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09/10/2018 | FRANCE | N°16/04540

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 09 octobre 2018, 16/04540


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 09 OCTOBRE 2018



(n° 405, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/04540



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/01554





APPELANTE



SARL PERNET DIFFUSION

[...]



N° SIRET : 487 529 539
r>

Représentée par Me Jérôme X... de la SCP Y... - X... - COSSIC, avocat au barreau de PARIS







INTIMES



Maître I... Z...

[...]



né le [...] à CASABLANCA (Maroc)



Représenté par Me Brice J.....

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 09 OCTOBRE 2018

(n° 405, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/04540

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/01554

APPELANTE

SARL PERNET DIFFUSION

[...]

N° SIRET : 487 529 539

Représentée par Me Jérôme X... de la SCP Y... - X... - COSSIC, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Maître I... Z...

[...]

né le [...] à CASABLANCA (Maroc)

Représenté par Me Brice J... AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0031

Ayant pour avocat plaidant Me Aude A... de la SCP A... H... BARET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0458

COMPAGNIE D'ASSURANCES ZURICH INSURANCE PLC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

N° SIRET : 484 373 295

Représentée par Me Marion B..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0947

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Nadyra MOUNIEN, Greffière présent lors du prononcé.

*****

La société Pernet diffusion, ayant son siège social [...], a été créée le 19 décembre 2005 avec une activité de diffuseur de presse.

Suite à un différend avec la SA Omc Gervais (informatique) et la société en charge de l'installation du matériel (la société Desplan) lui ayant vendu un logiciel qu'elle considérait défectueux, la société Pernet diffusion s'est, après appel d'offres à la Bourse du travail, attaché les services de Me I... Z..., avocat.

Une convention d'honoraires a été signée le 27 juillet 2007 prévoyant :

- un honoraire forfaitaire de 3 010 euros HT payable en 6 chèques de 600 euros TTC remis à la signature de la convention,

- un honoraire de résultat correspondant à 15 % de toute somme qui serait allouée au client par les deux sociétés assignées dans cette affaire.

Me Z... a, dans un premier temps, fait assigner la société Desplan et la société Omc Gervais devant le tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir leur condamnation à payer à la société Pernet Diffusion les sommes de :

- 6 662,70 euros au titre de la restitution du prix payé par cette dernière,

- 30 889,68 euros à titre de dommages et intérêts,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 15 octobre 2008, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit de celui de Toulon en application de la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de vente et a condamné la société Pernet diffusion à payer à chacune des sociétés mises en cause la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Pernet Diffusion n'a pas donné suite à la proposition de Me Z... qui lui demandait des honoraires supplémentaires de l'ordre de 2 000 euros HT pour former un contredit de compétence.

Le tribunal de commerce de Toulon, saisi au fond, a, par jugement du 11 mai 2009, ordonné avant dire-droit une expertise confiée à M. C...

Me Z... n'a pas assisté la société Pernet Diffusion durant l'expertise, cette dernière ayant refusé d'acquitter les honoraires complémentaires réclamés pour participer aux réunions d'expertise et produire si nécessaire des écritures.

Le rapport de M. C..., déposé le 31 décembre 2009, a été défavorable à la société Pernet Diffusion.

Me I... Z... a proposé, en mai 2010, à la société Pernet Diffusion, qui a accepté, de faire réaliser une contre-expertise et lui a facturé la somme de 2 500 euros HT pour cette demande et les conclusions additionnelles.

Un rapport d'expertise amiable a été établi le 15 février 2011 par M. D... aux frais de la société Pernet Diffusion.

Par jugement du 19 avril 2012, le tribunal de commerce de Toulon, a précisé que :

- Me Z..., avocat au barreau de Paris, assistant la société Pernet diffusion ne comparaît pas à l'audience,

- il a écrit au tribunal les 12 mai, 16 septembre, 17 janvier pour demander le renvoi de l'affaire à une date ultérieure,

- le tribunal, lors de son audience du 17 janvier 2011, a fait droit à sa demande exprimée par écrit et acceptée par Me Philippe E..., renvoyant l'affaire au 7 février 2011, précisant qu'il s'agissait d'un ultime renvoi avant radiation,

- à l'audience du 7 février 2011, le demandeur n'était ni présent ni représenté, ne présentait aucune pièce, ni conclusions pour s'opposer aux conclusions et demandes reconventionnelles exposées par les sociétés Desplan et Omc Gervais,

- à cette audience, l'affaire a été mise en délibéré après clôture des débats,

- Me Z... a communiqué par fax au tribunal le 9 mai 2011 des éléments partiels de la contre-expertise qu'il avait fait diligenter,

- le tribunal devant lequel l'affaire a été appelée à l'audience du 7 février 2011 a prononcé la clôture des débats et n'ayant présenté aucune demande de note en délibéré, n'a pas retenu les éléments partiels communiqués par la société Pernet Diffusion le 9 mai 2011,

- la société Pernet Diffusion a eu recours à des moyens dilatoires pour ralentir la procédure en ne remettant pas au rôle l'affaire de manière diligente et en sollicitant de nombreux renvois de celle-ci ; elle était non comparante à l'audience du 7 février 2011, puis a essayé d'obtenir une réouverture des débats en mai 2011 après clôture de ceux-ci par la production d'une note en délibéré non sollicitée.

Le tribunal a en définitive condamné la société Pernet Diffusion à payer aux deux sociétés défenderesses :

- la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Pernet diffusion a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 25 juin 2012, après avoir dessaisi Me Z... de ce dossier.

Par arrêt du 22 janvier 2015, la cour d'appel d'Aix en Provence a infirmé le jugement et donné gain de cause à la société Pernet diffusion, condamnant solidairement la société Omc Gervais et la société Desplan à supporter les dépens de 1ère instance et d'appel et à lui payer, outre 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

- 4 413, 24 euros TTC au titre du matériel et du logiciel de remplacement acquis auprès de la société JDC le 17 juillet 2007,

- 2 583, 36 euros TTC au titre de l'avoir du 20 mars 2007,

- 336, 95 euros HT au titre du coût de la restauration du disque dur,

- 9 500 euros au titre de la surcharge de travail et du temps perdu du fait du dysfonctionnement du matériel et du logiciel.

La société Pernet diffusion a également saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris en vue de contester les honoraires de Me Z..., dont elle demandait le remboursement.

Dans sa décision du 3 décembre 2012, le bâtonnier a fixé à 4 000 euros le montant des honoraires

de Me Z... précisant que « les diligences effectuées par la SELARL I... Z... ne sauraient représenter plus de 20 heures de travail effectif » et condamné Me Z... à verser à la société Pernet Diffusion la somme de 1 510 euros HT, représentant la différence entre les honoraires versés de 5 510 euros HT, ainsi que la somme de 194,20 euros à titre de frais non justifiés.

Le 25 janvier 2013, la société Pernet diffusion a saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'engager la responsabilité civile de son ancien avocat, lui demandant le remboursement des sommes suivantes :

- 2000 euros (condamnation au titre de l'article 700 à l'égard des deux sociétés selon le jugement infirmé),

- 10000 euros au titre du préjudice moral,

- 80,41 euros versés à Me F..., huissier de justice,

- 105,00 euros facturés par Me Z... au titre de frais de procédure devant le tribunal de commerce de Paris,

- 104,17 euros versés au greffe du tribunal de commerce de Toulon.

Par jugement du 16 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Pernet Diffusion de ses demandes au motif notamment que bien que « Me Z... ne justifie pas de l'accomplissement de diligences normales (') et qu'il était absent en particulier lors de l'audience où l'affaire a été retenue », « il ne résulte pas des éléments de l'espèce que les manquements imputables à Me Z... auraient entraîné la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ni auraient généré des conséquences préjudiciables autres que celles réparées dans le cadre de l'instance d'appel ». Le tribunal a relevé également, sur la question de la saisine du tribunal de commerce de Paris par Me Z..., que l'argumentation qu'il avait développée aux fins que ce tribunal retienne sa compétence 'ne saurait, d'ailleurs, être considéré comme totalement inappropriée'.

La société Pernet Diffusion, appelante de cette décision, demande à la cour, dans ses dernières conclusions du 26 mai 2017, d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 décembre 2015 et, statuant à nouveau, de :

- juger que Me Z... n'a pas respecté la convention d'honoraires et a manqué à ses obligations dans le cadre de sa mission d'assistance et de représentation de la société Pernet diffusion ;

- juger qu'il existe un lien de causalité entre ses manquements et le préjudice qu'ils ont causé à la société Pernet diffusion ;

- juger que les condamnations prononcées par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence ne concernent pas le préjudice réclamé ;

- condamner solidairement Me Z... et la compagnie Zurich insurance PLC à lui verser en réparation de son préjudice les sommes de :

- 10 000 euros au titre du préjudice moral,

- 6 590 euros TTC et subsidiairement 2 990 euros TTC en remboursement des honoraires indus,

- 5 980 euros TTC en remboursement de l'expertise privée,

- 10 000 euros en réparation du préjudice économique ;

- condamner solidairement Me Z... et la compagnie Zurich insurance PLC à lui payer la somme de 5 000 euros en remboursement des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement Me Z... et la compagnie Zurich insurance PLC aux dépens que Me Jacques-Michel Y..., avocat au barreau de Paris sera autorisé à recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions du 1er août 2017 Me I... Z... et la société Zurich Insurance Plc, intimés, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 décembre 2015 en toutes ses dispositions ;

- rejeter les demandes de la société Pernet diffusion ;

- la condamner à leur payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner en tous les dépens, lesquels seront recouvrés par Me Marion B..., avocat à la cour, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

Considérant que la société Pernet diffusion soutient que Me Z... a commis de nombreux manquements :

* non-respect de la convention d'honoraires et inexécution de bonne foi,

M. Z... n'a pas respecté la convention d'honoraires du 27 juillet 2007 en subordonnant ses nouvelles diligences au règlement d'honoraires complémentaires ; il n'a ainsi pas assisté la société Pernet Diffusion durant l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Toulon car celle-ci avait refusé d'acquitter les honoraires complémentaires qu'il lui réclamait pour participer aux réunions d'expertise et produire si nécessaire des dires alors que la convention d'honoraires qui avait été fixée ne prévoyait pas un tel complément dans une telle hypothèse ; or l'expertise judiciaire s'est révélée défavorable à cause de l'absence d'assistance de son conseil ;

*manquements de M. Z... dans sa mission d'assistance,

- le tribunal de commerce de Toulon ayant relevé que 'la SARL Pernet diffusion a eu recours à des moyens dilatoires pour ralentir la procédure en ne remettant pas au rôle l'affaire de manière diligente et en sollicitant de nombreux renvois' et qu'elle 'était non comparante à l'audience du 7 février 2011"; M. Z... n'a ainsi pas été suffisamment diligent dans la conduite de l'instance.

- Me Z... devait l'assister dans le cadre d'une contre-expertise privée proposée et dans le cadre de la rédaction de conclusions après dépôt du rapport d'expertise ; or, il n'a pas produit de conclusions ni de pièces à la suite de l'expertise judiciaire, ni même à la suite de la contre-expertise ;

- il a demandé et obtenu trois renvois de l'affaire

- il n'a pas comparu à l'audience du 7 février 2011 au motif qu'il n'aurait pas été informé de la date d'audience ; la procédure étant orale devant le tribunal de commerce, il aurait dû prendre attache avec un confrère toulonnais tel qu'il l'avait préconisé mais n'a pas fait, ce qui constitue une faute supplémentaire ; il ne s'est pas davantage enquis auprès du greffe ou du confrère de la nouvelle date d'audience ; devant cette carence, le tribunal de commerce a débouté l'appelante et l'a condamnée à verser aux deux sociétés défenderesses la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

*manquements de Me Z... dans sa mission de représentation ,

en ce qui concerne l'accomplissement des actes de procédure, l'obligation de l'avocat est de résultat ; le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 15 octobre 2008, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Toulon, en application de la clause attributive de compétence dûment inscrite dans les conditions générales de vente et l'a condamnée à payer à chacune des sociétés la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Me Z... aurait dû s'apercevoir de cette clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Toulon , puisqu'elle figurait dans le contrat litigieux et en faire application.

Considérant que l'appelante invoque plusieurs préjudices :

*le préjudice moral,

- par la faute de son avocat qui a ignoré une clause attributive de compétence, la société Pernet diffusion a dû acquitter des frais pour une procédure inutile et a, en outre, été condamnée à verser au total 2 000 euros aux défendeurs ;

- Me Z..., en ne comparaissant pas à l'audience des plaidoiries devant le tribunal de commerce, en ne l'assistant pas lors de l'expertise judiciaire, en ne produisant pas de nouvelles conclusions suite à l'expertise judiciaire ni à l'expertise privée, a réduit à néant les chances de succès de l'action ;

- le tribunal de commerce de Toulon dans son jugement a condamné la société Pernet diffusion à payer aux deux sociétés défenderesses :

- la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- elle a dû attendre 8 ans pour voir son action légitime couronnée de succès grâce à l'action d'un autre avocat ;

- ce préjudice est bien lié aux manquements de Me Z... puisque sans ces manquements, il n'y aurait pas eu de multiples condamnations en première instance ni une si longue attente.

*les préjudices complémentaires

- dans la mesure où la procédure a été inutile et inaccomplie, elle demande le remboursement total des sommes versées pour la saisine du tribunal de commerce de Paris qui s'est déclaré par la suite incompétent et du tribunal de commerce de Toulon qui a rendu son jugement sans qu'aucune écriture ou pièce ne soit régularisée et versée aux débats, soit la somme de 6 590 euros TTC versés à Me Z... au titre de ses honoraires (3 600 euros TTC au titre de la convention d'honoraires + 2 990 euros TTC au titre des honoraires complémentaires non prévus dans la convention et pour l'assister dans le cadre de la contre-expertise non contradictoire, outre la somme versée au titre de l'expertise privée (5 980 euros TTC) ;

*le préjudice économique

- les difficultés économiques de l'activité de diffuseur de presse se sont accrues et ont été aggravées par les conséquences financières découlant du retard des actions en justice qu'elle avait confiées à Me Z... ; le gérant a d'ailleurs dû se résoudre à licencier sa salariée en août 2008;

par la suite, le fonds de commerce de diffuseur de presse a été cédé en février 2009 dans des

conditions financières déplorables, générant une moins-value de près de 60 000 euros ;

- pour commencer une activité de conseil en gestion, marketing et développement commercial

en septembre 2009, le gérant, associé unique, a dû financer personnellement cette nouvelle activité ; ainsi, les comptes de la société font état d'un déficit important à hauteur de 12170 euros en 2007, 14 080 euros en 2008 pour atteindre 53 440 euros en 2009 en raison des frais d'avocat,

d'huissier, des frais de justice et des condamnations judiciaires ; la situation de la société ne s'est inversée qu'en 2010 où elle a réalisé un résultat comptable positif ; elle a subi un préjudice économique important en raison des manquements de Me Z... dans l'accomplissement de ses diligences notamment dans le retard pris du fait de ses fautes ; le préjudice est certain car la perte est chiffrable ;il n'est affecté d'aucun aléa ; le lien de causalité entre la faute de Me Z... et les préjudices ne peut être contesté ;

Considérant que Me I... Z..., intimé, soutient que :

*sur le jugement d'incompétence rendu par le tribunal de commerce de Paris

- le tribunal a jugé que « les arguments relatifs à l'annulation du contrat portant sur le fond, sont inopérants pour statuer sur la compétence », ignorant ainsi les dispositions des article 76 et 77 du code de procédure civile lui permettant de renvoyer l'affaire sur l'incident et le fond pour y répondre par un seul jugement ;

- en tout état de cause, il serait pour le moins contradictoire d'accueillir les effets d'une clause attributive stipulée dans un contrat dont par ailleurs la nullité est demandée ;

- sur cette question d'incompétence, il est démontré que Me Z... a parfaitement rempli son obligation de moyen à l'égard de la société Pernet diffusion ;

- le dossier ayant été transmis au greffe du tribunal de commerce de Toulon, Me Z... a plaidé l'affaire le 12 janvier 2009 et déposé son dossier de plaidoiries avec ses pièces ;

*sur l'expertise judiciaire

- la convention d'honoraires liant la société Pernet diffusion à Me Z... n'avait pas prévu l'intervention de celui-ci à une expertise judiciaire ;

- Me Z... était donc fondé à proposer à sa cliente un honoraire de diligence complémentaire modéré de 500 € HT pour suivre les opérations d'expertise et rédiger d'éventuels dires à l'expert;

- la société Pernet diffusion n'ayant pas donné suite à cette demande, Me Z... n'a pas été mandaté pour assurer les opérations d'expertise et il ne peut lui en être fait grief aujourd'hui.

*sur l'expertise privée

- il avait été convenu entre la société Pernet diffusion et Me Z... que le choix de l'expert relevait de la société Pernet diffusion qui avait reçu de Me Z... la liste des experts judiciaires;

celle-ci, lorsqu'elle s'est préoccupée de ce choix, a rencontré toutefois des difficultés pour parvenir à convaincre un expert judiciaire d'accepter la mission de contester les conclusions d'un autre expert judiciaire ; les renvois successifs ont été motivés par cette difficulté, plusieurs experts ayant décliné la proposition ;

- il est ainsi démontré que les demandes de renvoi de Me Z... ne caractérisent aucunement un manque de diligence de sa part et sont la résultante du peu d'empressement de la société Pernet diffusion à rechercher un expert malgré le calendrier de procédure qui avait été porté à sa connaissance ;

*sur l'absence de comparution à l'audience de plaidoiries du tribunal de commerce de Toulon du 7 février 2011

- après que Me Z... eut demandé un troisième renvoi en vue de l'audience du 17 janvier 2011, il n'a pas été rendu destinataire du bulletin de procédure à l'issue de l'audience du 17 janvier et n'a pas été informé de la date des plaidoiries fixées trois semaines plus tard, au 7 février 2011;

cette absence ne résulte nullement d'une négligence de Me Z..., la société Pernet Diffusion ayant renoncé à financer les services d'un mandataire près le tribunal toulonnais ; alors que le délibéré avait été fixé au 16 mai 2011, quelques jours plus tôt, en méconnaissance de ladite décision, Me Z..., invoquant les éléments de la contre expertise qui venait d'être portée à sa connaissance, demandait au tribunal la réouverture des débats, ce qui lui a été refusé ;

*sur la demande de remboursement des honoraires versés à Me Z...,

en exécution de la décision du bâtonnier, il a adressé au conseil de la société Pernet diffusion, le 9 janvier 2013, un chèque de 2000 euros ; outre le fait que la société Pernet diffusion a accepté cette décision en recevant et encaissant le chèque de 2000 euros, la réclamation de la société Pernet Diffusion ne peut qu'être rejetée compte tenu de ses diligences; il n'a pas suivi les opérations d'expertise judiciaire, laissant le soin de le faire au dirigeant de la société Pernet diffusion qui considérait avoir les qualités techniques requises ; il ne peut être tenu pour responsable du retard mis par sa cliente à rechercher puis trouver un expert pour la contre-expertise amiable ;

*sur la demande de remboursement de la somme de 5 980 euros TTC, coût de l'expertise privée,

- la société Pernet diffusion a eu besoin de solliciter une contre expertise privée pour des raisons économiques, en refusant d'honorer Me Z... lors de la première expertise judiciaire au motif que son dirigeant, M. G..., gérant, qui a suivi toutes les opérations d'expertise judiciaire n'était pas 'totalement ignorant des aspects techniques puisque j'ai un diplôme d'ingénieur en information industrie et plus de vingt ans d'expérience en SSII' ; en outre, devant la cour d'Aix, le rapport d'expertise privée a été versé aux débats et a fait l'objet d'un débat contradictoire, démontrant qu'il n'était pas inutile, contrairement à l'appréciation du tribunal de commerce ;

*sur le préjudice moral et le préjudice économique

- outre le fait que la société Pernet Diffusion ne démontre pas qu'elle a versé les sommes auxquelles elle a été condamnée au paiement et dont elle demande le remboursement, d'autant plus que l'exécution provisoire n'avait pas été ordonnée, ces condamnations ont été annulées par la cour d'Aix en Provence qui a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Toulon ;

- l'action engagée par Me Z..., suivant exploit du 27 juillet 2007, ne peut avoir entraîné les difficultés économiques invoquées aujourd'hui par l'appelante et qui résulteraient du prononcé du jugement du 15 octobre 2008 du tribunal de commerce de Paris, dès lors que le lien de causalité entre son intervention et la situation décrite, liée aux difficultés économiques de l'activité de diffuseur de presse, n'est aucunement établi ;

- la cour d'Aix en Provence a accordé, pour la surcharge de travail généré par le dysfonctionnement du matériel une indemnité de 9 500 euros qui constitue en fait la réparation du préjudice économique et, pour peu qu'une société puisse réellement subir un préjudice moral, la réparation de ce dernier ;

- la demande de réparation du préjudice moral a été rejetée par la cour d'appel d'Aix en Provence, pour la raison qu'elle a décidé de condamner OMC et la société Desplan à payer à la société Pernet diffusion, « en réparation du préjudice subi » les sommes rappelées auparavant ; il a été jugé définitivement que la société Pernet diffusion n'avait pas subi de préjudice moral ;

Considérant que la cour rappelle que, dans sa décision du 3 décembre 2012, la déléguée du bâtonnier, qui a fixé à 4000 euros HT, le montant total des honoraires dûs à la Selarl I... Z..., a précisé que le bâtonnier n'avait pas compétence pour juger de la qualité de l'intervention de l'avocat, c'est à dire de ses éventuelles fautes professionnelles, ce contentieux éventuel relevant de la compétence des juridictions judiciaires ;

Considérant qu'il appartient ainsi à la cour de dire si la société Pernet Diffusion rapporte la preuve de fautes professionnelles de Me I... Z... lui ayant occasionné un préjudice;

Considérant qu'aux termes de la convention d'honoraires qu'il a conclue avec la société Pernet Diffusion représentée par M. G..., le 27 juillet 2007, pour un montant forfaitaire de 3600 euros taxes comprises, outre un honoraire de résultat, Me I... Z... s'engageait à conseiller et représenter le client dans son action judiciaire contre les sociétés OMC Gervais et Desplan ;

Considérant que la prévision d'un honoraire de résultat montrait que le prix forfaitaire s'entendait, en l'absence de toute restriction, à l'ensemble de la procédure habituelle, y compris ses complications prévisibles, comme une expertise judiciaire ;

Considérant en effet qu'eu égard à la nature du litige, une entreprise se plaignant de dysfonctionnement sur le système informatique qui lui a été livré, il était hautement probable que la juridiction saisie recoure à une mesure d'instruction, au cours de laquelle le client, ignorant des règles de procédure et de droit en cause doit être assisté, quand bien-même il disposerait de connaissances informatiques ;

Considérant en conséquence que Me Z..., en subordonnant de nouvelles diligences dans sa mission d'assistance de son client aux opérations d'expertise judiciaire, qui au surplus, présentent un caractère crucial pour l'issue du procès, n'a pas respecté la convention qu'il avait signée, dont le prix intéressant lui avait permis de remporter l'appel d'offres ;

Considérant en revanche que la contre-expertise amiable, par nature non contradictoire, n'est pas une diligence habituelle dans un procès judiciaire ; qu'elle constitue une tentative destinée à contrebalancer dans l'esprit de la juridiction saisie les conclusions défavorables de l'expert judiciaire afin d'obtenir une nouvelle mesure d'instruction judiciaire ; qu'il s'agit en réalité d'un pis aller ; qu'ainsi la cour d'appel d'Aix en Provence a souligné à juste titre qu'il appartenait aux parties de se faire assister s'il y avait lieu par leur propre conseil technique afin d'instaurer un débat contradictoire au cours des expertises judiciaires et non postérieurement ;

Considérant ainsi que s'il n'est pas fautif pour Me C... d'avoir demandé une rémunération pour cette prestation inhabituelle, il sera retenu qu'il s'agissait d'une mesure destinée à pallier son absence lors des opérations de l'expertise judiciaire, de sorte que s'il avait fait son travail d'assistance, contractuellement prévu, au moment de l'expertise judiciaire, il n'y aurait pas eu à tenter d'organiser une expertise amiable, de sorte que l'appelante est fondée à demander des dommages et intérêts correspondant à son coût ;

Considérant qu'outre son absence aux opérations d'expertise et son refus de produire si nécessaire des dires, après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, Me Z... n'a pas assisté son client qui le lui demandait dans la recherche et le choix d'un expert amiable, alors qu'il avait été payé pour la mise en oeuvre de cette mesure ;

Considérant par ailleurs qu'il ne s'est pas présenté à l'audience de renvoi du 7 février 2011, à laquelle l'affaire a été finalement plaidée et mise en délibéré au 19 avril 2012 par le tribunal de commerce de Toulon après prorogation du délibéré initialement fixé au 16 mai 2011 ;

Considérant que Me Z... ne s'est signalé auprès du président du tribunal qu'au mois de mai 2011, demandant en vain la réouverture des débats au motif qu'il n'avait pas été prévenu de l'audience de renvoi ;

Considérant toutefois qu'il appartenait à Me Z..., qui savait qu'aucun mandataire sur place n'avait été pris, sans qu'il justifie que cela était imputable à un refus de la société Pernet Diffusion, de se rapprocher de son confrère et/ou du greffe pour connaître la date de renvoi après l'audience du 17 janvier 2011, ce d'autant qu'il devait savoir qu'après plusieurs renvois le renvoi accordé ne pouvait être que de courte durée ; qu'il a commis une faute en n'accomplissement pas cette diligence essentielle à la bonne fin de la procédure ;

Considérant également que Me Z... a commis une faute en ne respectant pas la clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Lyon, quand bien-même il demandait la nullité du contrat pour dol, ce qui n'est pas la chose la plus facile à obtenir alors que le confrère qui lui a succédé a, plus habilement, placé le litige sur le terrain du manquement au devoir du conseil, ce qui avait pour avantage de déplacer la charge de la preuve sur le cocontractant de la société Pernet Diffusion, d'où le gain du procès en appel ;

Considérant que Me Z... a ainsi commis plusieurs manquements fautifs qui ont occasionné à la société Pernet Diffusion divers préjudices ;

Considérant que la société Pernet Diffusion a dû attendre 8 ans pour obtenir gain de cause après que les carences de Me Z... dans la représentation de sa cliente devant les premiers juges lui eurent fait perdre toute chance de gagner son procès à ce stade ; que, même si la décision de la cour lui a été en définitive favorable et a annulé le jugement qui lui était contraire, il a existé, du fait de cette longue attente, imputable en grande partie aux manquements de Me Z..., et de l'incertitude sur le résultat final, un préjudice moral qui doit être indemnisé par l'octroi d'une somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts, à charge de Me Z..., in solidum avec la société Zurich Insurance PLC ;

Considérant que l'absence d'assistance par Me Z... de sa cliente au cours de l'expertise judiciaire a entraîné des frais d'une expertise amiable (honoraires supplémentaires de 2 990 euros et coût de l'expertise 5 980 euros, soit au total 8970 euros), qui auraient été inutiles si la contradiction avait été donnée à l'expert judiciaire en temps utile et qu'il convient d'allouer à l'appelante à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ; qu'il n'y a en revanche pas lieu d'ordonner, fût-ce à titre de dommages et intérêts, le remboursement des honoraires dont le montant a été fixé par le bâtonnier, ces honoraires correspondant à des diligences réalisées, qui étaient nécessaires ;

Considérant sur le préjudice économique allégué qu'il n'est aucunement établi le lien de causalité entre les difficultés qui ont affecté l'appelante comme tout le secteur de la diffusion de presse, de sorte que les mauvais résultats enregistrés ne peuvent être imputés aux manquements de Me Z...

Considérant enfin que Me Z... devra, in solidum avec la société Zurich Insurance PLC, verser la somme de 5000 euros à la société Pernet Diffusion sur le fondement de l'article 700 pour compenser les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel et supporter les dépens de première instance et d'appel, que Me Jacques-Michel Y..., avocat au barreau de Paris est autorisé à recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Par ces motifs, la cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du 16 décembre 2015 ;

Statuant à nouveau, condamne in solidum M. I... Z... et la société Zurich Insurance PLC à:

- payer à la société Pernet Diffusion la somme de 7500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral,

- payer à la société Pernet Diffusion la somme de 8970 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel,

- payer à la société Pernet Diffusion la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 pour compenser les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

- supporter les dépens de première instance et d'appel, que Me Jacques-Michel Y..., avocat au barreau de Paris, est autorisé à recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres prétentions.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/04540
Date de la décision : 09/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/04540 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-09;16.04540 ?
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