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19/09/2018 | FRANCE | N°16/15380

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 septembre 2018, 16/15380


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018



(N° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15380



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F1500067







APPELANTE

SASU CLAMART CARS

[...]

[...]

Repré

sentée par Me Hanna X..., avocat au barreau de PARIS, ayant pour avocat plaidant Me Bruno Y..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN







INTIMÉ

Monsieur Vincent Z...

[...]

Représenté par Me Nadège A....

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018

(N° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15380

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F1500067

APPELANTE

SASU CLAMART CARS

[...]

[...]

Représentée par Me Hanna X..., avocat au barreau de PARIS, ayant pour avocat plaidant Me Bruno Y..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMÉ

Monsieur Vincent Z...

[...]

Représenté par Me Nadège A..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1186, ayant pour avocat plaidant Me David B..., avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 159

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente, et Madame Séverine TECHER, Vice-présidente placée.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Madame Séverine TECHER, Vice-présidente placée, rédactrice

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, greffier lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Après avoir réalisé en son sein un stage qui s'est déroulé entre les 26août et 25octobre2013, M. Vincent Z... a été engagé par la SASU Clamart cars suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24mars 2014, en qualité de chef de trafic ou de mouvement voyageurs et, à titre secondaire, de conducteur d'autocars de tourisme.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire le 11septembre 2014, M. Z... a été licencié pour faute grave par lettre du 23septembre2014.

L'entreprise, qui employait habituellement au moins onze salariés lors de la rupture de la relation contractuelle, applique la convention collective nationale des transports routiers.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, M. Z... a saisi, le 27janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui, par jugement rendu le 24novembre 2016, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a:

- déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne de rémunérations de M. Z... à la somme de 2890 euros,

- condamné la société Clamart cars à payer à M. Z... les sommes suivantes:

* 2 890 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 8 670 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 867 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 222 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 522 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 113 euros à titre de contrepartie du repos compensateur,

* 17 340 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail,

* 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- assorti les condamnations des intérêts aux taux légal à compter de la notification de la demande devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du jugement pour les créances indemnitaires,

- ordonné à la société Clamart cars de remettre à M. Z... une attestation Pôle emploi et des bulletins de paie conformes au jugement,

- rejeté le surplus des demandes,

- et condamné la société Clamart cars aux dépens, en ce compris les frais d'exécution résultant des articles 8 et 10 du décret du 8mars 2001 portant tarification des actes d'huissier.

Le 5 décembre 2016, la société Clamart cars a interjeté appel du jugement.

Par conclusions transmises le 4 juillet 2017 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, la société Clamart cars sollicite, à titre principal, l'infirmation du jugement et le rejet de toutes les demandes, à titre subsidiaire:

- la fixation de la moyenne de rémunérations à la somme de 2 800 euros,

- le rejet de la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

- la condamnation de M. Z... à lui payer les sommes de 8708,63 euros en répétition de l'indu au titre de la rémunération conventionnelle si la fonction accessoire est analysée comme ayant été la fonction principale du salarié et 870,08 euros au titre des congés payés afférents, ou la compensation avec les condamnations dont elle ferait l'objet,

- la condamnation de M. Z... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions transmises le 12 avril 2017 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, M. Z... demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Clamart cars à lui payer les sommes suivantes:

* 5 222 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 522 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 113 euros à titre de contrepartie du repos compensateur,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail,

- fixer la moyenne de ses salaires à la somme de 3840,07 euros, subsidiairement 2890,03euros,

- infirmer le jugement sur le quantum des sommes octroyées à titre de:

* indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, qu'il souhaite voir fixer aux sommes respectives de 11520 euros et 1152 euros, subsidiairement 8670 euros et 867 euros,

* dommages et intérêts pour rupture abusive, qu'il souhaite voir fixer à la somme de 12000 euros,

* indemnité pour travail dissimulé, qu'il souhaite voir fixer à la somme de 23040euros, subsidiairement 17340 euros,

* indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il souhaite voir fixer à la somme de 2400 euros,

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi et de bulletins de paie sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les huit jours suivant la notification du jugement, avec réserve à la cour de la faculté de liquider cette astreinte,

- et condamner la société Clamart cars à lui payer la somme de 2200 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'exécution à intervenir.

La clôture de l'instruction est intervenue le 9 mai 2018 et l'affaire a été plaidée le 12juin2018.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

En l'espèce, le contrat de travail de M. Z... stipule que le salarié exerce :

- à titre principal, une fonction relevant du groupe haute maîtrise (assimilé cadre) visé en annexe III de la convention collective applicable, relative aux techniciens et agents de maîtrise,

- à titre secondaire, une fonction relevant du groupe des personnels roulants 'voyageurs' visé en annexe I de la convention collective applicable, relative aux ouvriers.

Les parties ont ainsi fait le choix de conférer au salarié le statut de cadre, ce qui est conforté, dans les faits, par les circonstances que M. Z... a été rémunéré comme un cadre, en exécution de la convention de forfait en heures sur l'année (1607heures par an) prévue dans son contrat de travail.

La cour en déduit que, contrairement à ce qu'il affirme, l'intimé n'appartenait pas au personnel roulant de l'entreprise, nonobstant l'exercice effectif d'une fonction relevant de ce groupe.

Au regard de ces éléments, M. Z... ne peut utilement soutenir que la convention de forfait insérée dans son contrat de travail lui était inapplicable en vertu de l'article L. 3313-2 du code des transports qui énonce que les dispositions des articles L.3121-42 et L.3121-43 du code du travail relatives aux conventions de forfait sur l'année ne sont pas applicables aux salariés appartenant au personnel roulant des entreprises de transport routier.

La cour rejette, en conséquence, et en l'absence de dépassement des heures de travail prévues dans cette convention distinct de celui d'ores et déjà rémunéré dûment démontré, les demandes de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents, de contrepartie du repos compensateur, de dommages et intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail et d'indemnité pour travail dissimulé, et infirme le jugement déféré en ses condamnations de ces chefs.

Sur la rupture du contrat de travail

M. Z... conteste le licenciement dont il a fait l'objet et qui repose sur les faits suivants:

'(...) nous avons exposé les faits que nous vous reprochons, en rappelant, comme indiqué dans la lettre de convocation à l'entretien préalable remise en mains propres contre décharge en date du 11septembre 2014, que vous êtes employé au sein de notre entreprise depuis le 24mars 2014, par un contrat de travail à durée indéterminée, afin d'occuper les fonctions principales de Chef de Trafic ou de Mouvement Voyageurs, par référence à l'emploi du groupe6 ' Coefficient200V annexe3 de la Convention Collective Nationale des Transports Routiers et des Activités Auxiliaires, et à titre de fonction secondaire, celle de conducteur d'autocars de tourisme, par référence à l'emploi du groupe9Bis ' Coefficient145V annexe1 de la même convention collective dans les conditions fixées par le contrat de travail à durée indéterminée régularisé entre les parties au jour de l'entrée en fonction.

Le contrat de travail fixe le périmètre de la fonction pour laquelle vous avez été recruté, comme suit:

Agent de maîtrise chargé du mouvement de voitures et de l'affectation du personnel aux différentes lignes; prend les mesures utiles pour faire face aux besoins du trafic; effectue les travaux administratifs et statistique qui en découlent; collabore à l'établissement des horaires et des tarifs; a autorité sur le personnel d'exploitation et de contrôle ainsi que le personnel roulant et le cas échéant sur les correspondants; est en liaison avec les services chargés de l'entretien et de la réparation, contrôle éventuellement les carburants, pneumatiques et kilomètres, pour un nombre de véhicules en lignes de 25 à 39 véhicules'/'

Outre cette définition de poste donnée par la Convention Collective, des tâches spécifiques vous ont été assignées et notamment:

- Préparation et planification des services commandés réguliers et/ou occasionnels par une mise en adéquation optimum des moyens en matériel et en personnel, le tout dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables tant nationales que communautaires, principalement la réglementation sociale relative à la durée du travail du personnel de conduite;

- Analyse des données informatiques issues des feuilles d'enregistrement (disques de contrôle) et/ou des cartes individuelles de contrôle des conducteurs en corrélation avec l'activité affectée, et correction éventuelle des défauts de manipulation du sélecteur des appareils de contrôles, ainsi que le suivi des infractions identifiées par l'envoi systématique de lettres de rappel aux conducteurs concernés.

- Assurer quotidiennement le suivi de l'état physique du parc de véhicules, notamment la propreté intérieure/extérieure de l'ensemble des véhicules et son parfait état de fonctionnement à cet effet prendre toute mesure et rappel à l'égard du personnel de conduite et le cas échéant user de l'autorité et du pouvoir disciplinaire attachés à la fonction pour qu'en toute circonstance le parc de véhicules soit maintenu en parfait état de propreté et de fonctionnement.

- Mise en 'uvre et suivi des tableaux prévisionnels du temps de travail annualisé des conducteurs, dans le respect des dispositions conventionnelles applicables en la matière.

Sur chacune des tâches susmentionnées, nous avons eu à déplorer des manquements graves et réitérés à vos obligations professionnelles et contractuelles dans l'exercice de vos fonctions, alors même qu'elles constituent le socle de notre relation contractuelle, à défaut desquelles votre engagement au sein de notre entreprise n'aurait pas eu de justification.

Aussi, s'agissant de la tâche essentielle et déterminante de l'engagement relative à la préparation et la planification des services commandés réguliers et/ou occasionnels, et qui constitue l'essentiel de notre activité de prestataire de transport de voyageurs, nous vous avons exposé un manquement patent d'implication et de participation dans l'accomplissement de celle-ci, laissant aux quatre autres salariés du service de la planification assurer cette tâche pourtant totalement inhérente à votre fonction (Messieurs Victor C..., G... BERIO, Laurent D... et Pedro E...), étant précisé que les trois derniers d'entre eux occupent la fonction principale de contrôleur de route.

S'agissant de la tâche relative à l'obligation d'assurer quotidiennement le suivi de l'état physique du parc de véhicules. Celle-ci n'a jamais été accomplie, aucun document administratif de suivi des véhicules n'a été élaboré. Depuis votre embauche, le parc de véhicules est resté sans aucun suivi administratif, quant à son état général, mais également quant à l'identification des auteurs des dégradations relevées ayant nécessité des remises en état des véhicules, générant des coûts financiers importants.

Egalement, au cours de l'entretien préalable, nous avons évoqué votre niveau de connaissances très limitées en mécanique, et qui est très en dessous de celles qui sont indispensables à la fonction occupée, notamment celle secondaire de conducteur d'autocars de tourisme.

S'agissant du suivi des infractions commises par les conducteurs dans l'exercice de leur fonction, et des mauvaises manipulations des appareils de contrôle embarqués de la durée du travail, nous avons à déplorer un manque d'implication dans l'exécution de cette tâche, puisqu'aucune remontée n'a été faite auprès de la Direction, alors que dans le même temps, des manquements avec nécessité des corrections concernant l'absence ou la mauvaise sélection des temps de travail effectif notamment, au regard des ordres de mission remis chaque jour.

Enfin, s'agissant de la tâche relative à la mise en 'uvre et le suivi des tableaux prévisionnels du temps de travail des conducteurs dans le cadre de l'annualisation et la modulation conventionnelles appliquées au sein de notre entreprise, nous avons à déplorer que lesdits documents de base n'aient jamais été mis en 'uvre, alors que prévus par la convention collective, et cela, malgré des demandes réitérées de la Direction.

Ce manquement est particulièrement grave, car vous ne pouvez ignorer que la mise en 'uvre de ces obligations conventionnelles est à l'origine de votre embauche, puisque plusieurs contentieux sont en cours relativement à cette question (notamment, Monsieur Vincent F...).

La persistance à ne pas élaborer les documents demandés depuis l'embauche, et par voie de conséquence, de ne pas être en mesure d'anticiper sur les périodes de hautes et basses activités, malgré nos demandes réitérées, ne peut être analysée que comme une intention délibérée de nuire à l'entreprise, ce que nous ne pouvons accepter.

Aussi, les explications recueillies au cours de l'entretien préalable ne sont pas de nature à modifier notre appréciation, sur votre attitude et comportement dans l'exercice de votre fonction, puisque, sans vraiment contester la matérialité et l'objectivité des faits reprochés, vous avez tenté de vous en exonérer, tantôt en expliquant que vous étiez trop souvent contraint de pallier l'absence de conducteurs, tantôt par l'explication que vous n'auriez pas eu réponse à des demandes spécifiques, telles que le tableau des heures supplémentaires que les conducteurs auraient déjà accomplies, pour élaborer les tableaux prévisionnels de la modulation conventionnelle du temps de travail, alors même que ce document n'est pas indispensable et ne rend pas impossible l'accomplissement de la tâche confiée.

À ces faits s'ajoute le contenu de la correspondance en recommandé que vous avez fait parvenir à la Direction, en date du 14septembre 2014, postérieurement à la notification de votre convocation à l'entretien préalable, et pendant la suspension de notre relation contractuelle du fait de la mesure de mise à pied conservatoire prise à votre encontre, pour la durée nécessaire à la procédure, pour rappeler que vous occupiez également une fonction secondaire de conducteur d'autocars de tourisme.

En effet, ayant fait vôtre l'adage bien connu : «'/' la meilleure défense, c'est l'attaque'/'», outre l'envoi de cette correspondance, vous avez immédiatement réagi à la remise en mains propres de la convocation précitée remise à 12heures05. En effet, après avoir quitté l'enceinte, sans avoir évoqué le moindre problème médical, nous avons été destinataire d'un arrêt de travail initial daté du même jour (11septembre 2014), jusqu'au jour de l'entretien préalable et qui a fait l'objet d'un avis de prolongation jusqu'au 26septembre prochain.

Enfin, nous regrettons la survenance de tout ce qui précède, d'autant qu'il convient de rappeler que votre engagement s'est fait à la suite de plusieurs périodes de stage en entreprise, dans le cadre d'une convention passée avec le centre de formation continue AFT (école nationale supérieure en transport de voyageurs) qui se sont déroulées du 26août2013 au 13septembre 2013 et du 30septembre 2013 au 26octobre 2013, qui avaient aussi pour objet de vous faire prendre en compte les réalités économiques et le contexte spécifique de notre société (entreprise d'accueil), dans le cadre d'une formation FONGECIF acceptée par votre précédent employeur.

Aussi, nous entendons procéder à votre licenciement pour FAUTE GRAVE, sans préavis, ni indemnité de rupture, la mesure de mise à pied à titre conservatoire notifiée le 11septembre 2014 et confirmée par la remise en mains propres de la lettre de convocation à l'entretien préalable, pour le temps nécessaire à l'aboutissement de la présente procédure, n'est pour autant pas maintenue'.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur le manque d'implication et de participation dans la préparation et la planification des services commandés réguliers et/ou occasionnels

En l'espèce, la société Clamart cars, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave alléguée, verse au débat le témoignage de M. Victor C..., qui exerçait les mêmes fonctions que M. Z..., et qui explique que ce dernier a été recruté pour le seconder et pour assurer la planification des services commandés.

Indépendamment des déclarations faites en entretien préalable, M. Z... reconnaît un manque d'implication puisqu'il indique n'être intervenu dans la planification qu'occasionnellement et exceptionnellement.

Or, il n'est pas établi par les pièces produites que M. C... avait une compétence exclusive en la matière ni qu'il ne souhaitait aucune immixtion d'autres salariés dans cette tâche.

Les propos de M. F..., qui déclare, le 14 octobre 2014, que M. Z... a été embauché pour accomplir des tâches administratives et non pour gérer le planning qui restait confié uniquement à M. C..., ont une valeur probante limitée dès lors que, parallèlement, et sans examiner dans le détail les développements de l'appelante à l'égard de ce salarié, il est en litige avec l'employeur depuis le 6juillet 2011, ces propos étant, au demeurant, contredits par l'employeur.

Il n'est pas davantage démontré qu'en dehors de ses temps de conduite, lorsque ceux-ci étaient réduits (4, 8, 10, 14, 18, 23, 24 et 29avril 2014, 6, 13, 19 et 27mai 2014, 12 et 17juin 2014, 9, 14 et 16juillet 2014, 9septembre 2014), mais également pendant ses permanences 'exploitation' (19, 29 et 30avril 2014, 14 et 16mai 2014, 21 et 29juin 2014, 5, 6, 7, 13 et 29juillet 2014, 2, 3, 4, 8, 9, 24, 25 et 30août 2014, 5 et 7septembre 2014), M. Z... était dans l'impossibilité d'intervenir sur la planification, les pièces produites n'établissant pas que cette tâche n'était accomplie que le matin.

Les emplois du temps versés au débat pour des salariés exerçant les mêmes fonctions que M. Z..., à l'aune du registre du personnel communiqué ('Victor, Laurent, G... et Pedro'), pour la période, notamment, de janvier à septembre 2014, datés uniquement pour juillet (29juin 2014), août (17juillet 2014) et septembre (27août 2014), font apparaître, contrairement à ce que soutient l'intimé, des périodes de travail supérieures à six jours consécutifs avant comme après son arrivée en mars 2014 ('Victor' en avril, mai, juin, juillet et septembre 2014,'G...' en avril et août 2014, et 'Pedro' en août 2014) et montrent, si ces emplois du temps ont bien été établis par lui, qu'il était donc en mesure d'accomplir cette tâche.

Le grief invoqué est donc retenu.

Sur l'absence de suivi quotidien de l'état physique du parc de véhicules

En l'espèce, la société Clamart cars, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave alléguée, ne verse au débat aucune pièce objective sur ce grief, les déclarations faites en entretien préalable ne palliant pas cette carence.

M. Z... conteste l'absence de suivi reprochée en soutenant qu'il a élaboré des documents de suivi des véhicules et des accrochages et qu'il a effectué un suivi effectif (visite aux mines des véhicules, contrôle des chronotachygraphes, visites de contrôle des limiteurs de vitesse, éthylotests, extincteurs, documents à bord des véhicules, état des véhicules, téléchargement des données chronotachygraphes, etc).

La cour écarte donc ce grief pour défaut de preuve.

Sur la faiblesse du niveau de connaissances en mécanique

En l'espèce, la société Clamart cars, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave alléguée, ne verse au débat aucune pièce sur ce grief, les déclarations faites en entretien préalable ne palliant pas cette carence.

M. Z... ne conteste pas qu'il ne sait pas changer une roue sur un véhicule autocar.

Toutefois, il soutient, sans être contredit sur ce point, que cette information était connue depuis son embauche par l'employeur puisqu'elle avait été évoquée au cours de sa période de stage en 2013.

Les poursuites disciplinaires ayant été engagées contre l'intimé le 11septembre 2014, ce dernier invoque à juste titre la prescription de ce grief, en application de l'article L.1332-4 du code du travail, qui dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, étant observé, d'une part, que l'employeur ne démontre pas avoir demandé au salarié d'acquérir ce savoir au cours de leur relation de travail, d'autre part, qu'il n'invoque aucun autre défaut de connaissance du salarié.

Ce grief est donc écarté.

Sur le manque d'implication dans le suivi des infractions commises par les conducteurs dans l'exercice de leur fonction et des mauvaises manipulations des appareils de contrôle embarqués sur la durée du travail

En l'espèce, la société Clamart cars, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave alléguée, ne verse au débat aucune pièce objective sur ce grief, les déclarations faites en entretien préalable ne palliant pas cette carence.

M. Z... conteste le manque d'implication reproché en soutenant qu'après une première vague d'avertissements écrits à destination des salariés s'étant rendus coupables de mauvaises manipulations des chronotachygraphes, il a procédé, en accord avec l'employeur, à des remarques verbales pour privilégier le dialogue, et que l'employeur était informé des erreurs de manipulations, des modifications subséquentes apportées et des rappels effectués.

La cour écarte donc ce grief pour défaut de preuve.

Sur l'absence de mise en 'uvre de tableaux prévisionnels du temps de travail des conducteurs dans le cadre de l'annualisation et de la modulation conventionnelles

En l'espèce, M. Z... ne conteste pas l'absence de mise en 'uvre de tableaux prévisionnels du temps de travail des conducteurs dans le cadre de l'annualisation et de la modulation conventionnelles.

Or, il ne ressort pas des pièces produites qu'il a sollicité, comme il le prétend, son employeur en vue d'obtenir des informations sur les heures réalisées par les salariés de l'entreprise, M. C... témoignant, comme Mme Patricia H..., comptable au sein de la société et concubine de M. Jean-Marc D..., directeur général de la société, de ce qu'il ne leur a jamais demandé de document sur la durée du travail effective des conducteurs, dont l'utilité dans l'exécution de la tâche attendue n'est, au demeurant, pas établie, et il ne conteste pas avoir eu à sa disposition des outils pour élaborer les tableaux susvisés, comme l'outil d'exploitation Strada, invoqué par l'appelante, dont l'intimé verse d'ailleurs des extraits en pièce numérotée 13, ce qui est confirmé par M. C... qui déclare que M.Z... disposait des outils informatiques et des logiciels nécessaires pour la gestion et le traitement des données collectées à partir des documents de contrôle de la durée de travail des conducteurs.

Le grief invoqué est donc retenu, la seule circonstance que M. F..., seul visé dans la lettre de licenciement, ait attesté en faveur du salarié dans le cadre de la présente procédure alors que lui-même est en litige avec l'employeur sur son temps de travail ne suffisant pas à retenir une intention délibérée de M. Z... de nuire à l'employeur.

Sur le comportement vindicatif du salarié

En l'espèce, le reproche fait au salarié d'avoir précisé le périmètre de ses fonctions en réponse à l'engagement de poursuites disciplinaires à son encontre n'est pas pertinent.

En ce qui concerne l'arrêt de travail prescrit à M. Z... le même jour que l'envoi de sa convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, pour anxiété réactionnelle, qui a fait l'objet de deux prolongations, les 20 et 26septembre 2014, ce, jusqu'au 26octobre 2014, aucun élément ne permet de douter de la réalité de l'état de santé du salarié, qui justifie d'un antécédent de maladie cardiaque en juin 2007.

Comme le souligne à juste titre l'intimé, l'employeur n'a à aucun moment fait procéder à une visite de contrôle à cet égard.

S'il ressort des pièces produites que, le 11 septembre 2014, la mise à pied avait été notifiée au salarié avant la prescription de l'arrêt de travail, il n'est pas établi que ce dernier a eu l'intention de court-circuiter les effets de cette mesure conservatoire, étant observé que l'employeur n'a pas maintenu ladite mesure en licenciant M. Z....

Enfin, un arrêt de travail n'interdit pas au salarié dont le contrat de travail est seulement suspendu et non rompu d'aller voter pour les élections professionnelles comme l'a fait M. Z... le 16septembre 2014, étant observé que MM. F... et I... Crot, qui ont témoigné en faveur du salarié dans le cadre de la présente procédure pour le premier, assisté le salarié en entretien préalable pour le second, ont été largement élus et n'avaient pas besoin de la voix de M. Z....

Aucun grief n'est retenu de ces deux chefs.

Sur l'inexécution de bonne foi du contrat de travail

En l'espèce, la société Clamart cars, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave alléguée, ne démontre pas que le stage effectué par M. Z... en 2013, quelques mois avant son embauche, et qui avait pour objet de lui permettre de 'prendre en compte les réalités économiques et le contexte spécifique de l'entreprise d'accueil' et d'acquérir ou parfaire 'ses compétences techniques et capacités professionnelles identifiées dans le programme de formation', a permis au salarié, avant embauche, d'appréhender les tâches et missions qu'il s'est engagé par la suite à accomplir, la seule convention de stage, sans production de toutes pièces utiles sur le contenu dudit stage, n'étant pas suffisante à cet égard et les déclarations faites en entretien préalable ne pouvant pallier la carence de l'employeur dans la charge de la preuve qui lui incombe.

Le grief invoqué, contesté par l'intimé, est donc écarté.

Sur le bien-fondé du licenciement

Bien que les griefs retenus révèlent un comportement fautif de M. Z..., la cour constate que l'employeur n'a jamais adressé aucun rappel au salarié de ces chefs, étant observé qu'une période d'essai de quatre mois a été appliquée sans être mise en cause à aucun moment, et ne justifie d'aucune conséquence dommageable résultant de ce comportement, de sorte que, d'une part, ils n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail, d'autre part, la rupture de ce contrat est une sanction disproportionnée.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au vu des bulletins de paie produits, la moyenne des trois derniers salaires bruts de M. Z... (de juin à août 2014) s'élève à la somme de 2890,03 euros.

Lorsqu'il n'a pas été retenu une faute grave à l'encontre du salarié, son employeur qui l'a licencié à tort sans préavis se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter, nonobstant son état de maladie au cours de cette période, l'inexécution du préavis n'ayant pas pour cause la maladie du salarié mais la décision de l'employeur de le priver du délai-congé.

En l'espèce, au vu de la disqualification de la faute grave, M. Z... a droit à une indemnité compensatrice de préavis, nonobstant ses arrêts de travail pendant la durée de son préavis.

L'article 15 de l'annexe IV de la convention collective applicable prévoit un préavis de trois mois pour les ingénieurs et cadres.

Dès lors, et compte tenu du statut de M. Z... et du salaire mensuel brut moyen susvisé, il est alloué à l'intimé les sommes de 8670 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 867 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris est confirmé en ses condamnations de ces chefs.

L'article L. 1235-5 du code du travail énonce, notamment, que ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relativesà l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L.1235-3, et au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L.1235-4, le salarié ne pouvant prétendre, en cas de licenciement abusif, qu'à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, soit presque six mois, de son année de naissance, soit 1972, du salaire mensuel brut moyen qui était le sien, des circonstances de la rupture et des conséquences qu'elle a eues à son égard, telles qu'elles résultent des justificatifs relatifs à sa prise en charge par le Pôle emploi entre le 3novembre 2014 et août 2015, à ses recherches d'emploi en 2014 et 2015, ainsi qu'à son embauche au service de l'établissement public RATP, les premiers juges ont fait, en octroyant la somme de 2890 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, une exacte appréciation du préjudice à réparer.

La cour ordonne la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt, ce, dans le délai de deux mois suivant son prononcé, sans astreinte, dont la nécessité n'est pas justifiée.

Sur les autres demandes

Il est rappelé que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 28janvier 2015, date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement pour les créances confirmées et à compter du présent arrêt pour les créances nouvellement fixées.

La société Clamart cars succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens, tels que prévus à l'article 695 du code de procédure civile, et à payer à M. Z... la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge, laquelle s'ajoute à la condamnation prononcée en première instance.

La demande qu'elle a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ses condamnations au titre du préavis, des dommages et intérêts pour rupture abusive, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, sauf à préciser que ceux-ci sont compris comme étant ceux prévus par l'article 695 du code de procédure civile exclusivement;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déboute M. Z... de ses demandes de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents, de contrepartie du repos compensateur, de dommages et intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail et d'indemnité pour travail dissimulé;

Dit que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 28janvier 2015 et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement pour les créances confirmées et à compter du présent arrêt pour les créances nouvellement fixées;

Ordonne à la SASU Clamart cars de remettre à M. Z... une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt, ce, dans le délai de deux mois suivant son prononcé;

Ajoutant,

Condamne la SASU Clamart cars aux dépens d'appel, tels que prévus à l'article 695 du code de procédure civile, et à payer à M. Z... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/15380
Date de la décision : 19/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°16/15380 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-19;16.15380 ?
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