RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 28 Septembre 2018
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/03641 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWBHB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14-01804
APPELANTE
CAF de PARIS
Contentieux général - lutte contre la fraude
[...]
représenté par Mme X... en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
Madame Y... Z...
[...]
représentée par Me Anne-sophie A..., avocat au barreau de PARIS, toque : B1180
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[...]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2018, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, conseillère, et Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Madame Claire CHAUX, présidente de chambre
Madame Marie-Odile FABRE-DEVILLERS, conseillère
Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Vénusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Claire CHAUX, présidente de chambre, présidente de chambre et par Mme Vénusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse d'allocations familiales (la CAF) de Paris à l'encontre d'un jugement rendu le 26 novembre 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Mme Z....
FAITS, PROCEDURE , PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme Z..., de nationalité bosniaque, est en possession d'un titre de séjour valable du 20 juillet 2010 au 19 juillet 2020 . Elle a fait parvenir à la CAF en juillet 2010 un formulaire et certificat médical mentionnant un début de grossesse du 2 décembre 2009.
Elle a accouché le 26 août 2010 en Bosnie d'une fille Ilana. Elle est rentrée en France avec l'enfant en 2011.
Mme Z... a demandé à percevoir seule les allocations familiales, avec l'autorisation du père resté en Bosnie La CAF a rejeté sa demande au motif qu'elle ne produisait pas le certificat de l'OFII .
Elle a contesté cette décision devant la commission de recours amiable .
Le 17 septembre 2013, la commission de recours amiable a rejeté son recours. Mme Z... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris qui, par jugement en date du 26 novembre 2014, l'a déclarée bien fondée en son recours et a condamné la CAF de Paris à lui verser les prestations familiales pour sa fille à compter du 15 mai 2013, date du refus de la caisse de lui verser les prestations.
La CAF fait déposer et soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la cour d'infirmer la décision déférée et statuant à nouveau, de débouter Mme Z... de toutes ses demandes.
Elle rappelle que pour ouvrir droit aux prestations familiales, l'enfant né à l'étranger de parents étrangers doit justifier, soit d'être entré en France dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, soit produire un des titres mentionnés aux articles D511-1 et D511-2 du code de la sécurité sociale; qu'en l'espèce, Mme Z..., repartie dans son pays d'origine y a accouché et ne pouvait donc rentrer en France avec l'enfant sans faire une demande de regroupement familial, qu'il a été jugé que ces exigences ne sont pas discriminatoires.
Elle prétend que c'est à tort que les premiers juges auraient considéré que l'article 1er de la convention bilatérale entre la France et la Yougoslavie, applicable à la Bosnie-Herzégovine depuis le 4 décembre 2003 serait applicable à Mme Z..., puisque d'une part , il ne s'agit pas d'une convention entre l'Union Européenne et la Bosnie, et que d'autre part, elle s'applique aux travailleurs, ce que ne serait pas Mme Z....
Mme Z... fait déposer et soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce que , par application des articles 1 et 2 de la convention bilatérale de sécurité sociale franco- yougoslave du 5 janvier 1950 entrée en vigueur le 4 décembre 2003, il lui a ouvert des droits à prestations familiales en faveur de son enfant Ilana et a condamné la CAF à lui verser des prestations familiales à ce titre ,
- infirmer le jugement en ce qu'il fixé la date d'ouverture du droit aux prestations familiales à la date de refus de la CAF et statuant à nouveau, dire de les prestations devront être versées à compter du 1er janvier 2011 et à titre subsidiaire , à compter du 12 juillet 2012,
En tout état de cause,
- condamner la CAF à lui verser la somme de 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
.
Elle soutient qu'elle peut prétendre aux prestations familiales, en tant que ressortissante bosniaque titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, sur le fondement de la Convention bilatérale de sécurité sociale franco-yougoslave du 5 janvier 1950, laquelle prévoit une égalité de traitement en matière de prestations familiales et qui a été déclarée applicable à la Bosnie-Herzégovine par convention signée entre la France et la Bosnie-Herzégovine les 3 et 4 décembre 2003.
Elle allègue qu'elle peut bénéficier d'une égalité de traitement avec les travailleurs français et notamment percevoir les prestations familiales et se déplacer, qu'elle a travaillé en France depuis son arrivée en 2005 même si au moment de sa grossesse elle bénéficiait du RSA . Elle ajoute qu'elle travaille encore aujourd'hui.
MOTIFS
Sur le principe du versement des allocations familiales à Mme Z...
Mme Z... sollicite l'application de la convention bilatérale conclue entre la France et la Bosnie-Herzégovine entrée en vigueur le 4 décembre 2003 et qui reprend plusieurs accords conclus entre la France et l'ex-Yougoslavie dont faisait partie la Bosnie-Herzégovine. Contrairement aux affirmations de la CAF, la circonstance que cette convention soit bilatérale, et non conclue entre l'Union européenne et la Bosnie-Herzégovine, ne crée aucune discrimination et est d'application immédiate, aucune disposition ou une convention multilatérale n'étant venue l'abroger.
Le paragraphe 1 de cette convention stipule que "les ressortissants français ou yougoslaves, sont soumis respectivement aux législations concernant les prestations familiales applicables en Yougoslavie ou en France et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun des pays". L'article 23 précise que les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française ou yougoslave, occupés sur le territoire de l'un des deux Etats ont droit pour leurs enfants résidant sur le territoire de l'autre Etat à des allocations familiales
Cette convention pose bien un principe d'égalité de traitement entre les travailleurs français en Bosnie-Herzegovine et les travailleurs bosniaques en France, sans qu'elle puisse être interprétée comme exigeant d'un ressortissant bosniaque des conditions supplémentaires relatives au respect de la législation en matière de regroupement familial.
La convention s'applique aux travailleurs salariés ou assimilés .
Ainsi, Mme Z... qui possédait, tant au moment de l'accouchement de sa fille qu'au moment de sa demande de prestations familiales, une carte portant expressément la mention « autorise son titulaire à travailler », qui percevait le RSA revenu venant compenser totalement ou partiellement l'absence temporaire de revenus salariés, doit être considérée comme "travailleur" et doit donc bénéficier de l'égalité de traitement avec un travailleur français. Elle pouvait notamment circuler entre le France et la Bosnie-Herzégovine, voire choisir d'accoucher dans son pays d'origine sans perdre le droit aux allocations familiales.
C'est donc à tort que la CAF de Paris lui a refusé le bénéfice des prestations familiales pour sa fille Ilana et le jugement qui a condamné la CAF à lui verser ces prestations doit être confirmé dans son principe.
Sur la date de versement
Les prestations familiales sont versées à compter du jour de leur demande.
En l'espèce , Mme Z... sollicite le bénéfice des prestations familiales à compter du 1er janvier 2011, date à laquelle elle prétend être rentrée en France. Elle soutient avoir fait la demande de prestations le 6 septembre 2010, renouvelée le 12 juillet 2012.
La CAF produit un document de demande de prestations familiales, daté du 6 septembre 2010.
Cependant, rien ne permet d'établir qu'il ait été envoyé à la Caisse à cette date alors même que Mme Z... était encore en Bosnie à cette date.
Le courrier envoyé pour elle par une éducatrice spécialisée le 12 juillet 2012, concernait le RSA majoré, mais n'apparaît pas avoir été une demande d'allocations familiales. Le premier document attestant d'une demande par Mme Z... de prestations familiales pour sa fille est la réponse de la CAF du 18 mars 2013 lui demandant le certificat médical de l'OFII.
Il convient donc de dire que les prestations familiales seront versées à Mme Z... à compter du 1er mars 2013.
L'équité ne commande pas de faire droit à la demande présentée par Mme Z... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Mme Z... pouvait bénéficier des prestations familiales pour sa fille Ilana.
L'infirme en ce qu'il a ordonné à la caisse d'allocations familiales de les verser à compter du 15 mai 2013,
Statuant à nouveau ,
Dit que les prestations familiales seront versées à compter du 1er mars 2013.
Déboute Mme Z... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT