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19/09/2018 | FRANCE | N°15/01381

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 septembre 2018, 15/01381


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 19 Septembre 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/01381



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/05853





APPELANT

Monsieur Cédric X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, t

oque : P0099 substitué par Me Karim Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099







INTIMEE

SA SA IPSOS OBSERVER

[...] 13

représentée par Me Emilie A..., avocat au b...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 19 Septembre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/01381

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/05853

APPELANT

Monsieur Cédric X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099 substitué par Me Karim Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEE

SA SA IPSOS OBSERVER

[...] 13

représentée par Me Emilie A..., avocat au barreau de PARIS, toque : C2143

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Olivier MANSION, conseiller , chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Bruno BLANC, président

Soleine HUNTER FALCK, conseiller

Olivier MANSION, conseiller

Greffier : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Philippe ANDRIANASOLO , Greffier présent lors du prononcé.

Exposé du litige :

M. X... (le salarié) a été engagé le 1er mai 2008 par contrat à durée déterminée en qualité d'enquêteur vacataire par la société Ipsos Observer (l'employeur).

Le salarié est délégué du personnel.

Estimant que les contrats à durée déterminée devraient être requalifiés en contrat à durée indéterminée, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 15 janvier 2015 a accueilli la demande, pour un travail à temps partiel, et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes.

Le salarié a interjeté appel le 5 février 2015, après notification du jugement le 24 janvier 2015.

Il demande la confirmation du jugement sur la requalification en contrat à durée indéterminée à compter du 22 mai 2008 et paiement, au regard d'un travail à temps complet, des sommes suivantes :

- 81 592 € de rappel de salaires pour la période de mai 2008 à décembre 2017,

- 8 159,20 € de congés payés afférents,

en tout état de cause 75 872,57 € de rappel de salaire de mars 2009 à décembre 2017 et 6 862,13 € de congés payés afférents,

- 3 200 € d'indemnité de requalification,

- 3 481,82 € de rappel de primes de vacances,

- 1 146,60 € de dommages et intérêts pour privation d'un avantage collectif,

- 133,12 € pour privation des jours de congés payés liés à l'ancienneté,

- 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la notification du présent arrêt, des bulletins de salaire ; ainsi que la régularisation des comptes pour la période postérieure à décembre 2017.

L'employeur conclut à l'infirmation du jugement et sollicite paiement de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est précisé que le taux horaire applicable st de 9,97 € brut, ce qui entraînerait remboursement de la somme de 6 000,80 € pour la période d'avril 2015 à décembre 2017.

Très subsidiairement, il est proposé de fixer l'indemnité de requalification à 786,66 € et au plus à 855,50 € ; de rejeter les demandes non chiffrées postérieure à décembre 2017 ; que le salarié restitue l'indemnité de fin de contrat à hauteur de 1 894,73 € ; de fixer le rappel de salaire à 11 493,07 € et, dans l'hypothèse où une indemnité de fin de contrat ne serait pas ordonnée, de fixer à 9 598 € le rappel de salaire.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties du 2 juillet 2018.

MOTIFS :

Sur la requalification des contrats à durée déterminée :

1°) L'article L. 1242-1 du code du travail dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Il ne peut être conclu que pour les cas énumérés à l'article L. 1242-2 du même code et doit comporter la définition précise de son motif en application des dispositions de l'article L. 1242-12.

L'article L. 1245-1 prévoit que la méconnaissance, notamment de ces dispositions, entraîne la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.

Par ailleurs, les contrats à durée déterminée dits d'usage peuvent être conclus de façon successive, sans durée maximale légale, à condition de ne pas avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, de concerner des emplois par nature temporaire et relevant des dispositions de l'article D. 1242-1 du code du travail, dont le 8° vise, l'information, les activités d'enquête et de sondage et que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

En l'espèce, le salarié soutient que les contrats à durée déterminée ne comportent pas sa signature, ne contiennent pas de définition précise du motif de recours à ce type de contrat, et correspondent à un activité continue et donc sans respecter la convention collective des bureaux d'études techniques, annexe enquêteurs, qui ne prévoit de tel contrat que pour les enquêteurs vacataires et, enfin, que l'employeur n'aurait pas demandé d'autorisation de cessation de la relation de travail à l'inspection du travail à la fin de chaque contrat à durée déterminée comme il le devait au regard de statut de salarié protégé.

Il est produit plusieurs contrats à durée déterminée (pièces n°2 et 3) pour des périodes entre le 1er septembre 2009 et le 30 mars 2013. Un seul de ces contrats n'est pas signé (pièce n°3), et tous sont qualifiés de contrat d'enquêteur à durée déterminée d'usage.

Par ailleurs, le relevé de carrière de l'assurance retraite (pièce n°9) indique des salaires réglés par l'employeur parfois avec d'autres employeurs pour la période 2008 à 2015.

Il est produit de nombreux bulletins de paie (pièces n°6 et 17) pour la période de 2013 à 2017.

Les déclarations de revenus de 2009 à 2012 (pièce n°5) désigne l'employeur comme étant le seul à l'origine des paiements des salaires, le plus important pour l'année 2013 (pièce n°10).

L'employeur admet (page 12 de ses conclusions) qu'il a, à plusieurs reprise, proposé au salarié la conclusion d'un contrat à durée indéterminée ce qui a été refusé.

Par ailleurs, il souligne, avec raison, que les dispositions de l'article 2421-8 du code du travail n'ont pour but qu'entraîner la rupture du contrat à durée déterminée qu'après constatation par l'inspecteur du travail que le salarié protégé n'a pas fait l'objet d'une mesure discriminatoire, la saisine devant intervenir un mois avant l'arrivée du terme ce qui, de facto, ne peut être mis en oeuvre pour un contrat inférieur à cette durée.

Il résulte de ces éléments que l'employeur a eu recours à l'utilisation de contrats successifs pendant plusieurs années pour la même activité et alors qu'il était l'employeur quasi-exclusif du salarié sans justifier par des raisons objectives le caractère par nature temporaire de cet emploi.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a opéré la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Le conseil de prud'hommes a justement retenu la somme de 2 656,50 € au titre de l'indemnité dite de requalification prévue à l'article L. 1245-2 du code du travail sans que le salarié ne justifie de l'augmentation de sa demande à 3 200 €, ni l'employeur d'une diminution.

Par ailleurs, si l'indemnité conventionnelle de fin de contrat a été versée, elle doit venir en déduction de la présente indemnité si elle est d'un montant inférieur.

L'employeur affirme que la somme de 1 894,73 € a été payée mais ne le justifie pas, le renvoi à la pièce n°45, simple tableau dressé par ses soins, étant insuffisant.

La demande de remboursement à ce titre sera rejetée.

2°) La requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n'implique pas, ipso facto, une requalification à temps plein sauf à justifier de ce que le salarié s'est constamment tenu à la disposition de l'employeur.

Par ailleurs, en l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition, l'employeur doit renverser la présomption simple de contrat de travail à temps complet en démontrant, d'une part, la durée exacte de travail convenue, hebdomadaire ou mensuelle, et, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

A défaut de présomption de travail à temps complet, il incombe au salarié d'établir qu'il ne pouvait pas prévoir son rythme de travail et qu'il s'est tenu constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, les contrats à durée déterminée communiqués comportent les périodes précises de travail fournies au salarié (pièces n°2 et 3).

Le salarié soutient qu'il ne pouvait prévoir son rythme de travail et qu'il s'est constamment tenu à disposition de l'employeur.

Il se réfère à un livret administratif enquêteur (pièce n°15) qui indique un travail du lundi au samedi inclus et que les enquêteurs doivent être disponibles de 9 heures à 19 heures et appeler chaque jour un numéro de téléphone, selon un créneau donné, pour le planning des études.

Il démontre aussi avoir travaillé de façon très accessoire pour d'autres employeurs en 2008 pour 475 €, en 2013 et 2015 respectivement pour 203 € et 64 € de salaire.

Cependant, le livret administratif n'est qu'un document général valable pour toutes les situations et notamment à temps complet et ne préjuge en rien du temps de travail effectif.

Par ailleurs, l'employeur produit de nombreux documents (pièces n°42-1 à 42-6) qui permettent de constater que le salarié a fait état, sur la période 2009 à 2014, d'indisponibilités ponctuelles ou "blancs" à plus de 80 reprises traduisant des absences discrétionnaires tant dans leur fréquence que dans leur durée.

Il en résulte que la preuve de mise à disposition constante du salarié auprès de l'employeur n'est pas rapportée, ce qui permet de rejeter la demande et de confirmer le jugement sur ce point.

3°) Il est demandé une requalification à temps plein à compter de mars 2009 et rappel de salaires à compter de cette date, car la durée légale du travail aurait été dépassé en violation des dispositions de l'article L. 3123-9 du code du travail.

Sur ce point, il se réfère à un tableau dressé par ses soins (pièce n°4) reprenant un décompte par mois pour chacune des années entre 2008 et 2013.

Ce tableau n'étant étayé par aucun élément, la demande sera rejetée.

Sur les rappels de prime de vacances :

L'article 31 de la convention collective précitée prévoit une prime de vacances dont le salarié réclame le bénéfice et dont il détermine le montant par référence au paiement effectué au profit d'un autre salarié.

L'employeur soutient que cet article est inapplicable et que le salarié a perçu des primes d'un montant supérieur à celui découlant du bénéfice de la prime revendiquée.

Les dispositions communes de l'annexe relative aux enquêteurs issue de l'accord du 16 décembre 1991 stipule que : "Les parties signataires conviennent qu'un certain nombre d'articles de la convention collective nationale du 15 décembre 1987, applicable aux bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils, s'appliquent de plein droit, à l'exception de l'article 6, aux enquêteurs vacataires et aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle :

Article 3. - Droit syndical et liberté d'opinion avec toutefois la précision suivante concernant le paragraphe 1, avant-dernier alinéa : " dans la mesure où le droit du licenciement est applicable".

Article 4. - Délégués du personnel et comité d'entreprise.

Article 6. - Offres d'emplois. Cet article ne s'applique de plein droit qu'aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle.

Article 9. - Modification dans la situation juridique de l'employeur.

Article 35 C.E. - Travail exceptionnel de nuit, du dimanche et des jours fériés.

Article 46. - Formation professionnelle.

Article 47. - Congé formation.

Article 85. - Interprétation de la convention collective".

Il en résulte que l'article 31 relatif à la prime de vacances n'est pas applicable et que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

Sur les autres demandes :

1°) Il est demandé des dommages et intérêts au titre de la privation d'un avantage collectif.

L'accord du groupe Ipsos du 14 décembre 2000 stipule dans son article 1.1 chapitre 2 que les deux jours de pont accordés selon un usage de l'entreprise sont maintenus et constituent au titre du présent accord, 2 jours de RTT supplémentaire.

Cependant, l'employeur relève que cet accord n'est pas applicable aux enquêteurs et que le salarié ne justifie pas d'une durée hebdomadaire de travail excédant 36,75 heures, dès lors que ces deux jours de pont venaient compenser cette durée hebdomadaire.

En raison du rejet de la demande relative à un contrat à durée indéterminée à temps complet et au regard du temps partiel retenu, cette prétention sera donc rejetée.

2°) Le salarié prétend à des dommages et intérêts pour privation des jours de congé d'ancienneté.

Cet avantage est prévu à l'article 23 de la convention collective précitée.

Cependant, comme relevé précédemment, cet article 23 n'est pas applicable aux enquêteurs au regard de l'accord du 16 décembre 1991.

La demande sera rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

3°) L'employeur demande le remboursement des sommes versées indûment au salarié en soulignant que le taux horaire applicable ne peut être celui de 11,70 € appliqué, mais celui prévu par la convention collective, soit le coefficient 230 lequel implique un taux horaire variable chaque année de 2014 à 2017, successivement 9,78 €, 9,85 €, 9,91 € et 9,97 €.

Toutefois, l'employeur reconnaît lui-même, page 29 de ses conclusions, qu'il a appliqué le taux horaire de 11,70 € à compter du 1er avril 2015 sans réserve.

S'agissant d'un engagement unilatéral de sa part, il ne peut y mettre fin sans l'accord du salarié.

La demande sera écartée.

4°) Il n'y a pas lieu d'ordonner la régularisation des comptes pour la période postérieure à décembre 2017 dès lors qu'il appartient à l'employeur de payer les salaires dus conformément aux décisions de justice rendues lesquelles ont accordé au salarié le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en fixant le salaire mensuel de référence.

5°) La remise de bulletins de salaire devient sans objet.

5°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 1 500 €.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Confirme le jugement du 15 janvier 2015, sauf en ce qu'il condamne la société Ipsos Observer à payer à M. X... la somme de 67,06 € ;

Statuant à nouveau sur ce chef :

- Rejette la demande de M. X... en paiement de dommages et intérêts pour privation des jours de congé liés à l'ancienneté ;

Y ajoutant :

- Rejette les autres demandes ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société société Ipsos Observer et la condamne à payer à M. X... la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros)

- Condamne la société Ipsos Observer aux dépens d'appel ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/01381
Date de la décision : 19/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/01381 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-19;15.01381 ?
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