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01/10/2018 | FRANCE | N°17/00143

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 01 octobre 2018, 17/00143


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00143



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 14/14492





APPELANTE



SAS DUTYFLY SOLUTIONS

ayant son siège social Zac du Moulin, [...]

9572

2 ROISSY E... F...

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège





Représentée par Me Belgin D... D...-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PA...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00143

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 14/14492

APPELANTE

SAS DUTYFLY SOLUTIONS

ayant son siège social Zac du Moulin, [...]

95722 ROISSY E... F...

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Belgin D... D...-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Représentée par Me Nathalie H... C... X... AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, substituée par Me Maeva Y..., avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIME-ES

MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL J... B...

Ayant ses bureaux Rue du Signe

BP 10107

95701 ROISSY CDG CEDEX

MONSIEUR I... J... B...

Ayant ses bureaux [...]

[...]

ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

Ayant ses bureaux BP 16108

95700 ROISSY CDG

Représenté-es par Me Ralph Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

Représenté-es par Me Chloé A..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Dutyfly Solutions est une filiale du groupe Aelia et de Servair SA spécialisée dans la gestion des ventes à bord des compagnies aériennes de produits en détaxe.

Elle stocke dans son entrepôt de Roissy, des marchandises, telles que du tabac manufacturé ou des boissons alcooliques, soumises aux contributions indirectes, en vertu des articles 302 B et suivants du code général des impôts.

Le 22 mai 2013, la société Dutyfly Solutions a été victime d'un vol intervenu dans son entrepôt, de trolleys contenant des tabacs et des boissons alcooliques préparés pour des vols Air france et Air caraibes et des cartons de tabac stockés pour approvisionner les trolleys. Le montant total du vol s'élève à 700000 euros et les droits d'accises de 89952 euros.

Par procès-verbal du 19 septembre 2013, l'administration de douanes a informé la société Dutyfly Solutions que les tabacs et alcools volés cessaient de bénéficier du régime suspensif de droits d'accises.

De plus, la Direction Régionale J... B..., ayant constaté que les produits volés n'avaient pas été mentionnés sur la déclaration récapitulative mensuelle (DRM), en violation des dispositions de l'article 50-00 G de l'annexe 4 du CGI et de l'article 286 J annexe 2 du CGI, a relevé une contravention de fausse déclaration à ce titre.

Le procès-verbal de notification d'infraction comprenait l'avis de paiement de 89952 euros. Par courrier du 20 septembre 2013 la société Dutyfly Solutions a sollicité la décharge totale des taxes réclamées au motif qu'il s'agissait de marchandises volées qui n'étaient plus en sa possession et qui n'ont pas été retrouvées.

Un avis de mise en recouvrement lui a été notifié le 3 octobre 2013 pour un montant de 89952 euros.Par courrier du 22 novembre 2013, la société Dutyfly Solutions a contesté cet AMR.

Le 18 décembre 2013, l'administration a rejeté la demande pour le tabac manufacturé mais fait droit à la demande de décharge pour les droits d'accises concernant les produits alcooliques d'un montant de 26 euros sur le fondement de la circulaire du 31 décembre 2012 relative au régime juridique des pertes, des déchets et des manquants dans le secteur des alcools et des boissons alcoolisées.

Par assignation du 18 février 2014, la société Dutyfly Solutions a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny. Par jugement du 24 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Bobigny a débouté la société Dutyfly Solutions de l'ensemble de ses demandes.

La société Dutyfly Solutions a interjeté appel du jugement.

Par conclusions signifées le 1er juin 2018, la société Dutyfly Solutions demande de :

Déclarer la société Dutyfly Solutions recevable et bien fondée en son appel ;

Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 24 novembre 2016 ;

Annuler la décision de rejet en date du 18 décembre 2013 ;

Annuler l'avis de mise en recouvrement en date du 3 octobre 2013 ;

Ordonner la remise des droits et taxes rattachés aux marchandises volées pour un montant de 89952 euros au bénéfice de la société Dutyfly Solutions ;

Débouter l'administration des douanes et droits indirects de l'intégralité de ses demandes,

Condamner l'administration des douanes et droits indirects à verser à la société Dutyfly Solutions la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l'administration des douanes et droits indirects aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître Belgin D...-Jumel, avocat à la cour d'appel de Paris, qui pourra les recouvrer

Par conclusions signifées le 6 juin 2018 le directeur régional J... fret le receveur regional J... B..., l'administration des douanes et droits indirects demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 24 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Bobigny

- Constater que la société Dutyfly Solutions est redevable des droits d'accises sur les produits en cause ;

- Confirmer l'avis de mise en recouvrement du 3 octobre 2013 et la décision de rejet du 18 décembre 2013 ;

- Débouter la Société Dutyfly Solutions de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner la société Dutyfly Solutions à payer à la Direction Regionale des douanes et droits indirects de Roissy fret la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens.

SUR CE,

Sur la nullité de la décision du 18 décembre 2013

Par courrier du 18 décembre 2013, la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de Roissy B... a rejeté les demandes de décharge et de contestation de l'avis de mise en recouvrement de la société Dutyfly pour le tabac manufacturé sur le fondement de l'article 302 D du CGI et de l'article 7 de la directive 2008/118/CE.

La société Dutyfly Solutions estime que l'erreur portant sur le délai de recours et sur le tribunal compétent entraînent la nullité de la décision de rejet, en raison d'une atteinte aux droits de la défense, principe fondamental posé par la CEDH.

La cour confirme le jugement en ce qu'il a retenu que l'erreur n'avait porté aucun grief à la société appelante, dès lors que celle-ci a pu saisir le tribunal compétent dans les délais légaux.

Sur la décision de rejet du 18 décembre 2013

La société Dutyfly Solutions fait valoir en substance que la position de l'administration des douanes ne repose sur aucune base légale, que le droit national en vigueur ne s'oppose pas, en cas de vol, à l'exonération des droits d'accises pour les produits du tabac.

L'administration de douanes répond que la demande ne peut prospérer dès lors que l'existence d'une perte fait défaut.

La notion de perte des produits soumis aux droits d'accises est définie par la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008, qui indique que : 'les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation, qu'on entend par mise à la consommation, la sortie, y compris irrégulière des produits soumis à accise.

Un produit est considéré comme totalement détruit ou irrémédiablement perdu lorsqu'il est rendu inutilisable.

La destruction totale ou la perte irrémédiable des produits soumis à accise sont prouvées à la satisfaction des autorités compétentes de l'État membre du lieu où la destruction totale ou la perte irrémédiable s'est produite ou, lorsqu'il n'est pas possible de déterminer où la perte s'est produite, là où elle a été constatée.'

Selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la juridiction nationale doit interpréter le droit national à la lumière des objectifs de la directive, ce qui implique que la notion de perte doive être interprétée conformément à la directive précitée ;

Sur le plan national, la reconnaissance de l'exonération n'est possible que lorsque le produit est rendu inutilisable en tant que produit soumis à accise.

L'article 302 D du code général des impôts, prévoit que, par dérogation, la reconnaissance de l'exonération n'est possible qu'en cas de destruction totale d'alcools, de boissons alcooliques et tabacs manufacturés, de perte irrémédiable ou cas fortuit ou de force majeure.

La cour de cassation dans un arrêt du 4 février 2014 a suivi le raisonnement de la Cour de Justice de l'Union Européenne : «Vu les articles 203, paragraphe l, et 206 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire ; jugé que l'article 206 du code des douanes communautaire n'est pas applicable au vol d'une marchandise placée sous le régime de l'entrepôt douanier qui constitue une soustraction faisant naître une dette douanière ou sens de l'article 203 du même code .

Aux termes de l'article 206 du code des douanes communautaires, aucune dette douanière à l'importation n'est réputée prendre naissance lorsque l'intéressé apporte la preuve que l'inexécution des obligations résulte de la destruction totale ou de la perte irrémédiable de la marchandise pour une cause dépendant de la nature même de la marchandise ou par suite d'un cas fortuit ou de force majeure ('). Au sens du présent paragraphe, une marchandise est irrémédiablement perdue lorsqu'elle est rendue inutilisable par quiconque.

En l'espèce le vol s'est produit dans les locaux de la société Dutyfly.

Il s'en déduit, à la lumière des dipositions précitées, que le vol n'a pas rendu le tabac manufacturé inutilisable. Le produit n'est rendu inutilisable que pour la société Dutyfly Solutions, mais non pour les auteurs du vol. Il n'est pas davantage démontré que les marchandises volées ont été totalement détruites ou irrémédiablement perdues.

Dans ces dernières écritures, la société Dutyfly Solutions, qui ne détient plus les marchandises, demande que les poursuites de la douane soient dirigées contre les personnes détentrices, mais cette demande est irrecevable dès lors qu'elle demeure formellement redevable, en sa qualité d'entrepositaire, de la sortie irrégulière des produits.

En conséquence, au sens des articles et dispositions précitées, le vol commis le 22 mai 2013, constituant une sortie irrégulière, la société Dutyfly Solutions est infondée à solliciter la décharge des droits d'accises.

Sur la doctrine de l'administration douanière

La société Dutyfly Solutions soutient que l'administration des douanes a déjà reconnu dans sa doctrine qu'un vol pouvait constituer une perte irrémédiable dans un contexte de force majeure. Elle critique l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les opérateurs en faisant valoir que l'administration a reconnu à diverses reprises qu'un vol pouvait constituer une perte irrémédiable, dans un contexte de force majeure.

Elle soutient que la reconnaissance de l'exonération des droits d'accises en matière de produits alcooliques doit engendrer la même exonération pour le tabac manufacturé volé.

Au soutien de son argumentation, la société Dutyfly Solutions invoque les dispositions de la circulaire du 31 décembre 2012, qui s'applique aux boissons alcoolisées. Le texte ne concernant pas les tabacs manufacturés, elle ne peut valablement revendiquer une identité de régime, pour des champs d'application totalement différents. Elle n'est pas davantage fondée en sa demande d'application de l'article 80 A du livre des procédures fiscales, destiné à garantir le contribuable contre les changements d'interprétation de l'administration.

La société Dutyfly Solutions fait également état de deux jurisprudences qui ont admis qu'un vol de tabacs pouvait constituer un cas de force majeure et une décision de l'administration de douanes en ce sens, pour autant elle ne démontre pas que ces décisions recouvrent des espèces identiques à la situation présente. Les jurisprudences évoquées et la décision de l'administration rapportée, concernent des circonstances de faits totalement différentes, si bien que la société appelante ne peut se prévaloir de ces décisions singulières pour les généraliser à tous les cas d'espèces.

Sur la force majeure

Le tribunal a jugé que la société Dutyfly Solutions n'établissait pas avoir mis en place un système de sécurisation complet et efficace, de sorte qu'il ne peut pas être retenu que le vol a eu un caractère irrésistible.

La Société Dutyfly Solutions maintient en appel que les conditions de la force majeure sont réunies. Elle prétend qu'un vol peut constituer une perte irrémédiable dans un cas de force majeure.

La société appelante a cependant reconnu avoir été victime de vols à répétition, commis sans que les malfaiteurs aient été dérangés une seule fois en dépit du système d'alarme. La répétition de vols au sein des locaux de la société ne permet pas de retenir le critère d'imprévisiblité. En outre, les systèmes d'alarme mis en place se sont révélés inefficaces et le dispositif de sécurité, défaillant.

Faute de démontrer les caractères imprévisibles et irrésistibles du vol, la société ne peut revendiquer le bénéfice de la force majeure.

Pour l'ensemble de ces motifs, la cour confirme la décision en toutes ses dispositions.

La société Dutyfly Solutions partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens.

Il paraît équitable d'allouer à la Direction Regionale des douanes et droits indirects de Roissy fret la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement rendu le 24 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Bobigny en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE la société Dutyfly Solutions de ses demandes ;

CONDAMNE la société Dutyfly Solutions à payer à la Direction Regionale des douanes et droits indirects de Roissy fret la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Dutyfly Solutions aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/00143
Date de la décision : 01/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°17/00143 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-01;17.00143 ?
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