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02/10/2018 | FRANCE | N°16/10370

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 02 octobre 2018, 16/10370


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 02 Octobre 2018

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/10370



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/00081





APPELANTE

SA SOCIETE IPSOS OBSERVER

[...]

N° SIRET : 403 246 606

représentée par Me Emilie X..., avocat au barreau de

PARIS, toque : C2143





INTIMEE

Madame Caroline A... Z...

[...]

née le [...] à BREST (29200)

représentée par Me Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099







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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 02 Octobre 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/10370

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/00081

APPELANTE

SA SOCIETE IPSOS OBSERVER

[...]

N° SIRET : 403 246 606

représentée par Me Emilie X..., avocat au barreau de PARIS, toque : C2143

INTIMEE

Madame Caroline A... Z...

[...]

née le [...] à BREST (29200)

représentée par Me Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Madame Sylvie FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame A... Z... a été embauchée par la société IPSOS OBSERVER le 9 janvier 2004 en qualité d'enquêteur par plusieurs contrats à durée déterminée d'usage. Le 1er juillet 2006, les parties ont conclu un Contrat de Chargé d'Enquête Intermittent à Garantie Annuelle (CGIEA). Par avenant du 4 juillet 2012, la garantie a été mise à jour selon les règles de l'accord 'senior' prévu par l'accord collectif du 18 mars 2010 ;

La convention collective applicable à la relation de travail est SYNTEC ;

Le 7 janvier 2013, madame A... Z... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour solliciter des rappels de salaires et dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Le 9 octobre 2013, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée à temps plein.

Par jugement du 30 juin 2016, le juge départiteur du Conseil de Prud'hommes a ordonné la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et condamné la société IPSOS OBSERVER à payer à madame A... Z... la somme de 15.841,53 Euros à titre de rappel de salaires sur la base d'un temps plein pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013, et 1.584,15 Euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation.

Il a ordonné la remise des documents sociaux conformes, alloué à madame A... Z... la somme de 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et l'a déboutée du surplus de ses demandes.

Le 22 juillet 2016, la société IPSOS OBSERVER a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 5 juin 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société IPSOS OBSERVER demande à la cour de dire sans objet la demande tendant à la requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet, de dire les demandes de madame A... Z... prescrites et non fondées, et de la condamner à lui payer 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Subsidiairement, elle demande à la Cour de fixer à la somme de 874 Euros le montant de l'indemnité de requalification, d'ordonner à madame A... Z... de lui restituer la somme de 1.111,75 Euros au titre de l'indemnité de fin de contrat et de fixer à 11.598 Euros au plus le rappel de salaire au titre de la relation de travail à temps plein revendiquée, très subsidiairement à 15.434,72 Euros.

Par conclusions visées par le greffe le 5 juin 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, madame A... Z... demande à la cour de confirmer le jugement sur la requalification et les condamnations prononcées, en y ajoutant une somme de 5.000 Euros à titre d'indemnité de requalification ; de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour privation d'un avantage collectif et de condamner la société IPSOS OBSERVER à lui payer, à ce titre, la somme de 670,60 Euros ;

Subsidiairement, elle demande un rappel de salaires de 15.736,59 Euros à compter de mars 2008, outre l'indemnité de requalification ci-dessus et les dommages et intérêts pour privation d'un avantage collectif ;

Elle sollicite l'allocation d'une somme de 3.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS

Sur l'intérêt à agir

Le Conseil de Prud'hommes a considéré à juste titre que madame A... Z... avait intérêt à agir malgré la poursuite des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée de droit commun, et la société IPSOS OBSERVER ne fait d'ailleurs valoir aucun moyen pour soutenir cette irrecevabilité ;

Sur la prescription

La société IPSOS OBSERVER prétend que madame A... Z... ayant saisi le Conseil de Prud'hommes le 7 janvier 2013, son action visant à la requalification des contrats à durée déterminée conclus entre le 9 janvier 2004 et le 30 juin 2006 serait prescrite, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil ;

Toutefois, selon l'article 2222 du même code, lorsqu'une loi vient réduire le délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure ;

En l'espèce, le délai de prescription de 30 ans prévue par l'ancien article 2262 du code civil a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile entrée en vigueur le 19 juin, date à laquelle la prescription de 30 ans n'était pas acquise, si bien que madame A... Z... pouvait saisir le Conseil de Prud'hommes jusqu'au 19 juin 2013 ; le moyen tiré de la prescription doit donc être rejeté ;

Sur la requalification des contrats à durée déterminée

Selon les dispositions de l'article L 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas limitativement énumérés parmi lesquels les emplois, définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

C'est par de justes motifs que le juge départiteur, après avoir rappelé les dispositions de l'article L 1242-12 du code du travail selon lesquelles le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ainsi que différentes mentions, et constaté qu'aucun contrat écrit n'était produit, a requalifié l'ensemble des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

La société IPSOS OBSERVER persiste à prétendre devant la cour que les contrats d'usage auxquels elle avait recours répondaient à toutes les exigences de forme prescrites par le code du travail, mais en s'abstenant toujours de produire ne serait-ce qu'un seul contrat d'usage afférent à la période 2004-2006, se bornant à faire référence aux contrats d'enquêteur produits par madame A... Z... se rapportant à des missions effectuées entre 2009 et 2012 ;

Le salarié dont les contrats successifs sont requalifiés en un seul contrat à durée indéterminée étant réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'il a fait remonter la date du contrat à durée indéterminée au 1er janvier 2004 et, en conséquence, déclaré sans objet la demande de requalification du CGIEA ;

Sur la demande de requalification en contrat à plein temps

Madame A... Z... demande un rappel de salaire du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013, soit pendant une période au cours de laquelle elle était sous contrat de travail intermittent, lequel se distingue du travail à temps partiel en ce qu'il est destiné à pourvoir des emplois permanents comportant une alternance entre périodes travaillées et périodes non travaillées ;

La société IPSOS OBSERVER expose que madame A... Z... se prévaut de l'article L. 3123-33 du code du travail pour solliciter la requalification du CIEGA à temps plein au motif que les périodes de travail n'y sont pas précisées, alors que l'article 43 de la loi du 20 décembre 1993 a maintenu en vigueur les dispositions de l'accord du 16 décembre 1991 portant création de l'annexe enquêteurs à la convention collective SYNTEC, étendue par arrêté du 27 avril 1992 ; que cette convention distingue les enquêteurs vacataires des chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle dont l'activité s'exerce dans le cadre du travail intermittent tel qu'il est défini aux articles L212-4-8 et suivants du code du travail ; que précisément, l'article L 212-4-9 dans sa version issue de la loi du 11 août 1986 précise que, lorsque la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les horaires de travail et leur répartition au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif étendu détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés ; que ladite annexe prévoit expressément les modalités selon lesquelles les travaux d'enquête sont proposés et peuvent être refusés et qu'il n'existe aucune obligation d'annexer un planning annuel au contrat de travail ;

Toutefois, selon les dispositions de l'article L 212-4-9 précité, le contrat intermittent doit mentionner la durée annuelle minimale de travail du salarié, et force est de constater que ni le CGIEA signé le 1er juillet 2006 ni son avenant 'Senior' ne comportent une telle précision si bien que le contrat est présumé être à temps complet ; il appartient en conséquence à l'employeur, compte tenu de cette présomption, de démontrer que la salariée n'était pas en permanence à sa disposition ;

Or en l'espèce, la société IPSOS OBSERVER reproche à madame A... Z..., de façon inopérante, de ne pas apporter cette preuve, et se borne à faire valoir qu'elle réalisait ses enquêtes en fonction d'une organisation qui lui était personnelle, au gré de ses disponibilités ; elle verse aux débats des demandes épisodiques de disponibilité, en général d'un jour et des demandes de congés payés, sans contester que madame A... Z... a travaillé tous les mois sans discontinuer pendant la période au titre de laquelle elle sollicite un rappel de salaires et sans que soit respecté le délai de prévenance de 3 jours ouvrables prévu par son contrat ; Madame A... Z... fait en outre observer, à juste titre, que les plannings mensuels versés aux débats par la société IPSOS OBSERVER sont des plannings 'non contractuels' et sujets à des modifications' ; la preuve que madame A... Z... n'était pas à la disposition permanente de la société n'étant pas rapportée par celle-ci, le contrat à durée indéterminée était à temps complet ; compte tenu de cette requalification, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par madame A... Z... qui n'est contesté que sur ce seul point, les journées d'indisponibilité ou de congés sans solde, qui n'ont pas été rémunérées ; en revanche, madame A... Z... ne pouvant être indemnisée deux fois au titre des congés payés, il convient de réduire l'indemnité de congés payés de 186,53 Euros, au titre des 40 jours de congés sans solde désormais rémunérés au titre de la requalification ;

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société IPSOS OBSERVER à payer à madame A... Z... la somme de 15.841,53 Euros à titre de rappel de salaires de janvier 2008 à octobre 2013, l'indemnité de congés payés étant ramenée à la somme de 1.397,63 Euros ;

Sur les dommages et intérêts pour privation d'un accord collectif

Madame A... Z... fait valoir que l'article1.1 du chapitre 2 de l'accord de groupe IPSOS du 14 décembre 2000 prévoit le versement, au profit de l'ensemble des salariés, de 2 jours de RTT supplémentaires en contrepartie des 2 jours de pont accordés au préalable par la direction, avantage dont elle a été privée par le recours abusif à des contrats à durée déterminée d'usage puis l'application du CGIEA ;

La société IPSOS OBSERVER réplique que l'accord invoqué par madame A... Z... n'est pas applicable au personnel d'enquête, qu'il soit vacataire ou CEIGA, en sorte que l'égalité de traitement entre les salariés n'a pas été rompue ; elle ajoute que madame A... Z... a systématiquement été payée en heures supplémentaires au-delà de 35 heures, contrairement aux salariés avec lesquels elle se compare qui ne bénéficient d'heures supplémentaires qu'au-delà de 36,75 heures de travail;

Toutefois, d'une part par l'effet de la requalification à compter de 2004, madame A... Z... n'est pas régie par les dispositions de l'annexe enquêteurs de la convention collective concernant les enquêteurs vacataires ou CEIGA, seuls salariés exclus de l'accord ; et d'autre part l'avantage en cause n'est pas la contrepartie d'heures supplémentaires mais de la privation de deux jours de pont, dont madame A... Z... devait bénéficier à l'instar des autres salariés ;

Il convient, en conséquence de faire droit à sa demande, contestée sur le principe mais pas sur le montant sollicité, le jugement étant infirmé sur ce point ;

Sur l'indemnité de requalification et l'indemnité de fin de contrat

En vertu des dispositions de l'article 1245-2 du code du travail, le salarié a droit, en cas de requalification, à une indemnité qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ; compte tenu de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet, il convient d'allouer à madame A... Z... une somme de 1.687 Euros correspondant au montant du salaire prévu au titre du contrat à durée indéterminée conclu entre les parties;

Quant à l'indemnité de fin de contrat, destinée à compenser la précarité de l'emploi, elle n'a pas le même objet que l'indemnité de requalification et, contrairement à ce que prétend la société IPSOS OBSERVER, n'a pas le caractère d'une sanction ; le salarié n'étant pas tenu de la rembourser lorsque le juge prononce une requalification, la société IPSOS OBSERVER doit être déboutée de la demande qu'elle a formée à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement, sauf sur l'indemnité compensatrice de congés payés et en ce qu'il a débouté madame A... Z... de sa demande de dommages et intérêts pour privation d'un avantage collectif ;

Statuant à nouveau de ces deux chefs ;

Condamne la société IPSOS OBSERVER à payer à madame A... Z... la somme de 1.397,63 Euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires et celle 670,60 Euros à titre de dommages et intérêts pour privation d'un avantage collectif ;

Ajoutant au jugement ;

Condamne la société IPSOS OBSERVER à payer à madame A... Z... 1.687 Euros à titre d'indemnité de requalification ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne la société IPSOS OBSERVER à payer à madame A... Z... une somme supplémentaire de 1.500 Euros a titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Met les dépens à la charge de la société IPSOS OBSERVER.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/10370
Date de la décision : 02/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°16/10370 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-02;16.10370 ?
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