Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01207
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2016 -Tribunal d'Instance d'AUXERRE - RG n° 15/000175
APPELANTS
Monsieur Didier X...
né le [...] à NEUILLY SUR SEINE (92)
et
Madame Laure X...
née le [...] à POISSY (78)
demeurant [...]
Représentés par Maître Olivier Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Ayant pour avocat plaidant Maître Dominique Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
INTIMÉ
Monsieur Jean-Claude, Lucien A...
né le [...] à BOULOGNE-BILLANCOURT
demeurant [...]
Représenté par Maître Vincent B... de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Maître Christian C... de la SCP AVOCATS C... & ASSOCIES C...-NOEL-SANONER, avocat au barreau d'AUXERRE, substitué sur l'audience par Maître Céline D..., avocat au barreau d'AUXERRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Dominique GILLES, conseiller pour la présidente empêchée, et par Madame Mélodie ROSANT, Greffière présente auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
M. Didier X... et Mme Laure X... (les consorts X...), d'une part, M. A..., d'autre part, sont propriétaires de parcelles voisines à Treigny (Yonne). Par jugement du 9 juillet 2015, le tribunal de grande instance d'Auxerre a désigné Mme E... en qualité d'expert à l'effet de borner leurs fonds respectifs. Mme E... a déposé son rapport le 5 juin 2016 en émettant une proposition de bornage contestée par les consorts X....
Par jugement du 10 novembre 2016 rectifié le 9 décembre 2016, le tribunal de grande instance d'Auxerre a:
- dit irrecevable l'intervention volontaire de Mme Malika F... épouse G... et de M. G...,
- homologué le rapport du 5 juin 2016 de l'expert, Mme E..., et, notamment, sa proposition de délimitation annexée audit rapport,
- dit que cette proposition serait annexée au jugement, avec force exécutoire,
- ordonné, en conséquence, le bornage des parcelles appartenant, d'une part, à M. A..., lieudit «la Margerie» à Treigny (89), cadastrées [...], [...] et [...], et, d'autre part, les parcelles situées sur la même commune et cadastrées [...], appartenant aux consorts X..., conformément au plan établi par l'expert dans son rapport,
- dit que les limites des fonds seraient fixées selon les points A, B, B 121, B 315, C, D, E, F, G, H, I, J et K tels que figurant dans le rapport d'expertise,
- ordonné aux consorts X... d'enlever la clôture bâchée implantée sur la parcelle [...] ainsi que la clôture séparant les parcelles [...] et [...], à leurs frais, sous astreinte de 30 € par jour de retard passé un mois à compter de la signification du jugement,
- condamné in solidum les consorts X... à payer à M. A... les sommes de 500 € à titre de dommages-intérêts et de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fait masse des dépens incluant les frais d'expertise et dit qu'ils seraient supportés par moitié entre les parties,
- rejeté toute autre demande,
- ordonné l'exécution provisoire.
Les consorts X... ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 28 juillet 2017, de:
- constater qu'ils s'opposent à l'homologation du rapport d'expertise,
- dire qu'ils sont propriétaires du chemin qui se trouve sur la parcelle [...], chemin qui leur permet d'accéder à leur propriété,
- subsidiairement, au visa des articles 637, 649 et 682 du code civil, dire qu'ils bénéficient d'un droit de passage sur la parcelle [...],
- en tout état de cause, condamner M. A... à leur payer les sommes de 10.000 € de dommages-intérêts et de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
M. A... prie la Cour, par dernières conclusions du 12 juin 2017, de:
au visa des articles 646, 682 et 1382 du code civil, débouter les consorts X... de leurs prétentions et confirmer le jugement, excepté en ce qu'il a évalué les dommages-intérêts dus par ceux-ci à la somme de 500 €, et en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant: à la suppression de la rampe d'accès construite sur la parcelle [...], côté AE n° 224,
à la remise en état de son terrain après suppression des piquets de clôture, et en ce qu'il a ordonné le partage par moitié des dépens,
- statuant à nouveau, condamner les consorts X... in solidum à lui payer la somme de 4.000 € à titre de dommages-intérêts,
- les condamner in solidum à supprimer la rampe d'accès construite sur la parcelle [...], côté AE n° 224 et à remettre en état son terrain après suppression des piquets de clôture, le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard passé un mois à compter de la signification du présent arrêt,
- condamner les consorts X... aux entiers dépens incluant les frais d'expertise, à raison de leur résistance abusive et injustifiée à un bornage amiable,
- subsidiairement, si un droit de passage était concédé aux consorts X... sur la parcelle [...], dire que ce passage serait exclusivement un passage à pied, ordonner aux consorts X... d'apposer deux barrières mobiles à la limite des parcelles [...] et [...] ainsi que des parcelles [...] et [...], ce à leurs frais exclusifs,
- ordonner aux mêmes d'apposer des barrières au niveau de la borne C, en limite de propriété de la borne B 15 et de la borne C, en limite de propriété de la parcelle [...],
dire que l'assiette du droit de passage sera de 1,50 m de large pour passer de la parcelle [...] à la parcelle [...],
- ordonner que le sens d'ouverture des barrières se fera sur les parcelles [...] et [...], non pas sur la parcelle [...], afin d'éviter que ces barrières de coupent le passage entre les parcelles [...] et [...],
- dire qu'aucun obstacle ne devra entraver son passage entre ces deux parcelles,
- condamner in solidum les consorts X... à lui payer une indemnité de 10.000 € en indemnisation de ce droit de passage,
- les condamner au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
SUR CE, LA COUR
Sur l'appel principal des consorts X...
Sur le bornage
Les consorts X... soutiennent qu'ils sont propriétaires du chemin situé sur la parcelle [...] et aussi qu'ils ont acquis par prescription une servitude de passage sur ledit chemin qu'ils «ont toujours utilisé pour accéder à leur parcelle cadastrée [...] depuis 1971»;
Ces moyens contradictoires ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné le bornage comme précisé à son dispositif, rejeté la demande d'acquisition d'une servitude de passage par prescription trentenaire et dit que les consorts X... ne bénéficiaient, selon leurs titres, d'aucune servitude de passage conventionnelle;
Sur l'état d'enclave de la parcelle cadastrée [...]
Suivant l'article 682 du code civil «le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété ['.] est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner»;
Au cas présent, il apparaît que la parcelle cadastrée [...] appartenant à Didier et Laure X... est enclavée dans la mesure où la parcelle [...] appartient indivisément, suivant acte de donation-partage du 20 juin 1992, à M. Didier X..., Mme Laure X... et Mme Annick X..., donc, juridiquement, à un propriétaire distinct qui est libre d'en disposer indépendamment de la parcelle [...];
L'état d'enclave de la parcelle cadastrée [...] est donc avéré et il convient, pour assurer la desserte normale du fonds enclavé, peu important la nature et le mode de son exploitation, de prévoir un passage pour accéder de la voie publique à cette parcelle [...]; toutefois, ce passage ne doit pas nécessairement emprunter la parcelle [...] de M. A... dans la mesure où il apparaît également possible à partir de la parcelle [...] appartenant à M. Didier X..., Mme Laure X... et Mme Annick X...; en conséquence, Mme E... sera désignée pour proposer un tracé de ce passage sur l'issue la plus courte et la moins dommageable pour accéder, à partir de la parcelle cadastrée [...] appartenant aux consorts X..., à leur parcelle [...], ce et sur une largeur permettant le passage d'un engin motorisé nécessaire à l'exploitation normale d'une parcelle agricole, cette expertise étant ordonnée aux frais des consorts X... qui requièrent l'établissement de droit de passage pour état d'enclave; l'expert devra également donner tous renseignements permettant à la Cour d'évaluer l'indemnité correspondant au dommage occasionné au fonds servant;
Il appartiendra aux consorts X... d'appeler à l'expertise et en la cause Mme Annick X..., membre de l'indivision X... propriétaire de la parcelle [...], afin qu'elle puisse faire valoir ses droits;
M. A... sera débouté de ses demandes tendant à voir imposer aux consorts X... d'ériger des barrières, mobiles ou non, matérialisant l'emprise du passage, cette charge n'étant pas prévue par l'article 682 du code civil et la pose de barrières incombant au propriétaire du fonds servant;
Les consorts X... seront déboutés du surplus de leurs demandes indemnitaires alors qu'ils ne caractérisent aucune faute de M. A... en relation avec un préjudice réel et certain;
* Sur l'appel incident de M. A...
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de suppression de rampe et de remise en état présentées par M. A... qui est en droit d'obtenir ces suppression et remise en état nécessitées par les voies de fait commises par les consorts X... qui ont, sans autorisation et de leur propre initiative, implanté ces ouvrages sur le fonds de M. A... et, par l'apposition de clôtures destinées à séparer la parcelle [...] en deux parties, privé M. A... de la jouissance de partie de son bien depuis plus de trois années; une astreinte sera ordonnée pour assurer l'exécution de ces mesures;
Le jugement sera également infirmé sur le quantum de la réparation accordée à M. A... auquel les consorts X... seront condamnés à régler une somme de 4.000 € en indemnisation de cette privation de jouissance;
En équité, les consorts X... seront condamnés à régler à M. A... une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel;
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge des consorts X... dont les prétentions abusives et injustifiées ont nécessité la mise en 'uvre d'un bornage judiciaire;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a:
- dit irrecevable l'intervention volontaire de Mme Malika F... épouse G... et de M. G... ;
- homologué le rapport du 5 juin 2016 de l'expert, Mme E..., et, notamment, sa proposition de délimitation annexée audit rapport ;
- dit que cette proposition serait annexée au jugement, avec force exécutoire ;
- ordonné, en conséquence, le bornage des parcelles appartenant, d'une part, à M. Jean-Claude A..., lieudit «la Margerie» à Treigny (89), cadastrées [...], [...] et [...], et, d'autre part, les parcelles situées sur la même commune et cadastrées [...], appartenant aux consorts X..., conformément au plan établi par l'expert dans son rapport;
- dit que les limites des fonds seraient fixées selon les points A, B, B 121, B 315, C, D, E, F, G, H, I, J et K tels que figurant dans le rapport d'expertise ;
- ordonné aux consorts X... d'enlever la clôture bâchée implantée sur la parcelle [...] ainsi que la clôture séparant les parcelles [...] et [...], à leurs frais,
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
Dit que la parcelle cadastrée [...] sur la commune de Treigny (89), lieudit «La Margerie» est enclavée ;
Ordonne la mise en cause de Mme Annick X... à laquelle les opérations d'expertise seront opposables ;
Désigne Mme Valérie E..., demeurant[...], à l'effet de:
- déterminer le tracé le plus court et le moins dommageable pour accéder de la voie publique à la parcelle cadastrée [...], à partir de la parcelle cadastrée [...] appartenant aux consorts X... ;
- donner tous éléments permettant de fixer l'indemnité due à M. Jean-Claude A... en proportion du dommage et de la gêne causés ;
Dit que l'expert devra dresser un pré-rapport de ses opérations, le communiquer aux parties, recueillir leurs dires et y répondre dans son rapport final qu'il devra déposer au greffe du service des expertises dans le délai d'une année de sa saisine, sauf prorogation accordée par le conseiller chargé de suivre les opérations d'expertise ;
Fixe la provision sur frais d'expertise à la somme de 2.500 € que les consorts X... devront consigner au greffe de la Cour, service des expertises, avant le 15 novembre 2018 ;
Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation d'expert sera caduque;
Condamne les consorts X... in solidum à supprimer la rampe d'accès construite sur la parcelle [...], côté AE n° 224 et à remettre en état le terrain de M. A..., après suppression des piquets de clôture, le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard passé deux mois de la signification du présent arrêt ;
Condamne les consorts X... in solidum à payer à M. Jean-Claude A... les sommes de 4.000 € de dommages-intérêts pour privation de jouissance et de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne in solidum les consorts X... aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise de Mme Valérie E... et qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE CONSEILLER
/ LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE