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26/09/2018 | FRANCE | N°16/08476

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 26 septembre 2018, 16/08476


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 26 Septembre 2018



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08476



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n°





APPELANT

Monsieur Christian X...

[...]

né le [...] à TOULOUSE (31000)

comparant en personne,

assistÃ

© de Me Olivier Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0560 substitué par Me Julie Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0560





INTIMEE

SAS ALIXPARTNERS

[...]

représentée par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 Septembre 2018

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08476

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n°

APPELANT

Monsieur Christian X...

[...]

né le [...] à TOULOUSE (31000)

comparant en personne,

assisté de Me Olivier Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0560 substitué par Me Julie Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0560

INTIMEE

SAS ALIXPARTNERS

[...]

représentée par Me Jean-François A..., avocat au barreau de PARIS, toque : R020 substitué par Me Coline L..., avocat au barreau de PARIS, toque : P 134

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Florence B..., vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 10 avril 2018

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE'

M. X... a été engagé par la C... Alixpartners comme consultant, avec le statut de vice-président suivant un contrat de travail à durée indéterminée signé le 25 juin 2012 à effet à compter du 1er octobre 2012.

Par lettre du 5 mai 2014, M. X... a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux et contestant le bien fondé du licenciement, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir un rappel de salaire pour des heures supplémentaires non réglées, les congés payés afférents, une indemnité pour travail dissimulé, des dommages-intérêts pour rupture abusive ainsi que pour des préjudices divers.

Par jugement du 22 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement a fixé le salaire de M. X... à la somme de 10'910 €, jugé que la convention de forfait en jours est valide, a requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle sérieuse, a alloué à M. X... la somme de 60'000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, celle de 6659,05 € au titre de l'intéressement pour l'année 2014 en deniers et quittances, outre une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a par ailleurs débouté les parties du surplus des réclamations formulées.

Monsieur X... a relevé appel du jugement déféré.

S'il conclut à la confirmation dudit jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il sollicite son 'infirmation pour le surplus.

Il demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner la C... Alixpartners à lui verser les sommes suivantes':

- 42'331,46 euros au titre d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires majorées accomplies entre le 14 octobre 2013 et le 28 avril 2014 outre les congés payés afférents,

- 52257,38 euros au titre d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires majorées accomplies entre le 1er octobre 2012 et le 13 octobre 2013 outre les congés payés afférents,

- 42 079,05 € au titre de l'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos,

- 5000 € à titre de dommages-intérêts pour le non-respect par l'employeur de la durée maximale hebdomadaire de travail,

- 98'898,58 euros, subsidiairement 65 460 euros au titre du travail dissimulé,

- 767,76 euros au titre d'un reliquat d'indemnité légale de licenciement,

- 129'319,44 euros, subsidiairement 87'280 €, à titre de dommages-intérêts pour le licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse,

- 16'164,93 euros, subsidiairement 10'910 € à titre de dommages-intérêts pour le non-respect du délai de 5 jours ouvrables entre la remise de la convocation à l'entretien préalable et la date de l'entretien,

- 5000 € au titre de la prime de vacances,

- 40 000 € au titre du bonus.

À titre subsidiaire, il propose la compensation de la somme de 8876,68 euros réclamée par la société avec les condamnations prononcées contre elle.

En tout état de cause, il réclame 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure.

La C... Alixpartners a relevé appel incident du jugement déféré considérant que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

À titre principal, elle s'oppose à l'intégralité des demandes formulées.

À titre subsidiaire, elle considère que les dommages-intérêts pour la rupture ne peuvent dépasser la somme de 21'820 €.

La société s'oppose aux demandes formulées au titre d'heures supplémentaires alléguant de la validité de la convention annuelle de forfait jours, subsidiairement soutient que la preuve des heures prétendument faites n'est pas rapportée, très subsidiairement, conteste l'existence de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En tout état de cause, l'employeur réclame 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires'

En application de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Il résulte des articles susvisés des Directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Or, ni les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, ni les stipulations des accords d'entreprise des 22 décembre 1999 et 5 novembre 2004, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

La convention de forfait en jours est donc nulle.

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article'3121-22 du même code.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

M. X... explique qu'il était amené à travailler régulièrement les samedis et dimanches, et qu'il achevait ses journées à des heures très tardives.

Pour étayer sa demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires, il communique :

- des mails à compter d'octobre 2013,

- des tableaux établis pendant toute la durée de la collaboration dans le système DTE utilisé pour la facturation des clients,

- un tableau rectificatif des heures supplémentaires établi à partir des heures enregistrées dans le logiciel et des courriels adressés par lui en réponse à des sollicitations de collègues ou de clients.

M. X... précise que le nombre d'heures enregistrées dans le système DTE n'était pas le nombre réel d'heures travaillées mais seulement le nombre maximum que la société acceptait de voir figurer pour que les allocations d'heures soient respectées et la rentabilité assurée. Divers courriels révèlent qu'il était demandé au salarié de ne pas indiquer toutes les heures travaillées et de se limiter à ce qui était considéré comme un temps plein. Il en déduit que le nombre d'heures figurant sur ses décomptes est inférieur au nombre d'heures réellement accomplies.

Ce faisant, M. X... apporte des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande de rappel de salaire pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La C... Alixpartners explique que le relevé communiqué est un outil de facturation pour les clients laquelle facturation se fait à la journée de travail et non à l'heure, que seuls les consultants sont autorisés à «'biller'» que, par suite, il est nécessaire qu'un nombre maximum d'heures soient enregistrées pour refléter le travail de toute une équipe.

L'employeur indique également que M. X... a lui-même déclaré lors de son entretien d'évaluation de fin 2013 n'avoir accompli que 1200 heures dans le cadre de ses missions chez le client, qu'il enregistre les heures de formation de même que les périodes de congé. Il soutient que le caractère artificiel des temps enregistrés, sans aucune variation, dénote clairement l'absence de réalisme du décompte produit.

S'agissant des e-mails communiqués, l'employeur fait observer que ceux qui ont pour objet de prouver qu'il travaille les week-end et jours fériés, concernent seulement deux moments particuliers, la soirée du 31 octobre et le matin du 1er novembre 2013 ainsi que le week-end du 5 et 6 avril 2014, que les nombreux courriels devant établir qu'il travaille tardivement ne rapportent pas la preuve d'une prestation de travail effective. Il énumère plusieurs exemples montrant que le salarié s'est limité à transférer des mails, à apporter à des interlocuteurs des réponses très brèves dont le contenu est le plus souvent étranger à toute prestation de travail, à accepter des réunions inscrites dans un calendrier outlook.

Il ajoute que les consultants disposent d'un accès à distance à leur messagerie professionnelle, que Monsieur X... pouvait donc envoyer des courriels de l'extérieur, qu'en tout état de cause l'envoi tardif de ces courriels n'étaye pas la réalité de la réalisation de prestation de travail pendant douze à treize heures en continu.

Il fait remarquer que ces courriels ne couvrent que la période du 1er octobre 2012 au 28 avril 2013.

S'il est exact que M. X... a répondu à l'évaluateur avoir effectué 750 heures sur le projet Airbus d'octobre 2012 à juin 2013 et 440 heures pour l'accélération du projet Airbus SA pour la période de juillet 2013 à fin septembre 2013, la cour relève qu'il a répondu à la question de savoir quel était le nombre d'heures facturées.

L'examen des éléments communiqués de part et d'autre, des explications précises fournies par les deux parties, et notamment de l'observation du salarié lors de la mise au point du plan de développement selon laquelle il a indiqué « je n'ai pas compté mes heures qui ont dépassé, dans certains cas, les journées de 9 heures à 18 heures que j'étais en droit de réaliser'», et ce, sans que ne lui fût opposée une objection pertinente, la cour a la conviction, au sens des dispositions légales, que M. X... a réalisé des heures supplémentaires nécessaires à l'exercice de ses missions, avec l'accord au moins implicite de l'employeur, et ce tout au long de la collaboration mais dans la limite de 264 heures, puisqu'il admet lui -même que le dépassement de l'horaire n'est intervenu que «'dans certains cas'».

L'accomplissement des dites heures supplémentaires lui ouvre droit à un rappel de salaire calculé de la manière suivante':

( 71,93x 1,25) x 264 = 23 736,24 euros.

Les congés payés afférents s'élevant à la somme de 2373,62 euros lui seront alloués en sus.

Le jugement déféré sera donc réformé sur ce point.

Sur la demande au titre du repos compensateur'

Il est exact que toutes heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire.

Toutefois dans le cas d'espèce, la cour a retenu un nombre d'heures supplémentaires inférieur pour chacune des années concernées au contingent tel que prévu par la convention collective applicable en sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté toute demande à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail'

Il est avéré que la durée du travail ne peut dépasser 48 heures au cours d'une même semaine.

Dans le cas présent, la cour n'a pas retenu l'existence d'un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail, en sorte que le jugement déféré sera confirmé sur ce point également.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé'

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit le versement au profit du salarié d'une indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire.

Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause .

Dans le cas d'espèce, les parties étaient convenues d'une convention de forfait en jours annulée dans la mesure où l'accord collectif sur lequel les parties avaient basé leur accord à cet égard n'était pas conforme aux directives européennes.

Aucun élément intentionnel ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le licenciement'

En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 5 mai 2014 qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants':

«'vous occupez depuis le 1er octobre 2012 le poste de consultant. Vous devez à ce titre apporter toute votre expertise et faire preuve d'un certain sens de la communication à l'égard du client. Peu après votre embauche, nous avions constaté que vous éprouviez certaines difficultés à répondre aux attentes liées à vos fonctions et plus particulièrement dans votre manière de communiquer vis-à-vis du client et de votre hiérarchie. À ce titre, vous vous étiez vous-même fixé comme objectif dans votre plan de développement pour 2013 d'améliorer votre communication à l'égard des clients mais aussi en interne vis-à-vis du personnel de la société. Or, nous avons malheureusement constaté que vous ne remplissez pas pleinement les missions qui sont les vôtres et que votre manière de communiquer ne s'est pas suffisamment améliorée. Depuis votre embauche, vous avez été impliqué sur 2 projets avec Airbus. À l'issue de ses missions, vos évaluations de fin de mission ont suggéré que vous amélioriez votre sens de l'analyse dans le cadre des solutions que vous proposiez. Elles ont aussi souligné la nécessité de mieux appréhender l'environnement client et vous ont également alerté sur vos difficultés de communication. Il a été aussi déploré que vous émettiez ouvertement des critiques à l'encontre du client sans offrir de réelles solutions d'amélioration. Vous avez aussi pris le parti des managers chez le client qui s'opposaient au changement alors que votre rôle était de pousser celui-ci, ce qui a nécessité une mise au point au plus haut niveau de la hiérarchie du client afin de rétablir la situation. Il vous a été reproché aussi de proposer des solutions «'copier/coller'» à des problèmes différents ce qui a été noté et reproché par le client. Ces observations traduisent une incapacité à assumer pleinement les exigences liées à vos fonctions.

Nous avons par ailleurs constaté un manque d'investissement dans votre travail notamment au regard de l'absence de toute action marketing dans le domaine de la Pratice Aéro alors même que vous aviez particulièrement souhaité être positionné sur ce secteur.

Les problèmes de communication pointés par le client ont également pu être relevés dans vos rapports avec les membres de la société plus particulièrement à l'égard de vos supérieurs hiérarchiques.

Vous n'avez ainsi pas hésité à vous opposer ouvertement à votre supérieur devant l'équipe en charge du dossier Airbus. À plusieurs reprises, vous avez en outre défendu devant le client une position divergente de celle adoptée par votre direction. Nous vous avons alerté à plusieurs reprises sur ces insuffisances et sur la nécessité de reconsidérer votre manière de travailler. Nous vous avons dès lors invité dans votre rapport d'évaluation 2013 à adopter un comportement plus professionnel à l'égard des clients et à améliorer votre communication aussi bien interne que vis-à-vis des clients. Cependant, vous n'avez pas pris en compte nos recommandations et avez même remis en cause l'évaluation annuelle réalisée par vos supérieurs hiérarchiques en sollicitant le client et en allant prétendre que ce dernier avait en réalité émis des observations positives votre égard. Vous êtes même allé jusqu'à vérifier la sincérité de ses commentaires en le confrontant à cette évaluation, sans demander l'autorisation de votre hiérarchie. Cette situation témoigne de votre incapacité à accepter le moindre commentaire négatif et traduit une absence totale de professionnalisme qui n'a pas manqué de heurter en interne comme en externe et qui a mis en danger la relation établie avec le client.

Un tel comportement illustre également un manque de maturité en totale contradiction avec votre expérience professionnelle et incompatible avec vos fonctions lesquelles impliquent de vous interroger en permanence sur votre travail et d'être toujours à l'écoute des attentes du client et de vos supérieurs et de leurs éventuelles observations.

Cette situation met en évidence un écart important entre nos attentes et le regard positif que vous semblez porter sur vos performances tant vous n'avez de cesse de réclamer une meilleure reconnaissance sans même prendre en compte nos observations. Nous ne pouvons davantage tolérer cette situation d'autant qu'aucune amélioration n'a pu être notée dans votre travail.[....]'»

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciable aux intérêts de celle-ci.

Pour justifier l'insuffisance professionnelle du salarié, l'employeur se réfère :

- au plan de développement 2013 aux termes duquel le salarié lui-même reconnaissait'avoir besoin «'de mieux communiquer mes contributions au management interne'», «'d'être plus affirmé, convaincant dans ma communication vis-à-vis des clients'», «'de mieux vendre mes propres idées en interne et en externe'»,

- aux évaluations de fin de mission chez le client sur lesquelles il a été mentionné «'communication orale : être plus synthétique. Mieux vendre le travail exécuté'» «'a besoin de se sensibiliser davantage à la culture du client pour être intégré[...] en particulier dans un environnement politique résistant'»

- à un courriel rédigé par Monsieur D... en janvier 2013 adressé à Monsieur X... en ces termes «'ce calage peut attendre lundi, en attendant tu prends ce qu'il t'a indiqué et tu le laisses en paix[...] parce que sinon c'est lui qui risque de s'agacer comme déjà Thierry E... l'autre jour'»

- au rapport d'évaluation de la fin de l'année 2013 établi sur la base de propos recueillis par le client M. C. et son supérieur hiérarchique M. F..., émettant les recommandations suivantes «'il serait mieux de faire d'abord davantage d'analyse, fais attention de ne pas faire d'observations critiques sur Airbus en tant que client avant qu'elles ne s'accompagnent de propositions et de solutions'» «'en 2013, Christian s'est retrouvé dans une relation difficile avec un directeur d'Alix Partners sur le projet A 380 ce qui a nécessité une intervention significative d'un managing director et n'a pas été résolu sans difficulté'»,

-aux observations formulées par Madame Olivia G... directrice de la gestion des compétences EMEA telles que «'tu as besoin de mûrir, as besoin d'une sérieuse amélioration'; 1/ changer avec le client 2/ analyser avant de parler,[...] mieux comprendre l'environnement du client, il dénigrait le client [...]a une haute estime de lui-même'»

- au manque de professionnalisme du salarié qui a sollicité le client pour le confronter à ses commentaires et pour remettre en cause son rapport d'évaluation ainsi qu'il l'explique dans son plan de développement 2014 établi le 3 février, dans les termes suivants «'avoir lu ce rapport, j'ai déjeuné avec le client supposé avoir émis ces commentaires négatifs : non seulement il n'a pas reconnu ses propos mais il a également clairement exprimé une vision totalement opposée sur certains points[..]'»

M. X... fait observer que ces évaluations étaient positives, Monsieur F... n'ayant jamais pointé de prétendues difficultés de communication, faisant état d'une amélioration constante de ses performances. Il soutient que la qualité de son travail a été confirmée à maintes reprises par les courriels reçus de sa hiérarchie ou des clients, que deux renouvellements de missions ont été négociés sur le projet A 380 en février et en mai 2013 ou encore pour 3 autres projets en novembre 2013 en janvier et avril 2014.

Il relève que le courriel de Monsieur D... remonte à janvier 2013, alors qu'il était en période d'essai, qu'il a poursuivi une relation de travail avec son interlocuteur puisqu'il encore travaillé pendant plus de 5 mois avec Monsieur H..., avec qui il avait suivi des études à l'école centrale Paris.

Il fait observer que les notes et observations de Madame Olivia G... ne sont pas datées, qu'au surplus, elle n'a pas assisté à l'entretien d'évaluation.

Il conteste avoir étalé publiquement le désaccord qui l'opposait à son supérieur hiérarchique et soutient avoir seulement contacté dans un cadre privé, Monsieur Charles H..., surpris qu'il avait été, par les appréciations portées dans son évaluation et avoir adressé à son seul supérieur hiérarchique, rédacteur de l'évaluation un mail de contestation de la dite évaluation.

L'examen des éléments communiqués de part et d'autre montre que même s'il ressort des appréciations portées que M. X... devait améliorer sa communication orale, les évaluations faisaient ressortir la réalité d'un travail solide et d'une forte crédibilité, de bonnes relations avec le client, une autonomie complète sur la gestion des modules de travail du client, l'évaluateur ayant coché la case ME correspondant à la mention «'rempli les attentes, très bon travail au niveau attendu'».

Il est aussi avéré que M. X... a été destinataire de plusieurs courriels montrant la satisfaction des supérieurs hiérarchiques sur le travail effectué.

S'il est exact que la démarche engagée par le salarié consistant à solliciter même dans un cadre privé le client ayant contribué à l'appréciation portée aux termes de la dernière évaluation est pour le moins contraire aux usages, susceptible de révéler un manque de discernement, force est de constater que la démarche s'est inscrite dans un contexte tout à fait singulier puisque le client en question avait fréquenté la même école à une époque contemporaine.

Dans ces conditions, et alors que l'employeur ne démontre pas que cette démarche, certes inopportune, a pu perturber la bonne marche de l'entreprise, et au regard des éléments précédemment relevés, c'est juste titre que le conseil de prud'hommes a disqualifié le licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse'

Compte tenu des heures supplémentaires allouées, le salaire moyen mensuel ressort à la somme de 12 159,26euros.

Le reliquat de l'indemnité de licenciement sera arrêté à la somme de 380 €.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge ( 34 ans), de son ancienneté ( 19 mois) , de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que les premiers juges ont exactement évalué le préjudice de Monsieur X... en lui allouant des dommages-intérêts d'un montant de 60 000 euros.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour procédure irrégulière'

En application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, l'irrégularité de la procédure de licenciement peut faire l'objet d'une indemnisation.

Dans le cas d'espèce, la lettre convoquant le salarié à l'entretien préalable a été remise en main propre le mercredi 23 avril 2014, l'entretien étant fixé au 29 avril 2014.

Il est exact que le jour de la remise de la lettre ne compte pas de même le dimanche lequel n'est pas un jour ouvrable.

En conséquence le délai de 5 jours ouvrables n'a pas été respecté en l'espèce.

Pour autant, M. X... n'explicite pas, ni ne justifie le préjudice qu'il allègue.

Il sera par conséquent débouté du chef de cette demande.

Sur la demande ayant trait au bonus'

Alléguant du principe selon lequel l'employeur doit assurer une égalité de traitement entre les salariés effectuant un même travail, de valeur égale, Monsieur X... soutient avoir bénéficié d'un bonus discrétionnaire de 960 € pour l'année 2013 sans avoir jamais été informé de l'ensemble des critères d'attribution retenus mis à part le critère de «'performance'», sans autre explication.

Pour l'année 2014, il indique que le bonus versé au prorata s'est élevé à la somme de 500€.

Le montant de ce bonus est selon lui dérisoire et inégalitaire.

Pour étayer sa demande à ce titre il précise avoir dépassé les moyennes de facturation des autres collaborateurs et soutient que d'autres collaborateurs tels que Messieurs I..., J... et K... ont perçu des sommes très supérieures alors qu'ils occupaient des postes identiques.

Il souligne avoir en vain sollicité que l'employeur communique les éléments de rémunération de ses collègues.

Il réclame donc une somme de 40'000 € alléguant que l'offre financière au moment de son embauche faisait état d'un salaire fixe de 120'000 € par an et d'un bonus maximal de 40'000€.

L'employeur rappelle que le contrat de travail peut prévoir en plus de la rémunération fixe l'attribution d'une prime laissée à sa libre appréciation.

Il souligne l'absence de fiabilité des données inscrites dans le tableau produit par le salarié s'agissant de l'outil de facturation.

Selon le contrat de travail liant les parties, il était explicitement indiqué que le salarié pourrait être éligible sur décision du conseil d'administration à un bonus annuel discrétionnaire dépendant de plusieurs critères incluant ses performances.

S'agissant d'un bonus discrétionnaire, le salarié n'est pas fondé en sa réclamation à ce titre.

Sur la demande au titre de la prime de vacances'

Selon l'article 31 de la convention collective applicable, l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.

Alléguant que l'employeur ne justifie d'aucun versement d'une quelconque prime ou gratification pour l'année 2012 qui viendrait se substituer à la prime de vacances, le salarié réclame 5000 € à ce titre.

La C... Alixpartners s'oppose à cette demande expliquant avoir versé à Monsieur X... 960 € à titre de prime en janvier 2014 et 500 € à titre de prime en avril 201. Elle considère avoir satisfait aux exigences conventionnelles à ce titre.

À titre subsidiaire, la C... Alixpartners soutient que ces primes ne peuvent dépasser 800€ pour l'année 2013' et 1200 € pour l'année 2014.

L'article 31 de la convention collective précise que «'toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 p. 100 prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre'».

Dans le cas d'espèce, les primes ont été versées en janvier et en avril 2014.

En conséquence à défaut d'avoir été au moins en partie versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre, elles ne peuvent être considérées comme des primes de vacances.

La cour fera droit à la demande de M. X... dans la limite de 2000 €.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Monsieur X... une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La C... Alixpartners qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué M. X... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre un intéressement pour l'année 2014 en deniers et quittances, une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre du non-respect de la procédure de licenciement, de l'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos, de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail , de bonus, d'indemnité pour travail dissimulé,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant';

Condamne la C... Alixpartners à verser à M. X... les sommes suivantes :

- 23 736, 24 euros au titre d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires majorées accomplies entre le 14 octobre 2013 et le 28 avril 2014 outre 2373,62 euros pour les congés payés afférents,

- 380 euros au titre d'un reliquat d'indemnité légale de licenciement,

- 2000 euros au titre de la prime de vacances,

- 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs réclamations,,

Condamne la C... Alixpartners aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/08476
Date de la décision : 26/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/08476 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-26;16.08476 ?
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