Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2018
(n° , 24 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05817 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYJM7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2016 - Tribunal de Commerce de MARSEILLE - RG n° 2014F00984
APPELANTE
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, dont le sigle est D.C.F.
Ayant son siège social : [...]
42000 SAINT-ETIENNE
N° SIRET : 428 268 023 (SAINT-ETIENNE)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Edmond X..., avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant : Me Sébastien SEMOUN de la SCP LEXCASE, avocat au barreau de LYON, toque: 851
INTIMÉS
- Monsieur Jean Francis Marcel Y...
né le [...] à PERPIGNAN (66)
Demeurant : [...]
Représenté par Me Anne A... de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant : Me Jean-François FENAERT, avocat au barreau de LILLE
- SARL B...
Ayant son siège social : Route de Paris
[...]
N° SIRET : 321 747 644 (CAEN)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Florence Z... de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant : Me Bertrand CHARLET de la SELARL BEDNARSKI - CHARLET & Associés, avocat au barreau de LILLE
- SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE
Ayant son siège social : Route de Paris
[...]
N° SIRET : 345 130 488 (CAEN)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Florence Z... de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant : Me Pauline COSSE, substituant Me Pascal COSSE de la SCP BARON - COSSE - GRUAU, avocat au barreau de l'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Juillet 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur,
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Distribution Casino France détient l'ensemble des activités hypermarchés, supermarchés et petits commerces de détails du groupe Casino en France, à l'exception des points de ventes sous enseignes Monoprix. A cet titre, elle exploite notamment les points de vente de proximité du groupe, sous enseigne Spar.
La société B... exploite un point de vente à prédominance alimentaire, situé à Rieux Minervoix (11160).
La société Carrefour Proximité France, filiale à 100 % de la société Carrefour SA, société à la tête du groupe Carrefour, est chargée du réseau de magasins de proximité sous enseignes de Carrefour, et notamment des magasins sous enseigne Carrefour Contact.
La société Distribution Casino France (la société Casino), venant aux droits de la société Medis, a signé le 28 avril 2008 un contrat de franchise sous enseigne Spar avec la société B..., déjà franchisée de l'enseigne depuis 1996. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant du 4 juin 2010, ayant prolongé sa durée jusqu'au 1er juin 2017.
Dans le cadre d'un projet de redynamisation de la ZAC du Haut Minervois impliquant l'implantation d'un supermarché, la société B... a envisagé avec la société Casino un passage sous l'enseigne « Supermarché Casino » et plusieurs rencontres ont eu lieu au cours du premier trimestre 2013.
Courant avril 2013, M. Y..., gérant de la société B..., a informé la société Casino de ce que le projet de changement d'enseigne était abandonné et a fait part de son souhait de vendre le fonds de commerce ou les parts sociales qu'il détenait, au cours de l'année 2014.
Invoquant des anomalies du logiciel informatique « Gold », utilisé depuis avril 2010 suite aux préconisations du franchiseur, ayant prétendument conduit à des ventes à perte, à des erreurs de TVA et à la réduction de sa marge d'exploitation, la société B... a mis en demeure la société Casino, par lettre du 10 décembre 2013, signifiée par huissier de justice, de lui fournir un autre logiciel informatique dans un délai de 15 jours, sous peine d'application de la clause résolutoire stipulée à l'article 13 du contrat de franchise. Dans ce même courrier, la société B... a fait grief à la société Casino d'avoir installé des enseignes du groupe dans sa zone de chalandise sans l'avoir informée.
La société Casino a répondu à cette mise en demeure par trois courriers, entre les 16 et 18 décembre 2013, proposant un nouveau logiciel à la société B.... Celle-ci a répondu à ces trois lettres par courrier du 23 décembre 2013 afin de manifester son mécontentement à propos des solutions apportées par la société Casino.
Dans ces conditions, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2013, la société Y... a revendiqué le bénéfice de la clause résolutoire, la résiliation immédiate du contrat aux torts exclusifs de la société Casino et le retrait de l'enseigne avec tous les éléments de signalétique.
Estimant que la société B... avait cherché un prétexte pour quitter l'enseigne Spar au profit d'une enseigne concurrente, la société Casino a contesté, par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 décembre 2013, le bien fondé et la régularité de cette résiliation, et a mis en demeure la société B... de poursuivre le contrat de franchise jusqu'à son terme, ce qui a été refusé par celle-ci, le 6 janvier 2014.
La société B... a procédé à la dépose de la signalétique « Spar » et l'a remplacée par « Carrefour Contact », début janvier 2014.
Par courrier du 29 janvier 2014, la société B... a informé la société Casino que les parts sociales détenues par M. Y... avaient été cédées à la société Carrefour Proximité France, suivant acte sous seing privé du 31 décembre 2013 et lui a fait sommation interpellative, le même jour, d'indiquer si elle agréait le nouveau dirigeant, ce à quoi la société Casino a répondu, le 4 février 2014, « qu'elle n'avait pas, à ce stade, à se prononcer au sujet d'un éventuel agrément de la société Carrefour en qualité de franchisé», en l'état notamment de la poursuite forcée du contrat ordonnée le 21 janvier 2014 et d'une validité de la cession de parts sociales contestée judiciairement pour violation de son droit de préemption contractuel.
Dans ce contexte, plusieurs procédures judiciaires ont été initiées par les parties.
I. La procédure en référé d'heure à heure en exécution forcée du contrat
Par exploit du 13 janvier 2014, la société Casino a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir ordonner sous astreinte la reprise et le maintien des relations contractuelles jusqu'à ce qu'une décision intervienne au fond s'agissant du caractère licite ou non de la rupture du contrat de franchise par la société B....
Par ordonnance du 21 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a ordonné sous astreinte à la société B... la reprise et le maintien de ses relations contractuelles avec la société Casino telles qu'elles résultaient du contrat de franchise et de son avenant jusqu'à ce qu'une décision au fond intervienne s'agissant de la rupture dudit contrat. Le juge des référés s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte.
Cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 10 février 2015 (R.G. N°14/02110), frappé d'un pourvoi, suite à la réinscription après radiation du pourvoi formé par la société B....
Procédure en liquidation de l'astreinte
Par exploit du 15 avril 2014, la société Casino a assigné la société Y... devant le président du tribunal de commerce de Lyon afin de faire procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 21 janvier 2014. La société Carrefour est intervenue volontairement dans ladite procédure, à titre accessoire.
Par ordonnance du 20 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Lyon a condamné la société B... au paiement d'une somme de 3.100.000 euros au titre de la liquidation d'astreinte.
Par arrêt du 20 février 2018, la cour d'appel de Lyon a confirmé le principe de liquidation de l'astreinte en cause mais en a réformé le quantum en condamnant la société B... à payer à la société Casino la somme de 1.390.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte attachée à l'ordonnance de référé précité.
II. La procédure au fond à bref délai devant le tribunal de commerce de Lyon en exécution forcée du contrat (terminée)
En parallèle de la procédure en référé d'heure à heure, la société Casino a, par exploit du 17 janvier 2014, assigné à bref délai la société B... devant le tribunal de commerce de Lyon afin de l'entendre condamner, au titre d'une résiliation unilatérale abusive du contrat, à la reprise ou au maintien des relations contractuelles et, à titre subsidiaire, au titre d'une rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L442-6, I, 5º du code de commerce, au respect d'un préavis suffisant.
Par jugement du 24 juin 2014, statuant sur les conditions de la résiliation, le tribunal de commerce de Lyon a estimé que celle-ci était abusive et a ordonné à la société B... de reprendre l'exécution du contrat sous astreinte.
Par arrêt du 14 décembre 2016 (R.G. n°14/14207), la cour de Paris a confirmé en tous points le jugement du 24 juin 2014 et, y ajoutant, rejeté les demandes de la société B... fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies et le déséquilibre significatif.
Le 9 mai 2017, la société Carrefour a formé une tierce opposition à l'encontre de l'arrêt précité.
Par arrêt du 30 mai 2018 (n°17-14.303), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société B... à l'encontre de l'arrêt du 14 décembre 2016.
III. La procédure aux fins de constatation de la violation du droit de préemption
Parallèlement, par exploit du 7 février 2014, la société Casino a de nouveau saisi le tribunal de commerce de Lyon et a fait assigner les sociétés B... et Carrefour Proximité ainsi que M. Y... en nullité de l'acte de cession, intervenu en fraude de ses droits et en réparation des préjudices subis.
Par jugement du 27 juillet 2015, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Lyon a notamment dit que la clause résolutoire insérée dans le contrat de franchise n'avait pas été mise en 'uvre de bonne foi, dit que M. Y... et la société B... avaient commis une faute faisant dégénérer en abus leur droit de rompre le contrat, dit que le contrat restait en vigueur jusqu'à son terme contractuel, sauf nouvelle dénonciation par l'une ou l'autre partie, constaté que le contrat de franchise avait prévu dans son article 12, en cas de projet de cession du fonds de commerce du franchisé, une obligation d'information du franchiseur et un pacte de préférence à son profit, dit que M. Y... et la société B... étaient ensemble responsables du non-respect par le franchisé de ses obligations contractuelles résultant de l'article 12 du contrat de franchise, rejeté la demande d'annulation des parts sociales, condamné M. Y... et la société Carrefour, complice de la rupture de mauvaise foi du contrat de franchise, au paiement à la société Casino de diverses sommes en réparation des préjudices subis et de la violation de la clause de non-concurrence (article 14), et débouté les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, les condamnant à verser in solidum à la société Casino, une indemnité de procédure de 50 000 euros.
La société B..., M. Y... et la société Carrefour ont relevé appel de ce jugement devant la cour d'appel de céans où l'instance est actuellement pendante sous les numéros R.G. 15/17988, 15/18123 et 15/18128.
Il convient de noter pour la clarté de l'exposé que la société B..., M. Y... et la société Carrefour ont sollicité la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement du 27 juillet 2015 devant le Premier Président de la cour d'appel de Paris. Par trois ordonnances du 12 mai 2016, celui-ci, faisant droit à la seule demande de la société B..., a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris à l'encontre de la société B... et a rejeté les demandes de la société Carrefour et de M. Y... en arrêt de l'exécution provisoire de la décision précitée.
IV. La procédure à bref délai devant le tribunal de commerce de Carcassonne initiée par la société Carrefour (sur la liquidation d'astreinte) (terminée)
Par exploit du 23 mai 2014, la société Carrefour, cessionnaire des parts sociales de la société B..., a fait assigner, à bref délai, la société Casino et la société B..., devant le tribunal de commerce de Carcassonne, au visa de l'article 1382 ancien du code civil, afin de dire que la société Casino avait commis une faute en demandant la liquidation de l'astreinte fixée par l'ordonnance du 21 janvier 2014, alors qu'elle avait refusé de donner son agrément à la cession et de la condamner à lui payer une indemnité de 100.000 euros, en réparation du comportement déloyal.
Par jugement du 8 septembre 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Carcassonne, après avoir rejeté les exceptions d'incompétence et de connexité, a dit que la société Casino avait commis une erreur en demandant la liquidation de l'astreinte alors qu'elle avait refusé de donner son agrément à l'acquéreur des parts sociales de la société B..., a condamné la société Casino à garantir la société B... du montant de la condamnation retenu par le juge de la liquidation d'astreinte, ou, en cas de substitution, par la société Carrefour, à garantir cette dernière, et a condamné la société Casino au paiement d'une indemnité de 50.000 euros à la société B... et à l'acquéreur des parts sociales de cette dernière.
Saisie sur appel de la société Casino, par arrêt du 29 novembre 2016, la cour d'appel de Montpellier a infirmé le jugement du 8 septembre 2014 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, a notamment débouté la société Carrefour de l'ensemble de ses demandes, dit que les demandes de la société B... tendant à constater l'impossibilité d'exécuter le contrat de franchise ainsi que l'ordonnance de référé du 21 janvier 2014 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris le 10 février 2015, et à constater la caducité dudit contrat, étaient irrecevables et débouté la société B... de sa demande en paiement de dommages et intérêts, fondée sur l'ancien article 1382 du code civil.
Par arrêt du 30 mai 2018 (n°17-15.437), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société B... et la société Carrefour à l'encontre de l'arrêt du 29 novembre 2016.
V. La procédure devant le tribunal de commerce de Marseille pour abus de dépendance économique dont appel
Par exploit du 11 février 2014, la société B... a assigné la société Casino devant le tribunal de commerce de Marseille afin que la résiliation du contrat de franchise soit prononcée et que celle-ci soit condamnée au paiement de dommages et intérêts pour abus de dépendance économique, arguant notamment à ce titre d'une pratique d'imposition de prix de revente dont se serait rendue coupable la société Casino.
La société Carrefour et M. Y... sont ensuite intervenus volontairement à cette instance, respectivement à titre principal et à titre accessoire.
Par jugement du 3 mars 2016, le tribunal de commerce de Marseille a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- joint les instances enrôlées sous les numéros 2014F00984 et 2014F01327, par application des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile,
- dit qu'il n'y a pas lieu de se dessaisir au profit de la cour d'appel de Paris,
- déclaré recevable la société B... en ses demandes,
- pris acte de l'intervention volontaire de Monsieur Jean Y... et l'a reçu en son intervention volontaire,
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Carrefour Proximité France,
en conséquence,
- pris acte de l'intervention volontaire de la société Carrefour Proximité France et l'a reçue en son intervention volontaire,
- constaté que le tribunal de commerce de Carcassonne dans son jugement du 8 septembre 2014 a prononcé la caducité du contrat de franchise et de ses avenants,
en conséquence,
- dit sans objet la demande de la société B... tendant à la résiliation du contrat de franchise,
- constaté une situation de dépendance économique de la société B... envers la société Distribution Casino France,
- constaté que la société Distribution Casino France a commis des manquements qui caractérisent, en vertu des articles L.442-6 et L.420-2 du code de commerce un abus de dépendance économique envers la société B..., obligée de respecter strictement la politique commerciale de la société Distribution Casino France,
- condamné la société Distribution Casino France à payer à la société B... la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société Distribution Casino France à payer à la société B... la somme de 42.309,45 euros (quarante-deux mille trois cent neuf euros et quarante-cinq centimes) au titre des ristournes pour 2013, ainsi que celle de 10.000 euros (dix mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré nulle la clause de non-concurrence post contractuelle insérée au contrat de franchise du 28 avril 2008,
- condamné la société Distribution Casino France à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 1.000euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Distribution Casino France à payer à Monsieur Jean Y... la somme de 600euros (six cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,
- condamné la société Distribution Casino France aux dépens,
conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement.
Par déclaration du 7 mars 2016, la société Casino a relevé appel de ce jugement.
La procédure devant la cour a été clôturée par ordonnance du 19 juin 2018.
LA COUR
Vu l'appel et les dernières conclusions de la société Distribution Casino France, déposées et notifiées le 12 juin 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de:
Vu les articles 1134, 1184, 1351 et 1382 anciens du code civil, L.420-2, alinéa 2, L.420-3, L.442-6, I, 2° du code de commerce, D.442-3 du code de commerce, 32-1, 46, 100 et suivants, 122, 146, 325, 329 et 480 du code de procédure civile,
in limine litis,
- constater que dans ses conclusions en date du 11 juin 2018, page 16, la société Y... indique que : « il est exact que si le tribunal de commerce de Carcassonne évoque la caducité dudit contrat, il ne reprend par cette formulation dans le dispositif de son jugement, il s'ensuit que le tribunal de commerce de Marseille ne pouvait pas constater que la caducité avait d'ores et déjà été prononcée. »
- dire qu'il s'agit d'un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 ancien du code civil,
- dire que dans son jugement du 8 septembre 2014 le tribunal de commerce de Carcassonne n'a pas prononcé la caducité du contrat de franchise Spar conclu entre la société B... et la société Distribution Casino France comme l'a déjà jugé la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 29 novembre 2016 « confirmé » par la Cour de cassation dans son arrêt du 30 mai 2018,
sur le fond,
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 3 mars 2016 dans sa totalité sauf en ce qu'il a débouté la société B... de sa demande d'indemnisation pour traitement discriminatoire,
et par conséquent, en tout état de cause,
- débouter la société B... et la société Carrefour Proximité de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
Sur la responsabilité de la société Distribution Casino France
Sur le rejet de la demande au titre d'un prétendu abus de dépendance économique
- constater que la société B... est contractuellement libre de fixer ses prix,
- constater que la société B... n'est pas tenue d'une obligation d'approvisionnement exclusif auprès de la société Distribution Casino France,
- constater d'ailleurs que dans le cadre de la procédure aux fins de liquidation d'astreinte la société B... avoue elle même que : «aucune stipulation du contrat n'impose au franchisé de commander auprès de CASINO» « Le contrat donne même la possibilité au franchisé de trouver un autre fournisseur non référencé proposant les mêmes produits à des conditions de prix inférieurs du moment qu'il communique au franchiseur les références dudit fournisseur.'» « Ce qui démontre donc aucune obligation de s'approvisionner, y compris pour les produits à marque propre, auprès de CASINO'»,
- constater que la société B... ne justifie jamais du prix de cession des marchandises effectivement vendues au consommateur comme cela a été jugé par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 14 décembre 2016, «confirmé» par la Cour de cassation le 30 mai 2018,
- constater que la société B... ne justifie jamais avoir :
* soit tenté de recourir au système de modification manuelle des prix de vente,
* soit avoir été dans l'incapacité de le faire ;
- constater que la société B... ne verse pas aux débats la moindre preuve d'une quelconque « police » des prix de revente au consommateur pratiquée par la société Distribution Casino France,
- constater que la société B... ne s'est jamais plainte à quelque titre que ce soit ni d'être en situation de dépendance économique, ni du moindre abus de la part de la société Distribution Casino France jusqu'à son courrier du 11 décembre 2013 dont il a été jugé par le tribunal de commerce de Lyon et par la cour d'appel de Paris qu'il avait été établi de mauvaise foi,
- dire que la société Distribution Casino France n'a commis aucun abus de dépendance économique à l'égard de la société B...,
- constater que la société B... ne justifie jamais au sens de l'article L.420-2 alinéa 2 du code de commerce de l'effet anticoncurrentiel des pratiques qu'elle prétend dénoncer se contentant dans ses conclusions du 11 juin 2018 d'affirmer que cela empêcherait le groupe Carrefour d'exploiter le fonds de commerce de la société Y... sous l'une de ses enseigne,
en conséquence,
- débouter la société B... de toutes ses demandes sur ce fondement et notamment de condamnation de la société Distribution Casino France au paiement de dommages et intérêts,
Sur le rejet de la demande au titre d'un prétendu déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
Sur l'irrecevabilité de la demande
- constater que dans son arrêt du 14 décembre 2016, « confirmé » par la Cour de cassation dans son arrêt du 30 mai 2018, la cour d'appel a débouté la société Y... de sa demande au titre d'un prétendu déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,
- en conséquence, déclarer irrecevable la société Y... en sa demande sur ce fondement comme se heurtant à l'autorité et à la force de la chose jugée des arrêts précités,
-constater que le contrat de franchise Spar a été conclu le 28 avril 2008, soit antérieurement à l'adoption des dispositions relatives au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui ne sont applicables qu'aux contrats conclus depuis le 1er janvier 2009,
- en conséquence, déclarer irrecevable la société Y... en sa demande sur ce fondement et, en tout état de cause, la déclarer infondée,
Sur le caractère infondé de la demande
- en tout état de cause, constater que la société B... ne s'est jamais plainte à quelque titre que ce soit d'un prétendu déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties jusqu'à son courrier du 11 décembre 2013 dont il a été jugé par le tribunal de commerce de Lyon et par la cour d'appel de Paris, confirmée par la Cour de cassation, qu'il avait été établi de mauvaise foi,
- constater que la société B... ne démontre jamais le prétendu déséquilibre entre les droits et obligations des parties qu'elle invoque se contentant de procéder par amalgame et généralités,
- en conséquence, débouter la société B... de toute demande de condamnation de la société Distribution Casino France au paiement de dommages et intérêts,
Sur le rejet de la demande au titre des prétendues ristournes non payées
- constater que le non versement, à la supposer dûe, d'une quelconque ristourne à la société B... au titre de la seule année 2013, est parfaitement justifié, puisque, loin de révéler un quelconque abus de dépendance économique ou un quelconque déséquilibre entre les droits et obligations des parties, ce non versement ne fait que trouver sa légitimité :
* d'une part, sur le fondement tant de l'ordonnance du Président du tribunal de commerce de Lyon du 21 janvier 2014, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 février 2015, que du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 24 juin 2014, confirmé par la cour d'appel de Paris le 14 décembre 2016, lui-même confirmé par la Cour de cassation le 30 mai 2018 non exécutés par la société Y..., et,
* d'autre part, de la simple application de la convention qui détermine les conditions d'attribution des dites ristournes,
* enfin, par l'application de la théorie de l'exception d'inexécution qui veut que, tant qu'une partie n'a pas respecté ses obligations, en l'occurrence, la poursuite forcée du contrat et le paiement des sommes dues au titre de ce contrat, l'autre partie est en droit de suspendre ses propres obligations,
Sur le rejet de la demande au titre d'un prétendu traitement discriminatoire
- constater que la société B... ne s'est jamais plainte à quelque titre que ce soit d'un prétendu traitement discriminatoire jusqu'à ses conclusions du 15 avril 2015,
- dire que la société Distribution Casino France n'a commis aucun traitement discriminatoire fautif à l'égard de la société B...,
- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 3 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Y... de toute demande de condamnation de la société Distribution Casino France au paiement de dommages et intérêts,
Sur l'irrecevabilité et le rejet de la demande de résiliation
Sur l'irrecevabilité de la demande de résiliation dans le cadre de la présente instance
- constater que la société B... a déjà demandé la résiliation judiciaire du contrat de franchise devant le tribunal de commerce de Lyon,
- constater que par jugement du 24 juin 2014, confirmé par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 14 décembre 2016 confirmé par la Cour de cassation le 30 mai 2018, la société B... a été déboutée de sa demande sur ce point, mais qu'elle a également, constaté le caractère abusif de la résiliation du contrat de franchise par la société B...,
- dire que la demande de résiliation de la société B... formulée dans le cadre de la présente instance est donc irrecevable,
- en conséquence, débouter la société B... de sa demande de résiliation du contrat de franchise du 28 avril 2008,
Sur le rejet de la demande de résiliation
- dire qu'aucune résiliation judiciaire ne saurait être prononcée au titre d'un prétendu abus de dépendance économique ou d'un prétendu déséquilibre significatif, une telle sanction n'étant au demeurant pas possible sur ce fondement,
- débouter, en tout état de cause, la société B... de sa demande de résiliation du contrat de franchise du 28 avril 2008,
Sur le rejet de la demande d'expertise sollicitée pour la première fois en cause d'appel par la société Y... sans ses conclusions en date du 11 juin 2018
- débouter, la société B... de sa demande, à titre subsidiaire, d'expertise judiciaire qui ne saurait pallier à sa carence dans l'administration de la preuve,
Sur le rejet de la demande de nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise Spar conclu entre la société B... et la société Distribution Casino France
- constater que la société Distribution Casino France ne s'est jamais prévalue et n'entend pas se prévaloir de la clause de non concurrence post-contractuelle stipulée au contrat de franchise,
- dire, en conséquent, sans objet la demande de nullité de la clause de non concurrence post-contractuelle,
en tout état de cause,
- dire que le droit communautaire ne s'applique pas à la clause de non-concurrence post-contractuelle insérée dans le contrat de franchise conclu entre la société B... et la société Distribution Casino France,
- constater que dans son arrêt du 14 décembre 2016, confirmé par la Cour de cassation le 30 mai 2018, la cour d'appel de céans a considéré s'agissant de ladite clause que : « cette clause de non-concurrence post contractuelle, d'une durée limitée, a pour objet de protéger le savoir-faire de l'ancien franchiseur et éviter qu'il ne soit divulgué dans un autre réseau. Il s'agit donc d'une restriction de concurrence justifiée par l'objet de la franchise lui-même »,
- dire que la clause de non-concurrence post-contractuelle insérée dans le contrat de franchise conclu entre la société B... et la société Distribution Casino France est strictement conforme au droit interne français tel qu'il est applicable au contrat litigieux,
- débouter les sociétés Y... et Carrefour Proximité France de leur demande de nullité de ladite clause,
Sur la demande reconventionnelle de la société Distribution Casino France
- constater que dans le dispositif du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 27 juillet 2015 qui a autorité de la chose jugée conformément aux dispositions de l'article 480 du code civil, il a été jugé que : « la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE SAS s'est rendue coupable de complicité en favorisant la rupture de mauvaise foi par la société B... du contrat de franchise en fraude de ses obligations contractuelles »,
- constater que toutes les décisions de justice survenues dans ce dossier, à l'exception du jugement dont il est interjeté appel dans le cadre de la présente instance, ont souligné la mauvaise foi dont a fait preuve la société B... dans ce dossier, supportée en ce sens par la société Carrefour et Monsieur Jean Y...,
- condamner la société B..., Monsieur Jean Y..., et la société Carrefour Proximité France solidairement, au paiement de la somme de 200.000euros à la société Distribution Casino France au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire, outre le paiement d'une amende civile de 3.000euros pour chacun d'eux,
Sur l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société B..., la société Carrefour Proximité France et Monsieur Jean Y... au paiement solidaire d'une somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
Vu les dernières conclusions de la société B..., intimée, déposées et notifiées le 12 juin 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 480, 561 et 562 du code de procédure civile, 1134, 1184, 1351 anciens du code civil, 1355 du code civil, L.420-1, L.420-2, L.420-3 et L.442-6 du code de commerce,
- donner acte à la société Distribution Casino France de ce qu'elle renonce à ses exceptions de procédure,
- donner acte à la société Distribution Casino France de ce qu'elle renonce à se prévaloir de sa clause de non concurrence à effet post-contractuel,
- donner acte à la société Distribution Casino France que la société B... est tiers à la cession de ses parts sociales intervenue suivant acte en date du 31 décembre 2013,
- débouter la société Distribution Casino France de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- dire recevables les demandes formées par la société B... qui diffèrent par leur objet (tant l'abus de dépendance économique que le déséquilibre significatif) de celles soutenues devant le tribunal de commerce de Lyon, dont le jugement du 24 juin 2014 a été confirmé par la cour d'appel de Paris par arrêt du 14 décembre 2014, et qui portent, à tout le moins, sur une période postérieure au 24 juin 2014, comme ne heurtant aucune autorité de chose jugée, ni le principe de concentration des moyens,
- constater :
* qu'en vertu du préambule et de l'objet du contrat de franchise, la société Distribution Casino France s'engage à assurer à son franchisé une politique commerciale, un assortiment de marchandises sélectionné, et un logiciel performant,
* que par ce même contrat de franchise, le franchisé s'engage à respecter la politique commerciale du franchiseur, à respecter les systèmes mis au point par le franchiseur, et bénéficie d'un système de commandes agréé par le franchiseur,
* que le prix est déterminé au moment de la livraison et non pas au moment de la commande, suivant les conditions générales de vente,
* que la société B... apporte la preuve de la pratique par la société Distribution Casino France, sur les années 2010, 2011, et 2012, de prix conseillés au franchisé à un montant inférieur au prix de cession des mêmes marchandises,
* que la société Distribution Casino France, par aveu judiciaire ni divisible, ni rétractable, reconnaît que certains prix conseillés étaient effectivement inférieurs au prix de cession des marchandises,
* que 460 références sont ainsi concernées, soit 5% de l'ensemble des marchandises vendues, non pas de façon ponctuelle mais sur trois exercices (années 2010 à 2012), occasionnant une perte de marge de deux points, ce qui, sauf dénaturation des pièces ainsi soumises à la procédure, ne saurait être minoré,
* que ces prix conseillés à perte, entraînant une perte de deux points de marge pour l'exploitant, impactent nécessairement le marché concerné par la pratique d'un tarif artificiellement et irrégulièrement concurrentiel, lequel est dominé par la société Distribution Casino France (sur 23 enseignes sur la zone de chalandise et à proximité de Rieux Minervois où est exploité le fonds, 11 relèvent de réseaux animés par la société Distribution Casino France),
* que dans ses explications fournies 23 mois après la mise en demeure adressée par la société B..., la société Distribution Casino France ne démontre pas que la problématique de prix conseillés inférieurs aux prix de cession soit causée par «bug » informatique, et qu'elle ne peut donc évincer sa propre responsabilité par l'existence d'un « bug » informatique qui n'existe donc pas,
* que la société Distribution Casino France ne fournit aucune explication susceptible d'évincer sa responsabilité dans la problématique de prix conseillés inférieurs aux prix de cession, ni sur les erreurs de TVA applicable, fait constituant une infraction pénale,
* que le jugement, non définitif, du tribunal de commerce de Lyon du 27 juillet 2015 relatif à la complicité prétendue de la société Carrefour Proximité France dans la violation supposée du droit de préférence stipulé au profit de la société Distribution Casino France n'évince pas la problématique de l'abus de dépendance économique dénoncé,
- dire :
* que la faculté supposée pour le franchisé de pouvoir, à posteriori, modifier les prix et le fait que la société B... ne produise pas les tickets de caisse afférents aux références de marchandises litigieuses, n'évince pas la faute de la société Distribution Casino France dans le fait de livrer des marchandises à un prix conseillé inférieur au prix de cession,
* que l'exploitant franchisé doit intégrer, chaque jour la descente des prix conseillés par la société Distribution Casino France et ne peut modifier ses prix en caisse que s'il refuse le fichier d'intégration des prix conseillés, sinon toutes les modifications apportées en caisse sont ipso facto écrasées,
* ce que relève non seulement une expertise judiciaire menée sur le logiciel Gold aux termes de laquelle l'expert a recueilli les déclarations expresses de la société Distribution Casino France en ce sens et ce que révèle également la pièce n°54 de la société Distribution Casino France sur le fonctionnement du logiciel Gold (constater à cette occasion que la société Distribution Casino France reconnaît elle-même que le logiciel Gold est utilisé indifféremment tant pour l'enseigne Vival que pour l'enseigne Spar),
- constater en conséquence que l'exploitant n'a pas d'autres choix que d'intégrer le fichier des prix conseillés par la société Distribution Casino France, ou de modifier par lui-même le prix des références livrées, soit plusieurs centaines de références quotidiennes, ce qui est non seulement matériellement impossible, mais en outre ce qui le conduit à se priver du savoir-faire et de l'assistance du franchiseur dans le « pricing » (politique commerciale du franchiseur considérée dans la détermination du tarif le plus approprié pour l'exploitant en fonction des caractéristiques de son enseigne et de sa situation concurrentielle),
- constater en conséquence :
* la défaillance du franchiseur à son obligation de délivrance d'un logiciel informatique performant, au titre de son obligation de transmission d'un savoir-faire, dès lors qu'il a pu être constaté que des prix conseillés par la société Distribution Casino France sur plusieurs centaines de références, étaient inférieurs au prix de cession appliqué à l'exploitant, ayant pour conséquence la pratique de vente à perte imputable à la société Distribution Casino France,
* la pratique de prix imposés.
- à titre subsidiaire, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission d'éclairer la cour sur le mode de fonctionnement du logiciel Gold, et pour fournir toutes explications sur les prix conseillés à un montant inférieur au prix de cession,
- constater que la poursuite forcée du contrat Spar postérieurement au 21 janvier 2014 suivant la volonté de la société Distribution Casino France produit un impact sur le marché concurrentiel en ce qu'elle empêche la société Carrefour Proximité France qui détient l'intégralité des parts de la société B... depuis le 31 décembre 2013, de pouvoir utiliser sa société d'exploitation pour exploiter son fonds sous son enseigne,
- en conséquence, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* constaté une situation de dépendance économique de la société B... envers la société Distribution Casino France et constaté que la société Distribution Casino France a commis des manquements qui caractérisent, en vertu des articles L.442-6 et L.420-2 du code de commerce, un abus de dépendance économique envers la société B..., obligée de respecter strictement la politique commerciale de la société Distribution Casino France,
* condamné la société Distribution Casino France à payer à la société B... la somme de 42 309,45 euros au titre des ristournes dues pour l'année 2013,
* déclaré nulle la clause de non-concurrence post contractuelle insérée au contrat de franchise du 28 avril 2008 ; laquelle est contraire aux dispositions du règlement CE du 30 décembre 2010 et aux dispositions de l'article L.420-1 du code de commerce, n'étant ni limitée au seul fonds de commerce, ni proportionnée au savoir-faire censé être dispensé par le franchiseur,
* condamné au paiement de la somme de 10.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
infirmant la décision déférée :
- prononcer l'annulation du contrat de franchise Spar du 28 avril 2008 en application des dispositions de l'article L.420-3 du code de commerce, à raison de l'abus de dépendance économique constaté qui vicie l'ensemble contractuel, en toute hypothèse, constater sa caducité.
- à titre subsidiaire, prononcer la résiliation du contrat de franchise Spar à compter du 21 juin 2014 en conséquence de l'abus de dépendance économique, le vice affectant le contrat et auquel aucune solution n'a été apportée par la société Distribution Casino France justifiant de ce chef la résiliation dudit contrat,
- à titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil, prononcer la résiliation du contrat de franchise Spar à compter du 21 juin 2014 à raison des fautes commises par la société Distribution Casino France dans son obligation d'assistance qui s'est traduite par une pratique de prix conseillés inférieurs aux prix de cession, et son incapacité à préconiser des solutions, attendant 23 mois pour avancer des bribes d'explications sur les dysfonctionnements constatés dans les pièces 28 à 30 ; ce comportement bouleversant l'économie du contrat et portant atteinte à la pérennité de l'exploitation du franchisé,
- condamner la société Distribution Casino France à payer à la société B... la somme de 225.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de la perte de marge brute en conséquence de l'abus de dépendance économique constaté,
- condamner la société Distribution Casino France à réparer le préjudice subi du fait du traitement discriminatoire qu'elle a imposé à la société B... aux sommes suivantes :
* ristourne fixe : 1.008.920,00 euros
* frais logistiques : 11.130,56 euros,
en tout état de cause,
- condamner la société Distribution Casino France au paiement de la somme de 60.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de présente instance, dont distraction au profit de la S.E.L.A.R.L. Pellerin- De Maria-Z..., avocats aux offres de droit';
Vu les dernières conclusions de M. Y..., intimé, déposées et notifiées le 5 août 2016, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 328, 239 et 330 du code de procédure civile, de :
- adjuger à la société B... le bénéfice de ses prétentions,
- débouter la société Distribution Casino France de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Distribution Casino France à payer à Monsieur Jean Y... la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Distribution Casino France aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de la société Carrefour Proximité France, intimée, déposées et notifiées le 5 juillet 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de:
- dire mal fondé l'appel de la société Distribution Casino France,
- débouter la société Distribution Casino France de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce en toutes ses dispositions,
-dire nulle et subsidiairement réputée non écrite la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue par le contrat de franchise du 28 avril 2008,
-condamner la société Distribution Casino France au versement à la société Carrefour Proximité France d'une indemnité de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel ;
SUR CE
Sur la responsabilité de la société Distribution Casino France
Sur l'abus de dépendance économique
La société Y... rappelle que les trois critères pour caractériser sa situation de dépendance économique au regard des articles L. 420-2, alinéa 2 et L. 442-6, I, 2 du code de commerce, sont réunis : le critère de notoriété de la société Distribution Casino France, l'influence de sa part de marché sur le secteur concerné et vis-à-vis de la victime et enfin l'impossibilité pour elle de trouver une solution commerciale équivalente. Elle prétend démontrer qu'elle se trouve dans une situation de dépendance économique par l'effet combiné d'une clause de non concurrence contractuelle, d'une clause d'approvisionnement exclusif, et de l'obligation pesant sur elle d'avoir à respecter la politique commerciale préconisée par le franchiseur sans pouvoir dans les faits s'en extraire.
L'abus dont elle prétend être victime résulte :
- de prix conseillés inférieurs aux prix de cession, d'où risque de ventes à perte, ce qui constitue une infraction pénale,
- d'erreurs dans la TVA appliquée, ce qui pourrait également donner lieu à des poursuites pénales,
- du déséquilibre manifeste dans les droits et obligations des parties dans le versement des ristournes,
- dans le versement discriminatoire des aides apportées à chaque franchisé.
Les intimées demandent à la cour de constater que la société B... est contractuellement libre de fixer ses prix, n'est pas tenue à une obligation d'approvisionnement exclusif auprès de la société Distribution Casino France. Elle soutient que la société Distribution Casino France n'a commis aucun abus de dépendance économique à l'égard de la société B..., et que celle-ci ne justifie jamais au sens de l'article L.420-2 alinéa 2 du code de commerce de l'effet anticoncurrentiel des pratiques qu'elle prétend dénoncer dans ses conclusions du 11 juin 2018.
***
La caractérisation d'un abus de dépendance économique nécessite que soient établis une situation de dépendance et un abus de cette situation.
L'alinéa 2 de l'article L. 420-2 du code de commerce dispose : « ('). Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ».
Sur la situation de dépendance économique
Pour caractériser l'existence d'une situation de dépendance économique, il convient de tenir compte de la notoriété de la marque du fournisseur, de l'importance de la part de marché du fournisseur, de l'importance de la part de fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur et, enfin, de la difficulté pour le distributeur d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents.
L'état de dépendance économique, pour un distributeur, se définit comme la situation d'une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables.
Dans le cadre d'un réseau de franchise, la sauvegarde de l'identité du réseau ainsi que la protection du savoir-faire du franchiseur justifient l'exercice, par ce dernier, d'un certain contrôle sur la politique commerciale des franchisés. Cependant un tel contrôle ne saurait excéder ce qui est strictement nécessaire à la réalisation de ces objectifs. La mise en évidence d'une situation de dépendance économique de franchisés à l'égard d'un franchiseur pourrait ainsi résulter du jeu cumulé d'un ensemble de clauses contractuelles imposées par ce dernier, dont la finalité serait de limiter la possibilité des franchisés de quitter le réseau et de restreindre leur liberté contractuelle dans des proportions dépassant les objectifs inhérents à la franchise, sans que la circonstance que ces clauses aient été volontairement souscrites puisse être opposée aux franchisés.
Ceci étant précisé, il convient de souligner qu'aucune discussion ne porte sur le marché pertinent du commerce d'alimentation générale de proximité, ni sur la zone géographique concernée, de 22 kilomètres autour de Rieux Minervois.
Sur ce marché, la société Distribution Casino France, dont la notoriété de la marque n'est pas contestée, dispose d'une part de marché, sinon dominante, du moins prépondérante (pièce 101 de Y...).
L'importance de la part du fournisseur Distribution Casino France dans le chiffre d'affaires de Y..., revendeur résulte de la clause d'exclusivité d'approvisionnement du contrat et de l'impossibilité pour elle d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents.
L'article 5-1 du contrat de franchise, intitulé « Conditions d'approvisionnement des Produits » instaure, sans le nommer, un régime d'exclusivité d'approvisionnement. En effet cet article prévoit notamment que « le franchisé pourra toujours, s'il le désire, s'approvisionner pour les produits auprès d'un autre franchisé ou établissement du réseau Spar. Dans l'hypothèse où le franchisé trouverait un fournisseur non référencé proposant les mêmes produits à des conditions de prix inférieures et à des conditions de qualité au moins égales à celles des produits du franchiseur ou des fournisseurs référencés, il devra communiquer au franchiseur les référence dudit fournisseur afin que ce dernier examine la possibilité d'un référencement, dans l'intérêt du réseau Spar. ('). En tout état de cause et dans le but d'assurer la qualité uniforme des assortiments et de l'image du réseau, le franchiseur ne pourra pas commercialiser de produits qui ne relèveraient pas de l'assortiment décidé par le seul franchiseur, sans l'accord préalable de ce dernier. Le franchisé s'engage à s'approvisionner en produits portant les marques du groupe Casino exclusivement auprès des entrepôts du groupe Casino ou auprès des fournisseurs que ce dernier lui désignera ».
Ainsi et concrètement, le contrat ne laisse à l'exploitant franchisé que les seules possibilités d'approvisionnement suivantes :
- directement auprès des centrales de Distribution Casino France,
- auprès des autres franchisés qui eux-mêmes s'approvisionnent auprès de Distribution Casino France,
- directement auprès des fournisseurs référencés de Casino, mais le recours à ces fournisseurs n'est possible que s'ils sont référencés et donc agréés par Distribution Casino France,
- enfin, pour le cas où l'exploitant trouverait des fournisseurs moins chers, dans ce cas, il doit alors soumettre lesdits fournisseurs à la procédure d'agrément imposée par Distribution Casino France, cette faculté s'avérant théorique, puisque, selon les CGV, le prix n'est connu, non au moment de la commande, mais le jour de la livraison effective, rendant donc illusoire toute comparaison de prix utile.
Ainsi, dans tous les cas de figure, le franchisé doit passer par la société Distribution Casino France.
Par ailleurs, l'article 14 du contrat, instaurant une clause de non-concurrence durant le contrat et pendant un an à compter de son expiration, est de nature à freiner toute velléité du franchisé de sortir du réseau. Pendant toute la durée du contrat, soit pendant sept ans, puis par périodes triennales successives (article 10 du contrat), il est en effet prévu que « le franchisé s'interdit de créer, participer ou s'intéresser directement ou indirectement par lui-même ou par personne interposée, à toute entreprise ou société concurrente du franchiseur et du réseau Spar et, et en particulier à tout commerce de distribution alimentaire. En outre, le franchisé s'interdit d'exploiter ou de participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l'unité en franchise et de s'affilier, d'adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit, à une chaîne concurrente du franchiseur ou d'en créer une lui-même, et plus généralement de se lier à tout groupement, organisme ou entreprise concurrente du franchiseur ». Il est en outre précisé que « cette interdiction sera valable pendant un an à compter de la date de cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, et ce dans un rayon de 30 km du magasin exploité dans le cas d'une zone dite rurale et dans un rayon de 10 km dans une zone urbaine. La violation de cette clause, outre les conséquences qu'elle pourrait avoir sur le contrat d'exécution, entraînera le versement par le franchisé d'une somme de 160'000 euros, sans préjudice des autres droits et recours du franchiseur et de l'obligation pour le franchisé de respecter l'obligation concernée ».
En conclusion, la clause de non-concurrence présente dans le contrat de franchise et valable pendant toute sa durée empêche la société Y... de sortir du réseau ou, pour ce qui concerne la clause d'approvisionnement, de s'approvisionner auprès de fournisseurs de son choix.
Ces dispositions du contrat de franchise, ainsi que les conditions de son exécution en pratique, privent la société B... de toute solution alternative à la distribution des produits de la société Distribution Casino France ou de ses fournisseurs agréés. Effectuant dès lors la totalité de son activité auprès de la société Distribution Casino France, sans aucune possibilité de diversification ou de sortie du réseau, elle se trouvait soumise à un état de dépendance économique.
Sur l'abus de dépendance économique
La société B... expose avoir constaté que 460 transactions ont été effectuées à perte, à cause du logiciel Gold, imposé depuis 2010 par la société Distribution Casino France.
Elle rappelle :
- qu'elle a l'obligation de suivre la politique commerciale du franchiseur et de passer les commandes par le matériel informatique agréé par le franchiseur et fourni par ce dernier,
- qu'il lui était impossible, pour le cas où ce logiciel serait défaillant, de pouvoir lui substituer tout autre matériel qui nécessairement ne pouvait être en phase avec les systèmes du franchiseur,
- que par le logiciel Gold, le franchiseur communique quotidiennement au franchisé sa politique commerciale, en préconisant un tarif de vente final conseillé et en facturant un prix de cession au franchisé,
- que ce prix de vente conseillé est automatiquement répercuté au rayon, par le logiciel Gold et figure sur les étiquettes préimprimées,
- qu'une procédure manuelle de modification existe, mais est inefficace si les modifications des prix par le distributeur ne sont pas effectuées selon une certaine technique,
- que le prix de cession n'étant connu que le jour de la livraison, elle ne peut calculer sa marge ex ante et que ce n'est qu'a posteriori et en analysant ligne par ligne chaque facture qui lui est adressée que le franchisé a la possibilité de s'assurer que le prix conseillé lui réserve un taux de marge suffisant pour assurer la pérennité de son fonds,
- que cette analyse méthodique est impossible dans la pratique quotidienne, compte tenu du nombre de références en cause,
- qu'ayant constaté une baisse de sa rentabilité, elle a analysé les factures et constaté que 460 transactions ont été effectuées à perte, à cause du logiciel Gold, imposé depuis 2010 par la société Distribution Casino France, le prix de vente conseillé s'avérant inférieur au prix de cession (si le prix de vente est équivalent au prix de cession, il en résulte également une perte pour le franchisé en raison des coûts de transport qui viennent s'ajouter au prix de cession pour calculer le seuil de revente à perte).
La société Y... ne fait pas grief à la société Distribution Casino France de lui avoir imposé sa politique tarifaire, par le biais du logiciel, puisqu'elle considère que le rôle du franchiseur consiste à lui indiquer le bon positionnement prix, mais de lui avoir imposé des pratiques de vente à perte, susceptibles d'entraîner la responsabilité pénale du franchiseur. Elle soutient que la preuve en est rapportée par les factures émises par la société Distribution Casino France qui mentionnent les prix de cession et les prix de vente conseillés, sans qu'il soit utile, selon elle, de produire le prix auquel les marchandises sont effectivement vendues au consommateur final. Elle précise en effet que la tentative de revente à perte est punissable.
Mais la seule circonstance que les prix de cession s'avèrent supérieurs aux prix de vente conseillés ne suffit pas à établir le grief invoqué par la société B....
En effet, il faut démontrer en premier lieu que le prix de vente conseillé était en réalité un prix imposé par le franchiseur, le franchisé n'ayant ni la volonté, ni la capacité technique de modifier les prix et en second lieu que ces prix étaient des prix de revente à perte.
Or, la société Y... reconnaît qu'elle a procédé à des modifications manuelles des prix de vente préconisés par Distribution Casino France et a fixé ses propres prix de vente personnalisés.
Par ailleurs, elle ne justifie jamais du prix de vente des marchandises aux consommateurs finals, comme cela a été jugé par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 14 décembre 2016, « confirmé » par la Cour de cassation le 30 mai 2018, ni davantage du « prix d'achat effectif ».
En effet, il résulte de l'article L. 442-2 du code de commerce que « Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 euros d'amende. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif. La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article'L. 121-3'du code de la consommation ».
Or, « Le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport ».
Il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société B... de toutes ses demandes sur ce fondement et notamment de condamnation de la société Distribution Casino France au paiement de dommages et intérêts.
Sur le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
Si la société Y... est bien recevable à invoquer le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au regard du montant des redevances exigées du franchiseur, cette pratique n'ayant été examinée qu'au titre de l'absence de clause d'exclusivité territoriale au bénéfice du franchisé, dans l'arrêt de la cour d'appel du 14 décembre 2016, confirmé le 30 mai 2018 par la Cour de cassation, il y a lieu de faire droit au moyen de la société DCF qui soulève l'inapplicabilité de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, entré en vigueur le 6 août 2008, au contrat de franchise, conclu le 28 avril 2008.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur'les ristournes non payées
L'accord qui prévoit le versement de ces ristournes précise qu'au jour de l'attribution de la prime fidélité, aucun impayé ne doit être enregistré dans les comptes de la société Distribution Casino France et que le franchisé doit toujours être en activité.
Le non versement d'une quelconque ristourne à la société B... au titre de la seule année 2013 est donc parfaitement justifié, puisque la société Y... n'a jamais repris l'exécution du contrat de franchise, début 2014, après sa mise en oeuvre de la clause résolutoire.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur le prétendu traitement discriminatoire
La société Y... expose que c'est sur le terrain délictuel de l'ancien article 1382 du code civil et de l'abus de dépendance de l'article L. 420-2 du code de commerce qu'elle entend obtenir la réparation de la discrimination dont elle aurait été victime, puisque la société Distribution Casino France n'aurait manifestement pas traité tous ses franchisés sur un pied d'égalité.
La société Distribution Casino France réplique qu'elle n'a commis aucun traitement discriminatoire fautif à l'égard de la société B... et demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Y... de toute demande de condamnation de la société Distribution Casino France au paiement de dommages et intérêts.
Il y a lieu de constater que la société B... ne s'est jamais plainte à quelque titre que ce soit d'un prétendu traitement discriminatoire jusqu'à ses conclusions du 15 avril 2015. Par ailleurs, si la société IF Investissement exploitant un fonds aux Deux-Alpes aurait bénéficié d'une ristourne fixe, non pas de 1 %, mais de 9,75 %, et qu'enfin elle n'aurait supporté aucun frais de logistique, alors même que, de son côté, la société Y... est assujettie à des coûts variables suivant le montant d'achats des marchandises, ces éléments ne sont pas suffisants pour caractériser la pratique de discrimination, qui suppose de démontrer une inégalité de traitement entre deux sociétés placées dans des situations comparables. Enfin, à supposer cette situation comparable, la société Y... ne peut subir un préjudice du fait qu'un autre franchisé Spar, situé dans les Deux Alpes, c'est-à-dire à plusieurs centaines de kilomètres de son point de vente, ait pu bénéficier de conditions tarifaires différentes, les deux points de vente n'étant pas en situation de concurrence.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la demande d'annulation et de résiliation du contrat
Le fondement de la demande d'annulation et de résiliation de la société Y... étant l'abus de dépendance économique, elle sera rejetée.
Cette demande également fondée sur l'article 1184 ancien du code civil sera également rejetée, en l'absence de faute démontrée de la société Distribution Casino France, les fautes alléguées n'étant pas établies, à savoir le manquement prétendu à son obligation d'assistance qui se serait traduit par une pratique de prix conseillés inférieurs aux prix de cession, et son incapacité à préconiser des solutions.
Sur la demande d'expertise sollicitée pour la première fois en cause d'appel par la société Y... dans ses conclusions du 11 juin 2018
La société B... sera déboutée de sa demande subsidiaire d'expertise judiciaire, laquelle ne peut pallier à sa carence dans l'administration de la preuve et une telle demande n'intervenant au surplus qu'au bout de 4 ans de procédure et 22 instances.
Sur la demande de nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise Spar conclu entre la société B... et la société Distribution Casino France
La société Carrefour Proximité France demande à la cour de juger nulle et subsidiairement réputée non écrite la clause de non-concurrence du contrat de franchise, le rayon de protection de 30 kilomètres étant disproportionné par rapport au savoir-faire limité de l'enseigne.
La société B... demande la confirmation du jugement déféré en qu'il a constaté que cette clause était disproportionnée au regard des intérêts du franchiseur, Distribution Casino France ne justifiant pas d'un savoir-faire tel qu'il nécessitait une telle clause et le rayon de 30 kilomètres autour du fonds en zone rurale et 10 kilomètres en zone urbaine étant manifestement excessif.
La société Distribution Casino France demande à la cour de constater qu'elle ne s'est jamais prévalue et n'entend pas se prévaloir de la clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée au contrat de franchise et qu'en conséquence, la demande de nullité de la clause de non concurrence post-contractuelle est sans objet, qu'en tout état de cause le droit communautaire ne s'applique pas à la clause, que dans son arrêt du 14 décembre 2016, confirmé par la Cour de cassation le 30 mai 2018, la cour d'appel de céans a considéré s'agissant de ladite clause que : « cette clause de non-concurrence post contractuelle, d'une durée limitée, a pour objet de protéger le savoir-faire de l'ancien franchiseur et éviter qu'il ne soit divulgué dans un autre réseau. Il s'agit donc d'une restriction de concurrence justifiée par l'objet de la franchise lui-même ». Elle demande donc à la cour de dire que la clause de non-concurrence post-contractuelle a bien pour objet de protéger un savoir-faire Spar dont l'existence a déjà été validée par la jurisprudence, et est strictement conforme au droit interne français tel qu'il est applicable au contrat litigieux.
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La validité des clauses de non-concurrence post contractuelles prévues dans les contrats des réseaux de franchise Distribution Casino France est contestée par les sociétés Y... et Carrefour ainsi que M. Y..., qui demandent à la cour d'en prononcer la nullité.
Les clauses de non-concurrence post contractuelles peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d'assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu'aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d'exclusivité ; ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent.
Une clause de non-concurrence, en ce qu'elle porte atteinte au principe de la liberté du commerce, doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes de son créancier et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur, c'est-à-dire être limitée quant à l'activité, l'espace et le lieu qu'elle vise ; elle ne peut, par exemple, empêcher le débiteur d'exercer toute activité professionnelle ; enfin, elle doit, au regard de la mise en balance de l'intérêt légitime du créancier de non-concurrence et de l'atteinte qui est apportée au libre exercice de l'activité professionnelle du débiteur de non-concurrence, être proportionnée.
La clause figurant sur tous les contrats Spar, ancien réseau national repris par Distribution Casino France, elle est susceptible d'affecter la totalité du territoire français, partie substantielle du marché de l'Union. Il y a donc lieu de dire applicable le droit de la concurrence de l'Union et d'appliquer le règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées. Cette application ne change d'ailleurs pas les critères d'appréciation de la clause en droit national qui sont identiques à ceux du règlement, lequel fournit un guide d'analyse utile.
Il y a lieu de noter que la société Distribution Casino France ne se prévaut plus de l'irrecevabilité de la demande en nullité de Carrefour Proximité France.
Il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande tendant à voir reconnaître sans objet la demande de Carrefour Proximité France, son intention de renoncer à se prévaloir de la clause n'ayant aucun effet contraignant, et cette clause étant susceptible de lui être opposée dans son opération de rachat de la société Y....
Les conditions d'exemption automatique des clauses de non concurrence post contractuelles prévues dans le règlement d'exemption sont les suivantes, :
'a) l'obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels ;
b) l'obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ;
c)l'obligation est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur ;
d)la durée de l'obligation est limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord'.
Le contrat de franchise Spar conclu entre la société Y... et la société Distribution Casino France comporte sous l'article 14 une clause de non-concurrence post-contractuelle libellée de la manière suivante : « Pendant toute la durée du présent contrat, le franchisé s'interdit de créer, participer ou s'intéresser directement ou indirectement par lui-même ou par personnes interposées, à toute entreprise ou société concurrente du franchiseur et du réseau SPAR et, en particulier à tout commerce de distribution alimentaire.
En outre, le franchisé s'interdit d'exploiter ou de participer d'une quelconque manière, directement ou par personnes interposées, à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l'unité en franchise, et de s'affilier, d'adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit, à une chaîne concurrente du franchiseur ou d'en créer une lui-même, et plus généralement de se lier à tout groupement, organisme ou entreprise concurrents du franchiseur.
De plus, cette interdiction sera valable pendant 1 an à compter de la date de cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, et ce dans un rayon de 30kms du magasin exploité dans le cas d'une zone dite rurale et dans un rayon de 10kms dans une zone urbaine (') ».
En l'espèce, l'objet et l'application dans le temps sont limités.
En revanche, le rayon de 30 kilomètres, en zone rurale, est disproportionné par rapport aux intérêts du créancier et porte une atteinte excessive au débiteur, une interdiction d'exercer l'activité identique dans les locaux même où étaient exercées les activités sous franchise s'avérant en l'espèce suffisante pour éviter tout risque de confusion entre les enseignes qui pourrait intervenir dans ces locaux à la suite de la fin du contrat. La circonstance que le savoir-faire Spar a été reconnu par la Cour de cassation dans un arrêt de 2009 ne suffit pas à rendre cette clause licite au regard de la restriction territoriale litigieuse.
Dans son arrêt du 14 décembre 2016, confirmé par la Cour de cassation le 30 mai 2018, la cour d'appel de céans n'a pas porté d'appréciation sur la validité intrinsèque de la clause, mais sur le déséquilibre significatif censé en résulter dans les droits et obligations des parties.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la clause litigieuse.
Sur la demande reconventionnelle de la société Distribution Casino France
La société Distribution Casino France demande la condamnation solidaire de la société B..., de Monsieur Jean Y..., et de la société Carrefour Proximité France au paiement de la somme de 200.000 euros pour procédure abusive et dilatoire, outre le paiement d'une amende civile de 3.000 euros pour chacun d'eux.
Mais l'exercice d'une voie de droit ne dégénère en abus que lorsque l'action, manifestement vouée à l'échec, est intentée dans la seule intention de nuire.
Aucune faute, ni intention de nuire n'est établie en l'espèce ; il n'est par ailleurs pas démontré que les actions étaient manifestement dépourvues de base et que les multiples saisines trahissent un acharnement procédural. La mauvaise foi dans la rupture du contrat ne saurait faire présumer la mauvaise foi dans l'exercice des voies de recours. Cette demande sera donc rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société B... et Monsieur Jean Y..., succombant au principal, seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à payer à la société Distribution Casino France in solidum la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Distribution Casino France sera condamnée à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 20 000 euros sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de franchise et de ses avenants et dit sans objet la demande de la société B... tendant à la résiliation du contrat de franchise, constaté que la société Distribution Casino France a commis des manquements qui caractérisent, en vertu des articles L.442-6 et L.420-2 du code de commerce, un abus de dépendance économique envers la société B..., obligée de respecter strictement la politique commerciale de la société Distribution Casino France, condamné sur ce fondement la société Distribution Casino France à payer à la société B... la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts et celle de 42.309,45 euros (quarante-deux mille trois cent neuf euros et quarante-cinq centimes) au titre des ristournes pour 2013';
L'INFIRME sur ces points ;
et statuant à nouveau ;
CONSTATE que la caducité du contrat n'a pas été prononcée ;
DEBOUTE la société B... de sa demande au titre de l'abus de dépendance économique;
DÉBOUTE la société B... de sa demande au titre des ristournes 2013 impayées ;
LA DEBOUTE de ses demandes tendant à l'annulation ou la résiliation du contrat ;
REJETTE la demande d'expertise de la société B...;
REJETTE la demande pour procédure abusive de la société Distribution Casino France;
CONDAMNE la société B... et Monsieur Jean Y..., in solidum, aux dépens de l'instance d'appel ;
CONDAMNE la société B... et Monsieur Jean Y..., in solidum à payer à la société Distribution Casino France la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Distribution Casino France à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 20 000 euros sur le même fondement.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC