REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 18 SEPTEMBRE 2018
(n° 428 , 4 pages)
N° du répertoire général : N° RG 18/00432 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LME
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Septembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 18/02847
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 17 Septembre 2018
Décision RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE
COMPOSITION
M. Éric HALPHEN, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président,
assisté de Mme Patricia PUPIER, Greffière
et en présence de Mme Anne BOUCHET, substitut général,
APPELANT
M. LE PREFET DE POLICE
[...]
Représenté par Me Laure X... substituant Me Géraldine Y..., avocat au barreau de Paris
INTIMÉ
M. Adam Z... (personne faisant l'objet des soins)
né le [...] à Dydgoszcz - POLOGNE
sans domicile connu
habituellement hospitalisé à l'hôpital F... A... - en fugue depuis le 29 juin 2015
non comparant, représenté par Maître B... C... G..., avocat au barreau de Paris , toque D1179
ETABLISSEMENT D'HOSPITALISATION
LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL F... A...
[...]
non comparant, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Anne BOUCHET, substitut général,
Par arrêté du 30 avril 2015 faisant suite à un jugement du 29 avril 2015 ayant ordonné l'hospitalisation d'office de l'intéressé, le Préfet de police a ordonné l'admission en soins psychiatriques d'Adam Z... sur le fondement des articles L. 3213-1 et suivants du code de la santé publique. Depuis cette date, l'intéressé a fait l'objet d'une hospitalisation complète au centre hospitalier F... A.... Il relève du régime renforcé.
Par ordonnances des 22 octobre 2015, 13 avril et 6 octobre 2016, 30 mars et 22 septembre 2017 et 15 mars 2018, les juges des libertés et de la détention de Paris ont ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète du patient.
Par requête du 22 août 2018, le Préfet de police a saisi le juge des libertés et de la détention de Paris aux fins d'examen de la situation d'Adam Z... afin de procéder à un contrôle des six mois de la mesure de soins psychiatriques en vertu des dispositions de l'article L.3211-12-1-I 3° du code de la santé publique.
Par ordonnance du 7 septembre 2018, le juge des libertés et de la détention de Paris a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de l'intéressé.
Par déclaration du 11 septembre 2018, réceptionnée et enregistrée au greffe le même jour, le Préfet de police a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 17septembre 2018.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Le représentant du préfet de Police entendu sollicite le maintien de la mesure de soins psychiatriques, en faisant valoir que, compte tenu de la fugue du patient, le traitement n'a pu être mis en place, en soulignant que, puisque Adam Z... relève du régime renforcé prévu par les articles L.3211-12.II et suivants du Code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention ne pouvait ordonner la mainlevée de la mesure sans avoir ordonné deux expertises, et en se réclamant de la jurisprudence constante selon laquelle «le fait que l'on soit sans nouvelle du patient ne peut présumer de la disparition de sa dangerosité à l'égard des tiers et ne permet pas d'établir, à lui seul, que les conditions ayant justifié son admission en soins psychiatriques ne sont plus remplies».
Le conseil d'Adam Z... poursuit pour sa part l'infirmation de la décision, en faisant valoir que son client est en fuite depuis 2015 et qu'on n'a aucune information récente sur sa situation, de sorte que rien ne permet de penser que son état mérite toujours l'hospitalisation complète, s'interrogeant sur le point de savoir combien de temps va durer une telle mesure, et quel sera en définitive son coût.
L'avocate générale se réfère aux documents médicaux figurant à la procédure et notamment au dernier bulletin de situation en date du 14 septembre 2018 pour requérir l'infirmation de l'ordonnance et le maintien de la mesure d'hospitalisation.
Adam Z... n'a pu avoir la parole en dernier du fait de son absence à l'audience, mais parole en dernier a été donnée à son conseil.
MOTIFS
L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'État dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Selon l'article L. 3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'État dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L.3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure.
Avant l'expiration d'un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application des articles L.3211-12, L.3211-12-1 ou L.3213-9-1 du code de la santé publique, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai en application du 2° du présent I ou de l'un des mêmes articles 706-135 du code de procédure pénale, fait courir à nouveau ce délai.
En application des dispositions de l'article 3211-12 II du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 et ne peut décider la mainlevée d'une mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par des psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L.3213-5-1.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier qu'Adam Z... a été admis en soins psychiatriques sous contrainte suite à son interpellation pour des faits d'agression sexuelle et au jugement du tribunal correctionnel de Paris du 29 avril 2015.
Il résulte des pièces médicales figurant au dossier, notamment de l'avis médical du 6septembre 2018, que Adam Z..., homme de 30 ans, sans domicile fixe, sans ressources, polytoxicomane, doit être maintenu sous la forme de l'hospitalisation sous contrainte complète.
Le certificat de situation du 14 septembre 2018 reprend au mot près la même formulation.
Cependant, force est de constater que cette hospitalisation sous contrainte est, dans le cas particulier d'Adam Z..., une simple affirmation abstraite détachée de tout lien avec la situation réelle, puisque l'intéressé, en fugue depuis plus de trois ans, n'est absolument pas hospitalisé.
De surcroît, aucun renseignement n'a été fourni par la préfecture de police sur sa situation actuelle, au point qu'on ignore, non seulement s'il se trouve toujours sur le territoire français, mais même s'il est encore en vie.
On peut, certes, présumer que sa dangerosité n'a pas disparu. On peut aussi, renversant la charge de la preuve et prenant en compte les intérêts de la personne mise en cause, présumer que, les années ayant passé, plus rien dans son état de santé ne milite pour un enfermement.
Surtout, alors que rien ne permet de penser qu'Adam Z... va être retrouvé un jour sur notre territoire, il n'apparaît ni possible ni souhaitable de laisser perdurer durant des années cette situation.
Enfin, s'il est exact que les dispositions de l'article L.3211-12 II imposent qu'une mainlevée de la mesure soit précédée du dépôt de deux expertises, il ne peut être contesté qu'en l'absence du principal intéressé, ces deux expertises ne peuvent être ordonnées.
Il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel,
Confirmons l'ordonnance querellée,
Laissons les dépens à la charge de l'État.
Ordonnance rendue le 18 SEPTEMBRE 2018 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE E... D...
Une copie certifiée conforme notifiée le 18 septembre 2018 par fax à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR Ã son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LRAR
X préfet de police
X avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris