Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/03832
Décision déférée à la cour : jugement du 07 février 2017 -tribunal de commerce de PARIS - RG n° [...]
APPELANTE
SAS T.S.B.V
Ayant son siège social [...]
N° SIRET : 451 974 810
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant pour avocat plaidant Maître Gabriel X..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1300
Représentée par Maître Frédéric Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
INTIMÉE
SARL EXO STORE
Ayant son siège social [...]
N° SIRET : 402 141 238
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Michel Z... de la SELARL Z... ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Maître Philippe A... de la SELARL A... ET ASSOCIES, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 539
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère
Madame Anne DU BESSET, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Patrick BIROLLEAU, Président de chambre et par Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Messieurs B..., C... et D... ont constitué en 1995 la société Exo Store qui exploite un supermarché ainsi qu'une activité de demi-gros dans le domaine des produits alimentaires asiatiques. Monsieur D... a assuré la gérance de cette société jusqu'au 30 juin 2005, date à laquelle il a donné sa démission ; il est, par ailleurs, associé majoritaire et gérant d'une autre société TSBV Cash & Carry (TSBV), exerçant une activité de vente de gros de produits alimentaires.
Les 26 août et 1er septembre 2005, deux chèques, datés respectivement des 28 et 30 juin 2005, pour une valeur de 208.727,07 euros, ont été établis à l'ordre de la société TSBV par la société Exo Store, signés par Monsieur D... et encaissés par la société TSBV.
Trois autres chèques ont également été émis pour un montant de 162.341,08 euros par la société Exo Store au nom de TSBV, mais ont été rejetés.
Le 21 septembre 2005, la société Exo Store, invoquant des incohérences comptables, notamment quant à la variation des stocks entre 2004 et 2005, ainsi que la vente à la société TSBV de trois véhicules appartenant à la société Exo Store «pour un prix dérisoirepar rapport à leur valeur réelle», a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de Monsieur D... des chefs d'abus de biens sociaux, escroquerie, faux et usage de faux.
Par ordonnance du 23 septembre 2005, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a autorisé la société Exo Store à faire pratiquer une saisie conservatoire sur les compte bancaires de la société TSBV à hauteur de 210.000 euros. Par arrêt du 2 novembre 2006, la cour d'appel a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire.
Par ordonnance du 10 novembre 2008, le juge d'instruction a désigné un expert avec mission, notamment, de rechercher si les factures de la société TSBV, pour un montant de 208.727,07 euros, correspondaient à des livraisons effectives de marchandises à la société Exo Store ; l'expert a son rapport déposé le 31 mars 2010.
Par jugement du 10 juillet 2013, le tribunal correctionnel de Paris a retenu la responsabilité pénale de Monsieur D... et de la société TSBV sur les faits dont il était saisi mais ne les a pas condamnés au titre de l'action civile sur les deux chèques litigieux. Par arrêt du 21 janvier 2015, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement déféré sauf sur le quantum des sanctions pénales. Par arrêt du 19 mai 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Monsieur D... et la société TSBV contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris.
Par acte introductif d'instance en date du 17 octobre 2005, la société Exo Store a assigné la société TSBV devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes de 208.727,07 euros, montant des deux chèques tirés par Monsieur D..., et de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement rendu le 7 février 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société TSBV à payer à la société Exo Store la somme de 208.727,07 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2005, lesdits intérêts devant être capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil ;
- débouté la société TSBV de toutes ses demandes reconventionnelles à toutes fins qu'elles comportent et notamment de sa demande en paiement d'une somme de 162.241,08 euros ;
- condamné la société TSBV à payer à la société Exo Store la somme de 10.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société TSBV aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
Vu l'appel interjeté le 20 février 2017 par la société TSBV Exo Cash & Carry à l'encontre de cette décision ;
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PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société TSBV Cash & Carry, par conclusions signifiées le 5 mai 2017, demande à la cour, au visa des articles 1104, 1343-2 et 1240 du code civil, 480 du code de procédure civile et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 12) du 21 janvier 2015, de :
- infirmer le jugement rendu le 7 février 2017 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- débouter la société Exo Store de toutes ses demandes fins et conclusions;
- condamner la société Exo Store à payer à la société TSBV la somme de 162.341,08 euros (54.382,43 euros + 43.537,15 euros + 64.421,50 euros) au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2005 ;
- ordonner, en application des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil, la capitalisation des intérêts;
- condamner la société Exo Store à payer à la société TSBV la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamner la société Exo Store à payer à la société TSBV la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et pour procédure abusive ;
- condamner la société Exo Store à payer à la société TSBV la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- dire que le recouvrement des dépens d'appel sera poursuivi par Maître Frédéric Y..., avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la société Exo Store n'est pas fondée à demander, sur le fondement de la répétition de l'indu, le remboursement de la somme de 208.727,08 euros correspondant au montant des deux chèques émis les 28 et 30 juin 2005 ayant fait l'objet de l'instance pénale entre les parties. Elle soutient :
- d'une part, que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 janvier 2015, qui relaxé la société TSBV du chef d'accusation d'escroquerie en affirmant que rien ne permettait d'affirmer que les marchandises justifiant l'émission des deux chèques litigieux n'aient pas été livrées a, au civil, autorité de la chose jugée ;
- d'autre part, qu'il appartient au demandeur en restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver que ce qui a été payé n'était pas dû, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, même si les documents commerciaux ne répondent pas à certaines normes comptables, cette circonstance ne permettant pas de retenir l'absence de livraison.
Reconventionnellement, elle demande le paiement de la somme de 162.341,08 euros au titre d'autres factures que celles ayant fait l'objet de l'instance pénale puisque sa créance a été démontrée par le versement aux débats de diverses factures et bons de commande détaillés ; elle souligne que le fait de passer une commande sur papier libre et de ne pas mentionner les adresses des clients ne démontre ni une irrégularité ou une absence de livraison et lesdits chèques correspondant à des marchandises effectivement livrées par la société TSBV à la société Exo Store.
La société Exo Store, par dernières conclusions signifiées le 3 juillet 2017, demande à la cour, au visa des articles 1235, 1376, 1378, 1154 anciens du code civil, de:
- confirmer le jugement déféré;
- condamner la société TSBV à payer à la société Exo Store la somme de 208.727,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 août et du 1er septembre 2005 ou subsidiairement du 17 octobre 2005, date de l'assignation, lesdits intérêts devant être capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil;
- condamner la société TSBV à payer à la société Exo Store la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans caution;
- débouter par ailleurs la société TSBV de toutes ses demandes reconventionnelles à toutes fins qu'elles comportent et notamment de sa demande de paiement d'une somme de 162.341,08 euros;
Y ajoutant,
- condamner la société TSBV à payer à la société Exo Store la somme supplémentaire de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Subsidiairement,
- désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission, connaissance prise des bons de livraison, bons de commande et factures produits par la société TSBV à l'appui de sa demande en paiement de la somme de 162,341,08 euros, de rechercher si les factures correspondant au montant de cette créance prétendue sont justifiées par des commandes avérées passées par la société Exo Store et des livraisons effectives des marchandises facturées;
- fixer, en cette hypothèse, la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée aux frais avancés de la société Exo Store ;
- dire que l'expert devra accomplir sa mission dans le respect du principe du contradictoire et établir du tout un rapport dans le délai qui lui sera imparti;
Dans tous les cas,
- condamner la société TSBV aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par la SELARL Z... et associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. .
Elle fait valoir que la décision de la cour d'appel de Paris du 21 janvier 2015, qui n'a pas retenu l'escroquerie sur le plan pénal faute d'élément pour affirmer que les marchandises n'avaient pas été livrées, n'a pas pour conséquence de contraindre le juge civil à considérer que l'obligation de la société TSBV, à savoir la livraison des marchandises, a été remplie. Elle ajoute que, tant dans le cas des factures ayant fait l'objet de l'instance pénale que dans le cas des factures n'ayant pas fait l'objet de cette instance, la société TSBV ne rapporte pas la preuve ni de la réalité des commandes ni de la réalité d'une livraison des marchandises concernées.
Elle fait également valoir qu'elle est fondée à demander le remboursement de la somme de 208.727,08 euros au titre de la répétition de l'indu dans la mesure où la preuve de la réalité des commandes et des livraisons des marchandises n'est pas rapportée par la société TSBV, les factures émises, notamment celles relatives aux commandes alimentaires, laissant planer un doute quant à leur authenticité et leur fiabilité et n'étant, par ailleurs, justifiées par aucun bon de commande.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
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MOTIFS :
Sur la demande principale de la société Exo Store
Considérant que la société Exo Store réclame à la société TSBV le paiement des deux chèques qu'elle a émis les 26 août et 1er septembre 2005, pour un montant total de 208.727,08 euros ; qu'elle fonde son action sur la répétition de l'indu en application de l'article 1235, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, qui dispose que 'tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition' ;
Considérant que le tireur d'un chèque, payé par la banque, peut exercer l'action en répétition de l'indu s'il rapporte la preuve qu'aucune dette entre les deux parties ne justifiait le paiement du chèque ; que la charge de la preuve incombe au tireur, non au bénéficiaire du chèque ;
Qu'en l'espèce, la société Exo Store, qui se borne à affirmer que les marchandises facturées par TSBV n'ont pas été livrées, ne rapporte pas une telle preuve, l'expert judiciaire observant à cet égard, ainsi que le retient l'arrêt rendu le 21 janvier 2015 par le pôle 5 - chambre 12 de la cour d'appel de Paris qu' «il n'avait pas été possible d'obtenir de la société Exo Store elle-même l'intégralité des factures et des bons de livraison» (pièce TSBV n° 15 - page 14), éléments qu'elle ne communique pas davantage en cause d'appel; qu'en conséquence, la cour déboutera la société Exo Store de sa demande et infirmera en ce sens le jugement entrepris ;
Sur la demande reconventionnelle de la société TSBV
Considérant que la société TSBV réclame à la société Exo Store le paiement de différentes factures pour un montant de 162.341,08 euros ;
Considérant que la société TSBV produit vingt-quatre bons de commande, factures et chèque correspondant, pour un montant total de 43.537,15 euros (pièces TSBV n°7 et 8), quarante-trois bons de commande, factures et chèque correspondant, pour un montant total de 54.382,43 euros (pièces TSBV n°9 et 10) et quarante-sept bons de commande, factures et chèque correspondant à un montant de 64.421,50 euros (pièces TSBV n°11 et 12) ; qu'en paiement des marchandises correspondantes, trois chèques ont été émis le 30 juin 2005 par la société Exo Store, d'un montant respectif de 54.382,43 euros, 43.537,15 euros et 64.421,50 euros, chèques libellés et signés par Monsieur D... en qualité de gérant de la société Exo Store au bénéfice de la société TSBV et rejetés lors de leur présentation ;
Considérant que les éléments produits par TBSV (bons de commande, factures) sont en concordance avec les montants réclamés ; que ces montants ont été passés par TBSVau compte tiers Exo Store versé aux débats, document comptable qui fait preuve en application de l'article L.123-23 du code de commerce ; qu'en émettant, le 30 juin 2005, les trois chèques en cause à l'ordre de TBSV, la société Exo Store a reconnu le caractère liquide et exigible de la créance invoquée par TBSV ; que cette dernière est en conséquence fondée, sans que soit nécessaire le recours à une mesure d'expertise judiciaire, à réclamer le paiement de la somme totale de 162.341,08 euros ; que la cour condamnera au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2005, et capitalisation des intérêts, et infirmera en ce sens le jugement entrepris ;
Considérant que, sur sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, TBSV ne rapporte pas la preuve d'un préjudice autre que celui réparable par l'octroi des intérêts de retard ; que, sur sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, l'exercice d'une défense en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; qu'une telle faute n'est pas en l'espèce établie ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté TBSV de ses demandes de dommages et intérêts ;
Considérant que l'équité commande de condamner Exo Store à payer à TBSV la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la SARL TSBV Exo Cash & Carry de ses demandes de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau ;
DEBOUTE la SARL Exo Store de sa demande ;
CONDAMNE la SARL Exo Store à payer à la SARL TSBV Exo Cash & Carry la somme de 162.341,08 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2005 ;
ORDONNE la capitalisation en application de l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antèrieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
CONDAMNE la SARL Exo Store à payer à la SARL TSBV Exo Cash & Carry la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL TSBV Exo Store aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président
Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU