RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 25 Septembre 2018
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/15650
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 16/00177
APPELANTE
Madame Marie-Annik H...
[...]
née le [...] à ALGRANGE (57)
comparante en personne, assistée de Me Marie-sophie X..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1858
INTIMEE
Association ALTERITE
[...]
N° SIRET : 334 769 270
représentée par Me Marie I... de la Y..., avocat au barreau d'ESSONNE substituée par Me Nathalie Z..., avocat au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sylvie HYLAIRE, présidente
Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller
Madame Valérie AMAND, conseillère
Greffier : Mme Caroline GAUTIER, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
L'A... Essonne devenue Altérité est une association loi de 1901 qui gère, dans le département de l'Essonne, 21 établissements et services à destination d'adultes et jeunes handicapés ; elle est financée par l'Etat, le département et la sécurité sociale.
L'Association Altérité est soumise à la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées dite convention du 15 mars 1966 et dispose d'un règlement intérieur ; elle emploie plus de 11 salariés.
Madame Marie-Annick H..., née [...], a été engagée selon contrat à durée indéterminée en date du 5 juin 2000 en qualité de directrice adjointe de CAT niveau 1, coefficient 683, à temps plein au CAT «La Chataigneraie» avec reprise d'ancienneté de 3 ans ; sa rémunération brute mensuelle était de 16.115[...] (2.456,82€ ).
Suivant avenant en date du 1er juin 2011, elle a été nommée directrice de l'ESAT La Chataigneraie, statut cadre classe 1, niveau 2, à temps plein 35h par semaine ; l'avenant précisait qu'à compter de la date de sa prise de fonction, la salariée disposait de trois ans pour fournir un diplôme de niveau 1 ou 2 et qu'à défaut d'obtention dans le délai prescrit, le contrat de travail s'avérera caduque. Mme H... a obtenu le diplôme nécessaire le 25 septembre 2014.
Par courrier du 25 février 2015, les délégués du personnel ont alerté le président de l'association sur les propos tenus par un salarié de La Chataigneraie au cours d'un entretien disciplinaire, faisant état d'une «ambiance délétère au sein de l'établissement» attribuée notamment à Mme H... et au problème récurrent de management.
Etait alors prévue une réunion le 2 mars 2015 entre le directeur général de l'association, Mme H... et M. B..., directeur adjoint de l'établissement, préalable à une rencontre avec l'ensemble des salariés de l'établissement qui devait se tenir le vendredi 6 mars à 14h, ce dont Mme H... informait le personnel suivant note d'information, recommandant à tous de prendre ses dispositions pour assister à la réunion en prévoyant deux heures minimum afin que tous puissent s'exprimer ; cette note indiquait que le président de l'association avait été destinataire « d'un courrier dont la lecture nous a été particulièrement difficile ».
Après l'entretien que Mme H... a eu le 2 mars 2015 avec son employeur et son collègue le directeur-adjoint, la salariée a été placée en arrêts de travail régulièrement prolongés du 2 mars au 31 juillet 2015, puis en congés payés jusqu'au 11 septembre 2015.
Le 9 septembre 2015, le directeur général a informé la salariée qu'elle était dispensée d'activité jusqu'à la visite médicale de reprise programmée le 18 septembre 2015.
Lors de cette visite, Mme H... a été déclarée « apte, à revoir dans 15 jours ».
Le 18 septembre 2015, à réception d'un courrier des délégués du personnel annonçant qu'en cas de reprise de la directrice, l'ensemble des professionnels arrêterait le travail, l'employeur a notifié à Mme H... sa mise à pied à titre conservatoire.
Du 21 septembre 2015 au 15 février 2016, Mme H... a de nouveau été placée en arrêt maladie.
Par courrier du 24 septembre 2015, Mme H... a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est déroulé le 5 octobre 2015.
Le 19 octobre 2015, une mutation au poste de chargé de mission au siège de l'association a été proposée à Mme H... à titre de sanction, motivée par des plaintes de salariés à son encontre ; la lettre de proposition, à laquelle il était demandé une réponse dans le mois, précisait qu'à défaut d'acceptation, une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pourra y être substituée et mettait fin à la mise à pied à titre conservatoire qui serait intégralement rémunérée.
Mme H... a refusé cette proposition le 19 novembre 2015 ; le 18 décembre 2015, l'employeur a accordé un nouveau délai de réflexion à la salariée.
Le 16 février 2016, le médecin du travail a conclu à l'aptitude de la salariée à un poste de directrice mais dans un autre établissement. L'employeur a adressé au médecin du travail pour avis une fiche de poste concernant celui de chargée de mission au siège de l'association.
Le 22 février 2016, Mme H... a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry afin de solliciter notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et l'annulation de la sanction mutation du 19 octobre 2015.
Le 2 mars 2016, Mme H... a demandé à l'employeur de « lui adresser des propositions de postes conformes à l'avis médical » du 16 février 2016 en se déclarant à la disposition de l'association pour étudier tous postes de reclassement conformes à son aptitude restreinte.
L'employeur a répondu le 3 mars 2016 en indiquant notamment que la salariée semblait «oublier que la mutation sanction qui vous était imposée repose sur votre attitude clairement inacceptable pour les salariés de l'établissement que vous dirigiez puisque les délégués du personnel ont fait une alerte sociale pour refuser votre retour à la suite de votre arrêt maladie - que l'employeur ne peut ignorer une situation de cette nature et se trouve dans l'obligation de prendre les mesures adaptées pour y faire face.
Que l'association n'a pas souhaité rompre votre contrat de travail compte tenu de votre ancienneté et de la proximité de votre départ à la retraite malgré les faits graves qui vous étaient reprochés, elle a souhaité vous décharger de la fonction de directrice de l'établissement concerné et vous affecter au siège dans des fonctions de chargée de mission, de qualification comparable, en gardant le même titre fonctionnel de directeur, avec les mêmes rémunérations et avantages (....) Enfin, vous n'êtes en aucun cas dispensée d'activité et l'association vous attend sur votre nouvelle affectation. Par ailleurs, dans le cas où vous ne prendriez pas votre poste, votre salaire ne sera pas maintenu puisque vous n'êtes pas dispensée d'activité par l'association».
Le 8 mars 2016, le médecin du travail a sollicité un avis spécialisé avec une nouvelle visite prévue le 25 avril 2016.
Par jugement rendu le 22 novembre 2016, le conseil de prud'hommes d'Evry a a dit la sanction mutation du 19 octobre 2015 justifiée et a ordonné la poursuite du contrat de travail.
Par déclaration enregistrée au greffe le 15décembre 2016, Mme H... a relevé appel de la décision.
Mme H... a repris le travail au poste de chargé de mission à compter du 23 novembre 2017.
Le 17 avril 2018, elle a adressé un mail au docteur Martine C..., médecin du travail, indiquant qu'elle avait réussi à tenir « dans le placard» d'Altérité durant 5 mois ponctués chaque jour de présence par des maux de ventre, acidité gastrique, parfois vomissements, diarrhées, que ces derniers temps, elle a commencé à ressentir des douleurs de plus en plus vives au niveau du poignet gauche ce qui la surprend « car à force de cliquer avec la main droite sur la souris de l'ordinateur», elle pensait qu'elle aurait plutôt eu une tendinite à ce poignet» ; elle dit n'avoir rien à faire, que c'est la raison pour laquelle elle a vu son médecin qui l'a mise en arrêt de travail du 11 avril 2018 jusqu'au 14 mai 2018 prolongé au 4 juin 2018.
Madame Marie-Annick H... demande à la cour d'infirmer le jugement, de la dire recevable en ses demandes, de constater les manquements graves de l'Association Altérité à ses obligations contractuelles, d'annuler la sanction mutation prononcée le 19 octobre 2015, de constater que l'Association Altérité a modifié unilatéralement ses fonctions, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de condamner l'Association Altérité à lui payer avec intérêts capitalisés et remise des documents conformes (bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle Emploi), les sommes de :
- 59.797,71 € à titre de rappel de salaires de 2011 à 2018 plus les congés payés afférents soit 5.979,77 €,
- 12.876,82 € à titre de rappel de salaires au titre des minima conventionnels outre 1.287,68€ pour congés payés afférents,
- 75.087,30 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 25.140,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 2.514,08 € pour congés payés afférents,
- 70.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Association Altérité sollicite la confirmation du jugement, le rejet de l'intégralité des prétentions de l'appelante et la condamnation de Mme H... à lui payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Le 1er juin 2018, soit après l'ordonnance de clôture rendue le 23 mai 2018, Mme H... a sollicité le rabat de la clôture suivant conclusions signifiées par le RPVA ; l'avocat de l' Association Altérité a répliqué le 14 juin 2018 et a adressé une nouvelle communication de pièces suivant bordereaux des 11 et 14 juin 2018.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites régulièrement communiquées avant la clôture prononcée le 23 mai 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de la clôture
En l'absence de cause grave justifiant le rabat de l'ordonnance de clôture et de justification de circonstances majeures ayant empêché la communication des conclusions et des pièces dans les délais et antérieurement à l'ordonnance de clôture, il y a lieu d'écarter des débats les conclusions ainsi que les pièces communiquées par les parties postérieurement à la clôture à savoir les pièces 55 à 59 incluses du bordereau de communication de pièces de Me Marie-Sophie X..., avocat de Mme H... déposé le 1er juin 2018 et les pièces 53 à 68 incluses du bordereau de pièces de la Y..., avocats de l'Association Altérité déposé le 14 juin 2018.
Sur la demande d'annulation de la sanction prononcée le 19 octobre 2015
Mme H... soutient que la sanction dont elle a fait l'objet est irrégulière et doit être annulée aux motifs qu'elle a selon elle été prononcée hors délai, qu'elle constitue une modification de son contrat de travail, qu'elle ne peut pas lui être imposée, qu'elle l'a d'ailleurs refusée, qu'une telle sanction n'est pas prévue par le règlement intérieur et qu'en tout état de cause et subsidiairement, elle n'est ni motivée ni fondée.
Il ressort des pièces communiquées contradictoirement que les rapports entre l'Association Altérité et ses salariés étaient régis en dehors de la convention collective visée dans l'exposé des faits, par un règlement intérieur.
Le règlement intérieur s'impose à tous les membres du personnel et au chef d'entreprise dès lors qu'il a été régulièrement pris, ce qui n'est pas contesté en l'espèce et il fixe, conformément à l'article L. 1321-1 du code du travail alinéa 3°, « les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur ».
Une sanction ne peut pas être prise contre un salarié si elle n'est pas prévue par le règlement intérieur.
En l'espèce et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien fondé de l'ensemble des griefs soulevés par la salariée quant aux motifs devant conduire à l'annulation de la sanction, la cour relève que le règlement intérieur applicable à l'époque des faits stipule à l'article 4.1 du titre IV que « sans suivre nécessairement l'ordre de classement, les mesures disciplinaires applicables aux personnels des établissements ou services s'exercent sous les formes suivantes : l'observation, l'avertissement, la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de trois jours, le licenciement ».
Aux termes de l'article L 1331-1 du code du travail constitue une sanction, toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Ainsi, la mutation qui n'est pas prévue au titre des sanctions applicables du règlement intérieur de l'Association Altérité, alors même que cette dernière reconnaît au travers des différents échanges de courriers avec la salariée que la mutation au siège de l'association à Juvisy sur Orge est une sanction et constitue une «modification fonctionnelle» ( courrier du 19 octobre 2015 contenant la sanction - pièce 25 de Mme H...), doit être jugée illicite et par voie de conséquence annulée.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.
Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
En l'espèce, Mme H... reproche à son employeur :
- un manquement à son obligation de sécurité et à ses obligations contractuelles ; elle fait état de ce qu'elle se serait sentie humiliée le 22 octobre 2014 à l'occasion d'une réunion où le président de l'association avait reproché aux directeurs d' ESAT et « plus spécifiquement à elle » de ne pas avoir participé à une réunion du conseil d'administration alors qu'elle devait faire face à l'absence de son directeur adjoint ;
- de ne pas l'avoir soutenue face aux accusations dont elle a fait l'objet (problème récurrent de management, reproche qu'elle conteste) et avoir préféré entendre les représentants du personnel et les salariés sur les faits allégués à son encontre, sans l'en avoir informée préalablement et sans qu'elle ait pu faire valoir son avis sur l'opportunité d'une telle réunion;
- le refus de la direction de l'association qu'elle se présente le 2 juillet 2015 au 40ème anniversaire de l'ESAT en lui demandant de se restreindre à la rédaction d'un « petit mot»;
- une exécution déloyale du contrat de travail par la tenue d'un discours culpabilisant quand elle s'est interrogée sur les faits qui lui étaient reprochés et d'avoir brandi jusqu'en mars 2016 la menace d'un licenciement alors que son pouvoir disciplinaire était épuisé;
- l'imposition d'un poste refusé de chargé de mission à Juvisy sur Orge qui s'avère selon elle une mise au placard.
Il ressort de l'examen des seules pièces communiquées régulièrement par les parties et non écartées des débats pour communication tardive après prononcé de l'ordonnance de clôture que le fait isolé invoqué par la salariée qu'elle a ressenti comme une humiliation, ou la manière dont l'employeur a réagi et mené l'enquête suite à la dénonciation par les délégués du personnel des faits reprochés à Mme H... ne sont pas de nature à justifier la demande de résiliation judiciaire de la salariée.
En effet contrairement à ce qu'elle soutient, Mme H... a été informée dès le 2 mars 2015 de la réunion du personnel le vendredi 6 Mars 2015 à 14h en présence de la direction puisqu'elle a elle même signé la note d'information au personnel, ainsi qu'il ressort de la comparaison de la signature qu'elle a apposée avec celle figurant sur son contrat de travail en date du 5 juin 2000.
Il est également établi notamment par Monsieur Joaquim B..., directeur adjoint de l'ESAT que le courrier des délégués du personnel en date du 25 février 2015 dénonçant le comportement de Mme H... et ce qu'ils lui reprochaient, lui avait été communiqué à lui-même ainsi qu'à Mme H... le 27 février 2015 par le directeur général demandant à les rencontrer dès le lundi 2 mars.
Il en va de même en ce qui concerne l'anniversaire du 2 juillet 2015 puisqu'à cette date Mme H... était en réalité en arrêt de travail.
En revanche, il est constant que Mme H... a immédiatement refusé sa mutation-sanction au siège de l'association et les nouvelles fonctions qu'elle devait y occuper de chargée de mission, fonction qui selon les termes mêmes de l'employeur dans la lettre du 19 octobre 2015, la privait de sa fonction de « directrice avec des liens hiérarchiques importants ».
L'irrégularité et l'annulation de la mutation-sanction ne font certes pas disparaître les faits et motifs pour lesquels l'employeur avait entendu sanctionner la salariée, cependant, celle-ci ayant refusé sa mutation dès le 19 novembre 2015, il aurait dû en tirer les conséquences s'il entendait sanctionner le comportement reproché à Mme H....
Il n'en a rien fait et a persisté dans sa volonté de muter Mme H... au siège de l'association alors même que le médecin du travail avait conclu le 16 février 2016 à l'aptitude de la salariée à un poste de directrice mais dans un autre établissement.
Le 22 février 2016, Mme H... a saisi le conseil des prud'hommes en sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le 2 mars 2016, elle a demandé à son employeur de « lui adresser des propositions de poste conformes à l'avis médical » du 6 février 2016 précité.
Par courrier en date du 3 mars 2016, l'employeur indiquait à la salariée qu'il l'attendait sur sa nouvelle affectation et que si elle ne prenait pas son poste son salaire ne lui serait pas maintenu.
Le fait que Mme H... ait rejoint le poste de chargée de mission au siège social de l'association à Juvisy sur Orge le 23 novembre 2017 après de nombreux et longs arrêts maladie ne constitue pas pour autant une acceptation expresse de sa mutation puisque faite sous la contrainte d'une privation de salaire et par conséquent de moyens d'existence et alors même qu'elle avait déjà saisi le conseil des prud'hommes de sa demande d'annulation de la sanction-mutation et de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
La persistance de l'employeur à imposer à la salariée qui l'a refusée dès le 19 novembre 2015, une mutation qui se voulait être une sanction de faits fautifs d'une certaine gravité avec modification de l'étendue des fonctions qui aboutissaient à une privation de son rôle de direction avec liens hiérarchiques importants et à ne pas tirer les conséquences du refus de la salariée soit en la licenciant pour faute, soit en lui proposant un poste de direction dans un autre établissement comme le préconisait l'avis d'aptitude du médecin du travail, est en soi un manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'employeur persistant dans l'application d'une sanction dont il ne pouvait pas ignorer qu'elle était irrégulière puisque non prévue par le règlement intérieur.
Mme H... produit en outre trois attestations de Mesdames Christelle D... et Sylvie E... ainsi que de Monsieur Yves F..., directeur de l'établissement ESAT de Palaiseau, dont la cour considère qu'ils établissent de manière probante qu'au poste de chargée de mission sur lequel l'appelante se trouve mutée, elle subit manifestement une sorte de mise au placard par rapport à sa qualification, Monsieur F... indiquant que s'étant ouvert de la situation qui lui paraissait maltraitante de Mme H... à la directrice générale adjointe, Madame G..., celle-ci lui avait déclaré qu'elle en était bien consciente mais qu'il n'était pas possible à la direction générale de lui confier des dossiers par souci de confidentialité compte tenu des procédures juridiques en cours.
En conséquence, infirmant le jugement du conseil des prud'hommes, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme H... au jour de la présente décision et de dire qu'elle a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail
L'article 10 des dispositions résultant des avenants 265 du 21 avril 1999 et 1 du 20 juin 2000 de l'annexe 6 de la convention collective applicable aux cadres prévoit une indemnité de licenciement pour le cadre qui compte plus de deux ans d'ancienneté au service de la même entreprise d'un mois par année de service sans pouvoir dépasser 18 mois de salaire.
Au vu des bulletins de paie versés aux débats, la rémunération mensuelle brute de la salariée s'élève à 3.368,96 € au titre du traitement indiciaire plus 526,40 € au titre de l'indemnité de sujétion particulière soit un total de 3.895,36 € et non 4.213,36 € comme indiqué page 2 des conclusions de l'appelante.
Compte tenu de l'ancienneté de la salariée au jour de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de son salaire et du maximum de l'indemnité susceptible d'être perçue, il y a lieu de lui allouer la somme de 70.116,48 €, correspondant au plafond prévu par la convention collective.
Eu égard à l'article 9 des dispositions visées ci-dessus, Mme H... a droit à un préavis de 6 mois soit 23.372,16 € plus 2.337, 21 € au titre des congés payés afférents.
Mme H... fait valoir que l'ensemble des faits dont elle s'est ressentie victime a dégradé sa santé, qu'elle a subi un préjudice sur le plan moral, que sa fin de carrière et sa réinsertion seront difficiles compte tenu de son âge (61 ans en novembre 2018) et que sa baisse de revenus impactera à court terme sa pension de retraite ; eu égard à l'ensemble de ces éléments, il est approprié de lui allouer en application de l'article L 1235-3 du code du travail la somme de 50.000 €.
Sur les demandes de rappel de salaire pour inégalité de traitement et non respect des minima conventionnels
Mme H... soutient qu'elle a subi une inégalité de traitement sur le plan salarial par rapport à ses collègues également directeurs d'établissement ayant même une ancienneté moindre ; elle se compare notamment à Monsieur F... qui a une ancienneté très proche de la sienne (1er juin 1999) et qui, au 1er janvier 2016, avait selon elle une rémunération calculée sur un taux horaire de 30,21487 € alors que le sien n'était que de 25,68313 € d'où une différence mensuelle de 687,33 €.
Il ressort cependant de l'examen des pièces versées aux débats, notamment les contrats de travail et les bulletins de salaire des différents salariés énumérés par la salariée dans ses conclusions que tous les directeurs d'ESAT ont en fait une qualification identique en application du décret du 19 février 2007, quelle que soit leur date d'embauche.
Il est par ailleurs justifié que Monsieur F... qui avait été embauché en 1999 et qui a une rémunération légèrement supérieure à l'ensemble de ses collègues directeurs bénéficie en réalité du maintien du statut et de la rémunération qu'il avait au sein de l'APTA, association qui a été reprise par l'Association Altérité et dont le contrat de travail a été transféré en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Il s'ensuit, qu'au vu des éléments produits, la cour considère que l' Association Altérité justifie la différence de traitement avec Monsieur F..., placé dans une situation différente de celle de ses autres collègues dont Mme H....
Mme H... soutient ensuite qu'à compter de l'obtention de son diplôme CAFDES le 17 octobre 2014, diplôme de niveau 1, elle aurait dû bénéficier d'un salaire indiciaire de 948.3 points correspondant à la classe 1 niveau 1 échelon 4 de la catégorie cadre soit à une rémunération de base de 3.565 € alors qu'elle n'a perçu que 3.278,72 € jusqu'en août 2015 et 3.368,96 € ensuite ; elle considère en conséquence que l'Association Altérité n'a pas respecté les dispositions relatives aux minima conventionnels et sollicite un rappel de salaire de 3.149,08 € pour la période d'octobre 2014 à août 2015 et de 9.727,74 € pour la période de septembre 2015 à mai 2018.
Cependant, ainsi que le fait valoir l'Association Altérité et conformément à la classification fixée par le décret du 19 février 2007 qui classe les établissements médico-sociaux en trois catégories (1, 2 et 3), l' Association Altérité, ce que qui n'est pas contesté par l'appelante, est un établissement de catégorie 2 dont le poste de directeur n'exigeait, selon le classement des établissements, qu'un diplôme de niveau 2. L'Association Altérité expose que l'enveloppe fonctionnelle de direction est allouée par les organismes financeurs des établissements en considération du seul niveau exigé pour occuper le poste de direction et qu' en outre, le contrat de travail signé par Mme H... ne stipule pas d'augmentation de rémunération par le biais de l'attribution d'un indice supérieur en cas d'obtention d'un diplôme de niveau 1.
Mme H... était cadre classe 1; le déroulement de carrière indiciaire se fait selon la convention collective applicable, annexe 6 en fonction du niveau exigé ; en l'espèce, le niveau exigé était le niveau II , or Mme H... fonde sa demande sur l'indice 974.4 qui est celui correspondant aux directeurs d'établissements dont le niveau I est exigé, ce qui n'est pas le classement de l'établissement de La Chataigneraie ainsi qu'il a été dit ci-avant.
Il est établi par les fiches de paie qu'elle produit que sa rémunération de base correspond à l'indice 896 soit celui correspondant au niveau II exigé pour le poste qu'elle occupait; dès lors la revendication de l'indice 974.4 étant non fondée, il convient de débouter Mme H... de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire que ce soit pour inégalité de traitement ou pour non respect des minima conventionnels.
Sur les autres demandes
Il y a lieu d'ordonner la remise par l' Association Altérité des documents conformes à la présente décision (bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle Emploi).
Il y a lieu également de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions précisées au dispositif.
L'Association Altérité, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme H... la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture en date du 23 mai 2018 et écarte des débats les conclusions signifiées postérieurement ainsi que les pièces 55 à 59 incluses du bordereau de communication de pièces de Me Marie-Sophie X..., avocat de Mme H... déposé le 1er juin 2018 et les pièces 53 à 68 incluses du bordereau de pièces de la Y..., avocats de l' Association Altérité déposé le 14 juin 2018,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Annule la sanction-mutation en date du 19 octobre 2015,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme H... aux torts de l'Association Altérité à la date du présent arrêt,
Condamne l'Association Altérité à payer à Mme H... les sommes suivantes :
- 70.116,48 € € à titre d'indemnité de licenciement,
- 23.372,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 2.337,21 € au titre des congés payés afférents,
- 50.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne la remise par l'Association Altérité des documents (bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle Emploi) conformes à la présente décision dans le délai de deux à compter de la notification de celle-ci,
Dit que les intérêts dus seront capitalisés année par année conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil devenu l'article 1343-2,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne l'Association Altérité aux dépens ainsi qu'à payer à Mme H... la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT