Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/17955 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZQBP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2016 rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 14/09770 qui a rejeté l'exequatur d'un jugement rendu le 14 avril 2010 par un le tribunal tunisien a prononçant le divorce des époux.
APPELANT
Monsieur Abdelmajid C... né le [...] à Tunis (Tunisie)
[...]
représenté par Me Anne-Sarah X..., avocat au barreau de PARIS, toque : R172
assisté de
INTIMEE
Madame Hasna Y... épouse C... née le [...] à Tunis (Tunisie)
[...]
représentée par Me Laurent D... du cabinet OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C1050
assistée de Me Thierry Z..., avocat plaidant du barreau de BOBIGNY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Mme Dominique GUIHAL, présidente
Mme Dominique SALVARY, conseillère
M. Jean LECAROZ, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Madame le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile [...]
représenté par Madame E... B..., substitut général, qui a visé le dossier le 29 août 2017
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Dominique GUIHAL, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.
M. A... C..., né le [...] à Tunis (Tunisie), de nationalité française selon décret de naturalisation du 15 octobre 1996, et Mme Hasna Y..., née le [...] à Tunis (Tunisie), de nationalité française selon décret de réintégration du 15 octobre 1996, se sont mariés le 8 février 1979 à Tunis (Tunisie). Quatre enfants, devenus majeurs, sont issus de cette union.
M. C... a introduit devant les juridictions françaises une demande en divorce qui a été rejetée par un jugement rendu le 15 décembre 2009 par le tribunal de grande instance de Bobigny.
Il a ensuite saisi le tribunal de première instance de L'Ariana (Tunisie) d'une demande en divorce le 4 janvier 2010. Par jugement de statut personnel du 14 avril 2010, le tribunal tunisien a prononcé le divorce des époux. Sur appel de Mme Y..., la cour d'appel de Tunis a confirmé le jugement par un arrêt rendu le 16 novembre 2011. La Cour de cassation de la République tunisienne a rejeté le pourvoi de Mme Y... le 3 mai 2012.
Selon acte du 3 avril 2014, M. C... a assigné devant le tribunal de grande instance de Bobigny Mme Y... aux fins de voir déclarer exécutoire en France le jugement de divorce tunisien confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Tunis, devenu définitif suite au rejet du pourvoi par arrêt de la Cour de cassation tunisienne du 3 mai 2012.
Par jugement du 17 juin 2016, le tribunal a rejeté les demandes de M. C... et l'a condamné à payer à Mme Y... la somme de 1700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Les premiers juges ont estimé que le jugement du 14 avril 2010 du tribunal de première instance de L'Ariana (Tunisie) avait été rendu en violation des articles 15 et 16 de la Convention signée entre la France et la Tunisie relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires et du protocole additionnel signés à Paris le 28 juin 1972 en ce que les activités et le centre des intérêts principaux de M. C... et de Mme Y... se trouvaient en France et que les juridictions françaises étaient seules compétentes pour connaître du litige qui les opposait.
M. C... a fait appel de ce jugement le 29 août 2016.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 octobre 2016, M. C... demande à la cour d'infirmer le jugement, de voir déclarer exécutoire en France le jugement de divorce prononcé le 14 avril 2010 par le tribunal de première instance de l'Ariana, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Tunis le 16 novembre 2011 et devenu définitif par suite du rejet du pourvoi par l'arrêt rendu par la Cour de cassation de Tunisie du 3 mai 2012, de condamner Mme Y... à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 décembre 2016, Mme Y... demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter l'ensemble des demandes de M. C... et de le condamner à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le dossier a été communiqué au ministère public le 29 août 2017.
SUR QUOI,
Considérant que la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie dispose:
«Article 15
En matière civile ou commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Tunisie sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre Etat s'il est satisfait aux conditions suivantes :
a) La décision émane d'une juridiction compétente au sens de l'article 16 de la présente Convention;
b) La partie succombante a comparu ou a été régulièrement citée ;
c) La décision n'est plus susceptible de voie de recours ordinaire conformément à la loi de l'Etat où elle a été rendue et est exécutoire dans cet Etat ;
d) La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat ;
e) Aucune juridiction de l'Etat requis n'a été saisie antérieurement à l'introduction de la demande devant la juridiction qui a rendu la décision dont l'exécution est demandée, d'une instance entre les mêmes parties fondée sur les mêmes faits et ayant le même objet.
Article 16
1. La compétence de l'autorité judiciaire de l'État dans lequel la décision a été rendue est fondée au sens de l'article précédent dans les cas suivants:
a) Lorsque, s'agissant d'une action personnelle ou mobilière, le défendeur ou l'un des défendeurs, dans le cas d'indivisibilité de l'action, avait son domicile ou sa résidence habituelle dans cet État lors de la notification de l'acte introductif d'instance;
b) Lorsque le défendeur, ayant un établissement commercial ou industriel ou une succursale dans l'État où la décision a été rendue, y avait été cité pour un procès relatif à l'activité de l'établissement ou de la succursale;
c) Lorsqu'il s'agit d'une demande reconventionnelle dérivant des mêmes faits ou des mêmes actes juridiques que la demande principale;
d) Lorsqu'il s'agit d'un litige concernant l'état, la capacité des personnes ou les droits et obligations personnels et pécuniaires découlant des rapports de famille, entre nationaux de l'État où la décision a été rendue; en outre, en cas d'action en divorce ou en annulation de mariage, lorsque le demandeur avait la nationalité de l'État où la décision a été rendue et résidait habituellement depuis au moins un an sur le territoire de cet État à la date de l'acte introductif d'instance;
e) Lorsqu'il s'agit d'une contestation concernant la succession mobilière d'un national de l'État où la décision a été rendue ou une succession mobilière ouverte dans ledit État;
f) Lorsqu'il s'agit d'une contestation relative à des droits réels portant sur des immeubles situés dans l'État où la décision a été rendue;
g) Lorsqu'en matière commerciale, de l'accord exprès ou tacite du demandeur et du défendeur, l'obligation contractuelle qui fait l'objet du litige est née, a été ou devait être exécutée sur le territoire de cet État;
h) Lorsqu'en matière de dommages et intérêts résultant d'une responsabilité extracontractuelle, le fait dommageable a été commis sur le territoire de cet Etat;
i) Lorsque le défendeur a présenté des défenses au fond sans avoir contesté la compétence du tribunal d'origine;
j) Dans tout autre cas dans lequel la compétence est fondée suivant les règles de la compétence judiciaire internationale admises par la législation de l'Etat où la décision est invoquée.
2. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux décisions concernant les contestations pour lesquelles le droit de l'État requis reconnaît comme exclusivement compétentes, à raison de la matière, ses propres juridictions ou celles d'un État tiers»;
Considérant que par requête du 25 août 2006, M. C..., se déclarant domicilié [...], a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny afin d'être autorisé à assigner Mme Y..., domiciliée [...], aux fins de voir prononcer le divorce; que tout au long de la procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Bobigny, tant M. C... que Mme Y... ont déclaré être domiciliés [...]; que dans le jugement de divorce du 15 décembre 2009, il a été constaté que le mari habitait [...]; que ce jugement a été signifié le 17 mars 2010 au domicile de M. C... dont l'huissier a constaté la réalité en ce qu'il a été confirmé par le gardien et que le nom de l'intéressé figurait sur la boite aux lettres;
Considérant qu'il est donc établi que, comme Mme Y..., M. C... était toujours domicilié [...] lorsqu'il a saisi les juridictions tunisiennes, en l'espèce le tribunal de première instance de L'Ariana (Tunisie), d'une demande en divorce par requête du 4 janvier 2010; qu'il en résulte que les juridictions tunisiennes ne pouvaient pas se déclarer compétentes en application de l'article 16 de la Convention précitée; que ne remplissant pas la condition posée par l'article 15 a) de la même Convention, les décisions rendues par les juridictions en Tunisie ne peuvent pas être reconnues en France;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement;
Considérant que succombant à l'instance, M. C... ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et doit être condamné sur ce fondement à payer à Mme Y... la somme de 5000 euros, outre les dépens avec distraction;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement,
Rejette les demandes de M. C...,
Condamne M. C... à payer à Mme Y... la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. C... aux dépens avec distraction au bénéfice de Me Laurent D... du cabinet OHANA ZERHAT, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE