'elle a établi étant sans valeur probante à cet égard.

En revanche, il n'est pas établi que, dans le cadre de ce droit à réintégration, M. X... recouvrait les droits dont il bénéficiait avant le 1er juillet 2004.

En effet, il est acquis qu'il a choisi un emploi au sein de la société SPPS à compter du 1erjuillet 2004 avec, comme garantie supplémentaire, une indemnité d'un montant de 72000 euros, ce qui a été entériné par la conclusion, le 19juillet 2004, d'un nouveau contrat de travail au terme duquel il a adhéré au statut individuel et collectif de la société SPPS, comprenant de nouvelles modalités de rémunération.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société SPPS à réintégrer M. B... au sein de la société NMPP devenue Presstalis, mais infirmé en ce qu'il lui a enjoint de faire bénéficier le salarié du statut attaché.

Les éléments susvisés permettent de considérer que M. X... n'était pas placé dans la même situation que les salariés ayant quitté la société NMPP en 2006 et qu'il ne peut, en conséquence, invoquer utilement une inégalité de traitement, ce qui conduit à rejeter sa demande de dommages et intérêts présentée nouvellement en cause d'appel sur ce fondement.

La réintégration du salarié au sein de la société NMPP devenue Presstalis n'ayant été effective qu'en 2013, il s'en déduit un manquement de l'intimée et un préjudice pour M.X... qui n'a obtenu ladite réintégration qu'après avoir saisi la juridiction prud'homale.

La cour alloue à ce dernier, par infirmation du jugement sur ce point, la somme de 5000euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Compte tenu des développements qui précèdent, les demandes de régularisation auprès des organismes sociaux et de justification en découlant sont rejetées.

La cour ordonne la capitalisation des intérêts échus pour au moins une année entière, conformément à l'article 1343-2 nouveau du code du travail.

La société Presstalis succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens d'appel, tels que prévus à l'article 695 du code de procédure civile, et à payer à M. X... la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge.

La demande qu'elle a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le statut attaché à la société NMPP était applicable à M. X...après réintégration et rejeté la demande de dommages et intérêts;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que M. X... ne peut prétendre au statut qui lui était applicable avant signature du contrat de travail ayant pris effet le 1er juillet 2004dans le cadre de la réintégration à laquelle il avait droit depuis 2011;

Condamne la SAS Presstalis à payer à M. X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour au moins une année entière;

Ajoutant,

Rejette les demandes de rappel de salaires, de dommages et intérêts par suite de l'absence de maintien du statut collectif pendant dix ans contrairement aux salariés du groupe fermé et de régularisation auprès des organismes sociaux et de justification en découlant;

Condamne la SAS Presstalis aux dépens d'appel et à payer à M. X... la somme de 1000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/11974
Date de la décision : 10/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-10;13.11974 ?
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