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02/10/2018 | FRANCE | N°16/02152

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 02 octobre 2018, 16/02152


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 02 OCTOBRE 2018



(n° 396 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02152



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 14/14172





APPELANTS



Madame Lucie X...

[...]



Monsieur Laurent X...

[...]


r>Monsieur Christian Y...

[...]



Madame Jacqueline G... Z...

Appt sur Mairie

Lieu dit Le Bourg

[...]

[...]

[...]



Représentés et plaidant par Me Philippe H..., avocat au barreau de PARIS, toque : ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 02 OCTOBRE 2018

(n° 396 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02152

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 14/14172

APPELANTS

Madame Lucie X...

[...]

Monsieur Laurent X...

[...]

Monsieur Christian Y...

[...]

Madame Jacqueline G... Z...

Appt sur Mairie

Lieu dit Le Bourg

[...]

[...]

[...]

Représentés et plaidant par Me Philippe H..., avocat au barreau de PARIS, toque : E0411

INTIMES

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

TELEDOC 353 - Bâtiment Condorcet

[...]

Représenté et plaidant par Me Alexandre I..., avocat au barreau de PARIS, toque : C0744

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

Parquet 03 - Contentieux Général

[...]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Claude HERVE dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Eliane X... âgée de 64 ans, hospitalisée à l'hôpital de Gonesse fin décembre 2000 puis, à nouveau, à compter du 27 janvier 2001, est décédée [...].

Les enfants et la soeur d'Eliane X... ont déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pontoise qui a fait diligenter une autopsie par le docteur A..., lequel a conclu que le décès était la conséquence d'une leucémie en transformation aigüe récente, avec des atteintes et complications hémorragiques multiviscérales.

Une seconde expertise sur les causes du décès réalisée par le docteur B... considérait que Eliane X..., atteinte d'une anémie et d'une nétropénie, avait subi un syndrome infectieux brutal dont l'évolution avait été fatale mais il concluait à l'absence d'erreur dans la prise en charge et le traitement de la malade.

La plainte donnait lieu à un classement sans suite.

Le 12 février 2002, la famille déposait une plainte avec constitution de partie civile pour homicide involontaire et non assistance à personne en danger, estimant que les deux rapports d'expertise présentaient des contradictions et que le décès serait survenu le [...]. Ils pensaient que le corps autopsié n'était pas celui d'Eliane X.... Une information était ouverte le 3 octobre 2002.

Il était procédé à une exhumation le 30 juin 2003 et une nouvelle autopsie avait lieu le lendemain. Le docteur C... concluait que le corps exhumé avait bien fait l'objet de l'autopsie du 20 février 2001 et il ne relevait aucun élément nouveau.

Des prélèvements génétiques étaient réalisés et le rapport du docteur J... concluait que les prélèvements réalisés lors des deux autopsies provenaient du même corps qui était bien celui d'Eliane X..., mère et soeur des parties civiles.

Il était procédé le 13 mai 2005 à la saisie du dossier médical à l'hôpital et chez le médecin traitant sur commission rogatoire et le docteur D... déposait un nouveau rapport d'expertise le 14 septembre 2005 dans lequel il retenait l'existence d'une leucémie aigüe mielo-monocytaire très rare, de développement rapide et d'un diagnostic extrêmement difficile. La famille sollicitait une contre-expertise en relevant des différences dans les numéros de dossier qui donnaient lieu à des vérifications effectuées sur commission rogatoire.

Le 26 juillet 2007, le juge d'instruction a prononcé une ordonnance de non lieu. Les parties civiles ont formé appel. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a confirmé la décision, le 21 mars 2008 et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi comme étant irrecevable, le 10 février 2009.

Le 27 août 2014, Mme Lucie X..., et MM Thierry et Laurent X... ont assigné l'agent judiciaire de l'Etat sur le fondement du déni de justice, de la faute lourde et de la voie de fait. Par un jugement du 16 décembre 2015, le tribunal a déclaré leurs demandes irrecevables, l'action étant prescrite. Il a également déclaré irrecevables les interventions volontaires de Mme Z..., Y... et E....

Les trois enfants d'Eliane X... ainsi que les trois parties intervenantes ont formé appel du jugement.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 avril 2016, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement, de rejeter toutes demandes et conclusions de l'AJE et du ministère public, de condamner l'AJE à verser à chacun des trois enfants d'Eliane X... la somme de cent millions en réparation du préjudice résultant de la mort subite et cynique de leur mère et grand mère, outre la somme de 100 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'AJE à payer à M K... Y..., Mme Jacqueline Z... et M.Christian F... chacun la somme de 50 millions en réparation du préjudice moral résultant des préjudices professionnels, économiques et financiers consécutifs aux crimes, délits et voies de fait dont ils sont victimes et la somme de 50 millions chacun en réparation des préjudices moraux consécutifs aux dénis de justice récurrents dont ils sont victimes, outre la somme de 100 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 juin 2016, l'AJE demande à la cour de constater la prescription quadriennale de l'action, de déclarer irrecevables les interventions volontaires de messieurs Y... et F... et de Mme G... Z..., à titre subsidiaire, de constater l'absence de déni de justice, en tout état de cause, de confirmer le jugement du 16 décembre 2015 et de débouter les appelants de toutes leurs demandes.

Par avis transmis par RPVA le 26 juillet 2017, le ministère public conclut à la recevabilité de l'appel et à la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DECISION :

1 - Les demandes de Mme Lucie X... et de MM Thierry et Laurent X... :

Les appelants contestent que la prescription quadriennale de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 soit acquise en raison des actes interruptifs qui sont survenus et ils déclarent que le tribunal de grande instance de Paris pouvait solliciter du greffe de la Cour européenne des droits de l'homme, la justification de sa saisine. Ils font valoir que cette saisine a bien eu lieu et ils concluent à la recevabilité de leurs demandes.

Ils invoquent ensuite une expertise en droit funéraire selon laquelle le corps de Eliane X... ne serait jamais sorti de l'hôpital de Gonesse, ils soutiennent que les autres expertises sont des faux, que la patiente a été identifiée à l'hôpital sous trois numéros d'enregistrement et qu'elle ferait l'objet de trois actes de décès. Ils font valoir que le rapprochement des différents expertises diligentées fait apparaître un nombre important de dysfonctionnements des services de l'Etat, institution judiciaire comprise.

L'AJE relève que les appelants ont produit en cause d'appel un courrier de la Cour européenne des droits de l'homme attestant du dépôt d'une requête le 8 août 2009 ainsi que de l'existence d'une décision d'irrecevabilité du 14 mars 2013. Il considère que la saisine de la Cour européenne ne constitue pas un recours au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1958 de nature à interrompre le cours de la prescription. Il ajoute que le fait générateur du dommage résultant du déroulement d'une information pénale est le dernier événement qui met fin à la procédure pénale, qu'en l'espèce, il s'agit de l'arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2009 et que le délai, qui a commencé à courir le 1er janvier 2010, était expiré au 31 décembre 2013.

Sur le fond, l'AJE reprenant les termes de l'assignation en justice, estime que les griefs formulés constituent en réalité des contestations des décisions de justice rendues, lesquelles ne peuvent être mises en cause que par les voies de recours ouvertes par la loi. Il relève, en outre, qu'au cours de l'enquête préliminaire et de l'information, de nombreux actes ont été effectués notamment à la demande des parties civiles et que les décisions rendues ont fait l'objet de recours. Il conclut à l'absence de déni de justice.

L'AJE ajoute qu'il n'est pas rapporté la preuve de voies de fait imputables à l'hôpital, à l'institut médico-légal de Garches ou au maire, que les fautes commises par ces établissements ou par le maire chargé de la surveillance des opérations funéraires ne relèvent pas de la compétence du juge judiciaire, et que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée sur le fondement d le'article L141-1 du code de l' organisation judiciaire au titre des voies de fait commises par des personnes ne relevant pas du service public de la justice.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile la cour d'appel ne statue que sur les prétentions et moyens énoncés dans les dernières conclusions.

En l'espèce les dernières conclusions des appelantes n'énoncent pas de façon claire les faits qu'elles reprochent à l'Etat de nature à engager sa responsabilité devant les juridictions judiciaires.

Néanmoins, s'agissant du déni de justice et des fautes lourdes imputables au service judiciaires, ils ne peuvent que concerner le déroulement de la procédure pénale qui s'est déroulée devant le tribunal de grande instance de Pontoise et la cour d'appel de Versailles et qui s'est achevée par l'arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2009.

Les appelants versent aux débats une lettre datée du 21 mars 2013 émanant de la Cour européenne des droits de l'homme qui informe maître Kounkou que la requête qu'il a déposée au nom des consorts X..., le 8 août 2009, a été déclarée irrecevable par la Cour, siégeant entre le 28 février et le 14 mars 2013.

Comme le relève le procureur général, cette lettre ne permet pas de connaître le contenu de la requête visée, néanmoins, l'AJE ne conteste pas que celle-ci doit être celle qui est produite dans le cadre de la présente instance.

Cependant, cet acte qui vise à faire reconnaître la violation par l'Etat français du droit à un procès équitable, ne s'intègre pas à la procédure pénale et à ce titre, ne peut être pris comme point de départ du délai de prescription de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.

L'article 2 de cette loi énonce que constitue notamment un acte interruptif de la prescription tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et même si l'administration qui aura la charge du paiement n'est pas partie à l'instance.

Néanmoins la requête adressée à la Commission européenne des droits de l'homme vise à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant pour les requérants du non-respect par la France des principes qu'elle s'est engagée à mettre en oeuvre et notamment, celui d'un procès équitable. Elle n'a pas pour objet d'obtenir une indemnisation au titre des dysfonctionnements susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat au titre de la faute lourde, du déni de justice voire de la voie de fait qui lui sont reprochés à la suite de l'hospitalisation et du décès d'Eliane X....

Ainsi, outre le fait qu'elle a été déclarée irrecevable, la requête des appelants qui ne porte pas sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement de la créance objet de la présente instance, ne peut constituer un acte interruptif de la prescription quadriennale invoquée par l'AJE.

La cour qui ne peut examiner que les dysfonctionnements du service public de la justice, confirmera ainsi le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 décembre 2015 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des enfants d'Eliane X....

2 - Les demandes de Mme Z... et de MM Y... et F... :

Les dernières conclusions des appelants ne contiennent aucune explication sur le lien pouvant exister entre les parties intervenantes et Eliane X... et sa famille, non plus que sur les faits susceptibles d'avoir engagé la responsabilité de l'Etat à leur égard.

Ainsi le jugement du tribunal de grande instance de Paris sera également confirmé en ce qu'il a déclaré leur intervention volontaire irrecevable.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 décembre 2015,

Condamne les appelants aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/02152
Date de la décision : 02/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/02152 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-02;16.02152 ?
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