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08/10/2018 | FRANCE | N°17/22268

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 08 octobre 2018, 17/22268


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2018



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22268



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2017 -Tribunal d'Instance de [...] - RG n° [...]





APPELANTE



SA ETAM

Ayant son siège social [...]

Prise en la personne de ses re

présentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Marguerite X... de la SELARL G & G Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1727





INTIMEE



LE MINISTRE DE ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22268

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2017 -Tribunal d'Instance de [...] - RG n° [...]

APPELANTE

SA ETAM

Ayant son siège social [...]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Marguerite X... de la SELARL G & G Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1727

INTIMEE

LE MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES au nom de :

- La Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières, Agence de Poursuites

Ayant ses bureaux [...]

Représentée par M. Sébastien Y..., inspecteur des douanes en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine A..., Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine A... dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Etam est spécialisée dans la distribution d'articles textiles. Entre le 4 janvier 2002 et 17 décembre 2004, elle a importé des articles bonneterie en provenance de Jamaïque dans le cadre de son activité.

La société a bénéficié du régime préférentiel de droits prévu par le protocole n°1 de l'accord de partenariat ACP (Afrique-Caraïbles-Pacifique) dont fait partie la Jamaïque en produisant des certificats EUR 1 visés par les autorités jamaïcaines. A ce titre, les marchandises importées par la société Etam relevant du chapitre 61 doivent être confectionnées à partir de fils pour bénéficier de l'origine préférentielle. Afin de bénéficier du taux de douane préférentiel accordé aux marchandises d'origine jamaïcaine, les importateurs de la Communauté doivent fournir des certificats de circulation EUR 1, utilisés dans le cadre de l'accord, délivrés par les autorités jamaïcaines.

A la suite d'une enquête communautaire menée en Jamaïque en mars 2005, il a été constaté, notamment que ces produits, exportés par deux fournisseurs de la société Etam (les entreprises Gloucestser Industrial et ARH Entreprises, installées dans la zone franche de Garmex et de Kingston) n'étaient pas originaires de Jamaïque au sens des règles de l'accord de Cotonou pour n'avoir pas été fabriqués exclusivement à partir de fils, condition pour bénéficier du traitement tarifaire préférentiel, mais à partir de parties de vêtements provenant de la République Populaire de Chine, quand il ne s'agissait pas de simple ré-exportations de vêtements finis en provenance de Chine.

Il a été relevé à l'encontre de la société Etam une infraction douanière s'analysant en une importation sans déclaration de marchandises prohibées ayant permis d'éluder la somme de 763382 euros au titre des droits et taxes par procès-verbal du 21 octobre 2005.

Cette invalidation se fondait sur les conclusions d'une mission d'enquête communautaire.

La société Etam s'est alors acquittée de la somme de 763382 euros. Elle a introduit une demande de remboursement le 20 octobre 2006. L'instruction de cette demande a été suspendue dans l'attente d'une décision de la Commission européenne saisie d'une demande similaire par un autre Etat membre.

Saisi de la demande de remboursement formée par Etam, le tribunal d'instance de [...] a répondu favorablement à la demande de sursis à statuer jusqu'au prononcé de la décision du tribunel de première instance de la Communauté Européenne dans l'affaire opposant la société El Corte Ingles à la commission européenne.

Par courrier du 6 novembre 2015, la société Etam a, de nouveau, saisi le tribunal d'instance de [...] puisque la juridiction espagnole avait rendu un arrêt au profit de la société El Cortes Ingles, devenu définitif après rejet du pourvoi en cassation.

Par jugement du 10 novembre 2017 , le tribunal d'instance de [...] a débouté la société Etam de l'intégralité de ses demandes et condamné cette dernière à payer à la DNRED la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Etam a relevé appel de ce jugement le 7 décembre 2017.

Par conclusions soutenues à l'audience, la société Etam demande à la cour, au visa des articles 352 et suivants du code des douanes national, 220-2-b, 236 et 239 du code des douanes communautaire, du protocole n° 1 de l'accord de partenariat entre l'Union Européenne et les Pays ACP, de l 'article 6-2 de la CEDH, de la jurisprudence française et communautaire de de l'article 700 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement entrepris et deconstater que:

- la société Etam n'a pas pu exercer son droit d'être entendu dans la phase préalable à la notification d'infraction ;

- les droits de la défense ont été violés ;

- les certificats EUR 1 remis en cause par l'administration des douanes n'ont pas été invalidés par les autorités jamaïcaines ;

- le compte rendu n'établit nullement que les certificats EUR 1 de la société Etam auraient été délivrés à tort ;

- l'absence de force probante du compte rendu ;

- la société Etam est fondée à se prévaloir de l'arrêt El Cortes Ingles et en tirer toutes les conséquences ;

Dire et juger que la notification de la dette douanière effectuée par procès-verbal du 21octobre 2005 est, par conséquent, irrégulière et dépourvue de tout fondement ;

- l'erreur active des autorités jamaïcaines, au sens de l'article 236 du code des douanes communautaire ;

- cette erreur ne pouvait être raisonnablement décelée par la société Etam;

- les manquements des autorités communautaires ;

- l'existence de circonstances particulières au sens de l'article 239 du code des douanes communautaire ;

- la société Etam a observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane et qu'elle a agi de bonne foi.

En conséquence,

- annuler le procès-verbal de notification d'infraction du 21 octobre 2005 ;

- condamner l'administration des douanes à lui rembourser la somme de 763382 euros assorties du paiement des intérêts au taux légal à compter de la date du règlement ;

- condamner l'administration des douanes à lui payer la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions soutenues à l'audience, l'administration des douanes demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société Etam à lui payer une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l'irrégularité du procès-verbal de notification d'infraction

La société Etam expose que le principe de respect des droits de la défense, assuré par la jurisprudence européenne, implique que les droits des parties soient respectés avant même la notification des infractions et que les parties soient informées avant la notification de l'infraction des faits qui leur sont reprochés. C'est donc au seul regard du procès-verbal de notification d'infraction, et non de l'AMR, qu'il faut apprécier la régularité de la procédure ; qu'en l'espèce, l'administration des douanes n'a pas informé la société Etam des faits qui lui étaient reprochés, préalablement à la notification d'infraction.

L'administration des douanes expose que le principe du contradictoire, codifié à l'article 67A du code des douanes, mentionne la notion de «décision faisant grief » ; que la décision prise par l'administration qui fait grief est l'AMR, par lequel elle demande au redevable le montant des droits et taxes exigibles ; qu'en l'espèce, les agents des douanes ont notifié l'infraction à la société Etam par procès-verbal du 21 octobre 2005 qui a adressé un chèque de 763382 euros dès le 27 octobre suivant, soit 6 jours après la rédaction du procès-verbal de notification d'infraction et avant qu'un AMR ait pu être émis.

Ceci étant exposé, en l'espèce, Monsieur Thierry Z..., directeur financier, dûment mandaté pour représenter la société Etam a assisté à la rédaction du procès-verbal de notification d'infraction le 21 octobre 2015. Il est indiqué que sont annexés audit procès-verbal, le procès-verbal du 14 octobre 2004 rédigé dan les locaux de la société Etam qui fonde le début du contrôle et celui du 28 décembre 2004 rédigé dans les locaux de la société STIO, commissionnaire en douane chargé des opérations d'importations de la société Etam ainsi que le compte rendu de l'enquête effectuée par l'Olaf en Jamaïque portant sur les importations dans la Communauté de textiles déclarés d'origine jamaïcaine mais ayant en réalité comme pays d'origine la République Populaire de Chine. Il est mentionné que ledit procès-verbal de notification fait suite aux déclarations recueillies notamment dans le procès-verbal du 14 octobre 2004 auprès de M. Z..., de l'examen des déclarations en douanes d'importation et des pièces qui leur sont jointes ainsi que de tous les documents qui ont été communiqués en application de l'article 65 du code de douanes national. Il est rappelé dans le procès-verbal la possibilité pour la société Etam de saisir, pour avis, dans un délai de deux mois, la commission de conciliation et d'expertise douanière de la contestation portant sur l'origine des marchandises, ce qu'elle indique avoir fait par courrier du 19 décembre 2005. La déclaration du représentant de la société Etam a été retranscrite dans la case prévue à cet effet. La société Etam ne peut pas soutenir n'avoir pas été en mesure de faire connaître son point de vue à l'administration d'autant plus qu'ayant réglé très rapidement, le 27 octobre 2005, la somme correspondant aux droits éludés, aucun AMR n'a donc été émis.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit la procédure régulière.

Sur le fond

La société Etam soutient que les certificats EUR 1 n'ont pas été invalidés par les autorités jamaïcaines ; que la procédure tirée du protocole n°1 de l'accord de partenariat avec les ACP n'a pas été respectée par l'administration des douanes. Le compte-rendu du 23 mars 2005 auquel font référence les enquêteurs, ne saurait fonder le recouvrement d'une dette douanière ; qu'en application du principe de souveraineté de l'Etat d'exportation en matière d'invalidation de certificats d'origine préférentielle, seule l'autorité compétente du pays émetteur peut se prononcer sur l'applicabilité et l'authenticité des certificats d'origine préférentielle émis par elle ; qu'en l'absence de mise en 'uvre de la procédure de contrôle a posteriori prévue par l'accord, le recouvrement d'une prétendue dette douanière est dépourvu de tout fondement légal ; que l'administration des douanes française a émis une notification d'infraction sur la base d'un simple compte-rendu et non d'une véritable enquête qui aurait, permis, le cas échéant, d'établir l'infraction ; que la demande de remboursement doit donc être confirmée ; qu'en tout état de cause, le compte-rendu n'établit, nullement que les EUR 1 de la société Etam auraient été délivrés à tort; qu'il résulte du rapport de l'Olaf traduit que les enquêteurs ont déduit de statistiques publiques le fait qu'une grande partie des articles textiles et étoffes de bonneteries exportées de Jamaïque entre 1998 et 2004 n'aurait pas pu être fabriquée en Jamaïque; que la fiabilité et valeur juridique de ces données sont contestables. Le rapport de l'Olaf n'opérant aucune distinction et ne détaillant pas parmi les opérations lesquelles seraient irrégulières ou régulières ; que l'administration n'aurait pas dû, sur le seul fondement de ce rapport, invalider l'intégralité des EUR 1 délivrés entre 2001 et 2004 sans qu'aucune preuve de l'irrégularité des opérations, au cas par cas, n'ait été rapportée ;

L'administration des douanes fait valoir qu'il ressort des investigations menées par la mission communautaire que :

- les quantités de fils chinois expédiées en Jamaïque entre 1998 et 2004 ne suffisaient pas à la fabrication des marchandises exportées ensuite vers la Communauté ;

- au vu des quantités de vêtements confectionnés, de tissu de base et d'étoffes exportées de la République populaire de Chine vers la Jamaïque, il semble qu'en réalité les vêtements confectionnés étaient seulement transbordés en Jamaïque pour être ensuite réexportés vers la Communauté ;

- pour tromper les autorités douanières jamaïcaines lors de l'introduction des marchandises concernées dans les zones franches jamaïcaines de Kingston et Garmex, la véritable nature des marchandises expédiées de Chine vers la Jamaïque était volontairement décrite de manière erronée sous la dénomination «fil et pull-overs».

Et qu'en conséquence, les dispositions du protocole n° 1 de l'accord de partenariat ACP-CE n'ont pas été respectées par les exportateurs jamaïcains puisque tous les produits concernés n'étaient pas exclusivement confectionnés à partir de fils et ne pouvaient pas être considérés comme originaires de la Jamaïque; qu'en sollicitant la délivrance de certificats EUR 1 auprès des autorités douanières, les exportateurs jamaïcains mis en cause ont fait de fausses déclarations concernant l'origine des marchandises exportées des zones franches jamaïcaines de Garmex et Kingston vers la Communauté, que la service des douanes jamaïcaines est parvenu à la conclusion que les certificats de circulation EUR1 relatifs aux envois soumis aux vérifications de la mission communautaire, délivrés entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2004, étaient authentiques mais incorrects quant à l'origine des marchandises concernées et n'étaient donc pas valables ; ces constatations ayant été consignées dans le rapport de l'Olaf du 23 mars 2005.

Ceci étant exposé, il convient de rappeler, ainsi que l'a souligné le tribunal, que le droit de la société Etam au bénéfice de l'origine préférentielle sur les importations litigieuses était établi par la justification d'un certificat de circulation EUR 1 ; que la détermination de l'origine des marchandises dans le cadre de ce régime préférentiel institué par un accord international liant la Communauté européenne à un pays tiers est fondé sur la répartition des compétences entre les autorités de l'Etat d'exportation et celles de l'Etat d'importation. Les autorités douanières de l'État d'exportation ont vocation à établir l'origine des produits concernés, sous réserve du contrôle du fonctionnement du régime grâce à la coopération entre les administrations intéressées. Ce que déclarent les autorités du pays d'exportation dans le cadre d'un contrôle a posteriori, déterminera les droits de douane applicables par le pays d'importation. Le fait que les autorités du pays d'exportation déclarent à la suite d'un contrôle a posteriori qu'un certificat a été émis indûment permet aux autorités du pays d'importation de décider que les droits légalement dus n'ont pas été exigés et dès lors d'engager une action de recouvrement.

En l'espèce, l'enquête de l'Olaf a été menée conformément aux dispositions de l'article 32 du protocole n°1 applicable dans le cadre de l'accord de Cotonou à date des exportations litigieuses sur invitation du ministère jamaïcain des affaires étrangères et du commerce extérieur. Le rapport d'enquête est d'ailleurs cosigné par un représentant du gouvernement jamaïcain.

Les vérifications de l'Olaf ont porté sur les documents douaniers relatifs aux mouvements de marchandises de la Chine vers la Jamaïque et de la Jamaïque vers la Communauté européenne en 2003, 2003 et 2004.

L'enquête de l'Olaf a consisté en l'étude des factures et documents d'importation et d'exportations des entreprises du groupe Afasia dont celles pourvoyant importations de la société Etam et en des évaluations comparatives des importations de fils et des exportations de produits finis. Elle a conclu au fait que les dispositions du protocole n° 1 de l'accord de partenariat ACE - Communauté européenne n'avaient pas été respectées par les exportateurs jamaïcains et que la plupart sinon la totalité des marchandises exportées vers la communauté étaient confectionnées à partir de tissus de base originaire de Chine quand il ne s'agissait pas de vêtements finis originaires ce de même pays et que les exportateurs jamaïcains mis en cause avaient donc sollicité la délivrance des certificats EUR 1 en faisant de fausses déclarations concernant l'origine des marchandises exportées à partir des zones franches, ce qui rend bien fondé l'administration des douanes à contester l'applicabilité des certificats de circulation EUR I incriminés.

En outre, il convient de souligner que l'article 342 du code des douanes permet la preuve d'une infraction douanière pour tout moyen et le règlement CE n° 1073/199 considère que les rapports établis suite aux enquêtes effectuées par l'Olaf sont des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l'État membre où leur utilisation s'avère nécessaire.

Sur l'article 222-2 du code des douanes communautaire

La société Etam invoque le bénéfice des articles 220-2-b tel que modifié par le règlement n° 2700/2000 du 16 novembre 2000 et 239 du code des douanes communautaire en vertu desquels, les droits à l'importation ou les droits à l'exportation ne sont pas pris en compte à posteriori lorsque quatre conditions cumulatives sont réunies :

- l'absence de prise en compte résulte d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes ;

- cette erreur ne pouvait pas raisonnablement être décelée par le redevable ;

- le redevable doit avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ;

- le redevable a agi de bonne foi.

Elle soutient que les autorités jamaïcaines n'ont, a aucun moment, été abusées par les exportateurs et que leur erreur active est indiscutable et la société Etam particulièrement fondée à s'en prévaloir pour solliciter, en application de la réglementation communautaire et de la jurisprudence, le non recouvrement et la remise des droits de la dette douanière.

Elle fait valoir qu'au regard du volume massif des opérations concernées qui se sont déroulées dans deux zones franches au périmètre particulièrement limité, il est difficile de prétendre qu'elles pouvaient échapper à une surveillance douanière pendant plusieurs années; qu'il existe bien une erreur commise par les autorités jamaïcaines dès lors que ces dernières semblaient ignorer que les certificats EUR 1 et l'octroi du bénéfice du régime préférentiel des marchandises importées dans l'Union européenne ne répondaient pas aux conditions requises par l'accord ACP ainsi que l'a révélé l'enquête communautaire de l'Olaf; que les autorités jamaïcaines ont nécessairement commis une erreur en ne respectant pas l'obligation de contrôle des fabrications qui pesait sur elles dès lors que les statistiques officielles d'import et d'export démontraient explicitement que la quantité de fils importés de Jamaïque n'était pas suffisante pour atteindre le niveau d'exportation des produits une fois finis et que cette erreur ne pouvait pas légitimement être décelée par un opérateur diligent qui a toujours respecté les dispositions réglementaires en vigueur et agi de bonne foi.

Elle précise que la négligence des importateurs doit notamment s'apprécier au regard du laps de temps durant lequel les autorités compétentes ont persisté dans leur comportement, soit en l'espèce 3 ans. La société Etam fait valoir une pratique commerciale habituelle, négociant ses contrats FOB ce qui lui permettait de maîtriser le transport et de s'assurer de la provenance des marchandises concernées. Elle soutient qu'elle a agi de bonne foi, ce qui n'est pas contesté, et qu'elle ne s'est rendue responsable d'aucune man'uvre ni négligence.

L'administration des douanes fait valoir que, depuis sa modification par le règlement 2700/2000, l'article 220 2b) du code des douanes communautaires prévoit, en outre, que «lorsque le statut préférentiel d'une marchandise est établi sur la base d'un système de coopération administrative impliquant les autorités d'un pays tiers, la délivrance d'un certificat par ces autorités, s'il se révèle incorrect, constitue une erreur qui n'était pas raisonnablement décelable au sens du 1er alinéa».Ce même article précise : «toutefois, la délivrance d'un certificat incorrect ne constitue pas une erreur lorsque le certificat a été établi sur la base d'une présentation incorrecte des faits par l'exportateur».

L'administration des douanes soutient qu'il ressort de la mission d'enquête communautaire que les exportateurs jamaïcains ont présenté les faits de manière incorrecte afin d'obtenir la délivrance des certificats ; que les autorités ne sont pas tenues de procéder à des contrôles systématiques et il n'est pas anormal qu'elles procèdent pour l'essentiel à des contrôles documentaires et de manière seulement résiduelle à des contrôles physiques. Or, dans la mesure où la description des marchandises dans les déclarations en douane coïncidaient avec la description des marchandises dans les documents commerciaux et de transport et que ces informations donnaient en permanence l'impression que les marchandises importées étaient principalement du fil et accessoirement quelques échantillons de sweaters, les autorités jamaïcaines ne pouvaient raisonnablement savoir que les marchandises exportées ne remplissaient pas les conditions prescrites pour bénéficier du régime préférentiel

C'est donc le fait que les entreprises concernées aient transmis des informations erronées mais cohérentes entre elles qui a privé de leur efficacité les contrôles documentaires accomplis par les autorités jamaïcaines ; que dès lors, qu'il n'est pas démontré que les autorités jamaïcaines savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel.

Ceci étant exposé, il résulte du compte rendu du 23 mars 2005 de l'enquête de l'Olaf que les exportateurs jamaïcains ont présenté les faits de manière incorrecte afin d'obtenir la délivrance par les autorités jamaïcaines de certificats EUR 1 en décrivant volontairement de manière erronée les marchandises expédiées de la République Populaire de Chine vers la Jamaïque sous la dénomination.

Ainsi que le relève la Commission européenne dans sa décision du 3 novembre 2008 en se référant au compte rendu de l'Olaf du 23 mars 2005 les statistiques jamaïcaines montrent bien que seule une partie des marchandises exportées de Chine a été mise en libre pratique en Jamaïque. Le reste des marchandises concernées étant placé en zone franche en Jamaïque ne faisait pas l'objet de statistique. C'est seulement grâce à la comparaison des statistiques d'exportation de vêtements jamaïcains avec les statistiques d'exportation de fils chinoises qu'il a été possible à l'Olaf de constater que les produits exportés de Jamaïque n'avaient en fait pas été fabriqués à partir de fils. Les autorités jamaïcaines auraient difficilement pu détecter qu'il s'agissait de fausses déclarations étant donné le professionnalisme avec lequel les entreprises ont caché la véritable nature des marchandises introduites dans les zones franches. Les certificats litigieux ont donc été octroyés sur la base d'informations erronées et il n'est pas établi que les autorités de délivrance des certificats savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel. Les autorités douanières ne sont pas tenues de procéder à des contrôles systématiques et il n'est pas anormal qu'elles procèdent pour l'essentiel à des contrôles documentaires.

Il est donc établi que les autorités jamaïcaines n'ont pas commis d'erreur au sens de l'article 220 2 b du code des douanes communautaire.

En l'absence d'une erreur des autorités compétentes, il n'y a pas lieu de vérifier si une des autres conditions visées à l'article 220-2 du code des douanes, comme la bonne foi invoquée par la société Etam, est remplie.

Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens.

La société Etam qui succombe en son appel déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration des douanes la somme de 4000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal d'instance de [...] le 10 novembre 2017 en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE la société Etam de sa demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE La société Etam à payer à la DNRED représentée par sa directrice la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/22268
Date de la décision : 08/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°17/22268 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-08;17.22268 ?
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