RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 25 Septembre 2018
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/13988
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/05339
APPELANTE
Madame Anne-Laure X...
[...]
représentée par Me Thierry C... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R046 substituée par Me Arthur Y..., avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS KLB GROUP
[...]
N° SIRET : 402 99 4 4 38
représentée par Me Marc Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : J024 substitué par Me Marianne A..., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Christophe BACONNIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sylvie HYLAIRE, présidente
Madame Jacqueline LESBROS, conseillère
Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller
Greffier : Mme Caroline GAUTIER, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société KLB Group a employé Madame Anne-Laure X..., née [...], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du [...] en qualité de chef d'équipe, statut cadre.
Le contrat de travail comportait une clause de mobilité.
Le salaire de base était fixé à 3.333,33 € pour un temps plein.
Un premier avenant établi à la même date que le contrat de travail (3 avril 2013) prévoyait que Madame X... pourra percevoir une prime de satisfaction variable annuelle de 5.000€ bruts, versée trimestriellement à hauteur de 1.250 € bruts, que la prime de satisfaction sera basée sur les critères suivants : la satisfaction client, la qualité du management et la qualité des reporting et que ces primes seront évaluées par le manager et versées en août 2013, novembre 2012, février 2014 et mai 2014.
Le dernier avenant daté du 1er mars 2014 prévoit que Madame X... percevra un salaire de base de 3.383,33 € et qu'elle pourra percevoir une prime de satisfaction variable annuelle de 6.000 € bruts, versée trimestriellement à hauteur de 1.500 € bruts, que la prime de satisfaction sera basée sur les critères suivants : la satisfaction client, la qualité du management, la qualité des reporting, le suivi des ressources (gestion des absences, renouvellement des contrats) et la contribution à l'effort de vente (détection de nouveaux projets) et que ces primes seront évaluées par le manager et versées avec une périodicité identique à l'année précédente.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.
Après avoir été positionnée sur une mission auprès de la société Lafarge pendant 18 mois, Madame X... a été affectée à une mission auprès de la société OGF à compter du 3 novembre 2014.
Par lettre datée du 17 novembre 2014, Madame X... a démissionné ; la lettre de démission indique :
« Suite à ma conversation téléphonique de ce jour avec ma responsable et en accord avec cette dernière, Madame Lucile D..., je vous remercie de bien vouloir prendre note de mon souhait de mettre fin à notre collaboration et vous confirme par la présente ma démission de votre entreprise à ce jour, soit le 17 novembre 2014.
Bien que ma période de préavis normalement due en la matière me conduise à quitter l'entreprise dans un délai plus important, et sur le conseil de Madame D..., je vous notifie ma volonté de devoir être libre de tout engagement le 1er décembre 2014 (...)».
La société KLB Group n'a pas accepté de la dispenser d'effectuer son préavis dés le 1er décembre 2014, lui indiquant qu'elle cherchait des solutions pour la remplacer sur la mission dont elle était chargée auprès de la société OGF et qu'une période de formation du nouveau consultant serait nécessaire en sorte que seule une dispense partielle du préavis serait possible.
Madame X... ne s'est plus présentée à son poste à partir du 3 décembre 2014.
Par lettre datée du 3 décembre 2014, Madame X... a précisé les raisons l'ayant amenée à démissionner ; cette lettre est ainsi rédigée.
« (...) Malgré ses propos et ma requête elle (Madame Lucile D...) n'a pas semblé déployer tous les moyens nécessaires pour trouver une issue rapide à cette situation, ce qui m'étonne grandement vu ses pratiques habituelles et sa capacité à trouver des solutions de remplacement dans des délais extrêmement réduits quand son propre intérêt est en jeu.
Pour mémoire, Lucile m'a transférée de Lafarge à OGP en 4 jours sans que cela ne l'incommode pour le moins du monde, sans passation de dossier, m'obligeant à laisser une situation en l'état avec une équipe que je gérais en frontal de 12 personnes et un réseau national avec des intervenants délicats à piloter.
Pour mémoire encore, elle a su me faire fin août, la proposition de quitter Lafarge pour une autre mission, exigeant une réponse de ma part sous 24h car «'il fallait faire vite'».
Je ne cite là que des faits me concernant, mais au cours de la mission chez Lafarge qui a duré 18 mois, j'ai accumulé bien d'autres preuves de sa grande réactivité à trouver des solutions quand elle en avait besoin, bien souvent au détriment de la réglementation en vigueur et de la qualité de la prestation fournie au client (')
Je me permets donc aujourd'hui d'émettre de sérieux doutes concernant sa «'bonne volonté'» à trouver une issue rapide a mon remplacement.
J'estime aujourd'hui que Lucile a tout mis en 'uvre pour que notre relation professionnelle s'envenime et nous amène à ce point de rupture.
En effet, durant ses derniers mois de mission au sein de Lafarge, j'ai vu le non versement d'une partie de ma rémunération variable, sans aucune explication de la part de KLB malgré mes relances écrites.
Pourtant, selon les propos de Jean-François B..., directeur du CSF Lafarge France, ma prestation était de qualité et il en était très satisfait.
Une fois encore, toujours sans aucune explication, je n'ai pas reçu la partie variable de ma rémunération qui devait être versée fin novembre 2014, partie variable qui était liée aux performances du dernier trimestre, soit depuis le 12 septembre dernier.
Visiblement, la qualité de mes prestations et de mon engagement n'a pas été jugée valable depuis ces trois derniers mois. Les éléments sur lesquels Lucile s'est basée pour ce non versement ne m'ont pas été communiqués, comme cela aurait dû être fait contractuellement avant fin novembre. Pourtant et comme je m'étais engagée à le faire auprès de Lucile en échange de sa réactivité à me trouver un remplaçant, ma conscience professionnelle n'a pas failli, j'ai mené ma mission chez OGP jusqu'au dernier jour, ai produit les livrables de qualité qui seront exploitables pour mon successeur. J'ai tenu mes engagements (')
Afin de répondre à un besoin ponctuel qui devait se transformer en embauche à terme, Lucile m'a recrutée pour créer le front office bétons chez Lafarge, sachant que mon expérience reconnue pour ce type de mission correspondrait parfaitement au besoin du client. Malgré mon expertise en la matière, elle m'a imposé des ressources non qualifiées pour étoffer l'équipe, j'ai souvent dû aller jusqu'à l'affrontement avec elle pour défendre mes positions et mes choix qui garantissaient une qualité de prestation pour le client. Selon Lucile, ma mission était de «'facturer le client quelle que soit la qualité des prestataires'», selon moi je devais veiller à la cohésion de l'équipe pour que le turn over ne soit pas trop important afin d'assurer une fiabilité précieuse pour rassurer et fédérer le réseau opérationnel.
Cette mission m'avait été clairement confiée par jean-François B... en présence de Lucile lors de mon entretien initial. Ces divergences ont rendu ma mission encore plus compliquée que ce qu'elle était initialement et m'ont valu des critiques injustifiées de ma hiérarchie KLB. En effet, Lucile n'a eu de cesse de me répéter avec exaspération que je ne «'comprenais rien'» propos gratuits et dégradants.
Devant cet état de fait, je considère ne plus avoir ma place au sein de KLB et ne plus pouvoir travailler dans ces conditions. Je ne peux plus être en phase et cautionner des pratiques envers vos collaborateurs et vos clients qui, au regard du respect de l'humain et des lois, sont plus que contestables (...)».
A la date de la rupture, le 3 décembre 2014, Madame X... avait une ancienneté de 1 an et 7 mois.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne sur les 12 derniers mois s'élevait à la somme de 3.710,05 €.
Demandant que Madame X... soit condamnée à lui payer l'indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour rupture abusive du préavis, la société KLB Group a saisi le 17 décembre 2014 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 28 septembre 2016 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- dit et jugé la démission de Madame X... non équivoque,
- condamné Madame X... à verser à la société KLB Group les sommes de :
* 9.021 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 200 € au titre de l'article 700,
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- débouté la société KLB Group du surplus de ses demandes,
- débouté Madame X... de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné Madame X... aux entiers dépens.
Madame X... a relevé appel de ce jugement par déclaration du 4 novembre 2016.
La clôture a été fixée au 25 avril 2018
L'affaire a été appelée à l'audience du 29 juin 2018.
Par conclusions régulièrement communiquées le 3 février 2017, Madame X... demande à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à à verser à la SAS KLB Group une somme de 9.021 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et, en conséquence, de :
- juger que sa démission est une démission équivoque qui s'analyse comme une prise d'acte et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- juger que la société KLB Group est débitrice à son égard de la somme de 2.000 € au titre de la prime contractuelle de satisfaction et fixer son salaire mensuel brut moyen à 3.876,71€ ;
- condamner la société KLB Group à lui verser les sommes suivantes :
* 1.227,62 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 2.000 € à titre de rappel de prime contractuelle de satisfaction,
* * 7.753,42 € ou 7.420,10 € (sic) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions régulièrement communiquées le 21 mars 2017, la société KLB Group demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la démission de Madame Anne-Laure X... était non équivoque et condamné celle-ci à lui verser la somme de 9.021 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de débouter Madame X... de l'ensemble de ses demandes, d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société KLB Group de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période de préavis et de :
- condamner Madame Anne-Laure X... à verser la somme de 25.370 € à la société KLB Group à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de préavis ;
- condamner Madame Anne-Laure X... à verser à la société KLB Group la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la prime de satisfaction
Madame X... sollicite la somme de 2.000 € au titre de la prime de satisfaction ; elle fait valoir qu'elle a perçu cette prime contractuelle régulièrement sauf à deux reprises, en mai 2014 où elle n'a perçu que 1.000 € au lieu de 1.500 € et en novembre 2014 où elle n'a rien perçu alors qu'elle aurait dû percevoir 1.500 €.
La société KLB Group soutient sans autre précision que «'cette prime de satisfaction n'est pas due, ce que Madame X... savait parfaitement'».
La cour constate que l'avenant du 1er mars 2014 prévoit que Madame X... pourra percevoir une prime de satisfaction variable annuelle de 6.000 € bruts, versée trimestriellement à hauteur de 1.500 € bruts, que la prime de satisfaction sera basée sur les critères suivants : la satisfaction client, la qualité du management, la qualité des reporting, le suivi des ressources (gestion des absences, renouvellement des contrats) et la contribution à l'effort de vente (détection de nouveaux projets) et que ces primes seront évaluées par le manager et versées avec une périodicité identique à l'an passé, soit en mai, en août, en novembre et en février.
A l'examen de la clause et des moyens débattus, la cour retient que Madame X... est bien fondée dans sa demande au motif qu'hormis l'affirmation de la prise en compte de critères tels que la satisfaction client, la qualité du management, la qualité des reporting, le suivi des ressources (gestion des absences, renouvellement des contrats) et la contribution à l'effort de vente (détection de nouveaux projets), ce qui est très général, la société KLB Group ne produit aucun élément de preuve ni n'invoque aucun élément relatif aux critères objectifs précis sur lesquels elle se serait fondée pour refuser ou accorder totalement ou partiellement ces primes.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande en paiement des primes de satisfaction, et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société KLB Group à payer à Madame X... la somme de 2.000 € au titre des primes de satisfaction impayées en mai et en novembre 2014.
Sur la requalification de la démission en prise d'acte de la rupture
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Si le salarié mentionne dans sa lettre de rupture qu'il démissionne sans autre précision mais qu'ensuite, au cours de la procédure, il fait état de manquement de l'employeur, les juges doivent rechercher si la démission sans réserve, qui revêt a priori tous les aspects d'une démission sans équivoque, n'a pas été donné en raison de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
Sur le caractère équivoque de la démission de Madame X...
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la démission de Madame X... est équivoque au motif que celle-ci a, dans une lettre adressée à la société KLB Group moins de 3 semaines après sa démission, invoqué des griefs l'ayant conduit à rompre son contrat de travail, griefs relatifs à la mise en 'uvre déloyale et brutale de la clause de mobilité et au non-paiement injustifié de la prime de satisfaction. L'existence d'un différend antérieur ou contemporain de la démission est dés lors établie et la démission doit être requalifiée en prise d'acte de la rupture.
C'est donc en vain que la société KLB Group soutient d'une part que la démission de Madame X... n'est pas équivoque et d'autre part que la demande de requalification en prise d'acte de la rupture formée seulement dans le cadre de la procédure prud'homale, 16 mois après la démission, est tardive et ne peut plus rendre équivoque la démission survenue des mois plus tôt. En effet, la cour retient que si Madame X... a demandé reconventionnellement la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture des mois après avoir démissionné dans le cadre de l'instance introduite par la société KLB Group, la démission donnée sans réserve le 17 novembre 2014 a cependant été suivie, moins de 3 semaines après, le 3 décembre 2014, d'une lettre dans laquelle Madame X... imputait à son employeur les manquements qui l'avaient conduite à rompre son contrat de travail, montrant que la rupture était, de son point de vue, imputable à la société KLB Group ; en outre, l'initiative procédurale prise par la société KLB Group le 17 décembre 2014, seulement 15 jours après la démission de Madame X..., a privé la salariée de la possibilité d'introduire elle-même une action en requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture et l'a finalement placée en position de devoir se défendre, ce qu'elle a pu faire au moment utile dans le cours de la procédure prud'homale en formant des demandes reconventionnelles avant l'audience devant le bureau de jugement.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que la démission de Madame X... n'est pas équivoque, et, statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que la démission de Madame X... est équivoque et que cette rupture constitue une prise d'acte.
Sur les effets de la prise d'acte de la rupture
A l'appui de sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur, Madame X... soutient que la société KLB Group a commis les manquements suivants :
- mise en 'uvre déloyale de la clause de mobilité et modification brutale des conditions de travail,
- non-paiement injustifié de la prime de satisfaction.
La société KLB Group conteste les manquements qui lui sont imputés et soutient que :
- elle a fait usage de son pouvoir de direction en affectant Madame X... à une nouvelle mission sans déloyauté ni brutalité,
- la prime de satisfaction réclamée c'est pas due, ce que Madame X... savait parfaitement (sic); de surcroît, cette prime représentait une faible partie de sa rémunération, elle n'en a réclamé le paiement qu'une seule fois en mai 2014 et n'a pas introduit d'action en paiement à cette fin ; les faits ne constituent pas un manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En ce qui concerne le grief relatif à la mise en 'uvre déloyale de la clause de mobilité et la modification brutale des conditions de travail, il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Madame X... n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société KLB Group.
En effet Madame X... ne prouve pas qu'elle a été recrutée pour travailler avec la société Lafarge dans le cadre d'une «'pré-embauche'» et que la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail n'avait pas vocation à être appliquée et l'a donc été déloyalement quand on lui a proposé une mission à Reims qu'elle a refusée et qu'on lui a imposé de quitter la société Lafarge pour rejoindre la société OGF ; la seule pièce produite à ce sujet est sa lettre du 3 décembre 2014 qui est un écrit fait pour elle-même, dépourvu de valeur probante dès lors qu'il n'est corroboré par aucun autre élément de preuve ; en outre Madame X... ne prouve pas que le changement de mission a été brutal dès lors que la société KLB Group l'a affectée à la société OGF le 3 novembre 2014 après avoir signé le contrat de prestation de service avec cette entreprise le 27 octobre 2014, ce qui ne suffit pas en soi à prouver qu'il y a eu de la brutalité.
Mais en ce qui concerne le non-paiement injustifié de la prime de satisfaction, la cour se référant aux motifs déjà retenus plus haut, retient que la société KLB Group a manqué à son obligation de payer intégralement la prime de satisfaction due à hauteur de 1.500 € en mai 2014 du fait qu'elle s'est limitée à versée 1.000 €.
En revanche, bien qu'elle constate que la société KLB Group a réitéré ce manquement en novembre 2014 pour la totalité de la prime privant ainsi Madame X... de 30 % des revenus qu'elle attendait en novembre 2014, la cour retient que ce grief n'est pas susceptible d'être retenu au titre de la prise d'acte de la rupture au motif que le non paiement fautif est survenu après la démission de Madame X....
La cour retient que le manquement précité est d'une gravité telle qu'il fait obstacle à la poursuite du contrat de travail au motif que cette prime de satisfaction atteint 45 % du salaire de base de Madame X..., soit 30 % de ses revenus le mois où elle est perçue, que la société KLB Group en a privé Madame X... à hauteur de 500 € de façon injustifiée en mai 2014, soit 10 % des revenus de mai 2014, ce qui est d'autant plus grave que la société KLB Group a purement et simplement ignoré la demande d'explication aussitôt formulée par Madame X..., ce qui n'est pas conforme à l'obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail.
C'est donc en vain que la société KLB Group soutient que cette prime représentait une faible partie de sa rémunération, qu'elle n'en a réclamé le paiement qu'une seule fois en mai 2014 et n'a pas introduit d'action en paiement à cette fin et que ces faits ne constituent pas un manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail au motif : comme la cour l'a retenu plus haut, cette prime correspondant à 30 % des revenus de Madame X... le mois où elle la percevait, en sorte qu'elle constituait un élément significatif de son salaire 4 fois par an et que la réduction injustifiée d'un tiers de cette prime survenue en mai 2014 était d'autant plus grave que sa demande d'explication formulée en mai selon la société KLB Group, a été ignorée.
Compte tenu de ce qui précède, la cour juge que la demande de prise d'acte aux torts de l'employeur de Madame X... est bien fondée et que la rupture du contrat de travail de Madame X..., imputable à la société KLB Group, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Madame X... n'est pas imputable à faute à la société KLB Group et qu'elle produit les effets d'une démission, et, statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que la rupture du contrat de travail de Madame X..., imputable à la société KLB Group, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Madame X... sollicite la somme de 7.753,42 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société KLB Group s'oppose à cette demande sans articuler de moyens précis sur le quantum.
A la date de la rupture, Madame X... n'avait pas au moins deux ans d'ancienneté ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Madame X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Madame X... doit être évaluée à la somme de 7.753,42 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société KLB Group à payer à Madame X... la somme de 7.753,42€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité de licenciement
Madame X... demande la somme de 1227,62 € au titre de l'indemnité de licenciement; la société KLB Group s'oppose à cette demande sans articuler de moyens précis sur le quantum.
Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, que le salaire de référence s'élève à 3.876,71€ par mois une fois réintégrées les primes de satisfaction.
Il est constant qu'à la date de présentation de la rupture, Madame X... avait une ancienneté de 1 an et 7 mois et donc au moins un an d'ancienneté ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1234-9 du code du travail et une indemnité légale de licenciement doit lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l'entreprise, sur la base d'1/5 de mois ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; l'indemnité légale de licenciement doit donc être fixée à la somme de 1.227,62 € calculée selon la formule suivante : [(1 + 7/12) x 1/5] x 3.876,71 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande formée au titre de l'indemnité de licenciement, et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société KLB Group à payer à Madame X... la somme de 1.227,62 € au titre de l'indemnité de licenciement.
Sur les demandes reconventionnelles
Les demandes reconventionnelles formées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour rupture abusive du préavis formulée par la société KLB Group sont rejetées dès lors que la cour a jugé que la rupture du contrat de travail était imputable à la société KLB Group, ce qui la prive de l'indemnité compensatrice de préavis due par la salariée seulement en cas de démission et enlève tout fondement à la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du préavis, puisque les torts de la rupture lui incombent.
Sur les autres demandes
La cour condamne la société KLB Group aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société KLB Group à payer à Madame X... la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, et notamment la demande formulée en double par Madame X... au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la démission de Madame X... est équivoque et que cette rupture constitue une prise d'acte,
Dit que la rupture du contrat de travail de Madame X..., imputable à la société KLB Group, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société KLB Group à payer à Madame X... les sommes de :
- 7.753,42 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.227,62 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 2.000 € au titre des primes de satisfaction,
- 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne la société KLB Group aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT