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04/10/2018 | FRANCE | N°16/08996

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 04 octobre 2018, 16/08996


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 7





ARRÊT DU 04 Octobre 2018


(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08996 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZEOG





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/09757








APPELANTE


Mme Jessie X...




[...]


comparante en personne, assistée de Me Ghislain Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0257





INTIMÉE


Association ALLIANCE VILLES EMPLOI


[...]


N° SIRET : 397 971 482 00021


représentée par Me...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 04 Octobre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08996 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZEOG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/09757

APPELANTE

Mme Jessie X...

[...]

comparante en personne, assistée de Me Ghislain Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

INTIMÉE

Association ALLIANCE VILLES EMPLOI

[...]

N° SIRET : 397 971 482 00021

représentée par Me Eric Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Philippe MICHEL, Conseiller

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Laëtitia MELY, lors des débats

Anna G..., lors de la mise à disposition

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.

- signé par Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre et par Madame Anna G..., Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée indéterminée en date du 13 mai 2013, Mme X... a été engagée en qualité de chargée de mission 'animation nationale des clauses sociales dans les marchés publics par l'association Alliance villes emploi qui regroupe les collectivités territoriales, les délégués à la formation, à l'insertion et à l'emploi, les présidents des maisons de l'emploi et des plans locaux pour l'insertion et l'emploi et elle développe notamment une démarche de mutualisation. Elle comporte moins de 10 salariés.

Le 7 mai 2014, l'association Alliance villes emploi a notifié à Mme X... un avertissement au motif qu'elle n'avait pas adressé pour la date prévue un amendement à destination des députés, celui-ci ayant été contesté par l'intéressée qui a invoqué l'absence de règlement de ses heures supplémentaires.

Mme X... a informé l'inspection du travail de sa situation difficile et de la commission par son employeur de nombreuses illégalités ayant engendré de nombreux départs de salariés et donc une surcharge de travail.

Par courrier recommandé en date du 8 juillet 2014, Mme X... a été informée de sa mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 21 juillet 2014 pour faute grave pour les motifs suivants : rétention d'informations bloquant la relation avec un partenaire national et prise d'initiative sans validation, retard très important dans la réalisation et la mise en validation puis en ligne des comptes rendus, prise intempestive d'initiatives, refus systématique d'intégrer la notion de travail d'équipe, non-réalisation du travail demandé et non-respect des horaires de travail.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour obtenir paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 12 mai 2016, le conseil de prud'hommes a débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes.

Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'était pas démontrée et que les griefs invoqués par l'employeur étaient établis et rendaient impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Mme X... a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon conclusions soutenues à l'audience, Mme X... conclut à l'infirmation de la décision déférée et sollicite la condamnation de l'association Alliance villes emploi au paiement des sommes suivantes :

- 52 265 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de ses droits de la défense,

- 2 557,62 € au titre des primes de 13ème mois pour les années 2013 et 2014,

- 1 074,41 € au titre des heures supplémentaires et 107,44 € au titre des congés payés afférents pour l'année 2013, 1 488,85 € réalisées en 2013 et 2014 durant ses déplacements et 148 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au titre des faits de harcèlement moral, Mme X... invoque une surcharge permanente de travail et les agissements répétés de la déléguée générale à l'égard de l'ensemble des salariés dont elle précise qu'ils ont rédigé un courrier en ce sens, une prise de poste sans aucune passation, des consignes incohérentes et injustifiées de la part de la déléguée générale qui n'avait pas le temps de contrôler et de valider. Elle évoque également des reproches incessants et non fondés, des sanctions injustifiées ou disproportionnées telles que son licenciement pour faute grave, ces faits ayant conduit à une dégradation des conditions de travail et de l'état de santé des salariés. Elle ajoute que personnellement, les faits de harcèlement moral ont duré pendant plus d'un an sans aucune prise de décision de l'employeur. Elle en déduit que son licenciement est nul.

Au titre du préjudice, elle précise avoir été placée dans une situation financière difficile alors qu'elle allait devenir mère d'un jeune enfant et avoir subi un préjudice moral important en raison du traumatisme causé. Elle indique avoir informé son employeur de son état de grossesse le 29 juillet 2014, soit 15 jours après la réception de la lettre de licenciement, et elle soutient qu'il aurait dû annuler la procédure en l'absence de justification du licenciement.

Elle invoque un préjudice lié au non-respect de ses droits au motif que l'association Alliance villes emploi ne lui a pas communiqué antérieurement à l'entretien préalable les griefs qui lui étaient reprochés, ce qui constitue selon elle un motif de nullité du licenciement d'autant plus que la formulation de la lettre sous-entendait que la décision de l'employeur était déjà prise.

Concernant les griefs invoqués dans le cadre du licenciement, elle les conteste, invoque une surcharge de travail ou souligne la mauvaise foi de son employeur.

Elle précise que la demande formée au titre du 13ème mois est fondée sur la différence entre la rémunération perçue en 2013 et 2014 et celle mentionnée dans le contrat de travail. Elle ajoute qu'elle effectuait 39 heures de travail par semaine alors que les réductions du temps de travail étaient calculées sur une base de 38 heures, qu'elle a donc effectué des heures supplémentaires en 2013. Enfin, elle soutient que ses heures de déplacements n'ont pas été indemnisées, ni prises en compte.

Selon conclusions soutenues à l'audience, l'association Alliance villes emploi conclut à la confirmation du jugement, à la fixation du salaire brut à la somme de 2 923 € bruts ainsi qu'à la condamnation de Mme X... au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association Alliance villes emploi conteste les faits de harcèlement moral invoqués par Mme X... : elle souligne que le courrier produit est anonyme, que la validation des tâches confiées à la salariée était rendue nécessaire par la complexité des missions assumées et qu'il existait un document relatif à la procédure au sein du secrétariat décrivant précisément les obligations des salariés. Elle dénonce l'absence de respect par l'appelante des procédures en vigueur malgré rappels en ce sens. Elle constate l'absence d'élément relatif à la dégradation de son état de santé.

S'agissant du licenciement, elle fait valoir qu'il est indépendant de son état de grossesse et qu'étant fondé, il est sans influence sur la procédure engagée.

Elle soutient avoir respecté la procédure prévue par le code du travail qui ne lui imposait pas de communiquer les griefs antérieurement à l'entretien préalable.

Sur le bien-fondé du licenciement, elle précise que Mme X... n'a pas jugé opportun d'informer sa hiérarchie du contact pris par une facilitatrice le 28 mai 2014 et n'a pas respecté la procédure de validation en incitant l'organisme en question à organiser un rendez-vous ou en transmettant à un partenaire des liens lui permettant d'accéder à un site internet. Elle relève des erreurs commises dans la réalisation, la mise en validation et la mise en ligne de comptes rendus et met en exergue ses prises d'initiative intempestives ainsi que son refus d'intégrer la notion de travail d'équipe. Elle lui reproche aussi de ne pas avoir réalisé un travail demandé et d'avoir pris l'habitude de prendre son poste de travail avec 10 à 15 minutes de retard.

Concernant le rappel de salaire relatif au 13ème mois, elle précise que le versement d'une prime de 13ème mois était exceptionnel et qu'il était conditionné par la présence des salariés en poste à la période de versement, soit décembre.

Sur les heures supplémentaires réalisées en 2013, elle précise que les salariés étaient engagés dans le cadre d'un contrat de travail prévoyant 35 heures par semaine et qu'ils réalisaient 38 heures en contrepartie du bénéfice de 13 jours de réduction du temps de travail. Concernant les heures supplémentaires réclamées pour 2013 et 2014, elle relève que l'appelante ne verse aux débats qu'un tableau réalisé par ses soins et établi pour les besoins de la cause et qu'au surplus, le temps de pause durant sa présence au sein de l'entreprise a été supérieur à temps total des déplacements réalisés.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme X... invoque les faits suivants :

- une surcharge permanente de travail liée au départ précipité de nombreux salariés,

- des consignes incohérentes et injustifiées de la déléguée générale qui souhaite tout contrôler et valider,

- des reproches incessants et non fondés, des sanctions injustifiées.

Pour étayer ses affirmations, et notamment celles relatives à la surcharge de travail,

elle produit un courrier daté du 1er juillet 2014 dont il est précisé qu'il émane d'un collectif d'anciennes salariées de l'association Alliance villes emploi et qu'il est adressé à la médecine du travail ainsi qu'à l'inspection du travail. Ce courrier ne comporte aucune signature de sorte que le ou les auteurs ne sont pas connus. Il ne peut donc pas être retenu pour établir la surcharge de travail.

S'agissant des consignes, Mme X... verse aux débats un courriel adressé le 7 juillet 2014 par elle-même ainsi que deux autres salariées, Mmes A... et B..., au médecin du travail au cours duquel elles font part de leur souffrance au travail en raison de l'attitude de Mme D... H... à leur égard, celle-ci exigeant de tout contrôler et valider, leur demandant de travailler durant la pause de midi, le soir et le week-end, mettant en doute leur investissement ainsi que leurs qualités et compétences, les humiliant publiquement en réunion, les menaçant de sanctions et tentant de les diviser au détriment du travail d'équipe. Mme X... s'appuie aussi sur un courriel daté du 15 septembre 2014 postérieur au licenciement et rédigé par la déléguée générale précisant que Mme X... ne faisait pas son travail, qu'elle n'avait pas eu personnellement connaissance d'une réunion ou en avait été destinataire mais n'avait pas vu le message et n'avait pas été alertée. Enfin, elle produit deux attestations de Mmes A..., chargée de communication, et de Mme C..., coordinatrice de pôle, dénonçant l'absence d'autonomie et donc la nécessité de validation de tous les échanges, l'attitude de Mme D... remettant en cause les compétences de Mme X..., lui reprochant son manque de compréhension, la mauvaise gestion d'une difficulté, la prise d'initiatives ou son inefficacité.

Mme X... produit également plusieurs échanges de courriels entre elle et Mme D..., cette dernière rappelant à l'appelante la nécessité de respecter la procédure de validation avant tout envoi de courriels à des destinataires extérieurs (juin 2014), évoquant l'absence de validation dans les délais des comptes rendus et de transmission des avis des experts par l'appelante à la responsable hiérarchique qui le lui reproche (juillet 2014) ainsi qu'une demande de réalisation de tableaux.

Enfin, Mme X... verse aux débats deux arrêts de travail en date des 15 et 23 juillet 2014 sur lesquels le médecin du travail a mentionné 'souffrance au travail'. Il a également précisé que Mme X... semblait présenter des difficultés professionnelles avec harcèlement moral, mise à pied et convocation préalable à licenciement.

Mme X... ne peut pas invoquer l'existence de consignes incohérentes alors qu'il ressort des courriels échangés avec Mme D... que cette dernière était très précise quant aux consignes imposées et indiquait toujours les raisons pour lesquelles elle réclamait la communication de documents ainsi que des travaux dont la réalisation lui avait été confiée. Au surplus, l'association Alliance villes emploi fait valoir que les missions qui lui étaient confiées nécessitaient le respect de consignes exigeantes et une discipline stricte, ce qui est confirmé plusieurs personnes vantant au surplus les qualités de Mme D... ainsi que son respect des autres. L'échange de courriels invoqué par l'appelante est révélateur à cet effet de l'absence de respect à cette occasion par cette dernière des procédures en vigueur au sein de l'association, ceci étant précisé que ces procédures avaient donné lieu à l'élaboration d'un document de plusieurs pages qui est versé aux débats.

En l'état des explications de Mme X... et des attestations Mmes A... et C..., la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral se matérialisant uniquement par des reproches incessants et non fondés, est établie.

Toutefois, les attestations de Mmes A... et C... ne sont corroborées par aucun élément dans la mesure où l'examen des courriels échangés entre Mme X... et Mme D... ne comportent aucun manque de respect de la part de cette dernière. Mme D... n'a fait que rappeler, jusqu'à l'issue de la relation contractuelle, la nécessité de respecter les procédures au sein de l'association. Les attestations produites par l'employeur établissement par ailleurs le respect de Mme D... pour ses interlocuteurs.

Enfin, l'origine professionnelle de la dégradation de l'état de santé de Mme X... ne saurait résulter des pièces médicales produites par l'appelante, le médecin ayant pris soin de préciser qu'il lui apparaissait que l'intéressée présentait des difficultés professionnelles.

L'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Les demandes relatives au harcèlement sont donc rejetées.

Sur la violation de ses droits de la défense

L'article L. 1232-2 du code du travail disposent que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, un entretien préalable, que la convocation est effectuée par lettre recommandée par lettre remise en main propre contre décharge, cette lettre indiquant l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre convocation.

Il est constant que la lettre de convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement doit énoncer l'objet de cet entretien et la faculté pour l'intéressé de se faire assister, mais n'a pas à mentionner précisément les griefs qui lui sont reprochés.

L'examen du courrier du 8 juillet 2014 révèle que l'employeur a informé Mme X... de l'objet de sa convocation, de la décision susceptible d'être prise à l'issue de l'entretien préalable ainsi que de la possibilité d'être accompagnée par une personne de son choix conformément au code du travail, que dès lors, il lui a permis de se défendre. En conséquence, cette demande est rejetée.

Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.

La demande tendant à la nullité du licenciement fondée sur l'existence de faits de faits de harcèlement moral est rejetée au regard du rejet des prétentions de l'appelante à ce sujet.

Par courrier en date du 21 juillet 2014, l'association Alliance villes emploi a notifié à Mme X... son licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :

- rétention d'informations bloquant la relation avec un partenaire national et prise d'initiative sans validation dans la mesure où Mme X..., interpellée par une facilitatrice le 28 mai 2014, a évoqué la demande en réunion d'équipe le 23 juin suivant et a incité un organisme à organiser un rendez-vous sans aucune validation de la part de Mme D...;

- retards importants et erreurs dans la réalisation et la mise en validation, puis la mise en ligne de comptes rendus : l'association Alliance villes emploi reproche à Mme X... d'avoir tardé dans la validation des évolutions proposées en décembre 2013 et en janvier 2014, et de ne pas avoir effectué de compte rendu d'une réunion qui s'est déroulée le 12 juin 2014 ;

- prise intempestive d'initiatives : l'association Alliance villes emploi précise que le 4 juin 2014, Mme X... a adressé des liens de téléchargement à un prestataire extérieur sans l'autorisation et la validation de Mme D... et a modifié la charte graphique de l'association dans le document de consolidation de la clause sociale 2013 ;

- refus systématique d'intégrer la notion de travail d'équipe dans la mesure où Mme X... a refusé de prendre en compte les remarques effectuées par plusieurs salariés et de s'occuper de l'animation du stand de l'association lors de l'organisation de journées nationales sans avoir au préalable pris contact avec ses collègues ;

- non-réalisation du travail demandé : l'association Alliance villes emploi précise avoir relancé Mme X... à plusieurs reprises depuis le 15 juillet 2013 sur la nécessité de mener un travail de préparation relatif à la certification des facilitateurs, des relances ayant été effectuées en juin et juillet 2014 ;

- non-respect des horaires de travail : l'association Alliance villes emploi reproche à Mme X... d'arriver quasiment tous les jours avec 10 à 15 minutes de retard, de prendre quatre pauses cigarettes par jour d'environ 5 minutes par jour.

S'agissant de la rétention d'informations, il ressort effectivement d'un échange de courriels entre Mme X... et Mme E... que l'appelante n'a pas informé Mmes D... de cette prise de contact et n'a procédé à aucune validation. La communication de liens à télécharger appartenant à un prestataire extérieur sans respect de la procédure de validation est également établie au regard des échanges de courriels datés des 4 et 18 juin 2014.

Concernant les retards importants et erreurs dans la réalisation de travaux, l'association Alliance villes emploi produit un courriel de Mme X... datant du 4 juillet 2014 demandant la mise en ligne des décisions prises lors des réunions des 24 janvier et 13 juin 2014 alors que le premier compte-rendu avait été validé dès le 20 février 2014 et que le dernier compte-rendu n'avait pas encore été validé ainsi que cela ressort des comptes-rendus des comités de directeurs versés aux débats. Un autre courriel en date du 5 mai 2014 établissait qu'elle n'avait pas rédigé le message sollicité depuis le 10 avril précédent, ni validé ce dernier. Ce grief est donc établi.

S'agissant de la prise intempestive d'initiatives, l'association Alliance villes emploi reprend en réalité le premier grief. La modification de la charte graphique de l'association dans le document de consolidation de la clause sociale 2013 n'est pas établie en l'absence de pièces produites par l'employeur.

Au sujet du refus systématique d'intégrer la notion de travail d'équipe, l'association Alliance villes emploi s'appuie sur deux échanges de courriels. Le premier, en date du 16 juin 2014, est une discussion entre Mme D... et M. F... qui précise qu'ils ont respecté la procédure concernant la construction d'une fiche sur la mutualisation, Mme D... précisant uniquement qu'elle va travailler avec Mme X... sur la question. Cette pièce ne corrobore pas le grief invoqué par l'employeur.

L'autre courriel a été adressé par Mme D... le 21 mai 2014 à trois salariés, dont Mme X..., afin de solliciter l'une d'elle pour prendre en charge l'organisation du stand de l'association dans le cadre de l'organisation de journées nationales dans un délai assez bref. L'appelante a répondu quelques minutes après la réception du courriel que pour sa part, elle était complètement prise par l'urgence de la réalisation de la consolidation d'un document. Certes, Mme X... ne justifie pas s'être concertée avec les deux autres salariées, mais l'employeur ne remet pas en cause la charge de travail alléguée par Mme X... pour refuser la prise en charge de cette organisation. Le caractère systématique d'intégrer la notion du travail d'équipe n'est en tout état de cause pas établi au regard de cette seule réponse de Mme X....

Quant à la non-réalisation du travail demandé, l'association Alliance villes emploi se fonde également les courriels échangés avec M. F... le 16 juin 2016 qui n'établissent pas que Mme X... n'a pas réalisé le travail demandé. Elle ne justifie pas avoir relancé Mme X... à plusieurs reprises depuis le 15 juillet 2013 sur la nécessité de mener un travail de préparation relatif à la certification des facilitateurs.

Concernant le non-respect des horaires de travail, l'association Alliance villes emploi ne produit aucune pièce relative aux retards systématiques de Mme X... à son travail ou aux quatre pauses cigarettes prises quotidiennement, ni aucun avertissement ou même un rappel des horaires de travail d'autant plus que le contrat de travail précise qu'elle n'est pas soumise à un horaire de travail déterminé. Ce grief n'est donc pas établi.

Seuls les deux premiers griefs sont établis et ne sont pas constitutifs d'une faute grave en raison de leur caractère mineur au regard de la totalité des tâches exercées par Mme X.... Ils ne sont pas non de nature à justifier un licenciement pour une cause réelle et sérieuse. Dès lors, le licenciement de Mme X... est dénué de cause réelle et sérieuse.

Mme X... invoque la nullité de son licenciement en raison de sa grossesse.

L'article L. 1225-5 du code du travail dispose que le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou l'accouchement.

En l'espèce, Mme X... justifie avoir adressée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 juillet 2014, soit dans un délai inférieur à quinze jours suivant la notification du licenciement, un certificat médical établi le jour même attestant de son état de grossesse depuis trois à quatre semaine. A défaut d'être fondé sur une faute grave, le licenciement de Mme X... est nul.

En conséquence, l'association Alliance villes emploi est redevable des sommes suivantes :

- 3 166 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice du préavis et 316, 60 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 783 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 25 000 € au titre du préjudice résultant de la nullité de la rupture au regard de l'ancienneté de Mme X... au sein de l'association, de la perte de revenus et des difficultés rencontrées pour retrouver un emploi.

Sur le préjudice résultant du caractère brutal et vexatoire du licenciement au titre duquel elle sollicite une somme de 10 000 €, Mme X... ne verse aux débats aucune pièce et ne motive pas non plus cette demande. En conséquence, celle-ci est rejetée.

Sur le solde des primes de 13ème mois

L'appel d'offre relatif au poste de chargé de mission mentionne une rémunération annuelle de 38 000 € bruts et le contrat de travail signé par la parties stipule une rémunération mensuelle brute de 2 923 €. Interrogée par Mme X... sur la différence entre la rémunération annuelle annoncée et la rémunération mensuelle perçue, Mme D... a précisé que la rémunération était versée sur 13 mois et que son salaire correspondait bien au montant figurant dans l'offre d'emploi (courriel du 5 avril 2013). Contrairement à ce que soutient l'association Alliance villes emploi, la rémunération était donc effectivement versée sur 13 mois.

Concernant l'année 2013, Mme X... précise avoir perçu une somme de 1 826,88 €, ce qui correspond au montant du salaire mensuel calculé en fonction de sa présence au sein de l'association pour cette année, soit du 13 mai au 31 décembre 2013.

Concernant l'année 2014, l'association Alliance villes emploi ne justifie pas avoir réglé la prime de 13ème mois au prorata de la présence de Mme X... et elle est donc redevable de la somme de 1 461,50 €.

Sur les heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.3171- 4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et mettre l'employeur en mesure de discuter la demande.

Pour étayer sa demande, Mme X... précise avoir réalisé en 2013 une heure supplémentaire par semaine, soit 39 heures de travail au total par semaine, alors qu'elle n'était rémunérée qu'à concurrence de 38 heures par semaine. Elle verse aux débats un décompte dans lequel elle précise qu'elle travaillait 38 heures par semaine et précise dans ses écritures les horaires imposées par l'association alors que dans la partie afférente au licenciement, elle fait valoir qu'aucun horaire de travail ne lui était imposé, ce qui est d'ailleurs conforté par le contrat de travail qui stipulait qu'elle n'était pas soumise à un horaire déterminé. En l'absence d'élément étayant sa demande d'heures supplémentaires, cette demande est rejetée.

Sur le temps de déplacement

L'article L. 3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, que toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

Au titre des heures consacrées à ses déplacements pour se rendre dans différentes villes pour des raisons professionnelles, Mme X... verse aux débats une note rédigée par l'employeur qui répertorie les temps de déplacement depuis le 20 mai 2013 jusqu'au 12 juin 2014 qui sont évalués à 52 heures 24. Au regard de l'article précité, Mme X... ne peut donc pas réclamer le paiement d'heures supplémentaires mais uniquement une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière.

En l'espèce, le détail des déplacements effectués tel qu'il résulte de la note évoquée ci-dessus et des pièces produites par la salariée (relevés bancaires attestant des frais d'hôtel et de restauration engagés) établit que lorsque cette dernière se déplaçait hors de Paris (Marseille, Narbonne, Lille, Nîmes), le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépassait effectivement le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu de travail normal. Au regard du temps consacré à ces déplacements, une contrepartie financière de 1.000 € est allouée à Mme X....

Contrairement à ce que soutient l'association Alliance villes emploi, cette somme ne saurait être compensée avec les temps de pause pris par Mme X... au cours de la journée de travail.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de Mme X... au titre des faits de harcèlement moral, du préjudice résultant de la violation de ses droits de la défense, des heures supplémentaires réalisées en 2013 et du solde de la prime de 13ème mois pour l'année 2013. Il est infirmé pour le surplus.

Une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile est allouée à Mme X....

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Confirme en ce qu'il a rejeté les prétentions de Mme X... au titre des faits de harcèlement moral, du préjudice résultant de la violation de ses droits de la défense, des heures supplémentaires réalisées en 2013 et du solde de la prime de 13ème mois pour l'année 2013 ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Prononce la nullité du licenciement de Mme X... ;

Condamne l'association Alliance villes emploi à payer à Mme X...les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation au bureau de conciliation pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour celles à caractère indemnitaire :

- 3 166 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice du préavis et 316, 60 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 783 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 25 000 € au titre du préjudice résultant de la nullité de la rupture,

- 1 461,50 € bruts au titre du 13ème mois pour l'année 2014,

- 1 000 € au titre de la contrepartie financière en matière de temps de déplacement,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne l'association Alliance villes emploi au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/08996
Date de la décision : 04/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°16/08996 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-04;16.08996 ?
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