Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04379
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 15/01309
APPELANT
ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS
Ayant ses bureaux 9 Cours de l'Arche Guédon
[...]
représentée par Messieurs le Directeur régional des douanes de PARIS-EST et le Receveur régional des douanes de PARIS-EST
Représenté par Me Ralph X... de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
INTIME
Monsieur Guy Roger Y...
Demeuarnt [...]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représenté par Me Caroline Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0505
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Guy Y... est le gérant d'un établissement «Bar restaurant Chez Marco» à Bagnolet.
Le 14 janvier 2013, les agents de la Brigade de répression du banditisme (B.R.B) ont procédé à une intervention dans cet établissement et Monsieur Y... et plusieurs autres personnes étaient alors entendues sur l'organisation illégale de jeux de hasard.
Le 3 mai 2013, une copie du dossier a été communiquée au service des douanes du Blanc-Mesnil, pôle contributions indirectes, ce dans le cadre de la mise en 'uvre des articles L 81C et L 101 du livre des procédures fiscales.
Par procès-verbal du 11 décembre 2013, l'administration des Douanes a notifié à Monsieur Y... plusieurs infractions, à savoir :
- ouverture illicite d'une maison de jeux de hasard prévue aux articles 1565 du code général des impôts et 124 et 146 annexe IV du même code ;
- défaut de tenue d'une comptabilité générale et d'une comptabilité annexe prévue par l'article 150 et 151 de l'annexe IV du code général des Impôts ;
- défaut d'affichage du tarif de la cagnotte prévue par l'article 149 alinéa 3 de l'annexe IV du code général des Impôts ;
- défaut de déclaration de recettes prévue par l'article 154 de l'annexe IV du code général des Impôts ;
- défaut de paiement de l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements de quatrième catégorie pour un montant total de 1164839 euros prévue par les articles 1559 et 1560 du code général des Impôts.
Le 18 décembre 2013, un procès-verbal rectificatif a été adressé à M Y... car le procès-verbal du 11 décembre mentionnait plusieurs erreurs de frappe à la page 15, n'affectant cependant en rien le montant des recettes brutes calculées.
Un avis de mise en recouvrement n° 778/14/CI/162 était émis, le 26 juin 2014, par la recette régionale des douanes de Marne la Vallée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2014, Monsieur Y..., par le biais de son Conseil, a contesté cet avis de mise en recouvrement.
L'administration des Douanes a rejeté cette contestation par courrier du 5 janvier 2015.
Par exploit d'huissier du 26 février 2015, M. Y... a assigné l'administration des douanes devant le tribunal de grande instance de Meaux aux fins de voir prononcer la nullité des procès-verbaux des 11 et 18 décembre 2013, de l'avis de mise en recouvrement du 26 juin 2014 et de prononcer la décharge totale et, à titre subsidiaire la réduction, des impositions mises à sa charge au titre de l'impôt sur les spectacles de quatrième catégorie.
Par jugement du 26 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Meaux a :
- débouté Monsieur Guy Y... de ses demandes de nullité des procès-verbaux n° CI 1030 92 C 00 360 des 11 et 18 décembre 2013 et de l'avis de mise en recouvrement n° 778 14 CI 162 du 26 juin 2014,
- débouté Monsieur Guy Y... de sa demande de décharge totale des impositions mises à sa charge au titre de l'impôt sur les spectacles de quatrième catégorie,
- déclaré Monsieur Guy Y... bien fondé en sa demande subsidiaire,
- dit que le montant de l'imposition dû par Monsieur Guy Y... au titre des spectacles de quatrième catégorie pour les années 2011, 2012 et 2013 s'élève à la seule somme de 57086 euros,
- débouté Monsieur Y... de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
- débouté chacune des parties de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens.
L'administration a relevé appel de ce jugement le 28 février 2017.
Par conclusions signifiées le 24 mai 2017, l'administration des douanes demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. Y... bien fondé en sa demande subsidiaire et dit que le montant de l'imposition dû par ce dernier au titre des spectacles de quatrième catégorie pour les années 2011, 2012 et 2013 s'élève à la seule somme de 57086 euros et, en conséquence, de :
- débouter M. Y... de ses demandes de nullité des procès-verbaux des 11 et 18 décembre 2013 ainsi que de l'avis de mise en recouvrement du 26 juin 2014 et de sa demande de décharge totale des impositions mises à sa charge au titre de l'impôt sur les spectacles de quatrième catégorie et de confirmer l'avis de mise en recouvrement du 26 juin 2014 ;
- dire que le montant de l'imposition dû par M. Y... au titre des spectacles de quatrième catégorie s'élève à 1164839 euros ;
- débouter M. Y... de l'ensemble de ses autres demandes,
- condamner M. Y... à payer à lui payer la somme de 20000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions signifiées le 7 juin 2017, Monsieur Guy Y... demande à la cour de déclarer l'administration des douanes recevables mais mal fondée en son appel et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il prie la cour, en conséquence, de réduire le montant des impositions à sa charge au titre de l'impôt dur les spectacles de quatrième catégorie au montant de 57086 euros, somme maximale prévue par la législation, de débouter l'administration des douanes de l'ensemble de ses demandes et de la condamné à lui payer une indemnité de procédure de 2000 euros.
SUR CE,
M. Y... ne sollicite plus ni la nullité des procès-verbaux des 11 et 18 décembre 2013 et de l'avis de mise en recouvrement du 26 juin 2014 ni la décharge totale de l'imposition mais la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a réduit l'assiette d'imposition.
Sur la demande de réduction du montant de l'imposition
Le tribunal a fixé l'assiette d'imposition au titre des spectacles de quatrième catégorie au regard des indications contenues dans le procès-verbal de notification d'infractions aux termes duquel il est précisé que Messieurs Y... et A... se partageaient 10% des gains des joueurs, soit environ 300 euros les jours de semaine et 500 euros les samedis et a estimé que le montant total de l'imposition due par M. Y... s'élevait à la somme totale de 57086 euros.
Monsieur Y... soutient que l'assiette d'imposition ne correspond pas à l'ensemble des mises des joueurs mais seulement aux sommes conservées par le cercle ou la maison de jeux.
Monsieur Y... conteste la reconstitution de l'assiette de l'impôt sur les spectacles effectuée par l'administration des douanes au motif que celle-ci confond les notions de cagnotte et de mise des joueurs et soutient qu'en faisant une exacte application des dispositions des articles 1560 du code général des impôts et 147 de l'annexe IV du même code, les impositions ne pouvaient s'élever qu'à la somme de 57086 euros (38813 euros pour 2011 ; 17813 euros pour 2012 et 460 euros pour 2013).
L'administration des douanes expose que pour procéder à la reconstitution de l'assiette de l'impôt, elle s'est basée sur l'article 147 de l'annexe IV du code général des impôts qui dispose que :
«Les recettes annuelles passibles de l'impôt au titre de la quatrième catégorie prévue au f de l'article 1560 du code général des impôts sont constituées par le montant intégral de la cagnotte des jeux d'argent pratiqués dans les cercles et maisons de jeux. La cagnotte comprend le produit brut des jeux, c'est-à-dire le montant total des droits fixes, prélèvements ou redevances encaissées au profit du cercle ou de la maison de jeux à l'occasion des parties engagées.»
Elle soutient que, conformément à cet article, le produit brut des jeux s'entend comme le gain brut de l'établissement, c'est-à-dire son chiffre d'affaires ; que par ailleurs, en application de l'article 1560 du code général des impôts, les taux d'imposition des spectacles de quatrième catégorie est fonction des paliers de recettes annuelles suivants:
jusqu'à 30490 euros : 10%,
au-dessus de 30490 euros et jusqu'à 228700 euros : 40%,
au-dessus de 228700 euros : 70%.
Elle indique avoir intégré les sommes revenant aux joueurs, celles trouvées éventuellement dans les caisses de la comptabilité du débit ou des appareils lors du contrôle ainsi que les parts revenant aux exploitants et dépositaires, en fonction du partage opéré entre eux puis imposé l'intégralité des sommes transitant par le cercle de jeux et pas uniquement les sommes effectivement encaissées.
Lors de son audition, Monsieur Y... a indiqué effectuer un prélèvement de 10% sur le montant des mises, soit entre 300 et 400 euros pour certaines journées.
Le montant des jeux s'élève donc à 3000 euros par jour et à 5000 euros le samedi.
Pour l'année 2011, les recettes brutes se sont élevées à 1199000 euros se décomposant comme suit :
- nombre de jours d'ouverture par an, samedi exclus : 313 jours
- nombre de samedis par an : 52 jours
La recette brute pour l'année 2011, soit 313 jours à 3000 euros et 52 jours à 5000 euros, s'élève à 1199000 euros.
Le calcul s'effectue de la manière suivante :
- 1ère tranche : 30490 x 10% = 3049 euros,
- 2ème tranche : (22700 ' 30490) x 40% = 79284 euros,
- 3ème tranche : (1199000 ' 228700) x 70% = 679210 euros,
soit un total pour l'année 2011 de 761543,00 euros
Pour l'année 2012, les recettes brutes se sont élevées à 674000 euros, se décomposant comme suit :
- nombre de jours d'ouverture par an, samedi exclus : 178 jours
- nombre de samedis par an : 28 jours
La recette brute pour l'année 2012, soit 178 jours à 3000 euros et 28 jours à 5000 euros, s'élève à 674000 euros.
Le calcul s'effectue de la manière suivante :
- 1ère tranche : 30490 x 10% = 3049 euros,
- 2ème tranche : (228700 ' 30490) x 40% = 79284 euros ,
- 3ème tranche : (674000 ' 228700) x 70% = 311710 euros,
soit un total pour l'année 2012 de 394043 euros
Pour l'année 2013, les recettes brutes se sont élevées à 46000 euros, se décomposant comme suit :
- nombre de jours d'ouverture par an, samedi exclus : 12 jours
- nombre de samedis par an : 2 jours
La recette brute pour l'année 2013, soit 12 jours à 3000 euros et 2 jours à 5000 euros, s'élève à 46000 euros.
Le calcul s'effectue de la manière suivante :
- 1ère tranche : 30490 x 10% = 3049 euros ,
- 2ème tranche : (46000 ' 30490) x 40% = 6204 euros ,
soit un total pour l'année 2013 de 9253 euros.
Le montant total de l'impôt éludé sur les spectacles de 4ème catégorie s'élève à 1164839,00 euros et non pas à 57086 euros.
Ceci étant exposé, l'article 1563 du code général des impôts dispose que «quels que soient le régime et le taux applicables, l'impôt sur les spectacles est calculé sur les recettes brutes, tous droits et taxes compris, arrondies en multiple de 1 F, comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires.»
L'article 147 de l'annexe IV du code général des impôts, «Les recettes annuelles passibles de l'impôt au titre de la quatrième catégorie prévue au I de l'article 1560 du code général des impôts sont constituées par le montant intégral de la cagnotte des jeux d'argent pratiqués dans les cercles et maisons de jeux. La cagnotte comprend le produit brut des jeux, c'est à dire le montant total des droits fixes, prélèvement ou redevances encaissées au profit du cercle ou de la maison de jeux à l'occasion des parties engagées.»
Ainsi que l'a jugé le tribunal, le produit brut des jeux représente le montant intégral des mises sur lequel ensuite sont déduites les rétributions versées par l'opérateur aux joueurs, le produit brut des jeux est donc le gain brut de l'établissement.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a réduit le montant de l'assiette d'imposition.
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens.
Les circonstances de la cause commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'administration des douanes et droits indirects agissant par le directeur régional des douanes et droits indirects de Paris Est et le receveur régional des douanes de paris Est l'administration fiscale succombant en leur appel seront condamnés aux dépens d'appel et déboutés de leur demande d'indemnité de procédure. Ils seront condamnés, sur ce même fondement, à payer à M. Y..., la somme de 2000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 6 janvier 2017 en toutes ses dispositions;
CONDAMNE l'administration des douanes et droits indirects agissant par le directeur régional des douanes et droits indirects de Paris Est et le receveur régional des douanes de paris Est aux dépens;
DEBOUTE l'administration des douanes et droits indirects agissant par le directeur régional des douanes et droits indirects de Paris Est et le receveur régional des douanes de paris Est de leur demande d'indemnité de procédure ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens;
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS