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13/09/2018 | FRANCE | N°17/07122

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 13 septembre 2018, 17/07122


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2018



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° 353 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/07122



Décision déférée à la Cour : Décision du 14 Mars 2017 - Conseil de l'ordre des avocats de PARIS



DEMANDEUR AU RECOURS



Maître David X...

[...]



Comparant



Assisté de Me Serge Y..., de la SCP Y... E..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0198





DÉFENDEUR AU RECOURS



LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

[...]





Représenté et plaidant par Me Baudoi...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2018

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° 353 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/07122

Décision déférée à la Cour : Décision du 14 Mars 2017 - Conseil de l'ordre des avocats de PARIS

DEMANDEUR AU RECOURS

Maître David X...

[...]

Comparant

Assisté de Me Serge Y..., de la SCP Y... E..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0198

DÉFENDEUR AU RECOURS

LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

[...]

Représenté et plaidant par Me Baudoin Z..., de L'AARPI A... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C290

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

- M. Christian HOURS, Président de chambre

- Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre

- Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

- Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

- M. Philippe JAVELAS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Michel LERNOUT, Premier Avocat Général, qui a fait connaître son avis et qui n'a pas déposé de conclusions antérieurement à l'audience.

Par ordonnance en date du 30 Avril 2018, le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a été invité à présenter ses observations.

DÉBATS : à l'audience tenue le 24 Mai 2018, on été entendus :

- Madame LACQUEMANT, en son rapport

- Me Y...,

- Me Z...

- M.LERNOUT,

en ses observations

- Me Y... a eu la parole en dernier.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

* * *

M. David X..., né le [...], a prêté serment le [...]. Il a été admis au tableau le [...] et exerce actuellement sa profession d'avocat au sein de la Selarl 24 Penthièvre dont il est associé.

Par acte de saisine et d'ouverture de l'instance disciplinaire en date du 20 juin 2016, le bâtonnier de Paris, autorité de poursuite, saisi le 7 avril 2016 par Me Stéphane B... d'une plainte déontologique, a, après audition des parties, le 19 avril, par la commission de déontologie en charge des incompatibilités et conflits d'intérêts, décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre de M. X... pour :

- être intervenu en qualité de rédacteur unique de différents actes de prêt et de cession entre M. F... D... et les époux C..., sans veiller à l'équilibre des intérêts des parties conformément aux dispositions de l'article 7.2 alinéa 2 du règlement intérieur national,

- avoir accepté de défendre les intérêts des époux C... dans des procédures judiciaires contre M. F... D... alors qu'il existait un conflit d'intérêts au sens de l'article 4 du règlement intérieur national dans la mesure où M. X... connaissait parfaitement les affaires de M. F... D... et du groupe Spell dont il était le conseil depuis onze ans,

- avoir manqué aux principes essentiels édictés à l'article 1.3 du règlement intérieur national notamment de prudence, diligence, loyauté, délicatesse, honneur et probité en rédigeant des actes en qualité de conseil commun des deux parties pour favoriser l'une des parties contre l'autre, en acceptant de représenter un client contre un ancien client en violation des règles relatives aux conflits d'intérêts et en exploitant les connaissances qu'il avait de ses anciens clients.

Par acte du 17 janvier 2017, et à la suite d'un rapport d'instruction disciplinaire déposé le 18 octobre 2016, M. X... a été cité à comparaître devant le conseil de discipline de l'ordre des avocats de Paris lequel, à l'issue de l'audience du 31 janvier 2017, a, par arrêté du 14 février 2017:

- dit que M. X... s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession de loyauté, délicatesse et probité et avait en conséquence violé les dispositions des articles 1.3, 7.2 et 4 du règlement intérieur national,

- prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de 18 mois assortis du sursis et, à titre de sanction accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier et vice-bâtonnier pendant une durée de 5 ans,

- condamné M. X... aux dépens fixés forfaitairement à la somme de 250 euros.

Par déclaration au greffe du 14 mars 2017, M. X... a formé un recours contre cette décision.

Les parties ont été convoquées par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception.

A l'audience du 24 mai 2018, M. X... a été entendu en ses observations reprenant les conclusions écrites déposées le même jour. Il demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions l'arrêté du 14 février 2017 et de dire n'y avoir lieu à sanction disciplinaire à son encontre.

Le bâtonnier de Paris, autorité de poursuite, a été entendu en ses observations orales concluant à la confirmation de la décision critiquée.

Le ministère public a également été entendu en ses observations orales, rejoignant la position du bâtonnier ès qualités d'autorité de poursuite.

M. X... a eu la parole en dernier.

SUR CE

M. X... soutient que, la matière disciplinaire étant régie par la procédure civile, le conseil de discipline ne peut prononcer une sanction plus lourde que celle réclamée par l'autorité de poursuite, que le conseil a en l'espèce statué ultra petita en prononçant une interdiction d'exercer assortie du sursis alors qu'il avait été sollicité un blâme. Il en déduit que la décision doit par conséquent être infirmée.

Il fait par ailleurs valoir que s'il lui est fait grief d'être intervenu en qualité de rédacteur unique de différents actes entre M. D... et les époux C... et de n'avoir pas veillé à l'équilibre des parties, la citation ne vise pas précisément les faits incriminés.

Il soutient qu'il n'a pas failli à son obligation de veiller aux intérêts respectifs des parties lors des actes de prêt dont il a été le rédacteur unique et n'a pas favorisé les époux C... au détriment de M. D..., faisant à cet égard observer que ce dernier est un homme d'affaires avisé, capable d'apprécier la portée de ses engagements, tandis que les époux C... sont des médecins retraités ignorant tout du monde des affaires, qu'eu égard aux difficultés financières des sociétés de M. D..., la garantie réelle constituée par la cession des parts de ces sociétés était des plus discutable dès lors que leur valorisation effective n'était pas déterminée, que l'état réel de l'endettement des sociétés était inconnu et que les parts cédées étaient difficilement négociables, ajoutant que les actes signés n'étaient pas déséquilibrés au détriment de M. D..., seuls les époux C... prenant un risque en remettant la somme de 1 000 000 euros en échange d'un simple engagement de remboursement garanti par les parts d'une société dont ils ignoraient l'état réel de déconfiture, que la sûreté proposée par M. D... s'est révélée inefficace, la société Spell ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire avec un passif déclaré de plus de 15 000 000 d'euros, que s'il était informé des affaires de son client et savait que celui-ci avait des besoins de trésorerie importants, notamment en raison de nouveaux investissements qu'il souhaitait réaliser, il ne soupçonnait pas l'ampleur de l'état d'endettement du groupe, que s'il avait souhaité favoriser les époux C..., il aurait déconseillé le prêt de 1 000 000 euros avec pour seule garantie la cession des actions d'une société qui cumulait près de 16 000 000 euros de dettes, que M. D... n'a au demeurant pas considéré qu'il avait été abusé au mois de janvier 2015 puisqu'il s'est à nouveau adressé aux époux C... au mois de septembre 2015 pour solliciter un prêt de 1 500 000 euros en offrant en garantie les parts sociales qu'il possédait au sein de la société Alexandre III, étant précisé qu'il a été assisté dans le cadre de cette opération par Me Stéphane B....

M. X... ajoute qu'outre qu'il n'est pas démontré que M. D... aurait été lésé de quelque manière que ce soit par les actes qu'il a signés, la décision dont appel ne précise pas les informations confidentielles concernant son ancien client dont il aurait pu faire usage dans l'intérêt des époux C.... Enfin, il indique qu'un accord a été trouvé entre ces derniers et M. D... au mois de mars 2017.

Il conteste les manquements aux dispositions des articles 1.3 et 4 du RIN et l'existence d'un conflit d'intérêts, faisant valoir qu'il n'a fait délivrer, aux noms des époux C..., une assignation à M. D... au mois de mai 2015 que pour faire réagir celui-ci qui n'honorait plus les échéances et ne répondait pas aux demandes amiables qui lui étaient adressées, qu'il avait été convenu entre les parties qu'il procurerait un titre exécutoire aux prêteurs en cas de difficultés dans le remboursement du prêt, que M. D... ne lui a d'ailleurs adressé aucun reproche lors de la délivrance de cette assignation, laquelle a permis aux parties de se rapprocher, l'ensemble des protagonistes ayant continué à collaborer y compris lors de la conclusion du dernier prêt consenti à M. D... au mois d'octobre 2015, qu'il n'est nullement démontré qu'il ait exploité les connaissances qu'il avait des affaires de M. D... pour engager une procédure de recouvrement à son encontre et qu'il n'a jamais manqué aux principes de loyauté, de diligence, de délicatesse et d'honneur.

Il conteste enfin avoir manqué au principe de probité en se faisant payer par M. D... ses honoraires, restés impayés pour 183 503,87 euros, à l'aide de l'emprunt souscrit par celui-ci, cet emprunt ayant pour objet notamment de régler les créanciers dont il faisait partie, étant observé qu'il a restitué le chèque qui lui avait été remis à cet effet dès que son client lui a déclaré qu'il avait un besoin de trésorerie complémentaire, ce dernier lui ayant alors remis cinq chèques tirés sur la société Planet Fac, qui ont finalement été impayés.

Il ressort des pièces produites et des déclarations des parties que :

- M. X... était depuis plus de dix ans l'avocat de M. Adrien F... D..., dirigeant de la société Spell détenant des participations dans de nombreuses sociétés exploitant des bars, boites de nuit et restaurant à Paris ;

- le groupe connaissant des difficultés financières et recherchant des financements, M. X... a présenté à M. D... les époux C..., qui étaient des amis de ses parents, lesquels ont, en 2013 et 2014, consenti à une filiale du groupe Spell deux prêts de 400 000 euros et 700 00 euros, qui ont été remboursés sans difficultés ;

- le 29 janvier 2015, selon acte rédigé par M. X..., les époux C... ont consenti à M. D... un nouveau prêt de 1 000 000 euros remboursable sur 12 mois au taux d'intérêt de 3,50% ; en garantie de ce prêt, M. D... a consenti le même jour aux époux C... la cession des 4 000 parts constituant le capital de la société Spell au prix de 4 000 euros, l'acte étant rédigé par M. X..., lequel a été institué séquestre de l'acte de cession aux termes d'une convention qui prévoyait qu'en cas de non-remboursement du prêt aux dates convenues, il procéderait immédiatement à l'enregistrement de l'acte de cession des parts sociales auprès des services fiscaux puis aux formalités usuelles liées à la modification du capital social ainsi qu'à la révocation de M. D... de ses fonctions de gérant ;

- les 23 et 27 octobre 2015, les époux C... ont consenti à M. D... un prêt de 1500000 euros pour une durée d'un mois, moyennant des intérêts fixés à la somme de 160 000 euros payable le 27 novembre 2015 ; en garantie de ce prêt, un acte de cession des parts sociales de la société Alexandre III, dont M. D... était l'unique actionnaire, a été consenti aux époux C... puis un acte de cession des actions de la société Faust acquises par M. D... de la société ESD Consulting leur a été consenti avec faculté pour M. D... de procéder au rachat de ces titres ;

- à l'exception du dernier prêt pour lequel Me B... est intervenu aux côtés de M. D..., M. X... était l'unique rédacteur des actes de prêt et des actes de cession ;

-M.D... s'étant montré défaillant dans le remboursement du prêt consenti en janvier 2015, M. X... lui a adressé une mise en demeure pour le compte des époux C... le 30 avril 2015 puis lui a fait délivrer, le 15 mai 2015, une assignation en référé aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 000 euros ;

- les époux C..., représentés par M. X..., ont également fait assigner en liquidation judiciaire la société Planet Fac dont M. D... était le gérant ;

- par mail du 31 décembre 2015, M. D... a adressé divers griefs à M. X..., lui reprochant d'être en situation de conflit d'intérêt et de lui avoir fait signer des actes au profit des époux C... ;

- le 4 janvier 2016, M. X... lui a répondu qu'il se dessaisissait de l'ensemble de ses dossiers;

- les époux C... ont, au mois de février 2016, fait valoir les garanties dont ils disposaient sur la holding Spell et la société Alexandre III et ont déposé au greffe du tribunal de commerce les actes de cession dont ils étaient bénéficiaires et révoqué M. D... de ses fonctions de gérant ; M. X... les a alors représentés dans les différents litiges les ayant opposés à M. D... ;

- à la demande de la commission de déontologie, M. X... a renoncé à conseiller et assurer la défense des époux C... dans toutes les procédures les opposant à M. D... et aux sociétés du groupe Spell.

Il n'est nullement démontré qu'un simple blâme ait été sollicité par l'autorité de poursuite devant le conseil de l'ordre lors de sa séance du 31 janvier 2017.

De surcroît, le conseil de l'ordre statuant en matière disciplinaire, saisi des faits qui lui sont soumis, n'est pas tenu par la sanction sollicitée par l'autorité de poursuite et peut prononcer une sanction plus lourde que celle qui aurait été requise.

Le moyen soulevé à ce titre sera rejeté.

Contrairement à ce que soutient M. X..., la citation qui lui a été délivrée le 17 janvier 2017, après avoir exposé les faits, mentionne précisément, outre les fondements textuels invoqués, les griefs retenus à son encontre, à savoir de n'avoir pas veillé à l'équilibre des intérêts des parties lorsqu'il est intervenu en qualité de rédacteur unique des actes conclus entre M. D... et les époux C..., d'avoir accepté de défendre les intérêts des époux C... dans des procédures judiciaires contre M. D... alors qu'il existait un risque de conflit d'intérêts dès lors qu'il avait été l'avocat de M. D... et du groupe Spell pendant plus de 12 ans, d'avoir manqué de prudence, de diligence, de loyauté, de délicatesse, d'honneur ou de probité en agissant en qualité de conseil commun de deux parties, en favorisant l'une des parties contre l'autre, en acceptant de représenter un client contre un ancien client, en violation des règles de conflit d'intérêts et en exploitant les connaissances qu'il avait des affaires de ses autres clients. Etait joint à cette citation le rapport d'instruction disciplinaire.

En vertu de l'article 1.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, «les principes essentiels de la profession guident le comportement de l'avocat en toutes circonstances. L'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence», la méconnaissance d'un seul de ces principes, règles et devoirs, constituant, en application de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991, une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire.

L'article 4 du même règlement précise les dispositions relatives aux conflits d'intérêts.

L'article 7.2 rappelle que l'avocat seul rédacteur d'un acte veille à l'équilibre des parties.

Le conseil de l'ordre a retenu que M. X... avait méconnu les dispositions des articles 4 et 7.2 du RIN et manqué aux principes de loyauté, délicatesse et probité.

Il ressort des éléments de faits ci-dessus exposés qu'alors qu'il était l'avocat depuis plus de dix ans de M. D... et des sociétés détenues et dirigées par celui-ci et avait en conséquence une parfaite connaissance des affaires de ses clients et de leur situation économique, il a mis en relation M. D... avec les époux C... qu'ils connaissaient par ailleurs pour être des amis de ses parents. M. X... a alors été l'unique rédacteur de trois prêts dont le troisième en 2015 pour une somme conséquente de 1 000 000 euros avec pour garantie la cession des actions de la société Spell au prix de 4 000 euros. Il n'est pas démontré que M. X... se soit assuré que la garantie était en adéquation avec la somme prêtée, ni que M. D... était en capacité d'honorer les échéances du prêt devant être remboursé sur une courte période. M. X... indique lui-même devant la cour, après avoir déclaré devant l'instructeur désigné par le bâtonnier que les actifs de la société Spell permettaient de garantir les sommes empruntées, que la garantie réelle constituée par la cession des parts de la société Spell était des plus discutable dès lors que leur valorisation effective n'était pas déterminée, que l'état réel d'endettement des sociétés était inconnu et que les parts cédées étaient difficilement négociables. Dans ces conditions, M. X... ne peut utilement soutenir qu'il a veillé à l'équilibre des intérêts des parties à l'occasion de l'acte qu'il a rédigé le 29 janvier 2015, étant rappelé qu'il ne peut se dispenser de respecter les règles essentielles de sa profession en arguant de la compétence de ses clients.

C'est dès lors à juste titre que le conseil de l'ordre a retenu à son encontre un manquement à l'article 7.2 du RIN.

Par ailleurs, M. D... n'ayant pas honoré les premières échéances de ce prêt, M. X..., alors qu'il avait été son avocat durant plus de dix ans et n'avait pas encore été dessaisi par lui, l'a fait assigner devant le juge des référés pour le compte des époux C... au mois de mai 2015, sans justifier de son accord écrit pour une telle démarche. Ces derniers, représentés par M. X..., ont en outre fait assigner la société Planet Fac détenue par M. D... aux fins de voir prononcer sa liquidation judiciaire. A la suite de la révocation de M. D... de ses fonctions de gérant, M. X... a représenté, contre ce dernier, les intérêts des époux C..., de la société Spell et de son nouveau gérant alors qu'il avait eu à connaître des intérêts de M. D... lorsqu'il était gérant de la société Spell.

Le risque de conflit d'intérêts et la violation de l'article 4 du RIN sont manifestes ainsi que l'a retenu le conseil de l'ordre, peu important que M. D... n'ait pas soulevé de difficultés en mai 2015 lorsqu'il a été assigné en référé, cette absence de réaction s'expliquant par sa détresse financière et sa volonté de se voir consentir d'autres prêts, ce qu'il a obtenu au mois d'octobre 2015, un nouvel acte de prêt étant rédigé par M. X..., M. D... étant toutefois assisté et conseillé par un autre avocat en la personne Me B.... Enfin, il sera ajouté que s'il n'est pas démontré que M. X... ait effectivement utilisé des informations qu'il détenait concernant M. D... et ses sociétés lorsqu'il a conseillé et représenté les époux C... contre ses anciens clients, il n'en demeure pas moins qu'il détenait des informations stratégiques, que le risque de conflit d'intérêts était réel et qu'il n'a pas agi loyalement envers son ancien client en représentant les époux C... contre lui, et ce d'autant qu'il avait été le conseil unique de l'ensemble des parties lors de la rédaction des trois premiers actes de prêt.

M. X... a encore manqué au principe de délicatesse en représentant des clients contre un ancien client dont il avait été le conseil pendant plus de dix ans, une telle collaboration témoignant de la confiance que lui portait ce dernier.

Le conseil de l'ordre a ainsi à juste titre retenu à l'encontre de M. X... des manquements aux principes de loyauté et délicatesse, édictés à l'article 1.3 du RIN.

Le manquement à la probité n'apparaît en revanche pas caractérisé par le seul fait que les honoraires de M. X..., d'un montant de 183 503 euros, devaient être réglés à l'aide du prêt de 1 000 000 euros souscrit en janvier 2015 pour notamment régler les créanciers de M. X....

Au regard de l'importance des manquements commis et aux conséquences de ceux-ci eu égard aux sommes et aux intérêts en jeu et en tenant compte de la personnalité de M. X... qui n'avait jusque là pas fait l'objet de sanctions disciplinaires et du fait que le manquement à la probité n'est pas retenu, il convient de prononcer une interdiction temporaire d'exercice pour une durée de 12 mois, assortie du sursis, l'arrêté étant infirmé de ce chef mais confirmé du chef de la peine accessoire de la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier et vice-bâtonnier pendant une durée de 5 ans.

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'arrêté du 14 février 2017 sauf en ce qu'il a retenu un manquement à la probité et sur le quantum de la sanction principale ;

Statuant à nouveau du chef des seules dispositions infirmées,

Dit que M. X... n'a pas commis de manquement à la probité ;

Prononce à son égard, pour les manquements retenus, la peine principale de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de 12 mois, assortie du sursis, la peine accessoire étant confirmée ;

Condamne M. X... aux entiers dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/07122
Date de la décision : 13/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/07122 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-13;17.07122 ?
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